Les conférences de directeurs généraux de CHU et de CH alertent sur les risques de la création de ratios patients-soignants à l’hôpital
PARIS, 19 janvier 2023 (APMnews)
Les conférences des directeurs généraux de CHU et de directeurs de CH ont alerté sur les risques que comportait la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé déposée au Sénat, dans un communiqué diffusé jeudi.
Les conférences de directeurs hospitaliers se sont exprimées jeudi après avoir été auditionnées par Laurence Rossignol (socialiste, Oise), rapporteure au Sénat de la proposition de loi relative à l’instauration d’un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, qui doit être examinée le mercredi 25 janvier par la commission des affaires sociales puis mercredi 1er févrierà l’occasion d’une « niche » du groupe socialiste (cf dépêche du 16/12/2022 à 10:17).
« Face à la situation trop souvent dégradée du fonctionnement des services de soins, la définition de ratios peut conduire à des résultats contraires aux objectifs annoncés, consistant à augmenter les effectifs mobilisés auprès du patient », ont prévenu les deux conférences.
Elles estiment que « le déploiement de ratios risque d’aboutir à des fermetures de lits non coordonnées pour permettre aux services normés de fonctionner ».
Plutôt que la mise en place de ratios de patients, les deux conférences ont plaidé en premier lieu pour « un niveau de financement adapté au fonctionnement hospitalier, et donc répondant aux besoins de soins inhérents à l’augmentation des [affections de longue durée] et de l’espérance de vie ».
« Le financement de l’activité hospitalière ne tient pas compte de l’évolution des densités déjà réalisée depuis 2020 et qui s’éloigne sensiblement des abaques du Copermo [comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers] », ont-elles appuyé.
Les deux conférences de directeurs ont également appelé le législateur à laisser « pleinement aux professionnels médicaux et paramédicaux, et plus particulièrement à l’encadrement, les marges de manoeuvre pour évaluer la charge en soins et qualifier les effectifs nécessaires ».
« Rendre des effectifs paramédicaux opposables reviendrait à déqualifier fortement l’analyse en temps réel des situations cliniques qui relève pleinement des missions d’encadrement », ont-elles mis en garde.
Les conférences ont également mis en avant les « enjeux de formation, tant en nombre qu’en qualification dans les services de soins », en regrettant au passage « la course de lenteur actuelle pour revoir les maquettes pédagogiques des étudiants en soins infirmiers et pour augmenter les places dans les Ifsi [instituts de formation en soins infirmiers] ».
Enfin, les fédérations ont évoqué le « chantier de l’attractivité »: « Si les sujets salariaux ne sont pas nécessairement épuisés (reconnaissance de l’expertise, de la pénibilité, de la spécialisation au fil de la carrière…), la formation des managers de proximité reste à consolider pour mieux prendre en compte les présupposés relationnels à la base des ambiances de travail positives. »
Lors d’un entretien accordé lundi à APMnews (cf dépêche du 17/01/2023 à 18:32), le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, avait également émis des réserves sur cette proposition de loi et « le terme de ratio parce que cela impliqu[ait] quelque chose d’uniforme, et de très rigide ».
« Je préfère, comme l’a dit le président de la République, revenir sur l’adaptation des effectifs à la charge en soins », avait-il développé en prônant une approche au cas par cas, tenant compte des spécificités de chaque service. « C’est plus compliqué mais beaucoup plus pertinent en termes d’efficacité. »
gl/ab/APMnews
Commentaire Dr Jean-Pascal DEVAILLY
Médecin des Hôpitaux, AIHP – ACCAService de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR)
Du fric ou des garde-fous? Les deux mon général!
Dans un monde financiarisé où voilà des années qu’on privilégie les variables d’ajustement qualitatives, deux solutions sont toujours opposées, en établissement et structures de soins comme en secteur libéral.
1. Plus de fric et on fera bien, on vous le jure! Le divin marché (qui n’en est même pas un en santé) c’est la solution à tout
2. Plus de garde-fous réglementaires et et vous serez obligé de bien faire, répond l’Etat social.
La vérité est entre les deux: sans ratios, on a essayé et on a eu des problèmes, et sans argent du fait de politiques d’ajustement désastreuses aussi!
Mais quand même, ils sont gonflés, les dirlos et les fédérations et surtout tellement prévisibles! Oui, certes, ont peut en dire autant de la petite entreprise médicale libérale quand elle se prend pour telle.
Ben oui, la règlementation M. le ministre c’est toujours un peu uniforme et rigide, c’est sûr! C’est pas comme les inégalités et pertes de chances crées par la régulation à l’européenne, la flexibilité et l’agilité managériale et financière!