Pour ou contre réintégrer les soignants non vaccinés ?

Publié le 06/03/2023

Obligation vaccinale pour les soignants : on remet une pièce ?

Paris, le lundi 6 mars 2023

https://www.jim.fr/medecin/actualites/pro_societe/e-docs/obligation_vaccinale_pour_les_soignants_on_remet_une_piece__196413/document_actu_pro.phtml

– A rebours de la HAS, la SPILF et l’Académie de Médecine sont favorables au maintien de l’obligation vaccinale contre la Covid pour les soignants.

C’est un débat qui dure depuis maintenant 18 mois et qui pourrait bientôt prendre fin : celui de l’obligation faite aux soignants de se vacciner contre la Covid-19 et de la réintégration des soignants non-vaccinés suspendus. Saisi pour un avis sur la question par le ministre de la Santé François Braun, la Haute Autorité de Santé (HAS) a en effet rendu le 20 février dernier un avis favorable à la levée de l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé, une vaccination qui resterait cependant « fortement recommandée ».

Pour justifier son revirement sur cette question (la HAS s’étant prononcé en faveur du maintien de l’obligation vaccinale en juillet dernier), l’institution évoquait l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances sur les vaccins à ARNm. On sait en effet que ces vaccins ont un effet certes non nul mais beaucoup plus faible qu’espéré sur la transmission du SARS-Cov-2. Surtout, l’arrivée fin 2021 des variants Omicron a totalement changé la donne sur le front de l’épidémie : tout risque de saturation des hôpitaux semble désormais écarté (du moins à court terme), les restrictions de liberté ont été abandonnés et la Covid-19 n’est plus l’enjeu majeur de santé publique qu’elle était.

« Aucune raison d’arrêter l’obligation vaccinale » pour l’Académie de médecine

Mais l’avis du 20 février n’était pas définitif. Conscient de l’importance scientifique, mais aussi éthique et politique de la question, la HAS a organisé une consultation publique sur le sujet. Du 20 février au 3 mars, différents organismes concernés (association de patients, sociétés savantes, ordres professionnels, syndicats de professionnels de santé…) ont été invités à donner leur avis, afin d’étayer la recommandation définitive sur le sujet que rendra la HAS en avril.

Une consultation publique qui démontre que, malgré l’avis assez tranché de la HAS, la levée de l’obligation vaccinale pour les soignants ne fait pas l’unanimité, loin de là. L’association Renaloo, qui défend les intérêts du malades du rein particulièrement à risque de forme grave de la Covid-19 (et qui ont parfois une réponse immunitaire faible aux vaccins), a été la première à défendre le maintien de l’obligation vaccinale, dès le 23 février. Pour l’association de patients, les soignants qui ont refusé de se vacciner ont « manifesté une défiance importante vis-à-vis de la science et de la médecine basée sur des faits incompatibles avec les valeurs du soins » et ne doivent donc pas être réintégrés.

L’Académie de médecine n’a pas non plus dévié de sa ligne et continue de défendre cette obligation vaccinale. « Il n’y a aucune raison d’arrêter l’obligation vaccinale, toutes les infections convergent vers l’hôpital, les patients ne doivent pas être surinfectés par d’autres virus » estime le Pr Yves Buisson, spécialiste de la Covid-19 au sein de l’Académie. Alors que la HAS doit se prononcer sur les autres obligations vaccinales qui concernent les professionnels de santé, le Pr Buisson estime même qu’il est nécessaire de rendre obligatoire la vaccination contre la grippe saisonnière pour ces derniers.

La France seul pays européen à maintenir l’obligation vaccinale des soignants

Dans un avis du 2 mars, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPLIF) réfute également l’avis de la HAS. Pour défendre le maintien de l’obligation vaccinale, les infectiologues s’appuient sur des arguments tout autant scientifique que politiques. Sur le plan scientifique, ils rappellent que le vaccin permet de diminuer, certes de manière limitée, le risque de transmission du virus et que même les sujets qui ont seulement reçu trois doses et n’ont donc pas bénéficié de rappels sont mieux protégés que les non-vaccinés.

Mais surtout, la SPLIF estime qu’il n’y a pas lieu de lever une obligation vaccinale globalement bien perçue par les soignants (moins de 1 % d’entre eux ont refusé de se vacciner), alors même que les simples recommandations sont généralement peu efficaces (environ un tiers des soignants seulement se font vacciner contre la grippe). « La levée de l’obligation sera interprétée, au moins par une fraction de la population comme un message négatif : en mettant fin à l’obligation, on envoie pour beaucoup le message que les vaccins sont dorénavant facultatifs, voire inutiles » rajoutent les infectiologues.

Ces différentes prises de positions en faveur de l’obligation vaccinale feront-elles changer d’avis les experts de la HAS ? Il faudra attendre que l’institution rende son avis définitif en avril pour le savoir. Le ministre de la Santé François Braun a promis qu’il s’appuiera sur cet avis, ainsi que sur celui rendu au même moment par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur la question pour prendre une décision d’ici l’été. Rappelons que depuis les récents changements de réglementation en Italie et en Grèce, la France est le seul pays européen à maintenir une obligation vaccinale pour les soignants.

Nicolas Barbet

Publié le 21/02/2023

Covid-19 : la HAS ouvre la porte à la fin de l’obligation vaccinale des soignants 

Paris, le mardi 21 février 2023

https://www.jim.fr/e-docs/covid_19_la_has_ouvre_la_porte_a_la_fin_de_lobligation_vaccinale_des_soignants__196245/document_actu_pro.phtml

– Dans un avis (non définitif), la HAS se prononce en faveur de la levée de l’obligation vaccinale des soignants.

Près de 18 mois après son entrée en vigueur, l’obligation faite aux soignants de se vacciner contre la Covid-19, qui aura soulevé de nombreux débats scientifiques, politiques et éthiques, pourrait bientôt être levée. Saisie en novembre dernier par le ministère de la Santé de l’opportunité de maintenir ou non cette obligation, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu ce lundi un avis non-définitif dans lequel elle affirme que « dans le contexte actuel, l’obligation vaccinale contre la Covid-19 pourrait être levée pour tous les professionnels visés ».

« Cette vaccination devrait toutefois rester fortement recommandée pour les étudiants et les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social » précise la HAS. « La levée d’une obligation vaccinale en milieu professionnel ne doit pas être considérée comme une remise en question de l’intérêt de cette vaccination que ce soit en milieu professionnel ou en population générale » ajoute-t-elle.

L’épidémie de Covid-19 au plus bas en France

L’institution justifie son changement de position par l’évolution de la situation épidémiologique. Bien des choses ont changé en effet sur le front de la Covid-19 depuis l’introduction de l’obligation vaccinale en septembre 2021. L’arrivée du variant Omicron a amoindri l’efficacité des vaccins à ARNm contre la transmission du SARS-COV-2 et a surtout diminué la gravité de l’épidémie. Depuis quelques semaines, l’épidémie est à un niveau particulièrement faible en France : on ne compte que 3 500 nouvelles contaminations par jour (mais il faut dire que le dépistage a fortement diminué) et seulement 13 000 patients positifs sont actuellement hospitalisés dont « seulement » 730 en soins critiques. En outre, à la suite des revirements récents de la Grèce et de l’Italie, la France est désormais le seul pays européen à obliger ses soignants à se vacciner contre la Covid-19.

L’avis de la HAS n’est cependant pas définitif. En effet, « au vu de l’importance sociétale du sujet », la HAS « juge indispensable d’enrichir ces travaux par les contributions des parties prenantes (sic)». Jusqu’au 3 mars prochain, la HAS va donc interroger divers organismes (établissements de santé, syndicats, associations de patients, ordre professionnels…) pour recueillir leur opinion sur la vaccination des soignants. Sur la base de ces opinions, la HAS rendra son avis définitif fin mars. Par ailleurs, le gouvernement a également saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) d’un avis sur les aspects éthiques de l’obligation vaccinale.

La vaccination obligatoire des soignants contre la Covid-19 a provoqué de vifs débats ces 18 derniers mois. Si le gouvernement s’est toujours montré très attaché à cette obligation, LFI et le RN ont tous deux essayé sans succès d’y mettre fin en déposant des propositions de loi en ce sens au Parlement. Le débat divise également la communauté médicale, certains médecins considérant que les soignants non-vaccinés ont commis une faute éthique impardonnable et ne peuvent donc être réintégrés, d’autres insistant au contraire sur la faible efficacité des vaccins contre la transmission et sur la nécessité de réintégrer les soignants suspendus dans un contexte de pénurie de professionnels de santé. En novembre dernier, à une courte majorité (53 %), nos lecteurs s’étaient prononcés en faveur du maintien de l’obligation vaccinale.

La HAS également favorable à la fin du vaccin DTP obligatoire

Si tout le monde attendait l’opinion de la HAS sur la vaccination contre la Covid-19, l’institution de santé publique avait à se prononcer sur d’autres vaccins obligatoires pour les soignants. Dans le même avis non-définitif, la HAS souhaite également mettre fin à l’obligation pour les soignants de se faire administrer le vaccin DTP, sauf à Mayotte qui reste très exposée à la diphtérie.

S’agissant du vaccin contre l’hépatite B, la HAS considère que l’obligation doit être maintenue, mais seulement pour les professionnels de santé les plus exposés, notamment ceux en contact avec des produits sanguins. Comme pour la Covid-19, ces deux vaccinations resteront fortement recommandées. La HAS se prononcera plus tard dans l’année sur les vaccins qui sont actuellement seulement recommandés aux soignants, comme celui contre la grippe saisonnière.

Quentin Haroche

Covid, DTP… Lever les vaccinations obligatoires des soignants ? Pourquoi les sociétés savantes s’y opposent

Le Parisien 10 Mars 2023

La Haute Autorité de santé a ouvert une consultation concernant les vac- cins actuellement obligatoires pour les soignants (DTP, hépatite B et Co- vid-19). Les principales organisations médicales plaident pour les main- tenir.

C’est non ! Alors que la Haute Autorité de santé (HAS) a ouvert la porte à une levée de l’obligation vaccinale des soignants contre le Covid-19 mais aussi contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP), les principales sociétés savantes préconisent de la maintenir (ainsi que celle contre l’hépatite B, rejoi- gnant sur ce point la HAS).

Coup sur coup, la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) ainsi que la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) viennent de rendre publique leur contribution à la consultation lancée par la HAS du 20 février au 3 mars. Le ton est policé mais le fond est ferme, ces organisations médicales ne veulent pas lâcher de lest sur l’immunisation.

Un mauvais signal en direction des antivax

S’agissant de la vaccination contre le Covid-19, la HAS a estimé que celle-ci pourrait être levée au vu du contexte épidémique très favorable et des déci- sions prises à l’étranger, notamment. Néanmoins, la piqûre serait toujours « recommandée », et un tel changement ne devrait « pas être considéré comme une remise en question de l’intérêt de cette vaccination, en milieu profession- nel ou en population générale ».

Voilà justement ce que craignent les trois sociétés savantes, qui plaident pour maintenir a minima la primo-vaccination obligatoire. « Cette dégradation de la stratégie de l’obligation à la recommandation sera considérée par les dé- tracteurs de la vaccination comme un désaveu de la stratégie actuelle et utilisé comme tel », tacle par exemple la SF2H. « Certains feront un raccourci en di- sant : C’est la preuve qu’il ne fallait pas vacciner les soignants ! » appuie son pré- sident, Pierre Parneix.

Pour la Spilf, mettre fin à l’obligation vaccinale contre le Covid pourrait « être perçu comme négatif pour les professionnels de santé quant à l’intérêt de la vaccination en général (et Covid-19 en particulier), alors que cette vaccination conserve toujours une efficacité importante contre les formes graves ».

La balance bénéfice-risque reste favorable

Les trois organisations mettent aussi en avant des arguments purement scien- tifiques. « À partir du moment où la balance bénéfice-risque des vaccins est fa- vorable, que ces vaccins préviennent les formes graves de la pathologie et que,

nonobstant certains débats, ces vaccins contribuent aussi à réduire la trans- mission, il n’y a pas lieu de lever l’obligation vaccinale », écrit par exemple la SFPT.

Tout cela est vrai, mais il convient de préciser que l’efficacité vaccinale contre l’infection et la transmission est assez faible et qu’elle chute rapidement. Par ailleurs, un soignant non vacciné et ayant attrapé le Covid bénéficie lui aussi d’une certaine protection contre l’infection et donc la transmission du virus.

« Encore faudrait-il qu’il fasse un Covid tous les ans pour maintenir son niveau de protection, car celle-ci diminue après une infection comme elle le fait après une vaccination », répond Mathieu Molimard, membre du conseil d’adminis- tration de la SFPT.

« Paradoxal » de lever l’obligation vaccinale contre le DTP

Les arguments avancés sont assez différents concernant le vaccin contre le DTP. La SFPT estime notamment « paradoxal de lever l’obligation vaccinale chez les soignants, alors que cette obligation a été introduite pour la popula- tion générale » (plus précisément, pour les enfants).

Pour la SF2H, « les signaux d’alerte dans certaines régions du monde (Mayotte, Europe de l’Est) et l’innocuité de la stratégie vaccinale actuelle ne plaident pas pour une modification ». Pierre Parneix juge « vraiment curieux » d’envisager un changement. « Quelle est vraiment la raison de lever l’obligation vaccinale ? Ce n’est pas une maladie anodine », s’interroge le président de la SF2H.

Plus « réservée » à ce sujet, la Spilf estimer que lever l’obligation vaccinale contre le DPT « ne peut s’envisager qu’accompagné d’une campagne d’infor- mation importante, maintenue sur le long terme, et d’un renforcement par ailleurs de la surveillance du statut vaccinal ».

De nouvelles vaccinations obligatoires ?

Après avoir pris en compte l’ensemble des contributions reçues, y compris celle du Comité national consultatif d’éthique, la Haute Autorité de santé émettra fin mars sa recommandation finale sur les trois vaccinations obliga- toires pour les professionnels de santé. Dans un second temps, fin juillet, elle se prononcera sur les vaccins actuellement recommandés… et qui pourraient être imposés.

La SFPT plaide d’ailleurs pour « discuter » d’une obligation vaccinale contre la grippe pour les soignants, mais aussi contre la coqueluche pour ceux au contact des nouveau-nés et des nourrissons. Concernant la grippe, « il faudrait rendre la vaccination obligatoire dans les services qui accueillent des per- sonnes âgées (gériatrie, Ehpad…), mais c’est beaucoup plus discutable pour tous les soignants, car l’efficacité du vaccin n’est que de l’ordre de 40 à 60 % selon les années », avance Mathieu Molimard.

par Nicolas Berrod

Avis SPILF: obligations vaccinales des professionnels de santé

Jeudi 02 Mars 2023

https://www.infectiologie.com/fr/actualites/avis-spilf-obligations-vaccinales-des-professionnels-de-sante_-n.html

2 mars 2023

Réponse de la SPILF a la consultation publique du document de la HAS proposant la suppression de certaines obligations vaccinales des professionnels de santé.

Considérations générales
En introduction, la SPILF considère que la levée de l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé, dans la situation française actuelle est problématique, et ce quel que soit le vaccin considéré.
D’une part, les couvertures vaccinales chez les professionnels de santé pour les vaccins non obligatoires (grippe au 1er chef) restent faibles, et l’appel à la responsabilité individuelle (pour ce qui est des infections transmises du soignant au soigné) apparait insuffisante.
D’autre part, la plupart de ces obligations sont actuellement bien acceptées par la plupart des professionnels de santé.
Par ailleurs, l’obligation porte un message d’exemplarité qui est tout à fait intéressant à conserver vis-à-vis de la population générale (chez qui l’obligation des 11 vaccinations du nourrisson a été instaurée en 2018).
Enfin, la levée de la plupart des obligations, même accompagné de considérations sur le fait qu’elle ne signifie pas la remise en cause de l’intérêt et de l’innocuité de la vaccination, sera interprétée, au moins par une fraction de la population, comme un message négatif : en mettant fin à l’obligation, on envoie pour beaucoup le message que les vaccins sont dorénavant facultatifs, voire inutiles.
Même si le but de cet avis de la HAS est de disjoindre d’une part la pertinence des vaccins et d’autre part la pertinence de l’obligation des vaccins chez les professionnels de santé, la SPILF craint que la suppression de l’obligation pour tous les vaccins sauf celui contre l’hépatite B, soit perçue comme la remise en cause de leur intérêt.
Si cela devait se faire, il est indispensable de mettre en place un très important effort d’information, tant à destination des professionnels concernés que de la population générale.
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En ce qui concerne le vaccin DTP 
Outre les arguments généraux sus-cités, la remise en cause de l’obligation hors Mayotte pose problème.
D’une part, en effet, la vaccination est toujours pertinente :

  • Quoique cela soit très improbable actuellement, les professionnels de santé peuvent être en contact avec des cas d’infection par un poliovirus (cf détection de virus dans les eaux usées en Israël, à Londres, à NYC, et le récent cas à NYC), et risqueraient donc de développer une poliomyélite paralysante en cas de non-immunisation ;
  • Quoique cela soit également très improbable, les soignants peuvent être en contact avec des cas de diphtérie liés à C. diphtheriae(avec la possibilité de transmission interhumaine pour cette espèce, dont l’incidence est en augmentation depuis 3 ans) avec un risque de développer une diphtérie en cas de non-immunisation, voire d’être à l’origine de cas secondaires.

Par ailleurs, il faut sans doute considérer différemment le cas de la primo-vaccination et celui des rappels, et le recrutement d’un soignant n’ayant jamais eu de vaccination DTP poserait problème.
Dans le même ordre d’idée, il ne faudrait pas que la disparition de l’obligation fasse disparaitre la surveillance de la couverture vaccinale (à titre collectif), ni la vérification du statut vaccinal à l’embauche ou lors du suivi en médecine du travail (à titre individuel) des étudiants et des professionnels.
D’autre part, c’est une vaccination bien acceptée, et pour laquelle la fin de l’obligation suscitera les doutes évoqués en point généraux (fin de l’obligation = remise en cause de l’intérêt de la vaccination). L’obligation vaccinale a aussi une valeur d’exemplarité, qu’il est dommage de supprimer.
Enfin, la disparition de cette obligation alors qu’elle a été renforcée pour les nourrissons il y a 5 ans va susciter des interrogations, voire être perçue comme incohérente.
La SPILF est donc réservée sur la levée de cette obligation ; cela ne peut s’envisager qu’accompagné d’une campagne d’information importante, maintenue sur le long terme, et d’un renforcement par ailleurs de la surveillance du statut vaccinal (individuellement) et de la couverture vaccinale (collectivement), et de l’offre de vaccination. Il apparait indispensable de vérifier l’existence d’une primovaccination dans l’enfance et d’un rappel au début de l’adolescence (et de conserver dans l’obligation la réalisation par le passé, ou lors de l’entrée dans les études, ou lors de l’embauche, d’une primovaccination et d’un rappel).
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En ce qui concerne la vaccination contre l’hépatite B
La SPILF ne remet pas en cause le maintien de l’obligation de la vaccination chez les professionnels dans santé avec l’objectif de la protection individuelle du soignant vis-à-vis d’un risque potentiellement sévère, et de la protection du soigné.
Il apparait que la redéfinition des groupes chez qui l’obligation serait maintenue va poser problème.
D’une part, les carrières et les pratiques peuvent évoluer, différents postes être occupés, et différents risques en découler ; une vaccination généralisée de tous les professionnels pouvant (même très hypothétiquement) être amenés à réaliser des actes à risques est préférable.
D’autre part, la fenêtre la plus évidente pour la vaccination des personnes non-immunisées est la période des études, lors de laquelle il est souvent illusoire d’écarter avec certitude un risque ultérieur auquel serait exposé ou non le professionnel dans le futur. La vaccination obligatoire dès cette étape est donc préférable.
Par ailleurs, faire reposer sur les services de santé au travail la réévaluation périodique de l’indication de vaccination est illusoire :

  • Leur démographie en chute, le non-renouvellement de leurs effectifs, les difficultés dans lesquelles se trouvent déjà de nombreux services de santé au travail seront un obstacle à un tel suivi « à la carte » sur ce plan : une vaccination généralisée est à la fois pragmatique et efficace ;
  • Faire porter sur un professionnel unique (le médecin du travail) la charge d’une obligation pour laquelle de nombreuses « zones grises » existeront l’expose à d’importantes difficultés, voire des pressions, en cas de professionnel de santé réticent à la vaccination et qui serait dans l’une de ces « zones grises ».

Enfin, il n’y a pas de crispation autour de la vaccination contre l’hépatite B actuellement ; comme évoqué dans les considérations initiales, la levée de l’obligation pour certains corps de métier pourra apparaître comme une remise en cause de son intérêt et/ou de son rapport bénéfices-risques.
Dans le même ordre d’idée, les indications de rattrapage en population générale sont (à juste titre) nombreuses, et cela serait incohérent avec la levée de l’obligation vaccinale pour une proportion trop large de professionnels.
On rappelle qu’il s’agit bien d’une obligation d’immunisation (infection ou vaccination), vérifiée par la sérologie.
La SPILF recommande donc de maintenir une obligation d’immunisation contre l’hépatite B de façon large pour les professionnels de santé, dès l’entrée dans les études, ou à défaut (études dans des pays ayant une politique différente, …) à l’embauche, avec une règle la plus générale et la plus simple possible. Lorsque la classe d’âge née lors de la mise en place de la vaccination obligatoire des nourrissons parviendra à l’âge adulte, cela pourra être révisé.
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En ce qui concerne la vaccination contre la Covid-19
La levée de l’obligation apparait problématique pour ce qui est de la primovaccination.
D’une part, si les rappels ne sont (déjà) pas obligatoires, la primovaccination (deux injections puis un rappel plusieurs mois plus tard, avec des adaptations en fonction de la survenue d’infection intercurrente par le SARS-CoV-2) devrait le rester :

  • Ainsi, les étudiants dans les filières de professions de santé ou les personnes à l’embauche devraient avoir reçu cette primovaccination par le passé, et à défaut à l’entrée dans les études ou à l’embauche. En cas de circulation d’un nouveau variant problématique, cette immunité préexistante favorisera une réponse immune plus efficace avec une dose supplémentaire unique ;
  • Dans le même ordre d’idée, les professionnels qui n’avaient pu conserver leur activité du fait d’un refus d’être vacciné pourront être réintégrés s’ils réalisent cette primovaccination.

(Il faut noter que pour les personnes ayant déjà été infectées par le passé mais n’ayant jamais été vaccinées, il pourrait être obligatoire de faire une dose de vaccin, mais pas une primo-vaccination complète).

Si cette obligation était levée, la possibilité d’une remise en place de l’obligation devrait être annoncée dès à présent comme possible dans le futur :

  •  En cas de circulation d’un variant générateur de forme particulièrement grave, pour lequel un vaccin même incomplètement efficace sur la transmission aurait une pertinence ;
  • Ou bien si un vaccin plus particulièrement actif sur l’infection paucisymptomatique ou sur la transmission était développé.

Il apparait nécessaire de mettre en garde contre les risques de cette levée de l’obligation :

  • Message pouvant être perçu comme négatif pour les professionnels de santé quant à l’intérêt de la vaccination en général (et Covid-19 en particulier), alors que cette vaccination conserve toujours une efficacité importante contre les formes graves ;
  • Message pouvant être perçu comme négatif vis-à-vis de la population sur ce même aspect ;
  • Position pouvant être vue comme confortant de nombreux discours non-scientifiques et négationnistes ayant circulé depuis fin 2020 quant à l’intérêt et au rapport bénéfices-risques de la vaccination contre la Covid-19.

Enfin, un message sur le caractère indispensable du port du masque en milieu de soin en période de circulation virale doit accompagner toute modification des recommandations vaccinales.
La SPILF considère donc que l’on peut maintenir non obligatoires les vaccinations de rappel contre le SARS-CoV-2 chez les professionnels de santé, mais pas la primovaccination, qui doit rester obligatoire à l’entrée dans les études concernées, à défaut à l’embauche, ou avant toute réintégration d’un professionnel n’ayant pas souhaité recevoir la primovaccination jusque-là (avec le cas particulier susmentionné des personnes jamais vaccinées mais ayant été infectées par le passé, pour lesquelles une seule dose serait obligatoire).

Commentaire de Frédéric Pierru, sociologue, auteur d’une étude sur les soignants ayant refusé la vaccination contre le COVId-19

Je trouve cela fascinant. Aucune de ces sociétés savantes ne répond aux arguments de la HAS. Aucune, alors même qu’il s’agit d’un état des connaissances sur le sujet. Toutes répondent à côté. 

C’est quand même très problématique pour des sociétés savantes. 

Au lieu de cela : 

1 / En France, manifestement on ne sait plus convaincre, alors on contraint et on réprime : quelle vision de la santé publique ! Tous les autres pays n’ont pas ou plus l’obligation, mais, pour une fois, on va éviter de copier nos « voisins » (argument pourtant ressassé ad nauseam pour les retraites. 

2 / Des aruments contradictoires : ainsi, d’un côté il faut maintenir l’obligation pour l’exemplarité (quel oxymore puisque être l’obligation annule l’exemplarité qui ne peut être que volontaire !) et, de l’autre, ces sociétés savantes se félicitent que 99%  des soignants ont accepté la vaccination Covid-19. On ne comprend plus : si elle est si bien acceptée pourquoi contraindre ? Les bons soignants éthiques et au faîte de la Science vont se précipiter à la médecine du travail pour la piqûre. D’autant que la SPILF regrette que la vaccination non obligatoire contre la grippe est très peu suivie et qu’on sent qu’il ne faudrait pas la pousser beaucoup pour la rendre obligatoire… Que de contradictions ! 

3 / Le meilleur est l’argument de l’AR(n)gument de l’Académie de médecine : comme toutes les infections convergent vers l’hôpital, il faut éviter les patients surinfectés. Donc en fait : si c’est le chaos en médecine de ville, ce sont les soignants hospitaliers qui doivent payer la casse. 

4 / Comment sérieusement envisager qu’un soignant suspendu depuis le 15 septembre 2021, et qui s’est retrouvé dans la mouise, va décider de se soumettre à la primo-vaccination pour être réintégré : c’est carrément absurde. En réalité, aussi bien Renaloo que les sociétés savantes veulent le banissement à vie pour « déviation droitière » (ou « gauchiste ») comme on disait sous Staline. 

5 / Est-ce ces gens croient sincèrement que la propension à la vaccination de la « population générale » (plus vague, on meurt) est conditionnée par le statut vaccinal des soignants ? ce n’est pas sérieux. Ils devraient lire un peu de littérature de science sociale sur le sujet. 

6 / Je passe bien entendu sur les 99% des soignants vaccinés qui auraient bien compris les enjeux scientifiques et éthiques des vaccins (Renaloo). C’est un pur sophisme d’interprétation d’un comportement dans un contexte répressif dont on déduit abusivement un état mental. Beaucoup de soignants se sont faits vacciner à contre-coeur, avec le pistoler de la suspension sans traitement sur la tempe. D’ailleurs la SPILF le dit elle-même : lorsque la vaccination n’est pas obligatoire, le taux de soignants vaccinés chute. Autoréfutation. 99% des Français s’arrêtent au feu rouge ou ralentissent à l’approche des radars. Avec un tel raisonnement, je propose de tout rendre obligatoire et de surveiller et réprimer partout et tout le temps. Certes, ça fait un peu totalitaire, mais bon… 

On aurait aimé – on peut rêver – un mot d’autocritique sur le peu de distance que ces sociétés savantes ont eu par rapport aux arguments marketing autour des promesses mirobolantes des vaccins Pfizer et Moderna. Mais on attendra. De même, comment expliquer la dramatisation/hystérisation du débat en France, alors que les autres pays semblent bien plus apaisés sur le sujet ? 

A ce constat pourtant intrigant, zéro réponse. Mais je peux en entendre un écho en forme de début de réponse : en France, il n’y aurait pas de « culture » au choix de santé publique, de prévention, de la vaccination, etc. Argument culturaliste éculé d’une faiblesse inane. D’où vient cette carence « culturelle » ? Serait-elle génétique (les Français seraient constitutivement réticents à la prévention…) ? La « culture » est surtout la notion typique asile de l’ignorance, une sorte de boîte noire que l’on sort et resort au besoin de l’argumentation ad hoc. Ou, dit autrement, la « culture » n’est pas la variable indépendante mais dépendante : c’est elle qu’il faut expliquer. 

En résumé, ces réponses n’en sont pas, au moins sur le plan scientifique. Il n’y a aucune contre-argumentation, les sophismes et les contradictions s’empilent tandis que les silences sont assourdissants. En réalité, ces « contributions » sont des pétitions de principe, au sens fort du terme. On retrouve bien là les réflexes moralisateurs qui ont fait la beauté de l’histoire de la profession médicale française : le paiement à l’acte est indépassable, comme d’ailleurs la liberté d’installation, la salarisation serait facteur d’une mauvaise médecine, etc. 

Cela donne une furieuse envie d’aller consulter Euros for docs. 

F, abonné à SPILF gadget

PS : faites le test. Suspendez vos inclinations et réflexes et confrontez le communiqué de presse de la SPILF au projet d’avis HAS. Principe vs argumentation. 

J’ai fait ça à gros traits car on pourrait creuser et entrer dans le détail. Ainsi, par exemple, la HAS dit qu’« au Royaume-Uni, l’obligation vaccinale a été levée dès mars 2022, soit avant son entrée en vigueur, compte-tenu de la forte obligation vaccinale des soignants (94.5%) ». Nous sommes à 99% selon Renaloo ! Donc pourquoi maintenir l’obligation ? 

En infectiologie, on ne s’embête pas trop avec la rigueur des raisonnements apparemment. 

En fait, je joue les candides, mais je connais parfaitement le dessous du propos, qui n’ont absolument rien de documenté : il est impossible de faire confiance et/ou de convaincre les soignants français de se faire vacciner et tout relâchement serait coupable

On a juste envie de leur dire : au lieu de l’affirmer, prouvez-le ! Et le meilleur moyen de le prouver c’est de…. lever l’obligation vaccinale ! Mais ça serait embarrassant d’être démenti par les faits. 

Et s’il y avait relâchement, alors l’identification des facteurs devient essentielle : quelle place de la santé publique dans les cursus de formation des médecins, ces leaders d’opinion ? Quelle responsabilité des mensonges, contradictions et changements de pied brutaux des pouvoirs publics dans la gestion de la pandémie (la confiance, ça se mérite !) ? Plus largement, ce relâchement ne serait-il pas lié à la faiblesse de la crédibilité des émetteurs, étatiques et professsionels, des messages favorables à la vaccination ? et, dans l’affirmative, pourquoi, etc. Je pourrais allonger le questionnaire. 

L’obligation permet juste d’esquiver ces questions. C’est toujours plus facile d’incriminer les pékins que de se remettre en cause. 

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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