La grève oui, mais pas n’importe laquelle !
Faisons grève le 16 février pour défendre notre système de protection sociale !
Ce mardi 14 février, la majorité des syndicats de médecins libéraux·ales, des mouvements défendant la médecine libérale et le Conseil national de l’Ordre des médecins appellent à faire grève et manifester contre différentes propositions de loi et mesures gouvernementales.
– OUI, la médecine libérale va mal, les professionnel·les sont en souffrance,
– OUI, l’accès aux soins recule, tant pour des enjeux géographiques que financiers,
– OUI les contraintes professionnelles imposées via des appâts financiers (Ségur, ROSP, etc.), amènent une lourdeur administrative forte et ne semblent d’ailleurs pas dans l’intérêt premier des patient.es,
– OUI, les réponses gouvernementales, telles que les CPTS dont les échelles ne sont pas cohérentes avec celles des parcours de soins, sont, au pire délétères, au mieux insuffisantes. Elles plébiscitent des solutions de dérégulation, court-termistes et démagogiques sur l’accès aux soins (dispositif Service d’Accès aux Soins, télémédecine, etc. qui dénaturent le soin non-programmé).
MAIS nous ne partageons pas les revendications portées par ce mouvement, notamment :
– L’augmentation du tarif des actes. Elle n’améliorera ni les conditions de travail des professionnel·les ni l’accueil des personnes malades. Cet argument, vu et revu, depuis la mise en place du conventionnement dans les années 60 a fait long feu. Statistiquement, les médecins font aujourd’hui partie des 10 % des françaises les plus riches, celles ceux qui souhaitent employer un secrétariat, une assistante médicale le font sans mettre en péril l’équilibre financier de leur entreprise personnelle.
– La crainte de la délégation de tâches aux collègues infirmerères est agitée depuis toujours par les tenants d’une médecine libérale isolée. Et c’est cet isolement qui a, en partie, conduit au désastre que nous constatons aujourd’hui. Pourquoi refuser la voie de la coopération ? Bien sûr, il faut la réfléchir mais des outils existent déjà, tout comme des expériences nationales et internationales.
– L’opposition entre médecine ambulatoire et hôpital, entre soins primaires et recours hospitaliers spécialisés est une aberration. Pour travailler correctement, les unes ont besoin des autres et réciproquement. Si l’hôpital public n’était pas exsangue après des années de dégradations délibérées de la part des pouvoirs publics, dans le but de favoriser sa privatisation, les médecins généralistes iraient mieux et auraient de meilleures conditions d’exercice.
Pour toutes ces raisons, et encore bien d’autres, nous n’appelons pas à la grève du 14 février. Porter ces revendications nous semble contre-productif.
Le modèle défendu est en panne. Comme nous venons de le démontrer, les propositions défendues ce 14 février ont déjà montré qu’elles étaient responsables de la dégradation de la situation. Ce sont de soi-disant remèdes.
Savoir arrêter les traitements toxiques est une compétence médicale. Exerçons-là !
Oui le changement peut faire peur mais le système de santé est dans le mur, c’est le moment de prendre un virage radical vers plus de solidarité, de coopération, de services publics, etc.
Des alternatives existent, des propositions de transformation sont portées par d’autres collectifs et n’attendent que d’être saisies par le plus grand nombre.
Soignantes et soignées, nous sommes dans le même bateau, c’est la destruction des services publics et la privatisation de nos existences qui nous rendent malades.
Nous appelons à rejoindre ce 16 février, et au-delà, les grèves, manifestations et actions contre le projet de réforme des retraites. Défendre un système de protection sociale plus fort, plus juste, plus solidaire : c’est possible ! C’est une affaire de choix politiques ! Les soignant·es du quotidien, en tant que témoin·es des réalités sociales, ont ell·eux aussi un rôle à y jouer !
Mobilisons-nous, en tant qu’usager·ères de notre système de protection sociale et faisons grandir nos solidarités !
Le groupe d’animation du SMG
52 rue Gallieni, 92240 Malakoff – Tél/Fax : 01 46 57 85 85 – syndmedgen@free.fr – http://www.smg-pratiques.info
« Les médecins libéraux à nouveau en grève et dans la rue mardi 14 février »
Date de publication : 13 février 2023 Le Parisien
Le Parisien note en effet qu’« au bord de la rupture avec l’Assurance maladie et le gouvernement, les médecins libéraux sont appelés à cesser le travail mardi et à manifester à Paris, pour réclamer des hausses de tarifs et s’opposer à une proposition de loi examinée au Sénat ».
Le journal évoque ainsi « une série d’actions qui en dit long sur l’état des relations, en premier lieu avec l’Assurance maladie. À 2 semaines du terme de négociations cruciales pour la profession, un échec n’a jamais paru si probable. Après 3 mois sans se dévoiler, la proposition d’une hausse d’à peine 1,50 euro de la consultation de base […] a été vécue comme «une provocation» ».
« Loin, très loin des 50 euros exigés par le collectif « Médecins pour demain ». […] Même les grandes organisations (MG France, CSMF), dont la signature sera incontournable, n’attendent pas moins de 30 euros », rappelle Le Parisien.
Le quotidien ajoute que « SOS Médecins s’est joint à la mobilisation, appelant ses adhérents à cesser le travail pendant 24 heures à partir de mardi matin ».
Le Parisien s’interroge : « Cette fronde fera-t-elle bouger les lignes ? ». Thomas Fatôme, directeur de l’Assurance maladie, a déclaré : « Nous irons plus loin la semaine prochaine ».
Le journal observe que « ce ne sera pas sans contrepartie. Un «engagement territorial» est demandé, pour que les praticiens prennent plus de patients et assurent plus de gardes les soirs et week-ends ».
Le quotidien note en outre que « c’est […] parce que l’offre ne répond pas à la demande que le Parlement envisage d’ouvrir «l’accès direct» – sans prescription médicale – à certains paramédicaux : kinés, orthophonistes et infirmières de pratique avancée ».
« Inquiets d’une possible adoption du texte, les syndicats joueront en même temps leur va-tout dans les rues de la capitale. […] Même l’Ordre des médecins a annoncé sa participation au cortège, pour dénoncer les «risques de désorganisation des soins» et «de perte de chance pour les patients» que porte selon lui ce projet de «médecine à deux vitesses» », relève le journal.
Le Parisien observe que « le ministre [de la Santé François] Braun défend malgré tout une réforme censée «favoriser l’exercice coordonné» entre soignants et ainsi «libérer du temps médical». […] C’est selon lui «la seule solution efficace rapidement» sans toucher à la si décriée liberté d’installation des médecins ».
Dans la bataille de l’accès aux soins, le gouvernement face à la colère des médecins
Les syndicats de médecine libérale s’opposent à une proposition de loi qui vise à permettre aux patients de consulter des paramédicaux sans passer par un médecin. Tous appellent à la grève mardi.
Temps de Lecture 5 min.

Le message politique est relayé à tous les niveaux de l’Etat : face aux déserts médicaux qui s’étendent, il ne saurait y avoir de « statu quo » dans l’organisation de l’offre de soins. Encore faut-il trouver, avec les professionnels de santé, un accord sur les leviers à activer, alors qu’il n’existe pas de « remède miracle », comme a coutume de le rappeler François Braun, le ministre de la santé. A la fin d’un hiver ponctué d’interpellations venant du monde hospitalier, c’est avec la médecine de ville que l’ancien urgentiste ferraille.
Lire aussi le décryptage : s Accès aux soins : un texte contesté par les médecins arrive au Parlement
Entre deux journées de mobilisation contre la réforme des retraites, un appel à la grève a été lancé par tous les syndicats de libéraux (Confédération des syndicats médicaux français, MG France, etc.), pour mardi 14 février, jour de l’examen au Sénat d’une proposition de loi (PPL) controversée portée par la députée (Renaissance) du Loiret Stéphanie Rist – et soutenue par le gouvernement – visant à introduire un « accès direct » à certains professionnels paramédicaux, sans en passer, au préalable, par un médecin. Une « ligne rouge ».
Les médecins de ville n’en sont pas à leur première mobilisation, mais elle se durcit, à quelques jours de la fin des négociations entre leurs syndicats et l’Assurance-maladie pour fixer le cadre d’une nouvelle convention. Apres négociations : elles achoppent, à ce stade, autour d’un « contrat d’engagement territorial » qui reste à préciser et d’une revalorisation de la consultation de base à 26,50 euros (contre 25 euros, aujourd’hui), accueillie comme une « provocation ».
Front « inédit »
La « PPL Rist » voit croître ses opposants déclarés : l’ordre des médecins a fait savoir qu’il soutenait – et viendrait grossir, mardi – les cortèges ; une première. Le Collège de la médecine générale a aussi pris position. Idem pour SOS-Médecins. Des appels à se mobiliser résonnent aussi au sein d’organisations de praticiens hospitaliers. Un front « inédit », disent ses promoteurs, dans un contexte social éruptif.
Lire aussi : Santé : le plan d’Emmanuel Macron pour sortir d’une « crise sans fin »
La colère est montée au fil des semaines. Adressant ses vœux aux acteurs de la santé, le 6 janvier, Emmanuel Macron a campé la fermeté : « Le médecin doit être la porte d’entrée, mais pas le verrou du système », a-t-il martelé, en expliquant vouloir « bâtir un nouveau pacte de droits et de devoirs » avec la médecine libérale. Pour répondre aux besoins de santé des Français, dont 6 millions (650 000 en affection de longue durée) n’ont pas de médecin traitant, le chef de l’Etat a plaidé pour l’instauration de « coalitions de santé », d’« équipes traitantes » ou encore d’une délégation de tâches « simplifiée » – dans la droite ligne de la proposition de loi qui arrive au Sénat.
Au tour de François Braun, le 30 janvier, de se plier à l’exercice des vœux, non sans avoir salué, en début de discours, le travail de la députée Stéphanie Rist. Le ministre a décliné sa « feuille de route » : mieux rémunérer les médecins qui s’engagent sur le territoire, libérer du « temps médical » pour prendre en charge plus de patients, privilégier l’« exercice coordonné ». Pas question de « coercition » à l’installation, un levier qu’il a toujours écarté, « pas par dogme, mais parce que ça ne marche pas », expliquait-il au Monde en septembre 2022. Pas question non plus d’un retour à l’obligation de garde, supprimée il y a vingt ans. Mais le ministre invite les médecins à augmenter leur patientèle et à participer à la permanence de soins – le soir, les week-ends, les jours fériés. Une participation « non négociable »,avance-t-il, mais fondée sur l’engagement collectif, plutôt que sur l’obligation individuelle.
Lire aussi : Le « bazar » de la rémunération des médecins libéraux, enjeu de la bataille conventionnelle
Des « contraintes » qui ne disent pas leur nom ? C’est la petite musique – et la crainte – qui monte du terrain, où les médecins n’ont pas oublié certains « points clivants » du programme du président candidat: en 2022, tandis que l’extrême droite s’empare de la question des déserts médicaux, M. Macron reprend à son compte l’idée de « régulation » à l’installation des médecins, sans défendre une obligation stricte. L’idée est de laisser les territoires à la manœuvre, dans la logique du Conseil national de la refondation santé et de ses déclinaisons territoriales (250, à ce jour).
« Procès en responsabilité »
Autre engagement de campagne : mettre en place une quatrième année d’internat en médecine générale « en priorité dans les zones sous-dotées », selon l’expression consacrée. Cette idée, ancienne, a, depuis, été officialisée. Les grèves et les mobilisations des jeunes médecins n’y ont rien changé. Eux aussi seront mobilisés, mardi.
« On nous dit qu’il n’y a pas de contrainte mais des incitations, qu’il n’est pas question de coercition mais de régulation… Le gouvernement joue sur les mots », s’énerve Jérôme Marty, patron de l’Union pour une médecine libre-Syndicat, l’un des premiers syndicats à avoir appelé à la grève. « On ne nie pas les difficultés dans les déserts médicaux, aussi bien pour les patients que pour les médecins, on est aux premières loges pour en témoigner, réagit Corinne Le Sauder, de la Fédération des médecins de France. Mais on n’accepte pas le procès en responsabilité qui nous est fait ! » A la tête du Syndicat des médecins libéraux, Sophie Bauer tacle une « agitation politique délétère » : « Un médecin travaille déjà plus de cinquante-cinq heures par semaine, certains, soixante-dix heures. Presque la moitié participe à la permanence de soins ambulatoires ; cela permet de couvrir 95 % du territoire en semaine, et même 96 % le week-end. Il n’y a pas de sujet ! »
Lire aussi : Infirmier en pratique avancée (IPA), ce nouveau métier au cœur de la bataille de l’accès aux soins
Des statistiques que le ministère de la santé nuance. « Ces chiffres ne traduisent pas les défaillances là où une organisation [de permanence de soins] existe mais se dégrade, y explique-t-on. Le nombre de médecins volontaires se réduit, ce qui accroît la pression et la pénibilité des gardes. » Ainsi, 36 % des territoires de permanences de soins sont couverts par moins de dix volontaires ; 20 %, par moins de cinq.
A cette bataille de chiffres, les élus participent eux aussi, en centrant l’argumentaire sur les patients – leurs administrés. « Dans mon département, la Mayenne, 18 % des patients n’ont pas de médecin traitant, quand la moyenne nationale est à 11 %, fait valoir le député socialiste Guillaume Garot. Les incitations ne servent à rien sans régulation. » L’ancien maire de Laval défend une autre proposition de loi, transpartisane, signée, à ce jour, par 203 élus, qui entend laisser les médecins libéraux s’installer « de droit » dans des zones sous-denses. Mais ils devraient, pour pouvoir poser leur plaque ailleurs, obtenir une autorisation de l’agence régionale de santé, sauf s’ils remplacent un confrère ou une consœur sur le départ.
« Débat escamoté »
Une « ligne » que M. Garot n’a pas réussi à défendre à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi de financement de la « Sécu » à l’automne 2022. « De 49.3 en 49.3, le gouvernement a réussi à escamoter le débat. Cela montre bien l’embarras, la majorité ne fait pas bloc. » Son texte a obtenu, à ce jour, entre autres signatures, celles de quinze députés Renaissance, de vingt-deux MoDem et de trois Horizons.
Une autre proposition de loi, mêlant autorisation à l’installation et obligation de participer au service d’accès aux soins, devrait être versée au débat parlementaire, début mars, à l’occasion d’une niche du groupe Horizons. Là encore, le texte bénéficie d’un large soutien, dit-on.
Lire aussi : Accès aux soins : les syndicats de médecins libéraux haussent le ton
Virage politique ? Contre-feux ? Les avis sont partagés parmi les spécialistes, qui rappellent que tous les gouvernants, depuis les années 2000, ont été mis au défi des déserts médicaux. Dans les rangs des médecins libéraux, on s’alarme d’un « rouleau compresseur », d’une « incursion politique » dans la négociation conventionnelle. Et l’annonce, récente, d’une rallonge de 750 millions d’euros aux dépenses de santé n’a pas mis d’huile dans les rouages. Au contraire : le montant est destiné aux quatre cinquièmes à l’hôpital, donnant des arguments à ceux qui, dans la galaxie libérale, jugent la stratégie gouvernementale « hospitalo-centrée ».
« La négociation n’est pas finie », assure le directeur général de l’Assurance-maladie, Thomas Fatome. Dans la foulée de la grève, des réunions bilatérales sont encore prévues, les 15 et 16 février, et une multilatérale, le 22. L’occasion de discuter « notamment de trois niveaux supérieurs de revalorisation, au titre du contrat d’engagement », dit-il. Le temps presse : le délai juridique, pour parapher la convention, est toujours fixé au 28 février.
Voir aussi: