
La promesse d’Emmanuel Macron semble intenable. Adrien Fillon / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Remplacer « tous » les profs absents : la mission impossible de Macron
Paroles, paroles, paroles
Publié le 18/04/2023 à 17:41
Pour les représentants des enseignants, en froid avec le ministère de l’éducation nationale, le gouvernement entend monter une « usine à gaz » salariale pour « faire travailler plus les enseignants ».
À entendre Emmanuel Macron lors de son allocution lundi 17 avril, tout va changer, en mieux, en matière d’éducation dès le mois de septembre. « Pour les enseignants qui seront mieux rémunérés, pour les élèves qui seront davantage accompagnés en français et en mathématiques, pour leurs devoirs, et pratiqueront plus de sport à l’école, pour les parents qui verront le remplacement systématique des enseignants absent », a-t-il dit. De quoi faire ( momentanément ) briller les yeux des parents d’élèves.
Emmanuel Macron devrait accompagner le ministre Pap Ndiaye, jeudi 20 avril, lors d’un déplacement dans le sud-est pour « faire des annonces » sur ces différents sujets, nous dit-on. Faut-il vraiment s’attendre à des lendemains qui chantent ? Ces chantiers déjà en cours ont fortement tendu les relations entre les syndicats d’enseignants et la rue de Grenelle ces dernières semaines. En particulier celui du remplacement des professeurs absents. En échange d’une meilleure rémunération, la rue de Grenelle espère pouvoir mobiliser un quart des enseignants du second degré. Et compenser les absences inférieures à trois semaines. Aujourd’hui, dans les collèges et lycées, la majorité ne sont pas remplacées.
15 MILLIONS D’HEURES DE COURS PERDUES CHAQUE ANNÉE
Chaque année, 15 millions d’heures de cours sont perdues, et les associations de parents d’élèves font régulièrement connaître leur exaspération face à ce qu’ils dénoncent comme un manque d’efficience du service public. Un tiers de ces heures sont perdues pour des raisons institutionnelles et des formations, un tiers pour l’organisation des examens, un autre tiers en raison des congés maladies des professeurs. C’est ce dernier tiers que le ministère entend idéalement combler. Toutes les absences ne seront donc évidemment pas compensées contrairement à ce qu’affirme Emmanuel Macron.
Si le système de remplacement pourrait et devrait, certainement, être amélioré concernant ces congés maladie, la promesse présidentielle est intenable pour des raisons à la fois pratiques et idéologiques. Les syndicats d’enseignants ont toujours été opposés aux remplacement internes, considérant qu’il n’était ni judicieux, ni pédagogique, ni possible de remplacer un collègue au pied levé. Ils estiment par ailleurs qu’il s’agit d’un surcroît de travail. Ils ont eu la peau depuis une vingtaine d’années de tous les protocoles mis en place sur ce sujet par différents gouvernements lesquels s’appuient notamment sur ce qui se fait dans l’enseignement privé sous contrat. Même moyennant finances, le ministère aura du mal a trouver des volontaires en nombre suffisant.
Pour Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du SNPDEN-Unsa, principal syndicat des chefs d’établissements, il faudrait surtout « que l’Etat s’engage à avoir des viviers de remplaçants. Et pour cela, il faut plus de moyens sur la table ». « Comment Emmanuel Macron peut-il arriver à remplacer (les enseignants absents) dès la rentrée, sans plus de moyens et plus de professeurs?, renchérit le président de la fédération d’élèves FCPE, Grégoire Ensel. Cette promesse n’est pas réalisable ». Ni Emmanuel Macron ni le ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, n’ont abordé le sujet des remplacements en maternelle et élémentaire. Or « on va supprimer des postes à la rentrée, ce n’est pas comme ça qu’on pourra assurer les remplacements », relève Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire.
LA CRAINTE D’UNE USINE À GAZ
Le dialogue est aujourd’hui peu concluant. Le 6 mars dernier, les syndicats posaient sur le perron du ministère, tous unis contre la partie « pacte » des négociations salariales en cours pour les enseignants. Si le premier volet « socle » propose des augmentations sans conditions concernant principalement les professeurs en première partie de carrière (1,9 milliard d’euros budgété en année pleine), le volet « pacte » doit quant à lui permettre de payer davantage les enseignants qui s’engagent dans des missions supplémentaires : dont le fameux remplacement de courte durée des professeurs absents dans les collèges et lycées. Et des heures de soutien en français ou mathématiques en classe de sixième pour les professeurs des écoles dans le cadre de la réforme du collège concoctée par Pap Ndiaye.
La rue de Grenelle insiste fortement pour que l’argent accordé permette « en priorité » d’assurer les remplacements de courte durée en interne. « À chaque établissement d’évaluer le nombre d’heures à rattraper par an », expliquait-on récemment dans l’entourage de Pap Ndiaye où l’on ne souhaite pas que les 300 millions d’euros soient consacrés d’entrée à revaloriser d’autres tâches moins rébarbatives et déjà effectuées par les enseignants, comme les voyages scolaires, l’orientation des élèves, le tutorat, etc. Les syndicats, eux, craignent la mise en place d’une usine à gaz organisationnelle au sein des collèges et lycées. « Depuis le 6 mars, les négociations n’ont pas beaucoup avancé. Le ministère a tenté de renouer le fil après notre départ avec des échanges informels mais très vite, ils nous ont dit que le pacte était incontournable, avec les remplacements, parce que c’est une commande présidentielle. Depuis pas de nouvelles », explique Sophie Vénétitiay, responsable du Snes-FSU, le premier syndicat de l’enseignement secondaire. Difficile dans ces conditions, estime-t-elle, d’aboutir à des augmentations effectives dès septembre prochain.