Les substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées – les PFAS, polluants éternels et omniprésents dans les eaux de surface

Générations futures appelle à mieux connaître et réduire la pollution aux PFAS dans l’eau

Eau  |  12 janvier 2023  |  Dorothée Laperche

https://www.actu-environnement.com/ae/news/pollution-pfas-eaux-superficielles-base-naiades-generations-futures-40958.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8MzIxMg%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

Générations futures appelle à mieux connaître et réduire la pollution aux PFAS dans l'eau

© francescomou

Une pollution très étendue, mais mal suivie : c’est l’une des conclusions de Générations futures après sa tentative de brosser la situation de la contaminationaux substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans les eaux superficielles françaises. L’association a analysé dans cette optique les données de surveillance de la qualité des eaux de rivières et des lacs répertoriés dans la base Naïades. Résultats ? Seulement cinq départements n’ont pas retrouvé de PFAS dans leurs eaux en 2020, parmi les 18 substances recherchées. « L’interprétation de ces résultats est rendue compliquée du fait de grandes disparités dans les méthodes d’analyses utilisées dans chaque département et pour chaque PFAS », regrette François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Les limites de quantification varient ainsi selon les départements. « Les PFAS pour lesquelles une limite de quantification basse (1 ng/L) a majoritairement été utilisée sont logiquement celles qui ont été le plus souvent quantifiées, constate l’association. Les substances pour lesquelles une LOQ élevée a été appliquée (20 à 200 ng/L) sont les moins retrouvées. »

Dans la perspective du plan national d’encadrement de l’usage des PFAS promis par le Gouvernement, l’association appelle à une surveillance renforcée de ces substances. Elle souhaiterait que le suivi porte sur les 24 PFAS considérées comme prioritaires dans la proposition européenne de révision de la liste de polluants recherchés dans les eaux.

Autre demande : uniformiser les méthodes d’analyses et privilégier celles avec les limites de quantifications les plus basses possibles. Elle encourage également le Gouvernement à soutenir les actions mener au niveau européen pour limiter la contamination. Ainsi la proposition de restriction proposée par cinq pays européens (Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Norvège et Suède) devrait être soumise à l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) le 13 janvier.

Dans tous les cas, la connaissance de cette pollution devrait s’améliorer dans les années à venir : l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) devrait lancer une nouvelle campagne d’évaluation des niveaux de contaminations. Et actualiser ainsi les données de la précédente datant de 2011.

Dorothée Laperche, journaliste
Rédactrice spécialisée

PFAS dans les eaux de surface : Générations Futures publie un nouveau rapport exclusif !

Le  12 janvier 2023 https://www.generations-futures.fr/actualites/pfas-eaux-surface/

État des lieux de la présence de composés perfluorés dans les eaux de surface en France.

Une présence importante … et probablement très sous-estimée par les méthodes d’analyse employées.

Contexte au sujet des PFAS

Les composés per- et poly-fluoroalkylés, appelés plus communément perfluorés ou PFAS (per and polyfluorinated alkyl substances en anglais) constituent une  famille chimique complexe regroupant près de 4500 composés distincts. Ces substances sont très persistantes dans l’environnement, ce pourquoi on les surnomme les ‘polluants éternels’ Des études scientifiques ont associé l’exposition à un certain nombre de PFAS à des effets néfastes graves sur la santé : des cancers, des effets néfastes sur les systèmes reproductif et hormonal (certains sont des perturbateurs endocriniens) ainsi que sur le système immunitaire (y compris une diminution de la réponse immunitaire vaccinale). Une proposition de restriction au niveau européen a été préparée par le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède et sera soumise à l’ECHA le 13 janvier 2023. Quant à la France, elle doit publier un plan d’actions sur les PFAS ce mois de janvier 2023.

Aujourd’hui, Générations Futures a souhaité en savoir plus sur la présence de PFAS dans les eaux superficielles (rivières, lacs, étangs…) en France. Nous avons donc demandé à un prestataire extérieur d’extraire les données de la base Naïades concernant ces substances pour l’année 2020.

Une contamination aux PFAS généralisée mais…

Nos recherches montrent des résultats très préoccupants qui sont détaillés dans notre rapport « PFAS dans les eaux superficielles en France » disponible ici. En résumé notre travaux montrent que :

  • 18 PFAS ont été recherchés au moins une fois dans les eaux superficielles françaises en 2020 dans près de 13000 échantillons (de 6 à 440 échantillons analysés par département).
  • Au moins un PFAS a été retrouvé dans près de 4 échantillons sur 10 (36% des cas).
  • On note que ce chiffre est supérieur de 11% par rapport aux résultats de l’étude l’Anses de 2011  servant toujours de référence sur le site de l’Anses.
  • Dans 2 départements (Paris et les Hauts de seine), 100% des échantillons prélevés contiennent au moins 1 PFAS pouvant être quantifié.
  • Dans 57 départements, au moins 1 PFAS a été quantifié dans plus de 50% des analyses effectuées. Au contraire, aucun PFAS n’a été quantifié dans les analyses effectuées en 2020 pour seulement 5 départements.
  • Le nombre de PFAS retrouvé diffère également selon les départements et varie de 0 à 11 PFAS.

Ces données montrent que la pollution aux PFAS en France est très étendue et concerne presque tout le territoire.

… probablement sous-estimées du fait de données non homogènes !

Toutefois, l’interprétation de ces résultats est rendue compliquée du fait de grande disparité dans les méthodes d’analyses utilisées dans chaque département et pour chaque PFAS.

L’ensemble des 18 PFAS suivis dans ce rapport n’ont pas tous été recherchés dans tous les départements : le nombre de PFAS recherchés varie de 1 à 16 selon les départements. La fréquence des recherches est aussi très variable de 6 à 440 échantillons analysés en 2020. Cela permet à certains PFAS de ne pas être repérés.

Les limites de quantification (LOQ) peuvent varier grandement pour un même PFAS : jusqu’à 500 fois élevée d’un département à l’autre! Dans les départements avec des LOQ élevées des PFAS peuvent être présents mais non quantifiés !

Quelles conclusions de la présence des PFAS dans les eaux superficielles ?

  • Considérant ces disparités, c’est l’évaluation de la présence de tous les PFAS dans les eaux superficielles qui est faussée, les chiffres fournis sous estimant leur présence et donnant une impression faussement rassurante pour de nombreux départements et PFAS !
  • Des avancées sont intervenues depuis 2020 avec notamment l’arrêté du 26avril 2022 qui prévoit le suivi de 5 PFAS dans les eaux de surface à des LOQ en baisse depuis début 2022 (2ng/l).
  • Mais ces avancées sont insuffisantes pour avoir une vision claire des PFAS dans notre environnement. Une proposition de révision de la directive cadre sur l’eau (DCE) prévoit d’inclure un total de 24 substances PFAS dans la liste des substances dites prioritaires. Avec 5 PFAS suivis la France sera loin du compte !
  • Dans ce cadre la Valeur sanitaire dans les eaux de surface sera de à 4.4 ng/l pour la somme des 24 pfas identifiés…les Limites de quantification devront être très basses pour pouvoir prendre en compte toutes les traces de PFAS. Aujourd’hui certaines agences de l’eau savent quantifier des PFAS à des niveaux aussi bas que 0.2ng/l !
  • Aujourd’hui certains PFAS très problématiques comme le PFNA (Cancérogène possible, reprotoxique probable….) ne font pas partie de la liste française !

Quelles sont nos demandes aux vues de ces résultats ?

Nous demandons au gouvernement français de :

  • Rechercher partout sur le territoire, et en particulier dans les zones de captage pour l’eau potable, les 24 PFAS jugés prioritaires par la commission européenne sans attendre la date d’entrée en vigueur de la directive cadre sur l’eau révisée.
  • Utiliser les méthodes d’analyses avec les limites de quantifications les plus bassestechniquement possibles pour tous les PFAS. Il faut viser 1ng/l ou, mieux, 0,2 ng/l.
  • Soutenir une proposition d’interdiction de l’ensemble des PFAS dans l’Union européenne.
  • Peser de tout son poids pour relancer les négociations sur la révision du règlement REACh, nécessaire pour une bonne régulation des PFAS et pour mener à bien la proposition de restriction de tous les PFAS.

Internautes agissez sur le dossier des PFAS

Nous invitons les internautes à interpeller le gouvernement et l’ANSES pour qu’ils tiennent compte de nos demandes et prennent rapidement les mesures qui s’imposent.

En France, la contamination des eaux de surface par les PFAS, « polluants éternels », est « largement sous-estimée », selon une association

Massivement utilisés dans l’industrie pour leurs propriétés antiadhésives, imperméables ou résistantes aux fortes chaleurs, ces composés chimiques toxiques et persistants font l’objet d’une surveillance très disparate d’une région à l’autre

Par Stéphane MandardPublié hier à 05h00, mis à jour hier à 10h30 https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/12/en-france-la-contamination-des-eaux-de-surface-par-les-pfas-polluants-eternels-est-largement-sous-estimee-selon-une-association_6157513_3244.html

Temps de Lecture 4 min. 

Dans la vallée de la chimie, la raffinerie de pétrole de Feyzin (Rhône), en novembre 2022.
Dans la vallée de la chimie, la raffinerie de pétrole de Feyzin (Rhône), en novembre 2022.  LAURENT CIPRIANI/AP

La contamination des eaux de surface (rivières, lacs, étangs) par les substances polyfluoroalkylées et perfluoroalkylées – les PFAS – est « généralisée » et « largement sous-estimée » en France, alerte l’association Générations futures, dans un rapport publié jeudi 12 janvier. Surnommés les « polluants éternels » en raison de leur extrême persistance dans l’environnement et de leur accumulation dans notre organisme, les PFAS sont une famille de plus de 4 500 composés chimiques ultratoxiques. Ils sont massivement utilisés dans l’industrie depuis les années 1950 pour leurs propriétés antiadhésives, imperméables ou résistantes à de fortes chaleurs. On les retrouve ainsi dans une multitude d’applications industrielles (mousse anti-incendie, peintures, pesticides) et d’objets du quotidien (poêles en Teflon, papier cuisson, emballage alimentaire, textiles, cosmétiques…).

https://www.generations-futures.fr/actualites/pfas-eaux-surface/

Les PFAS ont contaminé tous les milieux (eau, air, sol) et l’ensemble de la chaîne alimentaire. Aussi, 100 % de la population française est imprégnée par les composés perfluorés, selon une étude publiée en 2019 par Santé publique France. Des résultats qui peuvent faire craindre un scandale sanitaire majeur, car les PFAS sont suspectés d’avoir de multiples effets délétères, même à très faible dose : cancers (rein, testicule), perturbations du système endocrinien (thyroïde), augmentation du taux de cholestérol, baisse de la fertilité ou encore retard de développement du fœtus. Plusieurs études ont également mis en évidence qu’ils interfèrent avec le système immunitaire et diminuent la réponse à la vaccination.

Pour tenter de dresser un état des lieux de la présence de ces composés perfluorés dans les eaux superficielles, Générations futures s’est appuyée sur la base de données publique Naïades, qui répertorie toutes les informations sur la qualité des eaux de surface en France. Elle est notamment alimentée par les campagnes de mesure de PFAS menées à titre expérimental depuis 2014. L’ONG s’est concentrée sur 2020, année la plus récente pour laquelle tous les résultats sont disponibles. L’analyse des prélèvements réalisés en 2020 montre que la pollution des eaux de surface par les PFAS est « généralisée sur le territoire français » : à l’exception de la Corrèze, de la Dordogne, du Tarn, de la Martinique et de la Guadeloupe, on en retrouve dans tous les départements.

Une pollution « généralisée en France »

Au total, des recherches de PFAS ont été menées dans près de 13 000 échantillons d’eau. Selon les calculs effectués par Générations futures, au moins un PFAS (sur 18 composés différents recherchés) a été retrouvé dans 36 % des cas, soit plus d’un tiers des échantillons. Une estimation nettement supérieure aux chiffres de la seule étude de référence, réalisée en 2011 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire, qui concluait que 25 % des échantillons d’eau contenaient des PFAS.

Ces résultats sont « largement sous-estimés », car ils cachent une grande hétérogénéité dans la collecte des données. La première disparité tient au nombre de PFAS recherchés : un seul en Guadeloupe, et jusqu’à seize dans l’Aude ou en Haute-Marne. Disparité, aussi, dans l’effort de recherche : seulement six échantillons analysés pour les PFAS à Paris, contre 440 échantillons dans la Manche, pour une moyenne de 145 analyses de PFAS par département. Disparité, enfin, dans les seuils de quantification retenus pour dépister les « polluants éternels » dans les eaux

.Lire aussi (2021) :  

Les polluants « éternels » dans les emballages à usage unique de la restauration rapide

En analysant les résultats compilés dans Naïades, Générations futures s’est rendu compte que les limites de quantification pouvaient varier d’un facteur allant de 1 à 500, selon les départements et les agences de l’eau chargées de la surveillance de sa qualité. Ainsi, pour le PFOS, le composé perfluoré le plus persistant dans l’environnement, le seuil de détection est fixé à 0,1 microgramme par litre (µg/l) en Ariège, contre 0,2 nanogramme par litre (ng/l) dans les départements de l’ouest de la France couverts par l’agence de l’eau Loire-Bretagne. Un écart qui explique qu’on retrouve beaucoup de PFAS dans les départements où les seuils de détection sont les plus élevés.

« Impression faussement rassurante »

« Finalement, c’est l’évaluation de la présence de tous les PFAS dans les eaux de surface qui est biaisée, les chiffres officiels donnant une impression faussement rassurante pour de nombreux départements », commente Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations futures. L’association demande par conséquent au gouvernement d’imposer aux agences de l’eau une harmonisation de leurs méthodes d’analyses en retenant les limites de quantification les plus basses possibles pour tous les PFAS, sur le modèle de ce que fait l’agence de Loire-Bretagne avec le PFOS.

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Fin avril 2022, après la révélation d’une pollution importante aux PFAS dans la vallée de la chimie, près de Lyon, le gouvernement a pris un arrêté élargissant la liste des substances chimiques surveillées dans les eaux de surface et souterraines. Cinq PFAS sont concernés (PFOS, PFOA, PFDA, PFHxA et PFHS) pour les eaux superficielles, avec une limite de quantification fixée à 2 ng/l. « Avec seulement cinq PFAS suivis dans les eaux de surface, la France est encore loin du compte des futures exigences européennes », réagit François Veillerette, le porte-parole de Générations futures. La Commission européenne a publié, fin octobre 2021, une proposition de révision de la directive-cadre sur l’eau qui prévoit d’inclure 24 PFAS dans la liste des substances prioritaires, dont la surveillance est obligatoire. Aujourd’hui, seul le PFOS y figure.

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  L’Europe lance un plan d’interdiction massive de substances chimiques toxiques pour la santé et l’environnement

Générations futures déplore, en outre, l’absence de PFAS particulièrement dangereux de la liste des cinq polluants éternels dont la surveillance est désormais obligatoire dans les eaux françaises. Ainsi du PFNA, identifié par l’Autorité européenne de sécurité des aliments comme l’un des quatre polluants éternels les plus problématiques et suspecté notamment d’être cancérogène et toxique pour la reproduction. Pour l’heure, les PFAS ne sont toujours pas réglementés dans l’eau du robinet. Mais la législation européenne prévoit de cibler 20 composés perfluorés dans les eaux de consommation à partir de 2026. Une limite de qualité est fixée à 0,10 µg/l pour la somme de ces 20 molécules. Un seuil 5 000 fois plus élevé que celui recommandé depuis juin 2022 par l’Agence américaine de protection de l’environnement.

Un seul composé perfluoré interdit

De son côté, le gouvernement français assure préparer un plan d’action destiné à encadrer strictement l’usage des PFAS et à soutenir, à terme, leur interdiction globale au niveau européen dans le cadre de la révision de la réglementation Reach sur les substances chimiques. Portée par quatre Etats membres (Allemagne, Pays-Bas, Danemark et Suède) et la Norvège, une proposition de restriction doit être soumise, le 13 janvier, à l’Agence européenne des produits chimiques.

Pour l’heure, seul un composé perfluoré a été interdit : le PFOA, en 2020. Des analyses réalisées à l’automne 2022 par l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes après les alertes dans la vallée de la chimie ont pourtant mis en évidence des niveaux importants de PFOA dans le réseau d’eau potable de Rumilly, en Haute-Savoie, où trois sources de PFAS ont été identifiées et sont désormais surveillées : un site industriel de Tefal, une ancienne fabrique de skis Salomon et une ancienne tannerie.

Jusqu’ici, les rejets industriels de PFAS n’étaient pas réglementés. Depuis le 1er janvier, les installations classées pour l’environnement (ICPE) doivent désormais respecter une valeur limite d’émission de 25 µg/l dans les milieux naturels. Mais elle ne s’applique qu’au PFOS, dont la production et l’usage sont censés être restreints au niveau mondial depuis 2009.

Stéphane Mandard

Dans la vallée de la chimie, près de Lyon, la population réclame des mesures face aux polluants « éternels »

Après des révélations de l’émission « Envoyé spécial » le 12 mai 2022, sur France 2, les prélèvements des services de l’Etat confirment la présence de PFAS dans l’environnement, notamment dans le fleuve Rhône. 

Par Richard Schittly(Lyon, correspondant)Publié hier à 12h00

Temps de Lecture 4 min. 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/12/dans-la-vallee-de-la-chimie-pres-de-lyon-la-population-reclame-des-mesures-face-aux-polluants-eternels_6157581_3244.html

L’usine Arkema au bord du Rhône, à Pierre-Bénite (Rhône), en mai 2022.
L’usine Arkema au bord du Rhône, à Pierre-Bénite (Rhône), en mai 2022.  NICOLAS LIPONNE/HANS LUCAS/AFP

L’anxiété ne cesse de s’accentuer dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, depuis la révélation d’une forte présence de substances chimiques per- et polyfluoroalkylées (PFAS) dans le sol, l’air et l’eau du sud de l’agglomération lyonnaise, où plusieurs sites industriels sont suspectés d’avoir répandu depuis plusieurs décennies ces polluants dits « éternels », en raison de leur composition. Réunis dans un collectif, neuf syndicats de salariés, associations de riverains et de défense de l’environnement réclament une étude scientifique afin d’évaluer l’impact de ces produits sur la santé de la population résidant dans la vallée de la chimie.

Lire aussi :   En France, la contamination des eaux de surface par les PFAS, « polluants éternels », est « largement sous-estimée », selon une association

A l’occasion de sa dernière assemblée, lundi 9 janvier, le comité d’action pour une industrie propre et sûre dans le Sud-Ouest lyonnais (Capipssol) a décidé de demander à Santé publique France de mettre en œuvre une campagne de prélèvements et d’analyses sanguines à grande échelle autour de ce célèbre site industriel français.

« Les gens sont très inquiets, ils viennent de découvrir qu’ils vivent avec une pollution invisible depuis des dizaines d’années. Ces produits ne sont pas encore réglementés en France. On ne sait pas leurs conséquences sur la santé humaine. Il faut d’urgence entreprendre des études scientifiques en toute transparence », relate Jean Chambon, 70 ans, membre du comité des riverains. Pour cet habitant de Pierre-Bénite, par ailleurs secrétaire de section du Parti communiste (PC), « il y a tellement longtemps que ces produits se déversent dans la nature, on peut craindre des dégâts sur la santé, cela donne l’impression d’une bombe sanitaire à retardement. »

« On n’en sait pas grand-chose »

Les riverains et anciens salariés des usines chimiques se sont mobilisés à la suite de la diffusion de l’émission « Envoyé spécial », le 12 mai 2022, sur France 2. En effectuant ses propres prélèvements, sur les conseils de Jacob de Boer, spécialiste néerlandais des PFAS, l’émission d’Elise Lucet, associée à la série documentaire Vert de rage, sur France 5, a détecté des taux élevés de ces substances dans l’air, le sol, le lait maternel, et surtout l’eau.

En aval de l’usine Arkema, fabricant de produits fluorés, l’équipe d’« Envoyé spécial » a repéré une canalisation qui rejette dans le Rhône une eau chaude, à très forte concentration de substances chimiques per- et polyfluoroalkylées. Interrogé par l’émission, Arkema a estimé que d’anciennes activités ou d’autres sources pouvaient expliquer ces résultats, tout en précisant que l’utilisation de PFAS serait abandonnée d’ici à 2024. Depuis, d’autres prélèvements faits par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ont confirmé Arkema comme la source d’au moins un PFAS, le 6:2 FTS.

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« Ces produits sont différents de l’amiante ou du plomb, on n’en sait pas grand-chose. Les seuils ne sont pas définis. On ne connaît pas les effets sur la santé, et quelles mesures prendre », observe Denis Bariod, 64 ans, militant environnemental dans les Monts du Lyonnais.

Après le reportage, les services de l’Etat ont lancé une série de mesures dans la vallée de la chimie. Pascal Mailhos, le préfet de région Auvergne-Rhône-Alpes, a pris quatre arrêtés en 2022 pour imposer des contrôles et limiter, voire interdire, l’utilisation de ces substances dans les procédés industriels des sociétés Arkema et Daikin.

Les premiers retours des prélèvements en milieux aquatiques confirment la présence de perfluorés dans les poissons pêchés dans le Rhône, de 22 à 110 microgrammes par kilo, au-delà des teneurs maximales prévues dans le futur réglement européen sur les denrées alimentaires, selon le rapport de la Dreal de septembre 2022. L’agence régionale de santé a recommandé de ne plus consommer les poissons du Rhône, pêchés de Pierre-Bénite (métropole de Lyon) à Péage-de-Roussillon (Isère). Preuve de la persistance de ces substances à travers le temps : des traces significatives de PFAS ont été relevées au niveau du port Edouard-Herriot à Lyon, qui pourraient provenir des mousses anti-incendie utilisées en 1987 dans l’incendie catastrophique de cuves d’hydrocarbures.

« Nous voulons pointer la responsabilité des entreprises qui polluent de manière chronique », Camille Panisset, secrétaire générale de NAAT Lyon

Signe d’une pollution répandue dans le territoire, les recherches engagées par l’Etat ont permis de détecter ces substances à Rumilly (Haute-Savoie), près des sites de Tefal, de Salomon et d’une ancienne tannerie, susceptibles d’avoir utilisé ces produits imperméabilisants et résistants à la chaleur. Des captages d’eau privés ont été fermés.

L’affaire des PFAS déclenche des réactions en chaîne, dont une action judiciaire peu fréquente. L’association environnementale Notre affaire à tous (NAAT) a déposé un référé pénal environnemental, auprès du procureur de la République de Lyon, qui consiste à saisir un juge des libertés et de la détention. « Nous voulons pointer la responsabilité des entreprises qui polluent de manière chronique, en multipliant les infractions qui mettent en danger la santé des riverains et des salariés. Dans la vallée de la chimie près de Lyon, les usines sont très proches des habitations, la justice doit s’emparer de ces questions », estime Camille Panisset, 32 ans, secrétaire générale de NAAT Lyon. La requête demande au juge d’ordonner à l’industriel de procéder à une campagne de mesures scientifiques, et une étude sanitaire avec des recommandations applicables sous six mois.

Avec l’aide d’étudiants de Science Po Paris, l’association a étudié tous les rapports consacrés aux installations classées pour la protection de l’environnement de la vallée de la chimie. « Nous avons découvert une preuve que la question de la dangerosité des perfluorés était connue d’Arkema depuis au moins sept ans », affirme Louise Tschanz, avocate au barreau de Lyon, à l’origine du référé.

Lire aussi :  Des militants d’Extinction Rebellion pénètrent sur un site Arkema pour dénoncer la pollution par les perfluorés

Dans un rapport d’inspection du 8 juin 2017, la Dreal indique avoir demandé en 2015 à Arkema de mesurer des PFAS dans les eaux, les sédiments, la faune et la flore aquatique, « au vu du caractère bioaccumulable » des perfluorocarbures, insiste l’agence d’Etat. L’industriel n’a pas engagé ces contrôles « au vu des coûts et de la complexité », selon la Dreal. Après les révélations journalistiques, l’Etat a repris à sa charge, en quelques mois, les études qu’il réclamait à l’industriel depuis des années.

Richard Schittly(Lyon, correspondant)

Polluants éternels : les six axes du plan gouvernemental

Le ministère de la Transition écologique a présenté un plan d’action pour mieux connaître les PFAS et en réduire les émissions dans l’environnement. Certaines associations regrettent son manque d’ambition. Détails des propositions.

Eau  |  18 janvier 2023  |  Dorothée Laperche

https://www.actu-environnement.com/ae/news/pfas-polluants-eternels-plan-actions-ministere-transition-ecologie-france-40991.php4#ntrack=cXVvdGlkaWVubmV8MzIxNg%3D%3D%5BNDExMDgz%5D

Polluants éternels : les six axes du plan gouvernemental

© David RAUTUREAUL’inventaire des sites d’entraînement à l’utilisation de mousses anti-incendie sera dressé. 

C’est un plan très attendu que le ministère de la Transition écologique a dévoilé, mardi 17 janvier : les six axes d’action pour mieux connaître et réduire les rejets de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Cette contamination historique est revenue sur le devant de la scène en mai 2022, notamment grâce à l’enquête de Martin Boudot. Le journaliste a mis en lumière une contamination locale : celle des milieux situés à proximité de la plateforme industrielle de Pierre-Bénite, au sud de Lyon (Rhône). Un coup de projecteur qui a permis à plusieurs associations de relancer la mobilisation contre cette pollution.

Utilisée depuis les années 1950 dans de nombreuses applications, la grande famille des PFAS – 12 000 substances utilisées par l’industrie chimique – a largement contaminé nos environnements, notamment aquatiques. Déjà en 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) avait ainsi montré, à la suite d’une campagne nationale, qu’un quart des eaux brutes testées contenaient au moins un PFAS parmi les dix recherchés. Et des suivis plus récents laisseraient envisager une contamination quasiment généralisée.

Fin décembre, le gouvernement français a finalement annoncé qu’un plan d’action national serait présenté au mois de janvier. C’est désormais chose faite. Mais pour certains, comme l’association Générations futures, les propositions manquent d’ambitions.

Une veille sur les progrès analytiques et de traitement

Ce plan vise tout d’abord une amélioration de la connaissance à travers une veille sur les progrès dans la métrologie et les traitements envisageables des PFAS. Elle ciblera plus particulièrement les méthodes globales d’analyse et leurs sensibilités dans différentes matrices, les possibilités de prélèvements et méthodes d’analyses dans les fumées et dans l’air, mais également les paramètres de transfert des PFAS dans l’atmosphère.

Le site Arkema de Pierre-Bénite sera préfigurateur de cette démarche d’identification et de diminution des rejets de PFAS 

Ministère de la Transition écologique

Pour ce qui est des perspectives de traitement, le ministère de la Transition écologique souhaite approfondir sa connaissance sur les possibilités de biodégradation des PFAS dans des dispositifs d’épuration par biomasse fixée de faible et très faible charge (dont l’infiltration sur sable). Il a également retenu l’incinération comme option de destruction et demande à ce que soient déterminés la température et le temps nécessaires. Cette veille se penchera également sur les questions sanitaires à travers un suivi des données toxicologiques et écotoxicologiques sur les PFAS.

Le plan s’intéresse aussi à la question des rejets des sites industriels et des stations d’épuration urbaines. L’Anses a été saisie pour déterminer, pour « les principaux PFAS », des valeurs maximales de concentration à respecter dans les milieux. « Cela permettra d’établir ensuite une priorisation, puis un fondement juridique solide aux actes coercitifs pris par l’administration à l’encontre de ces activités », indique le Gouvernement.

Concernant le suivi dans le milieu aquatique, l’exécutif indique qu’il étudiera la possibilité d’inclure de nouveaux PFAS dans la liste. Aujourd’hui, quatre substances perfluorées sont suivies dans les eaux superficielles et vingt dans les eaux souterraines (les mêmes que celles retenues pour l’eau potable).

Mieux connaître l’imprégnation des sols et des populations

« Les agences régionales de santé (ARS), en particulier dans les secteurs identifiés vis-à-vis de la problématique PFAS, ont la possibilité de compléter le contrôle sanitaire qu’elles mettent en œuvre sur la base des textes nationaux, rappelle le ministère de la Transition écologique. Ainsi, plusieurs ARS suivent déjà sur tout ou partie de leur territoire ces molécules. » C’est ainsi le cas à proximité de la plateforme industrielle de Pierre-Bénite (Rhône) ou encore en Seine-Maritime.

Pour mieux connaître la contamination des sols, des investigations sur leur imprégnation seront menées à l’occasion d’arrêts d’installations industrielles. Celles-ci s’appuieront sur la base de données ActiviPoll, qui recense les probabilités d’occurrence des polluants en fonction des activités. De la même manière, l’État indique qu’il poursuivra l’inventaire des grands incendies d’hydrocarbures depuis les années 1950 et sur les sites d’entraînement civils et militaires à l’utilisation de mousses anti-incendie. « Ces lieux sont susceptibles d’être imprégnés par des PFAS utilisés dans les mousses », indique le ministère de la Transition écologique.

Une nouvelle campagne nationale de biosurveillance de la population, dénomméeAlbane, va être lancée en 2023. « L’enjeu sera de pouvoir croiser les données d’imprégnation humaine avec les données d’imprégnation dans les différents milieux afin d’identifier plus précisément les sources d’exposition aux PFAS et de prendre ainsi les mesures de gestion et de réduction des risques adaptées pour les substances », explique le ministère. Pour mémoire, la précédente enquête Esteban, menée de 2014 à 2016, avait notamment montré que deux de ces composés, le PFOA et PFOS, étaient retrouvés chez l’ensemble des adultes et enfants testés.

Un focus sur les émissions des industriels 

Le troisième axe du plan national d’action cible les émissions des industriels. Son objectif ? Identifier et mieux connaître les rejets des sites émetteurs de quantités significatives de substances perfluorées. Pour cela, le ministère prévoit de s’appuyer sur les résultats des prélèvements des agences de l’eau, des collectivités et des ARS dans les milieux et les captages d’eau potable. « Lorsque des zones plus marquées seront identifiées, une investigation plus approfondie dans les sites industriels en amont sera menée par l’inspection des installations classées, et dans les stations d’épuration en amont par la police de l’eau, afin d’identifier le site susceptible d’être contributeur à l’imprégnation plus marquée du milieu », développe le ministère de la Transition écologique.

Il compte également sur les résultats de la mission d’inspection générale, qu’il a commandée le 8 février 2022. Celle-ci doit identifier les sources possibles de PFAS et les contaminations des milieux. Cette demande était présente dans la loi Climat et résilience, qui impose au Gouvernement de remettre au Parlement d’ici à août 2023 un rapport sur la pollution des eaux et des sols par les PFAS.

À proximité de Pierre-Bénite, des œufs non consommables La préfecture du Rhône recommande aux personnes disposant de poulaillers à Pierre-Bénite et dans trois autres communes limitrophes (Irigny, Oullins, Saint-Genis-Laval) de ne pas consommer les œufs ni les volailles. La surveillance menée à Pierre-Bénite et à Oullins a montré que les valeurs limites pour des denrées alimentairesétaient dépassées pour la somme des quatre PFAS : PFOS, PFOA, PFNA, PFHxS dans les œufs prélevés chez des particuliers. « La présence de ces PFAS dans les œufs s’expliquerait par la contamination des sols : en picorant, les poules se contaminent, et contaminent ensuite leurs œufs », explique la préfecture. En l’absence de données exploitables dans les communes limitrophes, elle recommande la même précaution aux quatre communes.

Les sites présumés émetteurs, comme les fabricants de mousses anti-incendie, devront analyser la présence de PFAS dans leurs rejets. « Une analyse des informations disponibles au sein des données fournies par les industriels au titre du règlement Reach sur les produits chimiques sera menée », précise le ministère. De la même manière, les principales plateformes aéroportuaires devront mener un diagnostic sur d’éventuelles pollutions aux PFAS dans les rejets ou dans les sols, au regard de l’usage historique de certaines mousses anti-incendie.

Une campagne de type « recherche des substances dangereuses dans l’eau » (RSDE) sera également lancée dans les effluents d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) « les plus concernées par ces substances ». Un projet d’arrêté ministériel est en préparation dans cette optique.

L’ensemble des données recueillies permettront notamment d’informer de cette pollution les gestionnaires des captages d’eau potable en aval, ainsi que les industries agroalimentaires. Le ministère souligne également qu’elles permettront de « mener une démarche de réduction technico-économique des rejets ». Pour les sites les plus émetteurs, il étudiera l’opportunité de sortir les déchets réputés contaminés des filières de recyclage. Ceux-ci pourraient ensuite être orientés vers des incinérateurs à forte température, des centres d’enfouissement de déchets garantissant l’élimination des PFAS rejetés dans leurs lixiviats et émissions atmosphériques, etc. « Le site Arkema de Pierre-Bénite, dans le Rhône, sera préfigurateur de cette démarche d’identification et de diminution des rejets de PFAS », indique le ministère.

Un soutien de la France à la proposition de restriction des PFAS

Les autorités de cinq pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède et Norvège) ont déposé auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) une proposition de restriction sur la fabrication et l’utilisation de certaines PFAS, le 13 janvier dernier. L’agence effectue désormais des vérifications administratives et rendra public le dossier, le 7 février prochain. « Les études disponibles montrent que le traitement des PFAS en bout de chaîne de production est difficile. Ces types de traitement sont donc coûteux, encore peu efficaces,reconnaît le ministère. C’est pourquoi la priorité des autorités françaises est l’aboutissement du processus d’interdiction en cours au niveau européen, pour supprimer les risques liés aux PFAS. »

Les deux derniers axes du plan prévoient d’assurer la transparence sur les informations recueillies, mais également d’intégrer l’ensemble des actions au prochain plan « micropolluants ». Ce dernier, en cours de rédaction, est attendu à la fin du premier semestre.

« Les mesures proposées restent très floues et ne contraignent toujours pas les industriels à limiter leurs rejets de PFAS, regrette, quant à lui, François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Tous les espoirs d’une réduction de la pollution à la source reposent sur la proposition de restriction au niveau européen (…). Cependant, les délais pour sa mise en œuvre risquent d’être très longs et aucune interdiction n’est à prévoir d’ici deux ans, au moins. » 

Dorothée Laperche, journaliste
Rédactrice spécialisée

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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