Une vraie refondation du système de santé devrait faire face à 5 lignes de fracture qui divisent les soignants (médecins et paramédicaux)
1er clivage entre hospitaliers et libéraux, faute d’une gradation des soins en 3 niveaux et faute d’un renforcement suffisant du premier recours malgré les MSP, les Centres de santé et les CPTS.
2ème clivage entre le service public et la médecine libérale faute d’intégrer au service public tous les professionnels installés en secteur 1 et participant à la permanence des soins (au titre de PSPS =participant au service public de santé)
3ème clivage entre les avec dépassements d’honoraires (spécialistes à la ville et à l’hôpital) et les sans dépassement, faute d’une revalorisation du secteur 1, et d’une sortie du tout paiement à l’acte qui permettraient une mise en extinction de l’oxymoron du secteur 2 (libre mais conventionné!) créé en 1980 par Raymond Barre contre la CSMF
4ème clivage entre médecins et paramédicaux libéraux.La loi Ritz pourrait transformer les CPTS en plateforme de dérégulation des équipes soignantes au profit d’une forme d’ubérisation offrant un accès direct aux différents « auto-entrepreneurs » de la santé. faute d’un développement suffisant des centres de santé et des MSP.
5ème clivage les PH versus les PUPH, les CHU versu les CH non U alors qu’une loi Debré 2 aurait dû instaurer en 1980 un statut unique de médecin hospitalier avec 5 valences (soin, enseignement, recherche, santé publique, recherche) assumable par une équipe (avec 2 à 3 valences par médecin) et alors que l’enseignement devrait être indépendant de la recherche et que la recherche clinique devrait se faire en réseaux collaboratifs notamment entre CHU CHR et CH et entre l’hôpital et la ville .
Sans parler du clivage entre les praticiens se référant à l’EBM et ceux pratiquant la « patamédecine », ceux pratiquant la médecine centrée sur le malade et ceux pratiquant une médecine centrée sur la maladie.
Pour construire un service public de santé intégré ville hôpital , territorialisé et cogéré, il faut construire une alliance entre médecins et paramédicaux ainsi qu’entre soignants et patients …. Le temps presse tandis que la financiarisation de la santé avance face au déclin inexorable du modèle de 1927 de la médecine libérale défendue par les « médecins de demain » (et l’UFML présidée par un directeur declinique, médecin généraliste). et face à la faillite de la politique de l’hôpital entreprise sous contrainte budgétaire (autre oxymoron)
Pr André Grimaldi
Commentaire J. P. DEVAILLY
Je vous fais passer ci-dessous une analyse d’André Grimaldi sur les clivages de notre système de santé que tout le monde n’a peut-être pas reçu.
Une notion centrale est le service public de santé, ses rapports avec une protection sociale solidaire en santé et ce qu’elle implique.
Une autre question centrale est de distinguer la rémunération des soins et celle des médecins / soignants (acte, salaire ou capitation en passant par les différents forfaits plus ou moins utiles)
La notion de participation au service public de santé rénovée et intégrant la gradation des soins peut être féconde à condition qu’elle protège efficacement (patients, soignants et managers de santé) de plusieurs menaces possibles.évoquées par andré Grimaldi suivant qu’elle est trop rigide, trop lâche ou trop financiarisée.
Il faut peut-être garder le bon de 1927: non pas l’auto-entreprise (vision économique libérale de l’entreprise médicale) mais l’autonomie d’organisation des médecins (vision professionnelle libérale au sens des pratiques prudentielles menacées par la gestion)
et le bon de 1958: un service public hospitalier avec une clinique, un enseignement et une recherche de très haut niveau, mais limitées pour mille raisons à une vision centrée sur la « machine à guérir », trop étiopathogénique et curative, du fait de l’insuffisance deux autres valences d’André, la gestion et la santé publique.
Enfin la ‘patamédecine est liée à l’anti-science et une nouvelle forme d’anti-médecine promue par le mythe de la « grande santé ». Ce mythe complexe finit paradoxalement par diluer la médecine et les soins de santé dans les croyances les plus archaïques.
Elle est surtout liée à l’ubérisation et aux intérêts qui la favorisent, qui ne cessent d’élargir l’ouverture de la boîte de Pandore.
Quant aux « anti-sciences » il ne faut pas les emmerder et les punir en les prenant simplement pour des ignares irrationnels, mais d’abord comprendre pourquoi ils le sont devenus.