Transfert de patients, manque de moyens, surcroît de travail… Le casse-tête des urgences psychiatriques à Albi
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Le changement a eu lieu lundi 30 janvier. DDM – Marie-Pierre Volle
Publié le 04/02/2023 à 17:00
l’essentiel
À Albi, les urgences psychiatriques (CAPS) du Bon Sauveur, spécificité départementale, accueillaient près de dix patients chaque jour. Lundi 30 janvier, après plus de trois décennies de bons services, elles ont disparu pour rejoindre les urgences du centre hospitalier. Une fermeture qui pose question.
Pendant 34 ans, la fondation du Bon Sauveur d’Albi a disposé de son propre service d’urgences. Cette spécificité a pris fin en début de semaine. Depuis le 30 janvier, les urgences psychiatriques ont rejoint les urgences « générales » du centre hospitalier d’Albi, rejoignant en cela ce qui se faisait déjà à Lavaur.
La fondation, parfois critiquée pour sa gestion, n’est pas pour autant à l’origine de cette initiative dont la mise en place a été retardée par la crise sanitaire. Le regroupement des urgences fait suite à une demande impérative de l’agence régionale de santé (ARS) qui cherche par ce biais à rationaliser la prise en charge des patients dans le Département.
Réorganisation
Jusqu’à présent les patients du grand Albigeois qui arrivaient avec une pathologie principalement psychiatrique étaient adressés directement aux urgences psychiatriques de la Fondation privée. « Le CAPS était un centre d’accueil de crise, pas un service d’urgence », corrige le directeur général de la fondation, Laurent Krajka. « Ce nouveau modèle permet de distinguer dès le départ, ce qui relève de la psychiatrie et ce qui n’en est pas. » Une perte sans regret, donc pour le Bon Sauveur, comme le confirme Olivier Tellier, chef de pôle, filière urgences et crise psychiatrique. « Il n’y a pas de patient psychiatrique, il n’y a pas de patient somatique, il y a juste des patients, cette organisation est celle de nombreux territoires de la région. »
Pourtant cette nouvelle organisation fait peser sur l’hôpital général, la gestion de patients parfois difficiles et pour lesquels le personnel n’est pas forcément formé. « Nous avons tout prévu », se veut rassurant Laurent Krajka qui détaille le dispositif accompagnant ce regroupement. En pratique, une équipe de liaison psychiatrique de la Fondation se rend quotidiennement à l’hôpital. Présente de 8h à 21h30, l’équipe intervient aussi la nuit en fonction des besoins.

Méfiance du côté des syndicats
Si pour Alexandre Fritsch, directeur du centre hospitalier Albi, « c’est l’intérêt du patient » qui a commandé la fin des urgences psychiatriques au Bon Sauveur, il en est tout autrement pour les syndicats de l’établissement qui restent méfiants.
« Je ne suis pas sûr que ce soit un progrès pour les patients », s’inquiète Michelle Rodriguez, déléguée syndicale SUD. « Sur place, il n’y a pas une équipe pour gérer les urgences au centre hospitalier. Il y a très peu de personnel présent. C’est un surcroît de travail pour des équipes qui sont déjà très sollicitées. L’ambition est peut-être supérieure aux moyens. »
Une position partagée par Jonathan Miranda, délégué syndical UNSA, « on n’a pas encore de recul. Mais syndicalement, on a levé le lièvre, sur des questions de perte de chance. Quelqu’un qui va se retrouver au centre hospitalier, il sera avec tout le monde. Un patient en crise qui attend deux ou trois heures, ça peut être dangereux. Et on risque aussi d’avoir des patients qui se perdent dans la nature. » Des situations qui pourraient présenter des risques pour les patients qui passent encore aux urgences faute de trouver un médecin traitant.
Cette mutualisation, qui s’inscrit aussi dans le début d’une décennie de contrainte en matière de ressources humaines au Bon Sauveur comme au centre hospitalier, a déjà un impact non négligeable sur les habitudes des patients. « L’ancien CAPS recevait des appels de patients, ce n’est pas le cas des urgences », donne comme exemple, Anne Millan-Dondelli, déléguée syndicale CGT. « On attend de voir comment les liens entre les établissements vont concrètement fonctionner. On reste vigilant. »

Unité psychiatrique de crise
La perte des urgences ne sonne pas pour autant le glas de la gestion de crise au Bon Sauveur. Afin de remplacer le défunt CAP, la fondation a décidé de créer une unité psychiatrique de crise dotée de quinze lits d’hospitalisation et deux chambres d’isolement. Parmi ces lits d’hospitalisation, on en retrouve deux, destinés aux adolescents. Une bonne nouvelle, après la fermeture temporaire de cinq lits d’hospitalisation réservés aux adolescentsà l’automne dernier.
Au sein de l’unité, l’hospitalisation reste limitée à six jours (contre les 72h du CAPS), un progrès pour l’établissement. Le dispositif de crise a aussi été complété par une équipe mobile d’hospitalisation.
Alexandre Maniez
suivre ce journaliste
*Albi : Après une succession de crises, le Bon Sauveur espère renforcer son attractivité en 2023
Laurent Krajka est devenu le directeur général de la fondation du Bon-Sauveur au cours de l’année 2022. DDM – Marie-Pierre Volle
Santé, Coronavirus – Covid 19, Albi
Publié le 05/01/2023 à 18:56 , mis à jour à 19:58
l’essentielEntre crise sanitaire, mouvement social et pénurie de main-d’œuvre, l’année 2022 a été compliqué pour la première structure pourvoyeuse d’emplois de la ville. Pourtant à l’occasion de ses vœux, la fondation a décidé d’assumer ces moments de crise pour mieux se projeter sur 2023.
Ils avaient décidé d’assumer les tensions qui ont émaillé l’année 2022 pour mieux aborder 2023. Au cours d’une cérémonie de vœux, en présence d’une partie du personnel, mais aussi de nombreux élus et du directeur de la délégation territoriale du Tarn de l’agence régionale de santé (ARS) d’Occitanie, la présidente de la fondation, puis son directeur général, n’ont pas feint d’ignorer les difficultés qui cernent le Bon Sauveur
« Je veux remercier l’ensemble des salariés présents ce jour », précise d’emblée la présidente de la fondation, Gisèle Dedieu à ces premiers vœux depuis le début de la crise sanitaire. Une cérémonie à laquelle le personnel avait décidé de participer en nombre. « Tout au long de l’année, nous avons dû faire face à des tensions et des difficultés qui sont venues éprouver nos modèles, notre organisation et notre capacité à faire face. » Pourtant, malgré la colère des salariés, la présidente se veut confiante pour cette nouvelle année et espère recruter du personnel. « Les temps sont durs mais nous y faisons face ». Une philosophie partagée par son directeur, Laurent Krajka, acteur du renouvellement de l’équipe de direction de la fondation.
Devenir plus attractif
Pour répondre aux missions de services publics qui lui sont confiées, le Bon Sauveur a donc décidé de lancer une grande campagne d’attractivité à destination des professionnels de santé, résumée en quelques mots par son directeur. « La mobilité professionnelle, le renforcement de l’attractivité de nos activités et de nos métiers seront des défis à relever. Nous en avons besoin pour conserver nos talents, attirer de nouveaux professionnels et ainsi continuer de développer nos activités. »
Une campagne qui pourra compter sur un certain soutien de la part de l’ARS. « Nous savons que nous avons une petite décennie difficile en termes de recrutements médicaux, de recrutements paramédicaux, en termes de recrutement de soignant », constate son représentant local, Abderrahim Hammou Kaddour. « Si nous arrivons à gérer la pénurie dans la décennie qui vient, nous pouvons raisonnablement nous dire que nous resterons dans un système tel que nous l’avons connu, socialisé, qui permet une réponse et des prises en charge un peu partout sur le territoire. »
Alexandre Maniez
suivre ce journaliste
**Albi. Bon Sauveur : aux urgences psychiatriques, ils soignent les têtes par l’écoute
Carole et Chantal, secrétaires, Karine, infirmière de liaison, Gilles, cadre de proximité, Hafid Belhadj-Tahar et Maxime, infirmier constituent l’équipe des urgences psychiatriques du Bon Sauveur. Photo DDM,R.R
Publié le 04/02/2016 à 08:09
Au sein de la vaste institution qu’est le Bon Sauveur à Albi, une poignée de professionnels de santé affectés au service des urgences psychiatriques, désormais baptisé Centre d’accueil permanent spécialisé (CAPS), accueillent et soignent les patients atteints de troubles psychologiques. Et ce 24 heures sur 24, tous les jours de l’année. Le docteur Marc Passamar a créé cette Unité d’orientation d’accueil et de crise (UOAC) en 1989, laquelle est compétente pour tout le Nord du département. En 2014, le service a accueilli 4 620 personnes adultes, un peu plus de femmes que d’hommes (la pédopsychiatrie est plus l’affaire du centre hospitalier). 1 564 ont été hospitalisées dont 310 sous la contrainte à la demande des familles, d’un maire ou du préfet, car considérées comme «dangereuses pour elles et pour autrui», précise le Dr Hafid Belhadj-Tahar, médecin hospitalier.
Quatre grands principes prévalent dans le fonctionnement du CAPS : l’accueil des patients qui viennent de leur propre gré, sur prescription d’un médecin traitant ou du SAMU ; la prise en compte de l’urgence dans un lieu unique où les urgentistes prennent le temps qu’il faut pour écouter le patient parfois autour d’un café et d’une collation ; l’évaluation et l’orientation qui permettent d’apprécier la dangerosité du patient, s’il a un traitement ou pas et enfin l’écoute et le conseil téléphonique.
Mais qui vient consulter au CAPS ?
Dépression, phobies
«L’éventail est assez large explique Hafid Belhadj-Tahar, il va des personnes emmêlées dans des soucis conjugaux à celles victimes de dépression, de troubles obsessionnels, de phobies, d’addictions à l’alcool ou aux drogues jusqu’à la difficulté de faire le deuil de quelqu’un. Ce qui est sûr, poursuit-il c’est que ces gens ne viennent pas ici par gaieté de cœur. Nous avons ici une vision très crue de la société et notre rôle est de considérer ces personnes comme des malades normaux qu’il convient surtout d’écouter, ce qui nous permet parfois de trouver le petit truc, de mettre le doigt sur quelque chose qui génère le mal-être».
L’écoute est le maître mot du médecin. «Un fou cela n’existe pas, en psychiatrie c’est la parole qui guérit, il faut savoir prendre le temps qu’il faut, discuter pour arrêter un patient en état de crise qui arrive dans le service, sinon la situation peut glisser vers la bipolarité ou la schizophrénie».
Vidéosurveillance
Pour accéder au bâtiment qui abrite le CAPS, il faut montrer patte blanche avant de pénétrer dans l’ascenseur qui conduit au deuxième étage.
C’est là que les patients sont pris en charge d’abord par le secrétariat puis par le personnel médical.
Lorsque le médecin l’estime utile, le patient est soit invité à repartir, soit il est gardé dans des chambres très sécurisées et toutes équipées de caméras vidéo, maximum 72 heures, soit hospitalisé au Centre médico-psychologique, autre service du Bon Sauveur, pour y recevoir un traitement adapté comme s’il s’agissait d’un malade «normal».
R.R
Commentaires Dr Jean SCHEFFER
La fermeture du CAPS du « Bon Sauveur », une des plus graves décisions de l’ARS, acceptée par direction et corps médical.
C’est tout simplement une catastrophe pour le Bon Sauveur (Hôpital psychiatrique de la fondation Pierre Jammet à but non lucratif) , pour l’hôpital général, pour les patients psychiatriques, pour le personnel soignant de l’hôpital général, pour les patients des urgences.
Le seul gagnant c’est la personne de l’ARS chargée de diminuer les dépenses.
C’est une fantastique régression , nous revenons 30 ans en arrière . J’ai connu le fonctionnement mixte aux urgences de l’hôpital ayant fait quelques gardes . Les psychiatres du BS ne venaient pas voir les malades aux urgences, et c’est certainement ce qui va se passer à nouveau.
J’ai cru comprendre qu’ils refusaient actuellement de faire une garde sur place .
Enfin le nouveau service des urgences je crois n’est pas encore ouvert alors pourquoi au moins ne pas attendre son ouverture .
Cela va être une pagaille monstre déjà que !
Il faut dénoncer les contre-vérités contenues dans l’article de la Dépêche qui témoigne de la part de mon confrère le Dr Tellier et du Directeur d’une attitude d’acceptation vis à vis de l’ARS et du pouvoir politique, qui est pour le moins peu éthique.
Affirmer que ce n’était pas un service d’urgence et que ce sera mieux avec la création d’une « unité psychiatrique de crise dotée de quinze lits d’hospitalisation et deux chambres d’isolement dont deux lits pour adolescents », c’est mentir à tout le monde. Ce n’est pas une création, mais une transformation de lits, avec qui plus est la perte de 3 lits pour adolescents, car c’est reconnaitre à demi mot la fermeture définitive de l’unité pour adolescents. L’hospitalisation y sera limitée pour 6 jours, ce qui n’était pas le cas dans l’unité fermée « temporairement ».
« Tout a été prévu pour l’accueil à l’hôpital général », disent-ils, sauf qu’il ne s’agit pas d’une présence sur place 24h/24 d’infirmiers spécialisés et de psychiatres.
Une habitude avait été prise d’appels au CAPS et d’accueil dans l’unité d’urgence 24h/24. Le 15 de l’hôpital général, surchargé depuis les nouvelles dispositions de tri des appels en amont des urgences sur toute la France pour pouvoir se rendre aux urgences, n’avait vraiment pas besoin de ce surcroit de travail.
Une fois de plus voilà une décision prise sans les avis des représentants des usagers (UNAFAM et Comité de Défense de l’hôpital et de la Santé d’Albi).
Nous aimerions connaitre la nature du rapport qui a abouti à cette décision, car l’existence du CAPS était grandement appréciée dans notre territoire **.
En ces moments bien tristes, je pense à notre ami, et ancien Directeur du Bon Sauveur, Christian Brunet qui voit des pans entiers de ses créations disparaître progressivement au fur et à mesure des coupes sombres, décidées par ARS et ministère.
Dr Jean SCHEFFER Ancien médecin chef CH d’ALBI
