A peine lancée, l’aventure d’Hopium, le constructeur français de voitures électriques à hydrogène, se cherche déjà un second souffle

La voiture à hydrogène d’Hopium cale au démarrage

Confrontée à des pertes importantes, la start-up française doit licencier et repartir à la recherche de fonds. 

Par Jean-Michel NormandPublié aujourd’hui à 05h15, mis à jour à 06h52

Temps de Lecture 3 min. https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/01/28/la-voiture-a-hydrogene-d-hopium-cale-au-demarrage_6159628_3234.html

La Machina d’Hopium, une berline de luxe d’une puissance de 500 chevaux et d’une autonomie de 1 000 kilomètres, n’est pas attendue avant 2025.
La Machina d’Hopium, une berline de luxe d’une puissance de 500 chevaux et d’une autonomie de 1 000 kilomètres, n’est pas attendue avant 2025.  HOPIUM

A peine lancée, l’aventure d’Hopium, le constructeur français de voitures électriques à hydrogène, se cherche déjà un second souffle. Confrontée au rythme accéléré de ses dépenses, à l’absence de chiffre d’affaires – son premier modèle, la Machina, n’est pas attendu avant 2025 – et à la soudaine réticence des marchés, la marque, qui se rêve en Tesla de l’hydrogène, doit revoir en urgence sa feuille de route.

Hopium, qui a enregistré une perte de 9,5 millions d’euros au premier semestre de 2022 et dont le cours de Bourse est passé de 28 euros à 4,70 euros en dix-huit mois, va se séparer d’une trentaine de ses 142 salariés et partir en quête de nouveaux financements.

La société, qui, en décembre 2022, a nommé Sylvain Laurent, venu de Dassault Systèmes, au poste de directeur général – l’entreprise avait intronisé l’an passé Jean-Baptiste Djebbari, ancien ministre des transports, à la présidence de son conseil d’administration –, dit aborder une phase de rééquilibrage. Ses dirigeants reconnaissent que les dépenses, en particulier la masse salariale, ont crû trop vite et que la société n’a pas obtenu les financements qu’elle attendait. Hopium, qui a déjà levé près de 70 millions d’euros, estime devoir mobiliser 200 millions d’euros dans les deux à trois prochaines années.

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Le constructeur se dit ouvert à l’arrivée de nouveaux partenaires industriels auxquels il pourrait « s’adosser ». Il compte également sur les aides de la région Normandie – programmée à Douains (Eure), la construction d’une usine pompeusement dénommée « la manufacture du futur » n’est pas remise en cause – et sur celles de l’Etat, qui prévoit d’investir 9 milliards d’euros dans la filière hydrogène d’ici à 2030.

Vents contraires

En parallèle, la stratégie industrielle d’Hopium va évoluer. Il n’est plus question de s’en tenir à la seule production de la Machina, une berline de luxe d’une puissance de 500 chevaux et d’une autonomie de 1 000 kilomètres, qui devrait être facturée 120 000 euros. L’entreprise entend valoriser la pile à combustible – capable de produire de l’électricité à partir de l’hydrogène embarqué à bord de la voiture – qu’elle a mise au point.

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Celle-ci pourrait être commercialisée ou produite sous licence à destination de constructeurs automobiles, de poids lourds, d’utilitaires légers, de bus, voire de matériel ferroviaire. La start-up, qui assure disposer « de deux années d’avance sur ses concurrents », n’exclut pas que sa pile à combustible puisse générer des revenus dès 2024, malgré la concurrence très active des grands constructeurs et des équipementiers à laquelle il faudra faire face.

Le rendement global de la pile à combustible et l’absence d’un réseau de distribution constituent, pour l’instant, des obstacles à son adoption à grande échelle

Les vents contraires que subit Hopium s’inscrivent dans un contexte peu favorable à l’essor des voitures électriques fonctionnant à l’hydrogène. Celles-ci ne manquent pourtant pas d’arguments. Ce gaz n’impose pas d’embarquer de lourdes batteries, permet de remplir un réservoir en quelques minutes, offre une autonomie comparable à celle d’un véhicule à moteur thermique et ne rejette que de la vapeur d’eau. Cette technologie semble cependant mal convenir aux véhicules particuliers.

Le rendement global de la pile à combustible – la production d’hydrogène exige une quantité d’énergie très importante – et l’absence d’un réseau de distribution constituent, pour l’instant, des obstacles à son adoption à grande échelle. Et ce, malgré les importants programmes publics de soutien et les investissements des sociétés de capital-risque consacrés à l’hydrogène. Ces derniers, selon le cabinet Deloitte, ont représenté 2 milliards de dollars (1,83 milliard d’euros) en 2021 et devaient augmenter en 2022.

Pari

Au total, on peut estimer à moins de 50 000 le nombre de véhicules particuliers alimentés par une pile à combustible vendus dans le monde, depuis à peine plus de dix ans.

Premier constructeur à s’être lancé dans cette voie, en 2014, Toyota diffuse sa Mirai au compte-gouttes et la Nexo de Hyundai fait un peu mieux grâce au marché sud-coréen, qui absorbe la moitié de la production mondiale. Les autres constructeurs ne s’intéressent à la pile à combustible que pour motoriser des camions, des utilitaires lourds et légers, des trains, des bateaux, voire des avions. Bref, tout ce qui aujourd’hui roule au diesel ou vole au kérosène.

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Hopium continue pourtant de croire en ses chances de promouvoir un modèle de haut de gamme susceptible d’incarner la « hype » de la voiture à hydrogène. Cette ambition avait séduit Crédit agricole Consumer Finance, qui avait conclu, en octobre 2022, en marge du Mondial de l’automobile, un protocole d’accord (sans engagement ferme) pour une commande prévisionnelle de 10 000 véhicules (théoriquement 1,2 milliard d’euros) destinés au leasing.

En revanche, le pari laisse de marbre Clément Dupont-Roc, du cabinet C-Ways. « Dans les années 2010, on considérait que la technologie de l’hydrogène pourrait prendre le relais en cas d’échec des véhicules électriques à batterie. Or la partie, désormais, est jouée pour les constructeurs, et aucun pays ne peut développer en parallèle un réseau complet de bornes électriques et un autre pour la distribution d’hydrogène », assure-t-il. L’expert automobile voit dans le faux départ d’Hopium l’effet d’une rencontre entre « un buzz techno et l’argent facile en provenance des fonds d’investissement à risque ».

Jean-Michel Normand

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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