Services Hospitaliers Publics 2023 : « Plus de chef ! Toutes et tous chefs !!! » (Equipe de Neurochirurgie – Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Besançon)
4 Janvier 2023

Les politiques menées en France depuis plus de 25 ans n’ont eu de cesse de résumer la Santé à un bilan purement comptable (rentabilité à tous les étages), de réduire les solidarités interprofessionnelles (diviser pour mieux régner) et de restreindre le pouvoir décisionnel des soignants au sein de l’hôpital (management autoritaire).
Les choses ont commencé à tourner à l’aigre en 1995 avec l’élection de J Chirac (Gouvernement Juppé – Ministre de la Santé H Gaymard) par la création de la « Contribution au Remboursement de la Dette Sociale » (CRDS), la création des « Agences Régionales de l’Hospitalisation » (ARH), précurseurs du mille-feuille administratif des ARS (Agences Régionales de Santé), et de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES), organe de contrôle de « l’efficience » du système de soin. C’est surtout à cette époque qu’a été inscrit dans la Loi l’Objectif National des Dépenses de l’Assurance Maladie (le fameux ONDAM), voté par le Parlement, qui fixe le taux maximum de dépassement annuel autorisé pour les dépenses de Santé. Avec les prêts toxiques, les crises financières, l’inflation, celui-ci deviendra vite un garrot terrible au cou des hôpitaux publics car toujours inférieur à l’augmentation spontanée des coûts du marché. On voit aussi se mettre en place les Groupements de Coopération Sanitaire (futurs Groupement Hospitaliers de Territoire actuels) visant à la mise en commun des moyens au niveau régional. L’objectif clairement avoué par les pouvoirs publics de l’époque, n’est en rien différent de celui du Gouvernement actuel, celui de réduire le parc hospitalier français de… 100 000 lits, soit près du tiers de sa capacité. De fait, entre 1993 et 2018, ce sont 103.000 lits qui seront fermés (bien entendu avec la suppression des personnels afférents). De nombreux établissements publics et privés de petite dimension vont ainsi être fermés et regroupés. Cette diminution considérable des moyens d’hospitalisation s’accompagnera d’une concentration des équipements hospitaliers dans les grosses institutions au détriment de l’accès aux soins de proximité dont nous connaissons les grandes difficultés aujourd’hui.
Le deuxième mandat de J Chirac (Gouvernement Raffarin – Ministre de la Santé P Douste-Blazy), fort d’une majorité très à droite, accélère les réformes de l’hôpital à coups d’ordonnances. C’est en 2005, qu’on impose le saucissonnage de l’hôpital en pôles médicaux et médico-techniques, plus faciles « à gérer » pour l’administration car individualisés, mis en concurrence et divisés. Les services et les soignants de terrain vont se retrouver dans des structures administratives autogérées, mais à budget de plus en plus contraint, et déconnectées des décisions prises en Directoire par des chefs de pôles parfois complaisants car souvent nommés par la Direction elle-même (à moins que ce ne soit l’inverse). En échange de cette nouvelle organisation, les orientations seront prises à parité entre les administratifs et les médecins de la Commission Médicale d’Établissement (CME), qui croient voir là leur pouvoir décisionnel enfin renforcé. C’est aussi à cette période qu’a lieu le 1er grand virage de l’hôpital entreprise avec l’instauration de la T2A (Tarification à l’activité) qui privilégie les recettes sur les dépenses et les résultats sur les moyens, au lieu de prévoir une enveloppe budgétaire adaptée aux besoins réels de la population du territoire. On créée alors, comme dans les usines de voitures, des tarifs formatés pour chaque soin comme on calculerait le coût de fabrication et le prix de vente d’un véhicule : groupe homogène de séjours (GHS) correspondant (ou non) au tarif d’un groupe homogène de malades (GHM). Les hôpitaux sont mis en concurrence entre eux par ce nouveau logiciel et ceux dont la balance budgétaire deviendra « déficitaire » pourront alors être montrés du doigt et mis sous tutelle. On transformera le droit à la Santé de la population en offre de soin devant être toujours plus rentable. Le plan Hôpital 2012 associant « modernisation et efficience », justifie une sélection rigoureuse des projets retenus. La mesure de l’efficience par des outils du type « calcul du retour sur investissement » complétée par une appréciation plus qualitative du service rendu, notamment médical, sera intégrée dans la méthodologie de sélection. On accompagne la reconversion des sites chirurgicaux « en sous-activité́ » et on poursuit les regroupements et les restructurations des plateaux techniques des secteurs médico-chirurgico-obstétricaux et des établissements dans le secteur des Soins de Suite Réadaptation.
Enfin, c’est sous le mandat de N Sarkozy (Gouvernement Fillon – Ministre de la Santé R Bachelot) que sera promulguée la Loi Hôpital Patients Santé Territoire (HPST) qui amènera la création des ARS qui deviendront rapidement une courroie de distribution efficace et directe des directives et contraintes budgétaires ministérielles à l’échelon régional. Au niveau local, le texte renforcera de façon drastique le pouvoir décisionnel des Directeurs d’établissement (nommés par décret pour les CHU et CHR) vis-à-vis de la communauté médicale à qui il ne reste quasiment plus qu’un rôle consultatif aussi bien au niveau de la CME qu’à celui du Directoire. Les anciens chefs de service, appelés à présent « Responsables de structure interne » (RSI), et encore plus les autres personnels médicaux ou paramédicaux sont relégués en bout de chaîne alimentaire et n’ont que peu de pouvoir décisionnel ou organisationnel sur leur service et aucun sur les projets d’établissement, les plans de financement ou de recrutement. Depuis le 1er mandat d’E Macron, 2ème grand virage de l’hôpital entreprise, la fermeture des lits s’est à nouveau accélérée, en partie du fait du « virage ambulatoire » et en partie du fait des contraintes budgétaires imposées par l’application de la formule de « l’argent-magique » : fermeture de lits = suppression de personnel = allègement de la masse salariale = économies. Ce sont maintenant environ 21.000 lits qui ont été supprimés depuis 2017, lits qui nous font particulièrement défaut en période épidémique de Covid ou d’épidémies saisonnières (grippe, bronchiolite…). Et il faudrait tout le déni d’un Président pour se demander au tournant de la nouvelle année: « Qui aurait pu prédire en 2022 la crise du système de Santé en France ? »
C’est dans ce contexte, que les conditions de salaire et de travail des soignants hospitaliers n’ont cessé de se détériorer : gel du point d’indice, non-paiement des heures sup, non respect des plannings, contractualisation à outrance, suppression de postes, augmentation de la charge de travail, manque de moyens, dégradation de l’humanité des soins, harcèlement managérial, non reconnaissance institutionnelle, suppression progressive du statut de fonctionnaire etc… Et si la dégradation de la sûreté et de la qualité des soins suit exactement la même tendance, la responsabilité morale et médico-légale des dysfonctionnements pour les usagers incombe toujours aux soignants eux-mêmes, et à leurs chefs de service en particulier. En 2023, nous pourrions commencer à changer la donne en montrant l’exemple à notre échelle, celle du service, de la possibilité d’une réorganisation collectiviste de l’hôpital public en visant à terme la réorganisation de notre société.
Pour lutter de façon solidaire contre une institution qui broie les individus.
Pour ne plus accepter d’être les fusibles confortables d’un système qui tourne fou.
Pour réintroduire une vraie démocratie participative horizontale dans les équipes de soin.
Pour reconquérir le pouvoir décisionnel du terrain et proposer un autre avenir à l’hôpital.
Pour maintenir la qualité et l’humanité des soins pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, fin décembre 2022, nous avons adressé collectivement cette lettre à notre Direction et à nos collègues chefs de service pour leur annoncer le changement de paradigme. « Plus de chef ! Toutes et tous chefs !!! »
Une aventure à suivre …
De : Equipe de Neurochirurgie – Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Besançon
A : Monsieur E. Luigi
Directeur par intérim du CHRU de Besançon
Copie : Président de CME, Chef de pôle, Directrice de pôle, Directeur des soins, Cadre supérieure de Santé de pôle
Objet : réorganisation du service de neurochirurgie dans un contexte de dysfonctionnement global du système de Santé impactant le CHRU de Besançon
Monsieur le Directeur par intérim
Nous, soignants, avons alerté depuis plusieurs mois (années) vos prédecesseurs, ainsi que vous et vos équipes, le Ministère et ses ARS sur les nombreux dysfonctionnements dont pâtissent, dans nos institutions de santé, les patients et les personnels soignants. La situation ne cesse de se dégrader et nous ne voyons aucune issue au bout du tunnel. Je le redis encore une fois, ce système est malade de l’application de logiciels de management et de gestion financière ineptes, qui n’ont plus rien en commun ni avec l’humain, ni avec la Santé et qui nous ont conduits au fil des années à cette situation catastrophique. Dans cette organisation, les avis et les propositions venant des soignants ne sont que peu considérées et leurs marges décisionnelles sont quasi nulles. Certainement que nous, médecins, portons aussi notre part de responsabilité d’avoir laissé faire les choses ou d’y avoir collaboré.
Depuis ma prise de fonction en septembre 2015, et avec mes collègues, nous avons pu reconstruire avec motivation une équipe médicale et paramédicale de qualité sur un plateau technique de haut niveau, grâce au soutien il faut le reconnaître ici de l’institution. Ceci nous permet d’assurer une prise en charge optimale de la quasi-totalité des pathologies neurochirurgicales dont pourraient souffrir les habitants de Franche-Comté et au-delà. Pourtant, et afin de dénoncer la casse du service public de Santé, j’avais pris l’initiative de démissionner (avec 1200 autres RSI au niveau national) de mes fonctions administratives le 13 février 2020. Ceci a été acté par un courrier de la Directrice de l’époque, Mme Carroger, le 18 février 2020. Si certains ont repris leurs fonctions depuis, je n’ai reçu pour ma part aucune demande d’explication ni de relance de la part de la Direction, et ce qui paraissait au départ être du mépris est devenu au final pour nous une excellente opportunité d’acter cette réorganisation. En effet, je ne souhaite plus porter seul la responsabilité du chaos que vous faites peser chaque jour un peu plus sur nos épaules, nous chefs de service. D’autre part, ne trouvant pas une semaine où je n’aie à jouer le pompier ou le casque bleu d’une situation qui nous dépasse tous, je n’ai plus de temps à consacrer à mes tâches universitaires qui sont en tant que PU-PH mon cœur de métier et de passion en plus de mon activité clinique.
A la lumière des événements récents (défections des internes, dégradation chronique de la qualité/sécurité des soins et des conditions de travail, diminution des effectifs humains, réduction d’activité d’hospitalisation et de bloc en lien avec l’austérité & la pénurie imposée par le Ministère et ses relais locaux – directions et ARS) et face à l’isolement que l’on ressent, il faut le dire, aux côtés d’une administration souvent méprisante et déconnectée de la réalité (ou dans le déni perpétuel), je vous annonce que je démissionne définitivement de ma position de « chef de service » en neurochirurgie au CHRU de Besançon. En effet, j’avais continué jusqu’alors d’en assumer, au mépris de mon épanouissement et de ma santé personnelle, l’ensemble des charges organisationnelles, managériales, universitaires, médico-légales, psycho-sociales …
Nous avons donc organisé ce 12 décembre 2022 une réunion exceptionnelle associant médecins et cadres de soins pour décider de la suite à donner à notre organisation de service dans ce nouveau contexte. De façon assez surprenante, aucun.e candidat.e ne s’est manifesté.e pour reprendre la charge de Responsable de Structure Interne (comme vous l’appelez). Il n’y aura donc plus de « chef de service » unique, ce qui sera excellent en terme de démocratie participative, mais une liste de responsables médicaux et paramédicaux qui assureront la charge d’organisation, d’animation et de responsabilité (clinique, médico-légale, administrative) de leurs périmètres d’action respectifs vis-à-vis de nos patients, du reste de l’équipe soignante et de l’administration.
Pour ce dernier point, il va sans dire qu’en cas de dysfonctionnement signalé et sans acceptation des solutions émanant de l’équipe soignante par la Direction, c’est cette dernière qui assumera entièrement sur le plan médico-légal les complications dont les patients pourraient être victimes en lien direct avec ces mêmes dysfonctionnements.
Nous vous joignons donc ci-dessous l’Organigramme de Répartition Collective des Fonctions et Responsabilités pour le service de neurochirurgie du CHRU de Besançon à compter du 1erjanvier 2023 et qui a été validé par l’ensemble des membres de l’équipe médicale.
Des réunions mensuelles associant l’ensemble des acteurs et actrices du soin permettront de piloter cette organisation et les actions à mener.
Dr Nassim Bougaci
Responsable d’unité Sud (mois pairs) et unité Ouest (mois impairs)
Responsables recrutements (PH, professions de soin)
Référent Pathologie hypophysaire & Neuro-vasculaire
Dr Aurélie Dauta
Responsable d’unité Sud (mois impairs) et unité Ouest (mois pairs)
Responsable Secrétariats & Consultations
Référente Neuro-oncologie / Chirurgie éveillée & Spasticité
Dr Noor Hamdan
Responsable Bloc Urgence (fonctionnement / équipement)
Référent Neuro-oncologie / Chirurgie éveillée / Pathologie du LCS & Epilepsie
Dr Hassan Katranji
Responsable qualité (EPP, accréditation, CREX, Ennov, Contentieux, Relation aux usagers)
Référent Rachis complexe & Douleur
Dr Clémence Lemoine
Co-responsable encadrement des étudiants (service et bloc opératoire)
Responsable Consultation post-urgence
Référente RMM / Bibliographie
Dr Aurore Ménissier
Responsable relations avec les Réanimations
Responsable Consultation post-urgence
Dr Antoine Petit
Responsable Bloc Programmé (fonctionnement / équipement)
Responsable du tableau d’astreintes séniors
Référent Ostéolyse maligne rachidienne / Douleur / Dysraphies & Rachis complexe
Pr Laurent Thines
Responsable Universitaire (enseignement & encadrement des étudiants & internes)
Responsable Recherche-publications
Responsable des relations avec le CHU & Universités
Référent Pathologie Neuro-vasculaire / Chiari / Base du crâne / Névralgie du V & Pédiatrie
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur par intérim, l’expression de nos sentiments distingués.
Besançon le 13/12/2022
Dr Nassim Bougaci – Dr Aurélie Dauta – Dr Noor Hamdan – Hassan Katranji – Dr Clémence Lemoine – Dr Aurore Ménissier – Dr Antoine Petit – Pr Laurent Thines
Commentaires:
richard.torrielli@gmail.com 5 Janvier
Très séduisante initiative.. à observer dans la durée, être attentif à ce qu’un (ou quelques-uns) des initiateurs antérieurement non chefs y voient l’occasion d’accéder un jour à un pouvoir non plus partagé mais exercé à titre personnel et devenir ainsi calife à la place du calife, en prenant pour prétexte une désorganisation du système et/ou l’incompétence ou la paresse de l’un ou plusieurs des non-chefs-tous-chefs. La configuration non-chefs-tous-chefs est opérationnelle en phase de crise aiguë type covid premier épisode, mais sa pérennité est menacée par l’ambition, justifiée ou pas, de l’un ou l’autre des êtres humains (humains sensibles aux attraits du pouvoir) qui constitue le groupe non-chefs-tous-chefs.Ne faut-il pas prévoir de relayer un jour ou l’autre cette expérience par une règle qui limite la durée ET le nombre de l’exercice des diverses « chefferies » officielles? Seul moyen d’éviter les rentes de situation et l’éloignement des acteurs des centres du pouvoir…Richard
Patrick Chemia 5 janvier
Question naïve : quand il n’y a plus de chef de service, ou que tout le monde est chef, n’est-ce pas la direction administrative de l’établissement qui prend la main de façon discrète ou officielle ?
Une sorte de mise sous tutelle.
De même que lorsque la direction d’un établissement est jugée défaillante, il y a tutelle de l ARS ou nomination d’un autre directeur.
Au niveau médical, le directeur peut nommer chef de service le chef d’un autre service : ça je l’ai vu faire dans mon établissement.
Le chef de service n’est là dans une vision managériale que pour servir l’établissement…
A moins d’un rapport de forces de la CME que je n’ai jamais connu.
Suis-je trop pessimiste ?
dr.danielwallach@gmail.com 5 Janvier
Cette initiative est effectivement remarquable et on ne peut que lui souhaiter succès et pérennité.
Cette organisation rappelle le projet de départementalisation élaboré il y a 40 ans, qui avait pour but (entre autres) de démocratiser la gouvernance hospitalière. Les lois de départementalisation ont été efficacement combattues par la majorité des chefs de service et abolies après l’alternance politique de 1986. Il n’y aura donc eu pratiquement aucune expérimentation du type de celle de nos collègues de Besançon.
J’en profite pour dire que le projet de départementalisation avait beaucoup de qualités
- 04/01/2023 09:24
- PAR NICOLE PÉRUISSET-FACHE
Bravo et bon courage !
Lutter contre l’effondrement dans tous les domaines commence par ce genre de petite révolution interne. Ils ont les millions, nous sommes les millions, faisons-nous entendre et empêchons-les de nuire autant que faire se peut.
Quand je pense à la médecine de mon père, Jean Fache (1919-1987), médecin rural de 1946 à 1975, je suis atterrée par ce qu’elle est devenue, à l’image de notre monde robotisé, dé-civilisé.
- PAR PATNAT
Bravo enfin de vrais responsabilités médicale .
Je demande la disparition de la technocratie médicale déconnecté et incompétente qui ne connait que les abaques , camembert , courbes diverses , tableurs …. Cela permettra de faire de réelle économie car n’oublions pas qu’une bonne partie des 30% du budget administratif hospitalier va nourrir cette technocratie .
- 04/01/2023 11:28
- PAR PREVENIR
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Horreur à l’hôpital de Thionville

L’Insoumission du 3 janvier 2023
Cinq jours et cinq nuits sur un brancard. Quasi absence de soins , d’eau et de nourriture.
Hôpital bondé.
Soignants en pleurs. Pleurs de désespoir , pleurs d’impuissance.
Cela se passe dans la 7ème puissance mondiale , à l’hôpital de Thionville.
Comment en est-on arrivé là ?
Ils ont juré
« Je respecterai toutes les personnes , leur autonomie et leur volonté , sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies , vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité ». Le personnel soignant de l’hôpital de Thionville se retrouve à devoir choisir entre laisser croupir un vieillard dans ses excréments pendant 90 heures et sauver d’autres vies.
À bout de force
Les soignants ont manifesté , fait grève ( sans jamais cesser le travail ) , menacé de démissionner, mis à exécution leur menace , rien n’y fait.
Emmanuel Macron poursuit le travail de longue haleine mené par les gouvernements libéraux depuis 30 ans : la mise à sac de l’hôpital , la destruction du service public de la santé.
Pour aller plus loin :21 000 suppressions de lits en 5 ans : le carnage de Macron à l’hôpital public
Désespoir de cause
Les médecins urgentistes de l’hôpital de Thionville ont décidé de placer 55 des 59 infirmiers et aides-soignants en arrêt maladie pour burn-out pendant sept jours. Un cri d’alarme terminal , la dernière sommation d’un métier à l’agonie : soignant.
Ils ont juré de consacrer leur vie professionnelle à sauver des vies et le libéralisme les pousse vers une mort inéluctable. Et pour quoi ? Pour faire du profit sur la vie.
L’hôpital public , c’est le cauchemar absolu des libéraux , fanatiques du marché
Un lieu où chacun reçoit selon ses besoins, peu importe ses capacités financières.
Un lieu rempli de fonctionnaires , à l’emploi garanti à vie , qui ne travaillent pas dans le but d’écraser les autres mais de les grandir , qui ne travaillent pas pour des bonus mais pour être fidèles à leurs valeurs , à leur vocation. Insupportable. Pire , un lieu qui pourrait être une manne inépuisable de profit. Qui rechignerait à mettre la main au porte-monnaie , quitte à sacrifier toutes ses économies , à s’endetter lourdement , pour sauver la vie de ses enfants ?
Il fallait mettre un terme à cet Éden. Avant que ce système ne fasse tâche d’huile et que le peuple ne réalise que l’entraide , la coopération , la passion pour la mission collective pouvaient être bien plus porteurs de progrès que l’égoïsme , la concurrence , le chacun contre tous. Alors les libéraux ont mobilisé toutes les forces politiques et financières pour égratigner , puis démembrer , tout en jurant agir pour la protection de ce service public auquel les Français sont si ardemment attachés.
Étau budgétaire de plus en plus étouffant , mise en concurrence des hôpitaux , contractualisation de l’emploi , aucun poison néolibéral n’a été épargné. Il fallait au moins cela pour venir à bout de ce sanctuaire républicain.
Libéralisme à l’hôpital public : 30 ans de saccage planifié
D’abord Chirac , en 1996 avec les ordonnances pour la régionalisation étatique et la reconfiguration des établissements de santé , puis la loi pour la modernisation de l’hôpital , puis Sarkozy porte le coup fatal avec la LOI HÔPITAL PATIENTS SANTÉ TERRITOIRES DE 2009 qui instaure la tarification à l’activité ( T2A ) , Hollande ne fera rien pour stopper ce saccage.
Emmanuel Macron fera mine de vouloir corriger les errements de ses prédécesseurs … Tout en poursuivant scrupuleusement dans la même direction. Du blabla humaniste « et en même temps » des lois pour accentuer la toute puissance du capitalisme , on connaît la petite musique macroniste.
Combien de temps tiendra ce gouvernement qui laisse moisir sa population et refuse de prendre les mesures d’urgence qui s’imposent pour rétablir l’accès au soin, au transport , à l’énergie , à l’éducation , à l’alimentation ? «
Par Ulysse
- 04/01/2023 11:34
- PAR DENIS PEYRUSSON
Magnifique initiative, bravo et vous avez l’appui d’une immense majorité de citoyens, mais ça vous le savez.
Enfin çà bouge.
Merci
- 04/01/2023 12:04
- PAR PASCAL MAILLARD
Bravo ! Merci Laurent pour cette publication que je diffuse largement. « Plus de chef ! Toutes et tous chefs !!! » : si ce slogan devenait viral et commençait à être appliqué dans de multiples structures, les managers de la science et de la santé commenceraient à s’affoler. La santé comme l’éducation et la recherche sont mis en péril par une collusion pernicieuse entre le politique et le bureaucratique. Je suis persuadé que le seul moyen de casser ce cercle vicieux est la réappropriation collective des missions et de l’organisation du travail par les personnels eux-mêmes. Le bon niveau d’action est l’équipe, le service, le laboratoire, la structure de base. Un nombre significatif de démissions de « responsables » de structure priverait le système des courroies de transmission de la chaine hiérarchique et bureaucratique. Pour résister à la pression que les directions politiques et administratives ne manqueront pas d’exercer sur les équipes « autonomes », la solidarité entre tous les membres des équipes sera décisive. Tout comme la solidarité entre les équipes au sein d’un même établissement et entre établissements.
Bon courage, bonne lutte !
- 04/01/2023 13:41
- PAR NICOLE PÉRUISSET-FACHE EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE PASCAL MAILLARD LE 04/01/2023 12:04
Tout-à-fait ! Un exemple à suivre ! Et le plus vite possible, pour remettre les pendules à l’heure de l’humain d’abord.
- 04/01/2023 13:30
- PAR LDV2607
Enfin du renouveau, de l’horizontalité voir de l’autogestion, vivement que ça gagne d’autres secteurs d’activités. Merci.
- 04/01/2023 15:26
- PAR PATNAT
A nous citoyen d’écraser cette oligarchie technocratique à sa propre solde , et la solde de ce néolibéralisme archaique vénéré par des idiots prétentieux dont seul compte leur propre intérêts . Défendons la démocratie , la liberté , l’humain , le respect de l’autre !
- 04/01/2023 16:45
- PAR SITTELLE
Enfin ! Merci à vous et bravo.
Retraitée (médecin vacataire dans plusieurs hôpitaux), j’espère que votre initiative fera boule de neige et que vous serez rejoints pas des équipes au bout du rouleau depuis si longtemps mais qui essaient cependant de ne pas oublier le serment d’Hippocrate.
Je diffuse bien-sûr largement votre billet de blog.
- 04/01/2023 19:24
- PAR CAMILLE.XTLAN
Fini, le temps de subir !
Place à l’action maintenant, aux décisions collégiales des personnes directement concernées par le soin ; à la mise en application d’idées « à taille humaine », d’intérêt général.
Bravo pour cette remise en question que je soutiens pleinement.
Merci
- 04/01/2023 20:52
- PAR JULIEN VERNAUDON
Bravo Laurent pour cette excellente initiative et merci de l’avoir partagée.
En tant que chef de pôle dans une optique d’occupation et non d’exercice du pouvoir, et surtout de tentative de contre-pouvoir pour le bien de mon équipe, je ne peux qu’approuver cette démarche !
Réponse:
- 04/01/2023 23:40
- PAR LAURENT THINES EN RÉPONSE AU COMMENTAIRE DE JULIEN VERNAUDON LE 04/01/2023 20:52
Ce sont les gens comme toi que je souhaite inspirer ou mobiliser par ce partage. J’ai eu la même démarche que toi en prenant la chefferie de service: impulser une vision, une organisation, en essayant de garder une horizontalité mais ce n’est pas suffisant en terme de démocratie interne, de responsabilisation, d’autonomisation, de délégation… Même si on a un « management » ou une gestion ouverte, on reste le « boss » …et au final, il y a toujours de l’ego, du paternalisme, la peur de lâcher ou de perdre le contrôle en arrière plan. Je pense vraiment qu’il faut en finir avec cela, au travail et dans la vie de la cité. C’est une expérience qui est exigeante pour moi mais aussi pour les collègues, car il est toujours plus confortable de « déléguer » les responsabilités à son « boss » comme on le fait tous les 5ans en votant pour un Président…en plus, je n’étais même pas élu !!!
- 04/01/2023 22:59
- PAR JEAN-MARC CONSTANT
Votre diagnostic a toujours été le bon, le remède que vous mettez en oeuvre est de la même qualité. Côté patients, nous ne pouvons que nous réjouir de cette action. C’est la meilleure nouvelle depuis le 1er janvier, nous ne pouvons que former le vœu que votre réussite dépasse tous nos espoirs. Courcircuiter les relais de ce désordre mortel en la personne de ses chefs est une brillante solution. Un vrai acte médical. Vous l’avez décidé courageusement, chapeau bas. Que les initiatives comme la vôtre se multiplient partout, que ce pays sorte enfin de sa glissade vers le néant.
Merci à vous tous.
- 04/01/2023 23:19
- PAR PASIPHAÉ
Une voie à suivre pour sûr et réfléchir aussi aux moyens pour bloquer les retours de bâtons inévitables et élargir la démarche à toutes les institutions qui souffrent de leur management. Au final, il faudra aussi s’emparer des moyens financiers.
Un plateau A l’air libre, Mediapart, please !
- 05/01/2023 00:31
- PAR CITROUILLEORANGE
Excellent ! Bravo ! Courage ! L’autogestion paraît en effet le seul moyen qui reste pour sauver un service public au bord du gouffre.
Évidemment, c’est encore plus le cas à l’hôpital public qui à fait partie des premiers services concernés par ce démantèlement méthodique.
De tous coeur avec vous, et en espérant qu’au moins une partie du service public français suive vos traces sur ce chemin. Si cette voie se dessine dans mon champ professionnel, j’en suis !
Jean-Pascal DEVAILLY Médecin des Hôpitaux, AIHP – ACCA
Intéressant à plus d’un titre
Cela traduit surtout une immense détresse de soignants qui veulent continuer à soigner sans quitter l’hôpital mais ne peuvent plus assurer une chefferie de service dans une situation devenue insupportable.
Comment en sont-ils arrivés là?
Je n’ai pas un bon souvenir de ce GHT où j’avais appuyé une mission concernant les SSR lors de sa constitution.
Plutôt globalement critique sur les GHT du redoutable Crémieux (merger mania, fusion d’hôpitaux favorisés par un faux modèle de production), toutefois plusieurs scénarios restaient possibles entre:
1 l’intégration verticale dirigée par l’amont (les « filières inversées » de Galbraith) autrement dit le résultat induit par les GHT dans la logique industrielle à courte vue,
2 Le statut quo de la fragmentation où il n’y a guère de réorganisation des prises en charge mais une aggravation des nuisances managériales dans le schéma de financiarisation: directions sous pressions financière qui s’insinuent partout et déstructurent (désintègrent) les activités cliniques à coup d’indicateurs inadaptés
3 L’occasion d’organiser la seule façon de concilier clinique et gestion avec du flux poussé en standardisant ce qui peut l’être et en personnalisant ce qui doit l’être (flux tirés par les attentes exprimées ou implicites du patient)!
Sortir de la vision en flux poussés qui existait avant la T2A mais a été très fortement aggravée par la pression sur les lits et les résultats financiers, cela existe, et même, comme je l’ai découvert récemment dans certains GH de l’épouvantable bureaucratie ap-hpienne.
Même en environnement T2A , cette méthode purement poussée n’est pas financièrement performante, mais les économistes américains ont montré que la logique économique de l’aigu s’impose toujours à celle du post-aigu dans les établissements qui ont de l’aigu et du post-aigu et que les établissements, à de rares exceptions, à penser épisode de soins, surtout en incluant l’après hôpital.
A Besançon le PCME de l’époque, un pharmacien je crois, se voyait en capitaine d’industrie maître des restructurations, voyait le GHT comme l’occasion d’optimiser les flux, dans une vision étriquée en flux poussés: on allait enfin diriger ces maudits SSR qui sélectionnent les patients (« ils font leur marché ») et ne foutent rien, et ces services de court séjour qui ne prennent pas assez vite les malades des urgences.
Bref la santé vue par Mathias Wargon, l’urgentiste visionnaire des parcours de santé depuis les urgences de St-Denis.
Du coup, le PCME attendait un projet de regroupement à la hache d’équipes de SSR qui ne s’étaient jamais parlé avant, ni entre elles ni avec l’aigu, qui restaient dans l’incompréhension mutuelle avec l’aigu qui existe partout sauf par endroits. Notre vision de l’intégration aigu-SSR n’était pas la sienne, comme quoi un audit ne dit pas toujours ce que les commanditaires attendent.
Encore que la directrice, citée dans l’article semblait beaucoup plus modérée et prudente. Il y avait deux commandes en fait: celle de la direction et celle du PCME!
Au passage le GHT excluant par nature le privé même non lucratif, il était difficile de penser des filières dans le bon sens du terme concernant les blessés médullaires et cérébrolésés sévères, souvent historiquement dans le privé.
Comme quoi, pour explorer le mépris et la méconnaissance des médecins et autres soignants les uns envers les autres, on n’a pas même pas besoin d’évoquer la médecine libérale.
Bonne journée – Jean-Pascal DEVAILLY Médecin des Hôpitaux, AIHP – ACCAService de Médecine Physique et de Réadaptation (MPR)Groupe hospitalier Lariboisière – Fernand Widal – Saint Louis 01 40 05 42 05Hôpitaux Universitaires Paris Nord-Val de Seine 01.40.25.84.49