S’informer sur le rôle d’un observatoire régional de la santé

Les Observatoires Régionaux de Santé (ORS)

Par le Dr (Paris) [Déclaration de liens d’intérêts]  – Date de publication : 13 février 2023

https://toute-la.veille-acteurs-sante.fr/204820/gouvernance-hospitaliere-le-titanic-senfonce-et-la-croisiere-samuse-communique/

Les Observatoires Régionaux de Santé (ORS) contribuent au débat régional de la santé en appui aux acteurs du système de santé, aux collectivités locales, aux élus et aux citoyens. Ils sont à la disposition des décideurs locaux pour fournir des données de santé en vue d’améliorer la connaissance sur les déterminants de santé, sur les inégalités socio-territoriales, sur les pathologies ainsi que sur la qualité de vie des différents groupes de population. 

La diversité et le volume des données de santé n’ont jamais été aussi importants qu’aujourd’hui. La création du Système National des Données de Santé (SNDS), la multiplication des sources en open data ainsi que l’émergence des Big datapermettent, en théorie, d’élargir les possibilités de compréhension et d’anticipation dans le domaine de l’action en santé publique.
Autre évolution de ces dernières décennies sur le plan des données de santé : leur plus grande disponibilité à des échelles territoriales fines permettant des analyses et des exploitations se rapprochant des découpages des territoires d’action. Les méthodes utilisées pour l’exploitation de ces données ainsi que la finalité des usages deviennent, dès lors, des enjeux fondamentaux pour contribuer à la décision.
Nés dans les années 80, les observatoires régionaux de la santé (ORS) ont été créés sous l’impulsion de l’État afin, d’une part, de mieux connaître les inégalités qui existaient entre les régions françaises en matière d’état de santé et, d’autre part, de constituer une ressource opérationnelle et indépendante en appui aux directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass).
Les ORS œuvrent ainsi régulièrement, pour illustration, à l’amélioration des connaissances, au suivi ou à l’évaluation des projets régionaux de santé (PRS) arrêtés par les agences régionales de santé (ARS) via l’analyse d’indicateurs portant sur l’état de santé des populations et leurs déterminants. Ces mêmes approches sont reproduites à des échelons communaux ou intercommunaux, dans le cadre notamment des contrats locaux de santé (CLS) portés par les collectivités en lien avec les ARS.

Référence : 
Julien Giraud, Bernard Ledésert
Un appui à la décision : les ORS à l’interface entre le champ de la recherche et celui de l’action publique
Santé Publique 2022/3 (Vol. 34)

Pour l’Occitanie: https://creaiors-occitanie.fr

Un appui à la décision : les ORS à l’interface entre le champ de la recherche et celui de l’action publique

Des sources de données de santé de plus en plus diverses : pour quels usages ?

1La diversité et le volume des données de santé n’ont jamais été aussi importants qu’aujourd’hui. La création du Système National des Données de Santé (SNDS), la multiplication des sources en open data ainsi que l’émergence des Big data permettent, en théorie, d’élargir les possibilités de compréhension et d’anticipation dans le domaine de l’action en santé publique. Concomitamment, le développement de l’intelligence artificielle (IA) a enrichi les capacités d’exploitation de ces données de santé selon de nouvelles approches. Aussi, sur une même pathologie, peuvent coexister des données de sources diverses : celles du SNDS, permettant d’appréhender le recours aux soins ou les conséquences de la maladie ; celles issues de la veille (réseau sentinelles pour la grippe, par exemple), voire même des données issues des GAFAM (cas de Google Flu Trends proposant, jusqu’en 2015, des données à visée prédictive pour le suivi des épidémies de grippe).

2Les méthodes utilisées pour l’exploitation de ces données ainsi que la finalité des usages deviennent, dès lors, des enjeux fondamentaux pour contribuer à la décision. En particulier, les facultés des décideurs du champ de la santé publique à s’approprier les analyses issues de l’exploitation de ces données doivent être interrogées. Comment le traitement et l’interprétation des données de santé peuvent-ils contribuer à améliorer l’état de santé des populations et à réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ? Deux questionnements essentiels sont à considérer. Le premier concerne le caractère opérationnel des résultats issus de la recherche ou produits par les organisations publiques ou parapubliques, et le second, la faculté des décideurs à s’approprier ces résultats pour les traduire en actions.

Le difficile passage de la connaissance à la décision

3Le concept de recherche-action, principalement utilisé dans les sciences sociales, visant délibérément à transformer une situation et à produire des connaissances concernant ces transformations, peut venir illustrer ce besoin de renforcement du caractère opérationnel des recherches pour les décideurs. Cependant, dans ce cadre, le décideur va potentiellement déléguer aux chercheurs la responsabilité du changement, et sa capacité à réinvestir les résultats de la recherche-action peut rester en suspens.

4De même, la recherche interventionnelle en santé publique, qui se développe ces dernières années, s’avère pertinente pour produire des connaissances utiles à l’action des professionnels et à la décision des financeurs ou des personnes qui élaborent les politiques publiques. Le partenariat entre acteurs et chercheurs ainsi que les approches interdisciplinaires en sont les leviers principaux : ils doivent permettre la définition des priorités de recherche au prisme des besoins sociaux, et le développement d’une recherche contextualisée et utile aux acteurs [1].

5La question des capacités de réinvestissement des données de la recherche par les pouvoirs publics dans le domaine de la santé publique est particulièrement complexe. La formation et la disponibilité des agents peuvent parfois être des freins à l’appropriation des nouvelles connaissances scientifiques.

6De plus, hormis dans quelques domaines spécifiques (santé-environnement notamment), les pouvoirs publics jouent essentiellement un rôle de promotion des politiques et des innovations, mais ne sont pas eux-mêmes les acteurs directement au contact des populations. Le temps d’essaimage des nouvelles connaissances peut donc être particulièrement long, et les apports de la recherche, bien qu’appuyés par les autorités, peuvent rencontrer parfois des résistances de la part des acteurs de terrain. Aussi, les capacités des professionnels de terrain à s’approprier les résultats, leurs attitudes (motivation, sentiment d’utilité des résultats) et leur perception d’un intérêt direct dans l’utilisation des preuves (changement de pratiques, légitimation de l’activité, plaidoyer et formation de nouveaux partenariats) sont des facteurs importants pour apporter des changements dans les politiques et les pratiques de santé publique [2].

7Quels sont les principaux défis à relever par les politiques de santé ? Bien sûr améliorer, via l’accès à la prévention et aux soins, l’état de santé de la population, mais également réduire les inégalités de santé entre les populations et entre les territoires. Ces deux piliers, qui fondent l’essentiel des politiques de santé, reposent largement sur l’utilisation de données de santé. Celles-ci vont être le support du repérage des populations-cibles ou des territoires, mais également le matériel contribuant à l’évaluation de l’impact éventuel des politiques menées. De fait, l’utilisation et la production de données de santé par les chercheurs s’avèrent souvent insuffisantes pour orienter ou réorienter les modalités d’actions promues par les pouvoirs publics. La définition de ces modalités d’action nécessite, en revanche, de s’appuyer sur des données sur les interventions fournies par des recherches interventionnelles, sur des résultats de certaines évaluations, ou sur des enseignements issus de l’expertise expérientielle (obtenue via la capitalisation des expériences, par exemple).

Des données à adapter aux objectifs des décideurs

8Concernant l’objectif du suivi en routine des plans et programmes déclinés à l’échelle des territoires, la nature des données utilisées et des opérateurs sollicités doit être spécifique. En effet, cet objectif nécessite des données validées, standardisées, comparables et reproductibles, qui ne sont pas toujours accessibles en routine aux unités de recherche.

9Dans le cas de la maladie de Parkinson par exemple, les travaux réalisés depuis de nombreuses années par les chercheurs, via notamment la mise en place de grandes cohortes [3], ont pu aboutir récemment à la reconnaissance de cette maladie comme une pathologie professionnelle, dans le régime agricole, en cas de forte exposition aux pesticides. La recherche en santé publique a ainsi pu contribuer à l’amélioration de la prévention et à la reconnaissance de cette pathologie. Le suivi dans le temps et sur les territoires des indicateurs d’incidence et de prévalence des cas déclarés de maladie de Parkinson, indépendamment d’une exposition aux pesticides, nécessite, en revanche, d’autres approches et l’appel à d’autres méthodes devant être lisibles par les autorités sanitaires sur les territoires. De même, ces indicateurs ne sont pas opérants pour définir un plan d’action permettant, notamment, de réduire les expositions des utilisateurs de pesticides ou d’accompagner des changements dans les pratiques.

Les observatoires régionaux de la santé, des structures au service des politiques de santé

10Nés dans les années 80, les observatoires régionaux de la santé (ORS) ont été créés sous l’impulsion de l’État afin, d’une part, de mieux connaître les inégalités qui existaient entre les régions françaises en matière d’état de santé et, d’autre part, de constituer une ressource opérationnelle et indépendante en appui aux directions régionales des affaires sanitaires et sociales (Drass). Les ORS ont donc été, dès leur fondement, pensés comme des structures expertes œuvrant dans une logique d’action et s’appuyant sur leur maîtrise des données de santé au sens large. Si le spectre des données de santé entrant dans le domaine d’expertise des ORS n’a pas fait l’objet d’une définition initiale, celui-ci se révèle particulièrement vaste, explorant les différentes dimensions de la santé et de ses déterminants. De fait, les études réalisées par les ORS couvrent aussi bien l’épidémiologie des pathologies que celle des déterminants de santé, l’étude des besoins que celles des recours à la santé des populations dans leur diversité.

11Par opposition au temps indispensable de la recherche, les ORS, et c’est là une autre de leurs caractéristiques propres, présentent un principe de fonctionnement reposant, notamment, sur leur capacité à répondre rapidement aux demandes des institutions publiques ou des collectivités, dans de nombreux champs de la santé publique. Parallèlement à la mise à disposition progressive d’un nombre croissant de données de santé et à une exigence de technicité de plus en plus grande, les ORS ont développé des outils permettant une lecture, par les décideurs, plus efficace, pour le suivi et l’interprétation des indicateurs, ces derniers devant être fiables, comparables et reproductibles dans le temps et dans l’espace. La base de données SCORE-Santé, promue par le réseau des ORS et sa fédération au niveau national, est une des illustrations du développement de ces outils. En reconnaissance de leurs capacités d’expertises et de leurs apports dans l’étayage des politiques de santé, les ORS disposent d’un accès permanent au SNDS quand les chercheurs doivent solliciter des autorisations ponctuelles dans le cadre de leurs recherches.

12Autre évolution de ces dernières décennies sur le plan des données de santé : leur plus grande disponibilité à des échelles territoriales fines permettant des analyses et des exploitations se rapprochant des découpages des territoires d’action. Sur ce sujet, les ORS ont également su faire évoluer leurs approches pour s’adapter aux besoins des territoires de mise en œuvre des politiques et programmes de santé. Ainsi, quand les données de santé produites ou utilisées dans le cadre de la recherche en santé publique peuvent s’affranchir des limites territoriales, le champ d’action des ORS est guidé par des besoins en lien avec les prérogatives des décideurs, selon leurs échelles territoriales de décision et d’action.

13Les ORS œuvrent ainsi régulièrement, pour illustration, à l’amélioration des connaissances, au suivi ou à l’évaluation des projets régionaux de santé (PRS) arrêtés par les agences régionales de santé (ARS) vial’analyse d’indicateurs portant sur l’état de santé des populations et leurs déterminants. Ces mêmes approches sont reproduites à des échelons communaux ou intercommunaux, dans le cadre notamment des contrats locaux de santé (CLS) portés par les collectivités en lien avec les ARS.

14Outre les relations avec les ARS, les ORS peuvent venir éclairer, via leurs capacités d’analyse des données de santé, les projets des établissements de santé ou des collectivités dans le cadre des Groupement Hospitaliers de Territoire (GHT) ou des politiques et programmes de prévention.

15Un certain nombre d’entre eux proposent également aux conseils régionaux des travaux en lien avec leurs orientations, notamment populationnelles ou en faveur des territoires.

Les ORS, à l’interface entre la recherche et les données opérationnelles

16Si le champ des données de santé s’est considérablement élargi, ces dernières restent lacunaires sur le plan des comportements, attitudes et pratiques en matière de santé ou dans des domaines comme ceux du handicap et de la dépendance. De même, les connaissances relatives aux ressources en santé présentes au sein des territoires et leurs organisations nécessitent parfois des investigations spécifiques. La création de données adhoc peut alors s’avérer nécessaire. Il peut s’agir d’un point de convergence fort entre unités de recherche et ORS. Des enquêtes auprès de la population générale ou de populations spécifiques sont régulièrement mises en place par les ORS, parfois en association avec des chercheurs, pour satisfaire les besoins des plans ou programmes de santé. Ces enquêtes s’appuient à la fois sur des protocoles scientifiques respectant les standards de la recherche et sur la définition d’indicateurs répondant strictement aux besoins identifiés par les commanditaires. Ces travaux peuvent donc contribuer à enrichir les hypothèses de la recherche et répondre à un besoin immédiat pour contribuer à définir une politique ou à l’évaluer.

17Ainsi, à titre d’illustration, plusieurs études ont pu être conduites par des ORS et leur fédération, en lien avec des unités de recherche, comme celles en cours autour des conduites suicidaires [4] ou des risques psychosociaux en milieu professionnel [5], ou dans des domaines peu explorés en France comme celui des effets de la précarité énergétique sur la santé [6]. Les résultats issus de ces études visent systématiquement à enrichir les capacités d’action des institutions en charge, au niveau régional ou national (ministères, ARS ou services déconcentrés), de la prévention et des prises en charge sur ces thématiques.

18Parallèlement, les ORS se nourrissent des conclusions issues de la recherche ou du développement de nouvelles méthodes promues par les universitaires. La mise en œuvre, par les équipes des ORS, des méthodes d’évaluation d’impact sur la santé (EIS) dans différents domaines, et notamment celui de la santé environnementale, en est un des exemples. De même, les améliorations portant sur des indicateurs d’accessibilité aux soins de premiers recours permettent aux ORS d’affiner leurs accompagnements et diagnostics locaux dans le domaine de la démographie médicale.

19Une autre caractéristique des ORS est de pouvoir, grâce à leurs équipes pluridisciplinaires, combiner des approches issues de champs et pratiques différentes. Ainsi, de plus en plus souvent, ils sont amenés à associer, dans les études mises en place, des approches quantitatives reposant sur des indicateurs de santé ou les résultats d’enquêtes de type épidémiologique à des approches qualitatives empruntant des méthodologies déployées dans les différents champs des sciences humaines et sociales.

20Les ORS ont également développé, depuis près de 40 ans, des relations avec les différentes personnes responsables des prises de décision dans le champ de la santé, aux différents niveaux territoriaux. Cette connaissance fine de ces acteurs leur permet d’adapter les messages issus des recherches et travaux menés aux besoins et attentes de ceux-ci.

21Si la diversification des sources des données de santé augmente les possibilités de traitement et d’analyses, la capacité à les traduire en leviers opérationnels visant à réduire les inégalités de santé et à améliorer l’état de santé de la population reste un enjeu primordial. Dans ce cadre, il convient en permanence d’adapter le choix des méthodes, des données et des indicateurs aux finalités des acteurs œuvrant dans le champ de la santé publique. Aussi, les collaborations entre les unités de recherches et les structures en première ligne ayant parmi leurs missions d’étayer les prises de décisions sur les territoires (ORS, mais également les Instances régionales d’éducation et de promotion de la santé – Ireps – ou les Centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité – Creai) sont des invariants nécessaires et naturels. Ainsi, les ORS se placent à l’interface entre la recherche et les données opérationnelles.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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