l’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de mercredi à jeudi l’ouverture d’un «accès direct» des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA).
Revue de presse rédigée par Laurent Frichet
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Le Parisien – 19 Janvier 2023
Le Parisien indique en effet que « l’Assemblée nationale a adopté dans la nuit de mercredi à jeudi l’ouverture d’un «accès direct» des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA). L’article premier de ce texte […] prévoit également la possibilité pour ces infirmiers de faire certaines prescriptions ».
Le journal rappelle que « le statut d’IPA, créé via la loi Touraine de 2016 et un décret en 2018, avec un diplôme bac + 5, vise notamment à réduire la charge de travail des médecins en élargissant les compétences de certains infirmiers sur des pathologies ciblées. Mais la mesure tirée d’une proposition de loi sur l’accès aux soins reste vivement critiquée par une partie des médecins ».
Le quotidien relève ainsi que « le déploiement de ces « infirmiers experts » est encore limité, en raison notamment d’un nombre insuffisant de patients qui leur sont adressés par des médecins et d’une rémunération peu attractive ».
« L’article adopté mercredi vise à revaloriser ce statut en donnant la possibilité aux patients de se rendre directement chez ces paramédicaux sans passer en amont par un médecin, mais dans le cadre d’un «exercice coordonné» avec ce dernier », explique Le Parisien.
Le journal indique en outre que « la proposition de loi […], dont l’examen doit se poursuivre ce jeudi, prévoit également d’instaurer un «accès direct» aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes ».
La députée Renaissance Stéphanie Rist a déclaré que « ce texte répond à deux objectifs : lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins ».
Le Parisien remarque toutefois que « les organisations de médecins s’alarment de certaines mesures du texte, qui contournent selon elles les prérogatives des praticiens libéraux. Ce texte est «dangereux et inadapté», a ainsi estimé mercredi le syndicat de médecins généralistes MG France, mettant en garde contre «une médecine où des professionnels de santé sont interchangeables sans une quelconque prise en compte de la qualité des soins» ».
L’« accès direct » des patients à certains infirmiers adopté à l’Assemblée nationale
Afin d’améliorer l’accès aux soins et de lutter contre les déserts médicaux, ce texte permet de consulter des personnels paramédicaux sans passer par des médecins. Ces derniers dénoncent une médecine à deux vitesses.
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La mesure irrite déjà les médecins. L’Assemblée nationale a adopté, dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 janvier, l’ouverture d’un « accès direct » des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA). Il s’agit de l’une des dispositions d’une proposition de loi sur l’accès aux soins.
L’article 1er de ce texte, voté en première lecture par les députés par 62 voix contre 3, prévoit également la possibilité pour ces infirmiers de faire certaines prescriptions.
Créé par la loi Touraine de 2016 et un décret en 2018, le statut d’IPA, qui requiert un diplôme bac + 5, et non à bac + 3 comme les infirmiers diplômés d’Etat, a élargi les compétences de certains infirmiers sur des pathologies ciblées. L’objectif était déjà de réduire la charge de travail des médecins ; mais le déploiement de ces « infirmiers experts » est encore limité. En cause, notamment, le nombre insuffisant de patients qui leur sont adressés par des médecins et une rémunération peu attractive.
Lire aussi : Accès aux soins : un texte contesté par les médecins arrive au Parlement
L’article adopté mercredi vise à revaloriser ce statut en donnant la possibilité aux patients de se rendre directement chez ces paramédicaux sans passer en amont par un médecin, mais dans le cadre d’un « exercice coordonné » avec ce dernier.
Soutien des écologistes
Les députés ont aussi adopté un amendement du groupe La France insoumise (LFI), soutenu par le gouvernement, prévoyant que le décret déterminant les modalités d’une « primo-prescription » par ces IPA devra être pris en Conseil d’Etat après avis de la Haute Autorité de santé.
La proposition de loi de la députée Renaissance Stéphanie Rist (Loiret), dont l’examen doit se poursuivre jeudi, prévoit également d’instaurer un « accès direct » aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes. « Ce texte répond à deux objectifs : lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins », a plaidé Mme Rist.
Socialistes et communistes ont annoncé qu’ils s’abstiendraient sur le vote global du texte, jugé trop peu ambitieux pour lutter contre la désertification médicale. Les écologistes ont, eux, prévu de voter la proposition, malgré des réserves.
« Nous conditionnons notre vote final à l’écoute que vous accorderez à nos propositions », a dit de son côté Farida Amrani, députée LFI de l’Essonne, lors de la discussion générale.
« Un texte dangereux et inadapté », selon les médecins
Le groupe Les Républicains (LR) « sera constructif », avait indiqué la députée Justine Gruet (Jura), prévenant toutefois qu’un vote final positif sur le texte serait conditionné à la suppression de l’article sur les IPA.
Les organisations de médecins s’alarment de certaines mesures du texte, qui contournent selon elles les prérogatives des praticiens libéraux.
Ce texte est « dangereux et inadapté », a ainsi estimé mercredi le syndicat de médecins généralistes MG France, mettant en garde contre « une médecine où des professionnels de santé sont interchangeables sans une quelconque prise en compte de la qualité des soins ».
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Le Monde avec AFP
« Accès aux soins : un texte contesté par les médecins arrive au Parlement »
Date de publication : 17 janvier 2023
Le Monde rappelle que « les députés doivent examiner, mardi dans la soirée, une proposition de loi instaurant un «accès direct» à certaines professions de santé, notamment des infirmiers en pratique avancée. Les praticiens libéraux redoutent déjà une «médecine à deux vitesses» ».
Le quotidien s’interroge ainsi : « Faut-il, pour répondre à l’enjeu d’une démographie en berne – pour encore au moins dix ans – parmi les médecins, et donc pour résoudre les difficultés d’exercice et d’accès aux soins, faire bouger les lignes et les périmètres des métiers de la santé ? Si oui, comment faire, jusqu’où aller, quel type de missions aujourd’hui assumées par les médecins déléguer, et au profit de quel(s) autre(s) soignant(s) ? ».
Le Monde explique que « la proposition de loi entend instaurer un «accès direct» des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA) – diplômés à bac + 5, et non à bac + 3 comme les infirmiers diplômés d’Etat –, ainsi qu’aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes ».
« Ses partisans en font un levier pour «libérer du temps médical», à l’heure où l’offre de santé ne suffit pas toujours à répondre aux besoins, quand ses détracteurs, soit la quasi-totalité des porte-parole des praticiens libéraux, dénoncent déjà une «médecine à deux vitesses», une «médecine low-cost» voire une «médecine sans médecins» », note le journal.
Le Monde indique que « les patients pourraient consulter ces trois professions «en première intention» (…), à la condition toutefois d’un «exercice coordonné» ou d’un exercice dans une «structure de soins coordonnés» ».
Stéphanie Rist, rhumatologue et députée du Loiret, précise qu’« il s’agit des équipes de soins primaires, des maisons de santé, des centres de santé ou encore des communautés professionnelles territoriales de santé [CPTS] ».
Le quotidien ajoute que le gouvernement « entend par ailleurs instaurer – et différencier – des IPA «praticiens» et des IPA «spécialisés». Les premiers prendraient en charge des pathologies courantes ; les seconds, des pathologies complexes. Le champ de leurs compétences serait étendu à certaines prescriptions de soins et de médicaments ».
« Un virage, sans doute, mais qui s’inscrit dans une dynamique déjà amorcée : des délégations de tâches protocolisées ont été adoptées depuis 2017. La crise du Covid-19, qui a vu les pharmaciens et étudiants en santé vacciner à tour de bras, a fait bouger les lignes et posé un nouveau jalon. Même chose de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, par la voie de quelques amendements. Kinés et orthophonistes sont déjà autorisés à prescrire certains dispositifs médicaux », continue Le Monde.
Le journal poursuit : « Le sujet peut sembler technique. Il a pris une tournure politique : «Le médecin traitant doit être la porte d’entrée, mais pas le verrou de notre système», a fait valoir Emmanuel Macron, le 6 janvier, lors de ses vœux au monde de la santé. Et d’expliquer qu’un généraliste «malin» devait déléguer «les actes qui ont le moins de valeur» aux paramédicaux comme les renouvellements d’ordonnances. Une position bien accueillie par l’Ordre des infirmiers, mais qui a mis en alerte les médecins »
Le Monde relève que « la priorité est partagée, défend-on dans les cercles syndicaux. Mais pas la méthode. Le 5 janvier, veille du discours présidentiel, l’Ordre des médecins, de nombreuses organisations de libéraux, mais aussi d’hospitaliers, ont, dans un communiqué commun, pris la défense du «médecin chef d’orchestre» du parcours de soins ».
Accès aux soins : un texte contesté par les médecins arrive au Parlement
Les députés doivent examiner, mardi dans la soirée, une proposition de loi instaurant un « accès direct » à certaines professions de santé, notamment des infirmiers en pratique avancée. Les praticiens libéraux redoutent déjà une « médecine à deux vitesses ».
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« Accès direct », « délégation de tâches » : ces expressions ne parlent pas, ou très peu, au néophyte. Elles sont pourtant au cœur des débats qui agitent – et, parfois, opposent – les acteurs de la santé, entre eux et avec leurs autorités de tutelle ; au cœur des tensions qui traversent, ces dernières semaines, le monde médical et paramédical.
Faut-il, pour répondre à l’enjeu d’une démographie en berne – pour encore au moins dix ans – parmi les médecins, et donc pour résoudre les difficultés d’exercice et d’accès aux soins, faire bouger les lignes et les périmètres des métiers de la santé ? Si oui, comment faire, jusqu’où aller, quel type de missions aujourd’hui assumées par les médecins déléguer, et au profit de quel(s) autre(s) soignant(s) ?
Ces questions promettent de rebondir avec le début des discussions à l’Assemblée nationale, probablement ce mardi 17 janvier au soir, en séance publique, de la proposition de loi « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé ». Le contexte donne à ce texte un écho particulier : la médecine de ville et l’Assurance-maladie sont engagées dans d’âpres négociations conventionnelles devant aboutir, d’ici à la fin février, à redéfinir pour cinq ans le contrat qui les lie.
Lire aussi : Débats sur la santé : un virage symbolique dans le partage des tâches ? *
Portée par toute une frange de députés Renaissance (et apparentés) regroupés autour de la députée du Loiret Stéphanie Rist, la proposition de loi entend instaurer un « accès direct » des patients aux infirmiers en pratique avancée (IPA) – diplômés à bac + 5, et non à bac + 3 comme les infirmiers diplômés d’Etat –, ainsi qu’aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Ses partisans en font un levier pour « libérer du temps médical », à l’heure où l’offre de santé ne suffit pas toujours à répondre aux besoins, quand ses détracteurs, soit la quasi-totalité des porte-parole des praticiens libéraux, dénoncent déjà une « médecine à deux vitesses », une « médecine low-cost » voire une « médecine sans médecins ».
« Exercice coordonné »
Si le texte était voté, les patients pourraient consulter ces trois professions « en première intention » (autrement dit, sans visite chez un médecin en amont), à la condition toutefois d’un « exercice coordonné » ou d’un exercice dans une « structure de soins coordonnés ». En commission des affaires sociales, où la proposition de loi a été adoptée le 10 janvier, Mme Rist, rhumatologue de profession, a donné des précisions face à des députés de l’opposition lui réclamant des garanties en la matière. « Il s’agit des équipes de soins primaires, des maisons de santé, des centres de santé ou encore des communautés professionnelles territoriales de santé [CPTS] », a-t-elle expliqué.
Ces CPTS, dont le gouvernement défend la généralisation, sont loin, à ce stade, de mailler l’ensemble du territoire. Quant aux infirmières et infirmiers en pratique avancée, dont le statut a été créé par la loi Touraine de 2016 et un décret en 2018, leur nombre est estimé à quelque 1 700 en 2022.
Celui-ci entend par ailleurs instaurer – et différencier – des IPA « praticiens » et des IPA « spécialisés ». Les premiers prendraient en charge des pathologies courantes ; les seconds, des pathologies complexes. Le champ de leurs compétences serait étendu à certaines prescriptions de soins et de médicaments.
Un virage, sans doute, mais qui s’inscrit dans une dynamique déjà amorcée : des délégations de tâches protocolisées ont été adoptées depuis 2017. La crise du Covid-19, qui a vu les pharmaciens et étudiants en santé vacciner à tour de bras, a fait bouger les lignes et posé un nouveau jalon. Même chose de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, par la voie de quelques amendements. Kinés et orthophonistes sont déjà autorisés à prescrire certains dispositifs médicaux.
Lire aussi : Santé : le plan d’Emmanuel Macron pour sortir d’une « crise sans fin » **
Le sujet peut sembler technique. Il a pris une tournure politique : « Le médecin traitant doit être la porte d’entrée, mais pas le verrou de notre système », a fait valoir Emmanuel Macron, le 6 janvier, lors de ses vœux au monde de la santé. Et d’expliquer qu’un généraliste « malin » devait déléguer « les actes qui ont le moins de valeur » aux paramédicaux comme les renouvellements d’ordonnances. Une position bien accueillie par l’ordre des infirmiers, mais qui a mis en alerte les médecins. Emmanuel Macron s’est engagé, à cette occasion, à ce que chaque Français se voit proposer d’ici à la fin de l’année un médecin traitant – où, le cas échéant, une « équipe traitante » – quand six millions de personnes, dont 650 000 en affection longue durée, n’en ont pas.
« Un non-sens »
La priorité est partagée, défend-on dans les cercles syndicaux. Mais pas la méthode. Le 5 janvier, veille du discours présidentiel, l’ordre des médecins, de nombreuses organisations de libéraux, mais aussi d’hospitaliers, ont, dans un communiqué commun, pris la défense du « médecin chef d’orchestre » du parcours de soins. « La compétence du médecin garantit la qualité et la sécurité de la prise en charge globale du patient, y écrivent-ils. Il est le seul à avoir une longue formation professionnalisante qui permette le diagnostic médical et la décision thérapeutique. (…) Les décisions politiques prochaines devront respecter ces principes. »
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Le 10 janvier, en commission, la proposition de loi a aussi suscité de vives réactions. « Un pansement sur une plaie béante », pour les élus socialistes ; une proposition sous forme de « pochette-surprise », a taclé Hadrien Clouet (La France insoumise). « Nous ne sommes pas opposés à cette possibilité d’accès direct dans le cadre de l’exercice coordonné, mais il faut mieux encadrer les conditions exactes d’exercice », a-t-il expliqué. L’écologiste Sandrine Rousseau a dénoncé des « demi-mesures ».
« On fait l’impasse sur la question des moyens, la vraie question c’est la formation et l’attractivité des professions de santé », a mis en avant le député Les Républicains Thibault Bazin. Face à ces critiques, la rapporteuse Stéphanie Rist a rappelé que le texte n’avait pas vocation à « résoudre tous les problèmes du système de santé en France » tout en s’engageant à porter certains amendements, en séance publique.
Depuis, les syndicats de médecins ont encore haussé le ton. Y compris parmi ceux restés en retrait des derniers appels à la grève et à la fermeture de cabinets. « Cette initiative parlementaire est un non-sens », réagit Luc Duquesnel, de la Confédération des syndicats médicaux français-Généralistes. « Elle pourrait venir court-circuiter les négociations conventionnelles », prévient-il.
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Chez MG France, majoritaire, on assure vouloir « absolument » travailler avec les infirmiers en pratique avancée, mais« de façon proche et coordonnée », défend sa présidente, Agnès Giannotti. « Si la proposition de loi Rist était adoptée en l’état, associée à des contraintes imposées à la profession, le mouvement de colère s’accentuera », prévient-elle.
Mattea Battaglia et Minh Dréan
*Débats sur la santé : un virage symbolique dans le partage des tâches ?
Après le ministre de la santé, le président de la République a fait part de sa volonté de donner plus de responsabilités aux infirmiers, aux pharmaciens et à tous les professionnels paramédicaux.
Temps de Lecture 3 min.
« Délégation de tâches », « partage de responsabilités », « décision médicale partagée »… : ces expressions rythment, depuis plusieurs semaines, les débats sur la santé. Ceux attendus à l’Assemblée nationale ont tourné court avec l’activation de l’article 49.3 de la Constitution. Mais les discussions qui vont démarrer dans le cadre des négociations de la convention médicale entre l’Assurance-maladie d’un côté, les syndicats de médecins de ville de l’autre, peuvent difficilement éluder la question : comment mieux faire travailler les professionnels de santé ensemble pour « libérer du temps médical », selon un autre élément de langage convenu ?
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Le sujet, technique, a pris un relief politique. Le chef de l’Etat l’a fait sien, mercredi 26 octobre sur France 2, en évoquant la lutte contre les déserts médicaux : « On va donner plus de responsabilités à nos infirmières et infirmiers, à nos kinés, à nos pharmaciens et pharmaciennes, à tous nos paramédicaux, à nos psychologues et autres, pour que beaucoup de tâches qui sont faites par nos médecins puissent aller vers ces derniers », a-t-il défendu. Questionné sur la pénurie d’ophtalmologues, Emmanuel Macron a renchéri : « On doit mieux organiser le temps de travail entre les médecins, en particulier spécialistes, et les paramédicaux ».
L’argumentaire résonne depuis un moment avenue de Ségur. A plusieurs reprises, depuis la rentrée, le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, a formulé un avertissement : « Si les professionnels ne s’entendent pas entre eux, le gouvernement prendra ses responsabilités. » Il l’a fait en reprenant, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, quelques amendements en ce sens. Ainsi, de l’expérimentation permettant à des infirmières de certains territoires, pour une durée limitée, d’établir des certificats de décès. Ou de l’ouverture, dans les déserts médicaux, de la « permanence de soins » à des infirmières, sages-femmes et kinés. « Le soir, le week-end, ces professionnels pourront apporter une réponse de premier recours dans la logique de responsabilisation des acteurs locaux que nous défendons », explique-t-on au cabinet Braun.
« Un verrou vient de sauter »
Dans une « maison de santé pluriprofessionnelle », ce mode d’exercice collectif souvent cité en exemple, les médecins vont pouvoir déléguer aux infirmières le suivi des patients chroniques, les renouvellements d’ordonnance… : François Braun l’a salué dans un entretien donné à Libération, le 13 octobre. « Un verrou important vient de sauter », a-t-il ajouté.
Les ordres de santé y ont contribué. Dans leurs propositions communes remises mi-octobre pour lutter contre les déserts médicaux, ils ont très symboliquement reconnu le « partage d’actes » relevant aujourd’hui des seuls médecins. Mais les débats ont été houleux, en amont, en leur sein. Leur communiqué officiel, prudent, en porte la trace, ouvrant la porte, dans les territoires où la démographie médicale est « particulièrement insuffisante », pour les 6 millions de Français (dont 700 000 en affection longue durée) qui n’ont pas de médecin traitant, à une « mission d’orientation et de prise en charge de première intention aux autres professionnels de santé ». « A condition qu’un médecin reste le chef d’orchestre du parcours de soins », prévient Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Conseil national de l’ordre des médecins.
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La prochaine bataille consistera à préciser, ordre par ordre, qui peut faire quoi. Les infirmiers, qui comptent désormais dans leurs rangs des « infirmiers de pratique avancée », se sont déjà positionnés en « recours » et ont listé leurs propositions. C’est aussi le cas des masseurs-kinésithérapeutes, des pharmaciens… Des accords ont été signés, cette année, entre l’Assurance-maladie et les pharmaciens d’un côté, les infirmiers de l’autre, dans leur convention respective, pour qu’ils puissent faire des rappels de vaccins. Et le projet de budget de la « Sécu » entend augmenter le nombre de professionnels habilités à vacciner.
Mais l’adhésion reste à emporter sur le terrain. « Cette dynamique du partage des tâches, qui a vocation à s’amplifier, a un impact sur les pratiques mais aussi sur les modèles économiques des médecins libéraux et des autres professionnels », explique le directeur général de l’Assurance-maladie, Thomas Fatôme.
A ce stade, l’inquiétude le dispute à la colère dans les rangs des syndicats de médecins : « Nous avons toujours appuyé les initiatives permettant de développer la coopération entre les professions mais nous n’accepterons pas un contournement du parcours de soins en vendant à la découpe certaines missions du médecin traitant », s’énerve Agnès Giannotti, de MG France. « La compétence ne se transfère pas ! Elle s’acquiert ! », fait valoir Philippe Vermesch du Syndicat des médecins libéraux, qui alerte contre la mise en place d’une « médecine à deux vitesses ». « L’accès direct, c’est la fausse bonne idée, et pour le patient en premier lieu, défend-il. Dans le cadre de soins protocolisés, nous ne sommes par contre un partage d’actes, mais cela nécessite que le médecin traitant reste impliqué… et qu’il bénéficie aussi d’un retour d’honoraires ! »
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Le débat devrait rebondir dans l’Hémicycle : une proposition de loi portant spécifiquement sur le sujet, portée par la députée du Loiret Stéphanie Rist (Renaissance) et d’autres membres de son groupe, doit y être examinée fin novembre. La députée n’en est pas, en la matière, à sa première initiative. L’occasion de vérifier si, une fois le verrou enlevé, la porte fait plus que s’entrouvrir.
Mattea Battaglia
**Santé : le plan d’Emmanuel Macron pour sortir d’une « crise sans fin »
https://environnementsantepolitique.fr/2023/01/06/les-propositions-de-macron-a-propos-de-la-sante/