Les carences de l’Etat en matière de lutte contre la pollution de l’air.

« La faiblesse des plans locaux de qualité de l’air est systémique et persistante en France »

Tribune

Collectif

A l’occasion de la Journée mondiale de la santé, un collectif de scientifiques, d’associations et d’élus, parmi lesquels David Belliard, Eric Piolle et Marie Pochon dénonce, dans une tribune au « Monde », les carences de l’Etat en matière de lutte contre la pollution de l’air.

Publié le 07 avril 2023, modifié le 07 avril 2023 à 16h27  Temps de Lecture 3 min.  https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/07/la-faiblesse-des-plans-locaux-de-qualite-de-l-air-est-systemique-et-persistante-en-france_6168614_3232.html

En France, la pollution de l’air est responsable de plus de 40 000 décès prématurés par an, dont plus de 4 300 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, d’après les chiffres de Santé publique France.

En 2021, une étude coordonnée par l’université Harvard (Etats-Unis) a même réévalué le nombre de décès prématurés en France à près de 100 000.

Au-delà de cet état de fait, les études se multiplient pour montrer le lien entre la pollution de l’air et différentes maladies : asthme, maladies cardio-vasculaires et pulmonaires, cancers, maladies du foie, ou d’autres de type Alzheimer ou Parkinson. La pollution de l’air est ainsi avant tout une question de santé publique.

C’est aussi un enjeu de justice sociale. De fait, les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont le plus exposées aux pollutions. Dans l’agglomération lyonnaise par exemple, les personnes vivant à proximité des grands axes routiersou autour de la « vallée de la chimie », dont les revenus sont en moyenne plus faibles, sont aussi celles qui souffrent le plus de la pollution de l’air.

Cent milliards d’euros par an

Ces impacts ont un coût, sanitaire et socio-économique, estimé par le Sénat à près de 100 milliards d’euros par an en France. Si un tel constat est alarmant, le plus inquiétant est le décalage entre les enjeux soulevés par la pollution de l’air et les mesures pour le moins insuffisantes engagées par l’Etat et ses services.

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En octobre 2022, le Conseil d’Etat condamnait à nouveau l’Etat pour son inaction en matière de pollution de l’air, et plus précisément pour son non-respect des normes européennes, notamment dans l’agglomération lyonnaise. La France ne fait toujours pas assez pour protéger ses citoyens et leur offrir un air sain, conformément à l’obligation édictée par la loi sur l’air de 1996. En septembre 2022, le Conseil d’Etat reconnaissait aussi le droit de toutes et de tous à vivre dans un environnement sain comme liberté fondamentale.

Pourtant, l’exécutif possède plusieurs leviers d’action permettant de limiter la pollution de l’air, dont les plans de protection de l’atmosphère (PPA), mis en place par les préfectures pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants. A Lyon, la deuxième version du PPA (PPA-2) avait été reconnue en 2019 comme insuffisante par le tribunal administratif. En novembre 2022, la nouvelle version du PPA (PPA-3) a été adoptée.

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Ce nouveau plan aurait pu être l’occasion pour l’Etat de rehausser ses ambitions contre la pollution de l’air, mais il demeure insuffisant et incohérent. En effet, peu d’objectifs sont chiffrés, les calendriers de mise en œuvre des mesures sont trop peu ambitieux et rarement précisés, et il est déjà certain que les moyens alloués par l’exécutif seront insuffisants pour mettre en œuvre la totalité des mesures prévues.

Des plans de lutte protecteurs

Pour toutes ces raisons, et parce que protéger la santé de tous ainsi que l’environnement devrait être la priorité de l’Etat, plusieurs associations et habitants de l’agglomération lyonnaise ont décidé de demander l’annulation du PPA-3 lyonnais, afin de faire reconnaître son insuffisance et d’en obtenir une version plus ambitieuse.

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Cette problématique n’est pas spécifique à l’agglomération lyonnaise : la faiblesse des plans locaux de qualité de l’air est systémique et persistante, et doit être dénoncée partout. Depuis plusieurs mois, d’autres PPA sont remis en question : par les Amis de la Terre Marseille en ce qui concerne l’agglomération marseillaise, par le Collectif Citoyen 06 pour l’agglomération niçoise, par la mairie de Grenoble pour l’agglomération grenobloise

Nous, scientifiques, représentantes et représentants de la société civile, avocats, politiques, citoyens, appelons à des plans locaux de lutte contre la pollution de l’air réellement protecteurs.

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Nous demandons que la pollution de l’air soit désormais considérée comme un enjeu prioritaire de santé publique et de lutte contre les inégalités sociales et environnementales. Nous exigeons un droit à respirer !

Signataires : Gabriel Amard, député (La France insoumise-Nupes) de la sixième circonscription du Rhône ; David Belliard, maire adjoint à Paris chargé de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie ; Florian Brunet, directeur de France Nature Environnement, Rhône ; Thomas Dossus, sénateur (groupe Ecologiste-Solidarité et territoires) du Rhône ; Clément Drognat, coordinateur de La Rue est à nous, Lyon ; Emma Feyeux, présidente de Notre affaire à tous, Lyon ; Marie-Charlotte Garin, députée (Ecologiste-Nupes) de la troisième circonscription du Rhône ; Nadine Lauverjat, directrice générale de Générations Futures ; Dan Lert, maire adjoint de Paris chargé de la transition écologique, de l’eau et de l’énergie ; Eric Piolle, maire (EELV) de Grenoble ; Marie Pochon, députée (Ecologiste-Nupes) de la troisième circonscription de la Drôme ; Tony Renucci, directeur général de Respire ; Anne Souyris, maire adjointe de Paris sur la santé publique et environnementale, la lutte contre les pollutions et la réduction des risques ; Jérémie Suissa, délégué général de Notre affaire à tous.

La liste complète des signataires peut être consultée ici  

Collectif

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*La pollution de l’air accroît le risque d’AVC, de maladies cardiovasculaires et de décès

Une étude conduite au Royaume-Uni décortique l’impact sanitaire de l’exposition à certains polluants atmosphériques, comme les particules fines ou le dioxyde d’azote. 

Par Sylvie Burnouf

Publié le 30 septembre 2022, modifié le 30 septembre 2022 à 21h13

https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/30/la-pollution-de-l-air-accroit-le-risque-d-avc-de-maladies-cardiovasculaires-et-de-deces_6143872_3244.html

Temps de Lecture 3 min. 

A Primrose Hill, un quartier du nord de Londres, lors d’un pic de pollution atmosphérique, en mars 2022.
A Primrose Hill, un quartier du nord de Londres, lors d’un pic de pollution atmosphérique, en mars 2022. JUSTIN TALLIS/AFP

La pollution de l’air pèse sur la santé humaine. Une nouvelle étude, publiée le 28 septembre dans la revue américaine Neurology par Fei Tian, de l’université Sun-Yat-sen à Canton (Chine), et ses collègues confirme que l’exposition à un air pollué, notamment aux particules fines PM2,5 – de diamètre inférieur à 2,5 micromètres (µm) –, augmente le risque de subir un accident vasculaire cérébral (AVC). Mais elle révèle aussi, de façon inédite, que le fait de respirer une atmosphère polluée, en particulier par du dioxyde d’azote (NO2), augmente le risque pour les personnes ayant fait un AVC de développer par la suite une maladie cardiovasculaire.

C’est sur un effectif important que les chercheurs ont travaillé : près de 320 000 personnes âgées de 40 à 69 ans enrôlées dans la UK Biobank. Cette vaste cohorte britannique, dont les données sont facilement accessibles, est idéale pour « permettre aux chercheurs d’identifier les facteurs de risque de beaucoup de maladies complexes survenant à un âge moyen ou avancé », souligne l’un des coauteurs de l’étude, Hualiang Lin.

Près de 6 000 participants à l’étude

Les chercheurs se sont donc intéressés à l’évolution, pendant douze ans en moyenne, des participants de la cohorte sans antécédents d’AVC, de cardiopathies liées à des problèmes vasculaires ou de cancer, et pour lesquels des données d’exposition aux polluants atmosphériques étaient disponibles. Au total, 5 967 ont subi un AVC, dont environ la moitié (2 985) ont par la suite développé une maladie cardiovasculaire (insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, arythmie ou encore maladie coronarienne). Parmi ces derniers, 1 020 sont morts au cours de la période de suivi.

Quel est le rôle de la pollution de l’air vis-à-vis de ces pathologies et de ces morts ? Pour le savoir, les chercheurs ont estimé la concentration annuelle en particules fines (PM2,5 et PM10), en NO2 ou encore en oxydes d’azote (NOx) aux abords du lieu de résidence des participants au début du suivi.

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Sur cette base, et après avoir tenu compte d’une série de facteurs de confusion – notamment tabagisme, consommation d’alcool, indice de masse corporelle (IMC) et pratique d’une activité physique –, les chercheurs ont calculé que le risque de survenue d’un AVC augmentait de 24 % pour chaque hausse de 5 μg de PM2,5 par mètre cube d’air. Un effet plus modeste mais significatif était aussi observé pour le NO2, avec un risque d’AVC augmenté de 2 % pour chaque hausse de 5 μg/m3.

Le risque de mourir sans avoir subi d’AVC était lui aussi augmenté, de l’ordre de 30 % pour chaque hausse de 5 μg/m3de PM2,5, et de 3 % pour chaque hausse de 5 μg/m3 de NO2.

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Mais la question qui taraudait le plus les chercheurs, car encore inexplorée, était celle de savoir si la pollution de l’air pouvait influencer la trajectoire de progression après un AVC : augmente-t-elle le risque de développer ensuite une maladie cardiovasculaire ou de mourir ?

Dommages liés à l’AVC « exacerbés »

S’ils n’ont pas mis en évidence de rôle des particules fines sur ces évolutions, les chercheurs ont néanmoins constaté que chaque hausse de 5 µg de NO2 par mètre cube d’air augmentait de 4 % le risque de maladie cardiovasculaire post-AVC. « Les mécanismes biologiques qui sous-tendent cet effet sont encore flous, [mais] de précédents travaux suggèrent que l’inhalation de NO2 pourrait exacerber les dommages engendrés par un AVC, en mettant en jeu des facteurs endothéliaux [relatifs à la paroi des vaisseaux sanguins] et inflammatoires », expose le docteur Lin.

Pour Basile Chaix, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), la valeur de ce travail tient au fait que la population d’étude est importante. Néanmoins, il regrette que les chercheurs n’aient pas pris en compte deux facteurs de confusion selon lui indispensables : le niveau socio-économique des quartiers de résidence des participants et leur degré d’urbanisation. Les résultats de l’équipe sino-américaine nécessiteront donc d’être confirmés par d’autres études.

« Ce genre d’études montre que les valeurs réglementaires de l’UE ne sont pas du tout assez protectrices pour la santé de la population », selon Bénédicte Jacquemin, chargée de recherche à l’Inserm

Par ailleurs, un surrisque de 4 % pourrait paraître anecdotique – et il est en effet beaucoup plus modeste que celui associé à d’autres facteurs de risque, comme le tabagisme, note Bénédicte Jacquemin, chargée de recherche à l’Inserm. « Sauf que l’impact est important au niveau global, puisque toute la population est exposée, relève-t-elle. Quatre-vingt-dix-neuf pour-cent de la population sont actuellement exposés à des niveaux [de polluants atmosphériques] supérieurs aux valeurs guides limites proposées par l’Organisation mondiale de la santé [OMS]. »

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Et beaucoup d’efforts restent à déployer pour passer sous ces seuils. La France n’est par exemple toujours pas parvenue à respecter les valeurs limites fixées au niveau européen, alors même qu’elles sont moins restrictives que celles de l’OMS.

« Ce genre d’études, comme beaucoup d’études menées dernièrement dans les cohortes européennes, montrent que les valeurs réglementaires de l’Union européenne ne sont pas du tout assez protectrices pour la santé de la population, regrette Bénédicte Jacquemin, qui précise toutefois que ces valeurs sont en cours de révision. Mais il faut rester positif : les niveaux de pollution atmosphérique ont baissé depuis trente ans en Europe et en France, ça montre que les politiques qui visent à diminuer les émissions et les concentrations [de polluants] marchent, donc il faut continuer. »

Sylvie Burnouf

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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