Le traitement en urgence des AVC par les cathéters de thrombo-aspiration n’est plus pris en charge par la Sécurité sociale en pleine contradiction avec les recommandations de déployer cette technique à grande échelle

« L’arrêt du remboursement d’un équipement de pointe pour le traitement des AVC suscite la colère des hôpitaux »

Date de publication : 7 mars 2023

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Zeliha Chaffin note en effet dans Le Monde que « c’est un coup de rabot qui passe mal. Depuis le 1er mars, les cathéters de thrombo-aspiration ne sont plus pris en charge par la Sécurité sociale ».


La journaliste rappelle que « ces dispositifs médicaux de pointe, utilisés par les neuroradiologues pour réaliser des thrombectomies mécaniques, sont pourtant essentiels pour traiter en urgence certains patients victimes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC). Privés du remboursement de l’Etat, ils seront désormais à l’entière charge des hôpitaux ».


Elle observe que « cette décision fait bondir les soignants. Car ce dispositif médical extrêmement précis, et qui nécessite d’être renouvelé à chaque intervention, est onéreux. En moyenne, son coût est de 1500 euros par kit. Alors que de nombreux établissements font face à une situation financière périlleuse, cette nouvelle dépense inquiète les professionnels de santé ».


La Société française de neuroradiologie (SFNR) et la Société française neurovasculaire (SFNV) indiquent dans une lettre adressée au ministre de la Santé : « Une fois de plus, l’hôpital public et ses acteurs auront à supporter le poids financier des techniques innovantes porteuses d’améliorations significatives du service rendu à nos compatriotes ».
Julien Gottsmann, directeur général de l’hôpital Fondation Rothschild (Paris), remarque pour sa part : « Cela va représenter chez nous une perte sèche de 450.000 euros par an, alors même qu’il est démontré que cette technique sauve des vies et évite des séquelles graves aux patients. Cette décision est incompréhensible et stupide ».


« On joue sur notre engagement envers les patients, car, évidemment, nous n’allons pas jeter à la rue un patient qui fait un AVC. On ne peut pas non plus rogner sur les marges car cette activité est déficitaire et nous coûte déjà de l’argent. On hypothèque le traitement de l’AVC pour faire des économies de bouts de chandelle ! »,
 poursuit le responsable.
Zeliha Chaffin souligne que « l’AVC représente aujourd’hui en France la troisième cause de mortalité chez les hommes, et la première chez les femmes. Il est aussi la première cause de handicap acquis, les séquelles étant particulièrement lourdes (paralysie, perte de la parole, troubles cognitifs…) ».
Elle explique que « ces appareils figuraient jusqu’à présent sur «la liste en sus», un dispositif dérogatoire de financement qui permet de prendre en charge le coût des appareils ou traitements jugés innovants ».


La journaliste relève que « l’arrêt du remboursement des cathéters de thrombo-aspiration, du fait des nouveaux coûts induits pour les hôpitaux, pourrait également freiner le déploiement sur le territoire de cette intervention, et ainsi menacer l’équité d’accès aux soins pour les patients qui pourraient en bénéficier ».


« Certes, les neuroradiologues pourront toujours remplacer l’utilisation des cathéters de thrombo-aspiration par des stents retriever, bien que cela «représente une régression qualitative importante», note M. Gottsmann. Bénéficiant toujours d’un remboursement, ces derniers n’impacteront pas les finances des hôpitaux »,
 remarque Zeliha Chaffin.
La journaliste observe cependant qu’« ils alourdiront la facture actuelle pour l’Assurance-maladie, le coût moyen d’un stent retriever s’établissant à 2200 euros. Soit 700 euros de plus que pour un cathéter de thrombo-aspiration ».

L’arrêt du remboursement d’un équipement de pointe pour le traitement des AVC suscite la colère des hôpitaux

Cette décision pourrait freiner la pratique de la thrombectomie mécanique en France, pour laquelle ce matériel est crucial. Les autorités sanitaires recommandent pourtant le déploiement à large échelle de cette technique innovante. 

Par Zeliha ChaffinPublié hier à 09h41

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/06/l-arret-du-remboursement-d-un-equipement-de-pointe-pour-le-traitement-des-avc-suscite-la-colere-des-hopitaux_6164299_3234.html

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C’est un coup de rabot qui passe mal. Depuis le 1er mars, les cathéters de thrombo-aspiration ne sont plus pris en charge par la Sécurité sociale. Ces dispositifs médicaux de pointe, utilisés par les neuroradiologues pour réaliser des thrombectomies mécaniques, sont pourtant essentiels pour traiter en urgence certains patients victimes d’accidents vasculaires cérébraux (AVC). Privés du remboursement de l’Etat, ils seront désormais à l’entière charge des hôpitaux.

Lire aussi la tribune :   « La dégradation de l’hôpital public risque d’aboutir à la disparition de pans entiers d’activités et de savoir-faire »

Cette décision fait bondir les soignants. Car ce dispositif médical extrêmement précis, et qui nécessite d’être renouvelé à chaque intervention, est onéreux. En moyenne, son coût est de 1 500 euros par kit. Alors que de nombreux établissements font face à une situation financière périlleuse, cette nouvelle dépense inquiète les professionnels de santé. « Une fois de plus, l’hôpital public et ses acteurs auront à supporter le poids financier des techniques innovantes porteuses d’améliorations significatives du service rendu à nos compatriotes », se sont émues la Société française de neuroradiologie (SFNR) et la Société française neurovasculaire (SFNV) dans une lettre adressée au ministre de la santé.

« Deux semaines plus tôt, il assurait qu’il était temps de tourner le dos à la logique comptable ! », s’agace Julien Gottsmann, directeur général de l’hôpital Fondation Rothschild à Paris. L’établissement de santé réalise chaque année plus de 300 thrombectomies mécaniques. « Cela va représenter chez nous une perte sèche de 450 000 euros par an, alors même qu’il est démontré que cette technique sauve des vies et évite des séquelles graves aux patients. Cette décision est incompréhensible et stupide », souligne-t-il.

Première cause de mortalité chez les femmes

Enjeu de santé publique, l’AVC représente aujourd’hui en France la troisième cause de mortalité chez les hommes, et la première chez les femmes. Il est aussi la première cause de handicap acquis, les séquelles étant particulièrement lourdes (paralysie, perte de la parole, troubles cognitifs…). Depuis 2015, la thrombectomie mécanique permet de traiter certains cas, lorsque l’AVC est dû à une artère cérébrale bouchée par un gros caillot. Un cathéter de thrombo-aspiration, introduit au niveau de l’aine et qui remonte jusqu’au cerveau, est alors utilisé pour déloger le caillot.

Ces appareils figuraient jusqu’à présent sur « la liste en sus », un dispositif dérogatoire de financement qui permet de prendre en charge le coût des appareils ou traitements jugés innovants. Cette prise en charge, ajoutée au remboursement pour la prestation hospitalière – un forfait appliqué à chaque pathologie qui prend en compte les nuits d’hospitalisation, les soins prodigués, la mobilisation des personnels soignants… –, permettait aux hôpitaux d’être remboursés par la Sécurité sociale à hauteur de 11 500 euros au total pour un patient traité pour un AVC. La radiation des cathéters de thrombo-aspiration de la liste fait ainsi baisser cette enveloppe de 13 %.

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Traditionnellement, ces mesures s’accompagnaient d’une réévaluation à la hausse du tarif fixé pour la prestation hospitalière, ce qui permettait ainsi d’en atténuer le choc. Mais pour la première fois, ce n’est plus le cas, ce qui place les hôpitaux pratiquant des thrombectomies mécaniques face à un cruel dilemme : limiter le recours à cette intervention, au risque de refuser de prendre en charge des patients pourtant en urgence vitale, ou absorber ces nouveaux coûts et aggraver leur déficit financier.

« On joue sur notre engagement envers les patients, car, évidemment, nous n’allons pas jeter à la rue un patient qui fait un AVC. On ne peut pas non plus rogner sur les marges car cette activité est déficitaire et nous coûte déjà de l’argent. On hypothèque le traitement de l’AVC pour faire des économies de bouts de chandelle ! », déplore M. Gottsmann. La Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés solidaires (Fehap), qui représente les hôpitaux privés non lucratifs, estime son impact à 7 millions d’euros par an. Contacté par Le Monde, le ministère de la santé n’a pas répondu.

Au-delà de fragiliser des centres de thrombectomie mécanique déjà établis – près d’une quarantaine en France –, l’arrêt du remboursement des cathéters de thrombo-aspiration, du fait des nouveaux coûts induits pour les hôpitaux, pourrait également freiner le déploiement sur le territoire de cette intervention, et ainsi menacer l’équité d’accès aux soins pour les patients qui pourraient en bénéficier. Reconnaissant l’efficacité de cette pratique, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande pourtant depuis 2018 d’étendre son recours et de mailler tout le territoire en ouvrant davantage de centres. Tout comme l’Académie de médecine, dans un rapport publié en septembre 2022. L’enjeu est vital : pour être efficace, l’intervention doit être pratiquée dans un délai de six heures après les premiers symptômes.

Certes, les neuroradiologues pourront toujours remplacer l’utilisation des cathéters de thrombo-aspiration par des stents retriever, bien que cela « représente une régression qualitative importante », note M. Gottsmann. Bénéficiant toujours d’un remboursement, ces derniers n’impacteront pas les finances des hôpitaux. En revanche, ils alourdiront la facture actuelle pour l’Assurance-maladie, le coût moyen d’un stent retriever s’établissant à 2 200 euros. Soit 700 euros de plus que pour un cathéter de thrombo-aspiration.

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Zeliha Chaffin

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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