Macron sort du chapeau une dizaine de RER non financés

Les approximations d’Emmanuel Macron sur l’écologie : trafic aérien, petites lignes de train…

Dans une vidéo publiée en ligne dimanche, le président a répondu aux questions d’internautes sur l’écologie. Mais il a eu tendance à embellir son bilan

Par Les DécodeursPublié hier à 18h53, mis à jour à 09h37

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Le chef de l’Etat répondait aux questions d’internautes dans une vidéo publiée en ligne dimanche 27 novembre.
Le chef de l’Etat répondait aux questions d’internautes dans une vidéo publiée en ligne dimanche 27 novembre.  YOUTUBE/EMMANUEL MACRON

Emmanuel Macron a surpris au sein même du gouvernement en annonçant, sans concertation, des projets de RER dans dix métropoles françaises dans une vidéo postée sur YouTube dimanche 27 novembre.

Dans cette séquence, le président se mettait en scène pour répondre à des questions d’internautes sur l’écologie. Il y vantait à plusieurs reprises le plan du gouvernement sur l’énergie et les enjeux écologiques. Quitte à exagérer quelques chiffres.

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Petites lignes ferroviaires : un objectif présenté comme acquis

Ce qu’il a dit :

« On a sauvé ou rouvert environ 9 000 kilomètres de petites lignes. »

Le président de la République confond l’objectif d’un plan gouvernemental en faveur des petites lignes ferroviaires et sa réalisation concrète.

Ce n’est pas la première fois que cette confusion est faite par le gouvernement. En avril, déjà, le premier ministre d’alors, Jean Castex, avait avancé sur France Inter ce chiffre de « 9 000 kilomètres de petites lignes refaites à neuf ».

En réalité, ces 9 000 kilomètres renvoient à l’objectif fixé en 2020 par le ministère des transports grâce à un plan d’investissement en partenariat avec les régions volontaires, qui doit s’élever à 7 milliards d’euros sur dix ans. Une ambition qui porte sur toute la décennie et reste loin d’être réalisée. En avril, le ministère des transports avait expliqué à l’Agence France-presse que, d’ici à la fin de l’année, 1 500 kilomètres auront été rénovés. Contacté par Le Monde, le ministère n’avait pas répondu à nos demandes de précision avant la publication de cet article.

Les 9 200 kilomètres de « lignes de desserte fine du territoire » – qui représentent près d’un tiers du réseau ferroviaire français (28 000 kilomètres) – étaient menacées de disparition faute d’investissements depuis des années au profit des TGV. Selon un rapport du ministère des transports publié en 2020« sauf investissements massifs », près de 6 500 kilomètres étaient susceptibles d’être concernés par des ralentissements pour défaut de maintenance d’ici à 2030 et 4 000 kilomètres présentaient un risque de fermeture dans les dix ans.

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Les émissions de CO2 du transport aérien sous-estimées

Ce qu’il a dit :

« Le plan hydrogène va permettre de réduire de 6,5 millions de tonnes les émissions de CO2 en 2030. 6,5 millions de tonnes de CO2 par an, c’est l’équivalent de tout le transport aérien français. »

Le chef de l’Etat a l’ambition de faire « de la France un des leaders » du secteur, grâce au plan gouvernemental pour le développement de l’hydrogène décarboné. Après un premier plan dévoilé par Nicolas Hulot en 2018, mais doté uniquement de 100 millions d’euros, un plan plus ambitieux avait été lancé en septembre 2020 avec une promesse d’investissement de 7 milliards d’euros sur dix ans.

Le gouvernement estime qu’il faudra installer 6,5 GW de capacité d’électrolyse – le processus chimique qui permet de produire du dihydrogène à partir de l’eau. Pour Emmanuel Macron, cette stratégie devrait « permettre de réduire nos émissions de 6,5 millions de tonnes de CO2 par an en 2030 ». Pour appuyer son propos, il compare cette réduction aux émissions liées au transport aérien français chaque année.

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Pourtant, le président semble loin du compte. Selon les chiffres de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), les émissions de CO2 pour le transport aérien en France se sont élevées à 10,3 millions de tonnes en 2020. Mais en raison de la crise sanitaire, qui a mis à l’arrêt une majeure partie du trafic aérien cette année-là, il est nécessaire de voir les chiffres des années précédentes.

En 2019, 23,7 millions de tonnes (Mt) de CO2 avaient été émises par le transport aérien (aviation commerciale) en France. « Avec 4,8 Mt en 2019, la part du transport intérieur dans les émissions de CO2 du transport aérien France est de 20,5 %, dont une proportion importante liée à la desserte de l’outre-mer (2,7 Mt) »précisait la DGAC. Le poids de l’aviation dans les émissions de gaz à effet de serre a donc largement été sous-estimé par M. Macron.

Emmanuel Macron et Elisabeth Borne résistent aux demandes de mesures plus contraignantes pour réduire les émissions de CO₂

Le chef de l’Etat et la première ministre refusent toujours d’« emmerder les Français » et assurent que leurs objectifs peuvent être atteints sans « sacrifices ». 

Par Matthieu GoarPublié hier à 05h15, mis à jour hier à 15h55 https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/11/29/lutte-contre-le-rechauffement-climatique-emmanuel-macron-et-elisabeth-borne-resistent-aux-demandes-de-mesures-plus-contraignantes_6152067_823448.html

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Le président de la République, Emmanuel Macron, visite le Salon des maires et des collectivités locales, à la porte de Versailles à Paris, le 23 novembre 2022.
Le président de la République, Emmanuel Macron, visite le Salon des maires et des collectivités locales, à la porte de Versailles à Paris, le 23 novembre 2022.  JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Georges Pompidou continue de hanter la politique française. Surtout l’une de ses petites phrases prononcées à Matignon un soir de 1966 devant l’un de ses conseillers, Jacques Chirac. « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! », aurait dit le premier ministre, icône des « trente glorieuses » et amateur de poésie à d’autres heures.

« Arrêtez d’emmerder les Français »… Une expression triturée et malléable, adaptable à tous les sujets. Emmanuel Macron l’avait déjà réactivée, le 4 janvier 2022, lors d’une interview au Parisien principalement consacrée à la vaccination contre le Covid-19. « Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je peste toute la journée contre l’administration quand elle les bloque. Eh bien là, les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder », avait lancé le chef de l’Etat. Au sein de plusieurs cabinets ministériels, elle réapparaît depuis plusieurs mois, toujours en off, notamment lorsqu’il est question d’écologie et de climat, un domaine sensible où de nombreux acteurs réclament des contraintes plus fortes.

« On ne va pas non plus forcer tout le monde »

Il y a quelques semaines, en marge de l’annonce sur le plan sobriété, l’idée de limiter la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes a fait son retour après avoir été une des 149 propositions de la convention citoyenne pour le climat, en 2019. Une idée balayée par le gouvernement. « Quand on passe de 130 km/h à 110 km/h, on réduit de 20 % sa consommation, a constaté la première ministre, Elisabeth Borne, le 14 novembre sur BFM-TV. De là à l’imposer aux Français, je pense que ce n’est pas la bonne voie. (…) On ne peut pas fonctionner à coups d’interdiction. Si on n’est pas attentif à embarquer tout le monde, à un moment donné on n’avancera pas. »

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Alors que l’inflation continue de grignoter chaque mois le pouvoir d’achat, le gouvernement ne veut surtout pas braquer les Français sur les sujets de la vie quotidienne, en particulier sur les déplacements. Une stratégie visible dans les propos de M. Macron. « Il faut que ce soit un choix, on ne va pas non plus forcer tout le monde », a-t-il déclaré au sujet du ferroviaire dans sa deuxième vidéo consacrée à l’écologie et publiée sur les réseaux sociaux, dimanche 27 novembre.

« Vous avez vu ce qu’il se passe sur le périphérique avec des gens prêts à en venir aux mains. Je n’aimerais pas être à la place du gouvernement, analyse Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP. La situation est inflammable avec des augmentations du gaz et de l’électricité de 15 % en janvier. Dans ce contexte, comment arriver à faire passer l’idée d’un financement de la transition écologique en plus ? »

L’argument avancé pour expliquer cette prudence est le précédent des « gilets jaunes ». De nombreux proches d’Emmanuel Macron et d’Elisabeth Borne pensent que cette éruption de colère contre l’augmentation de la taxe carbone avait d’abord bouillonné avec la limitation de la vitesse à 80 km/h sur les routes mise en place en juillet 2018. Une décision du premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, qui avait échauffé les esprits loin de Paris.

« Déconstruire le modèle de consommation »

Sur les gestes du quotidien (consommation d’eau, de vêtements, alimentation, déplacements, etc.), Matignon et l’Elysée affirment aujourd’hui croire en l’incitation. « J’entends ceux qui sont anxieux, notamment dans la jeunesse, et qui veulent des sacrifices, confie Mme Borne. Ma conviction est qu’on peut y arriver sans exiger des sacrifices. Il faut essayer de déconstruire le modèle de consommation, par exemple sur la mode. C’est à la fois un combat culturel pour changer les habitudes et une capacité à innover dans tous les secteurs. » Un état d’esprit qui s’est retrouvé dans le plan sobriété, présenté le 6 octobre, où l’objectif de réduction de 10 % de la consommation était accompagné de tout un dispositif de communication : « Chaque geste compte. » Mais sans contraintes réelles.

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Beaucoup d’acteurs du climat se demandent si cette ligne est tenable sur le long terme, en estimant que l’histoire des « gilets jaunes » est revisitée. « Le gouvernement semble vouloir oublier que sur les ronds-points, il y avait surtout des travailleurs pauvres, des retraités modestes, des femmes seules, affirme Anne Bringault, coordinatrice des programmes du Réseau Action Climat. Or, nous avions été nombreux à alerter le gouvernement et Bercy que la taxe carbone créerait de la colère si l’argent récolté n’était pas reversé vers l’écologie, par exemple sur des aides pour changer de voiture. Maintenant, le gouvernement s’oppose à des mesures en pensant que l’opinion ne peut pas accepter. Ce n’est pas évident, lorsqu’on se souvient de la convention citoyenne pour le climat. »

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Mise en place après la crise des « gilets jaunes », la convention citoyenne avait inscrit l’impératif de « justice sociale »dans son mandat tout en émettant des propositions contraignantes. « Cela montre qu’une opinion à qui on donne les informations peut, après des débats houleux, aboutir à des solutions bonnes pour le climat sans pénaliser les ménages modestes », estime Anne Bringault.

A ces critiques, le gouvernement répond que plusieurs mesures très contraignantes sont déjà à l’agenda, citant l’interdiction de la mise en location des pires « passoires thermiques » à partir de 2023 et celle de la vente des véhicules thermiques neufs en 2035 mais aussi l’extension des zones à faibles émissions (ZFE) à quarante-trois agglomérations d’ici à 2025… « Le niveau de contraintes est déjà assez élevé, estime Jean-Marc Zulesi, président (Renaissance) de la commission du développement durable à l’Assemblée nationale. Je peux vous dire que dans ma zone, les ZFE entraîneront des grands changements, par exemple entre Aix et Marseille. Et il ne faut surtout pas négliger l’importance d’embarquer les citoyens dans la transition. »

La question épineuse du partage de l’effort

Autant de sujets qui posent la question de l’acceptabilité sociale de la transition. Mais aussi celle, encore plus épineuse pour le gouvernement, de la redistribution et du partage de l’effort. Car, si les aides ne sont pas suffisantes, les ZFE peuvent aboutir à une sorte de péage « social », avec des ménages aisés capables de changer de voitures et les plus modestes relégués aux portes des métropoles. « Les ZFE, c’est un sujet à surveiller comme le lait sur le feu. On ne peut pas placer une partie de la population dans une situation impossible : être obligé de changer de voiture mais ne pas en avoir les moyens », tranche Quentin Perrier, économiste et président d’Expertises Climat.

D’autant plus qu’en matière de voiture, la France n’est pas encore sur la bonne voie. En septembre 2021, l’Institut de l’économie pour le climat avait écrit un rapport en modélisant l’influence du bonus-malus écologique. « Il apparaît que le barème gouvernemental prévu jusqu’en 2023 n’est a priori pas compatible avec les objectifs de réduction d’émissions du parc neuf », concluaient les auteurs. Dans leurs scénarios alternatifs, un durcissement du malus paraissait inéluctable. Des études qui posent la question de l’aide aux plus modestes. Si le bonus-malus écologique et la prime à la conversion dépendent du type de véhicules (supplément dans les ZFE et en outre-mer), beaucoup d’autres aides sont conditionnées à la situation sociale

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Ainsi le dispositif MaPrimeRénov’, mis en place depuis 2020, a des plafonds différents calculés notamment en fonction des revenus des ménages. Mais les défenseurs du climat craignent que l’importance du reste à charge continue à empêcher toute une partie de la population de changer de véhicules ou de rénover leur domicile. « Les montants financiers engagés sont importants mais ce sont surtout les plus aisés qui en profitent, résume M. Perrier. Or, la transition ne pourra pas se faire sans l’implication du plus grand nombre. On peut aller vers des dispositifs contraignants à condition que la redistribution soit vue comme juste. »

Le défi de l’équité rend très sensible les débats autour des financements des aides, comme on l’a vu lors de la dernière discussion sur le budget pour 2023. Alors que le gouvernement a prévu 2,45 milliards d’euros pour le dispositif MaPrimeRénov’, deux amendements venus de la gauche ont été votés pour augmenter les crédits à près de 12 milliards d’euros. Une hausse non retenue par le gouvernement.

« Ne laissez pas croire qu’on peut multiplier par sept du jour au lendemain les dépenses de rénovation », a répondu Elisabeth Borne à la députée (La France insoumise) de Seine-Maritime Alma Dufour qui l’interpellait dans les couloirs de l’Assemblée nationale après l’annonce du 49.3 par la première ministre. Une scène symptomatique. Car la ligne de crête, entre contraintes et acceptabilité sociale, semble très étroite. Surtout pour un gouvernement qui a promis de retrouver la trajectoire des 3 % de déficit public en 2027 tout en n’augmentant pas les impôts des Français.

Matthieu Goar

Trafic aérien en France : une moyenne autour de 20 millions de tonnes de CO2 avant la crise sanitaire

Chiffres annuels des émissions gazeuses liées au trafic aérien en France, selon les types de vols. Ces chiffres ne concernent que l’aviation commerciale.

La voiture électrique : un « vrai progrès » mais encore du chemin à faire

Ce qu’il a dit :

« Aujourd’hui, environ une voiture sur huit qui est achetée est électrique et une sur trois est hybride. On a fait un vrai progrès parce qu’il y a cinq ans, quand j’ai été élu la première fois, on en avait environ une sur trente. »

Comme nous l’écrivions déjà en octobre, la part de l’électrique dans le marché des voitures particulières a en effet fortement progressé en cinq ans, passant de 1,5 % en 2018 à 12,68 % pour les trois premiers trimestres 2022. Parmi les voitures neuves achetées depuis le début de l’année, une sur huit est bien électrique comme l’affirme le chef de l’Etat.

Plus de 12 % des nouvelles immatriculations

Part des voitures électriques dans l’ensemble des véhicules neufs des particuliers

Cependant, cette accélération de la vente des véhicules électriques s’est faite au détriment des véhicules hybrides rechargeables, qui semblent amorcer un recul, et représentent moins de 8 % des immatriculations neuves sur les neuf premiers mois de 2022. Lorsque le chef de l’Etat affirme qu’« une [voiture] sur trois est hybride », il additionne deux types de véhicules : les hybrides rechargeables (qui peuvent rouler à 100 % en électrique sur de petits trajets si elles ont été préalablement branchées) et les hybrides « simples », dont le moteur électrique n’est qu’un relais du moteur diesel ou essence, et qui ne peuvent donc pas rouler sans émettre des gaz à effet de serre. Elles ne sont d’ailleurs plus éligibles au bonus écologique.

Si la part de l’électrique dans les véhicules neufs a certes progressé sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, elle reste infime sur l’ensemble des voitures particulières en circulation. Au 1er janvier 2021, les voitures électriques représentaient 0,64 % du parc automobile français et les véhicules hybrides rechargeables 0,41 %.

Moins de 1 % des voitures des Français roulent au tout-électrique

Pac automobile français au 1er janvier 2021, par source de motorisation, en %

Lire aussi :  Les voitures électriques représentent 12 % des ventes de véhicules neufs, mais moins de 1 % du parc automobile

Mise à jour du 29 novembre à 9 heures : l’unité utilisée par Emmanuel Macron pour décrire les émissions du secteur aérien a été corrigée

Les Décodeurs

*Emmanuel Macron surprend en annonçant sans concertation des projets de RER dans dix métropoles françaises

Le chef de l’Etat a pris de vitesse son gouvernement et étonné les élus, alors qu’un amendement au projet de loi de finances accordant 3 milliards d’euros au ferroviaire avait été retiré du texte par l’exécutif, début novembre. 

Par Ivanne Trippenbach et Sophie FayPublié le 28 novembre 2022 à 05h16 Mis à jour le 28 novembre 2022 à 10h18

https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/11/28/emmanuel-macron-surprend-en-annoncant-sans-concertation-des-projets-de-rer-dans-dix-metropoles-francaises_6151911_823448.html

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Emmanuel Macron inspecte un train du RER A lors d’une visite de l’usine du constructeur ferroviaire CAF à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), le 16 juillet 2021.
Emmanuel Macron inspecte un train du RER A lors d’une visite de l’usine du constructeur ferroviaire CAF à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), le 16 juillet 2021.  LUDOVIC MARIN / AFP

« On y va à fond. » Dans une nouvelle vidéo, postée dimanche 27 novembre sur les réseaux sociaux, Emmanuel Macron reprend les codes des youtubeurs pour répondre aux questions d’internautes baptisés « Xefario », « Margo » ou « Pat le Nerveux ». L’occasion d’une annonce surprise visant, dit-on à l’Elysée, à « donner un coup d’accélérateur »« Pour tenir notre ambition écologique, explique le chef de l’Etat, je veux qu’on se dote d’une grande ambition nationale » : développer un réseau de RER « dans dix métropoles françaises ». « C’est un super objectif pour l’écologie, l’économie, la qualité de vie », projette le président de la République, toujours marqué par le souvenir de la crise des « gilets jaunes », symbole extrême des aspirations au désenclavement et du ras-le-bol face à la hausse du prix du carburant.

Si l’idée d’investir dans le ferroviaire métropolitain était à l’étude, l’annonce a pris de court le gouvernement. Il s’agit du cap, précise l’Elysée, puisqu’il « reste à sélectionner les métropoles, les tracés et la répartition des financements entre l’Etat, les régions et les opérateurs ». A Matignon, le secrétariat général à la planification écologique avait identifié une quinzaine de projets ; l’effort portera donc sur les dix prioritaires. La première ministre, Elisabeth Borne, sera chargée de « piloter ces grands travaux », ajoute-t-on dans l’entourage élyséen.

« C’est un projet d’ampleur politique similaire au Grand Paris, souligne le ministre des transports, Clément Beaune.Connecter les métropoles et les banlieues, cela n’était pas un sujet vierge, mais le président en fait une orientation politique importante. C’est du concret, de grands projets qui font rêver. » Dans l’entourage de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, on note que « le président fait une belle annonce, en cohérence totale avec ce que le ministre a porté lors de la table ronde au congrès des maires ».

Lire la tribune (2020) :    « Faut-il doter les métropoles françaises de RER comme Paris ? »

Certaines villes sont déjà identifiées par l’exécutif, comme Lille, Strasbourg, Bordeaux, Lyon ou Marseille. Dans la soirée, les candidatures d’élus ont fleuri sur les réseaux sociaux. « A Rennes Métropole, nous sommes prêts depuis longtemps pour accueillir un tel projet », a tweeté Matthieu Theurier, vice-président Europe Ecologie-Les Verts (EELV) à la métropole de Rennes. « Nous sommes prêts à Lyon, s’est réjoui le maire EELV Grégory Doucet. C’est une politique dans l’intérêt de toutes et tous. Make the train great again ! » Mêmes signes enthousiastes de Christophe Ferrari, patron de la métropole de Grenoble, ou d’élus de Marseille.

« Une fuite en avant »

Quinze présidents de région plaidaient, quant à eux, pour des « RER métropolitains » dans une tribune parue dans Le Monde le 22 octobre, dans laquelle ils appelaient à un « new deal ferroviaire ». Certains ont toutefois accueilli l’annonce du chef de l’Etat avec circonspection. Comme ses homologues, Carole Delga, présidente de Régions de France et patronne (Parti socialiste, PS) d’Occitanie, l’a découverte dimanche.

Lire aussi :   L’appel des présidents de 15 régions françaises : « Pour un “new deal” ferroviaire, à la mesure des crises, des défis de nos générations et du changement climatique »

« Jusque-là, ni le ministre des transports, que j’ai rencontré récemment, ni le président de SNCF Réseau n’en avaient fait mention », confie l’élue, qui se réjouit toutefois que « l’appel à un new deal ferroviaire ait été entendu. Pour la première fois, au plus haut niveau, l’Etat s’engage sur les RER métropolitains, qui sont une nécessité pour développer les transports collectifs dans les villes et leurs grandes périphéries, gage de résorption des embouteillages et d’action contre le réchauffement climatique. J’espère qu’il ne s’agit pas que d’une annonce et qu’elle se transformera rapidement en actes concrets ».

Lire aussi :   Carole Delga : « L’Etat doit lancer une révolution ferroviaire »

En Ile-de-France, alors que Valérie Pécresse (Les Républicains, LR) envisage d’augmenter de 180 euros par an le prix du passe Navigo, son entourage se fait plus sévère : « C’est paradoxal et décalé, le gouvernement fait une annonce pour dans dix ans, alors que les autorités de transports ont du mal à boucler leur budget pour 2023. C’est une fuite en avant. »

Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand rappelle que le projet du Réseau Express Grand Lille est déjà lancé, en attente de financements de l’Etat. Son entourage juge l’annonce bienvenue, mais légère et sans concertation. « On est vachement étonnés, réagit Franck Dhersin, vice-président mobilités. Le gouvernement n’augmente le budget de SNCF Réseau que de 400 millions d’euros, alors que le réseau actuel s’écroule et qu’il faudrait 10 milliards d’euros par an pour le mettre à niveau. »

Lire aussi :    Ile-de-France : la modernisation du réseau ferroviaire des lignes B et D du RER à l’arrêt

Une coalition des oppositions LR, PS et La France insoumise (LFI) avait voté 3 milliards d’euros pour le ferroviaire, début novembre, à l’Assemblée nationale. Mais l’exécutif a retiré l’amendement au texte voté en 49.3. « Je crois à fond au train », a insisté Emmanuel Macron dans son clip, rappelant qu’il est « petit-fils de cheminot ». Le chef de l’Etat a semblé en fait devancer son gouvernement, qui lui-même attendait les lumières du conseil d’orientation des infrastructures (COI), chargé de lister les investissements prioritaires pour 2025-2032, dans un rapport attendu pour mi-décembre. « Nous verrons ce que le conseil nous dira sur les métropoles, les financements, le calendrier », explique Clément Beaune.

« Un changement de braquet »

A la tête du COI, le député (Renaissance) David Valence se félicite que « le président de la République nous envoie un signal ». Conformément à la loi d’orientation des mobilités, dite loi LOM, de décembre 2019, le conseil travaillait déjà sur le sujet des RER, mais sans marge de manœuvre financière : la lettre de cadrage de Clément Beaune, le 7 octobre, lui demandait de respecter la trajectoire budgétaire prévue par la LOM – c’est-à-dire de ne pas dépenser plus de 17,5 milliards d’euros sur cinq ans.

« Elle ouvrait aussi la possibilité de faire un scénario alternatif », précise David Valence, qui compte en présenter deux, avec des recommandations pour deux, voire quatre quinquennats. Plusieurs projets, déjà bien engagés, n’ont pas attendu le coup de pouce élyséen. Le nouveau Réseau express métropolitain européen de Strasbourg entrera en service le 11 décembre avant de monter en puissance. Le Léman Express roule déjà entre Annemasse et Genève. La nouvelle Voie L vient d’être inaugurée à Lyon.

Le président (LR) du conseil départemental de l’Essonne, François Durovray, membre du COI, se félicite de ce retournement. L’élu avait fait savoir qu’il refuserait de signer le prochain rapport s’il ne demandait pas plus de moyens que ceux prévus par la loi LOM. « C’est un changement de braquet. Je suis surpris mais je dis chiche ! » Il prévient toutefois : « Pour faire ces RER dans dix agglomérations, il faut plus de 30 milliards d’euros sur les cinq prochaines années, c’est le double de ce qui est prévu. » Or, pour l’instant, personne n’a entendu la réaction de Bruno Le Maire, le ministre des finances, très attaché au respect de la programmation budgétaire et peu réceptif aux demandes du président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou. Ce dernier répète que le réseau ferroviaire a besoin de 100 milliards d’euros sur quinze ans si l’on veut tenir l’objectif de doubler la part modale du train.

En dépit des incertitudes, Emmanuel Macron compte scander son second quinquennat d’annonces sur l’écologie du quotidien pour donner corps, disent ses proches, à sa promesse formulée à Marseille, selon laquelle « ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ». Après l’objectif de 2 millions de voitures électriques produites en France en 2030, l’arrêt du plastique dans les fast-foods et la rénovation thermique des écoles, de nouvelles annonces devraient avoir lieu d’ici à Noël. A charge pour le gouvernement de suivre la cadence. « Je ne demande pas à mes ministres de porter des cols roulés, a lâché le chef de l’Etat dans sa vidéo, je leur demande de porter des décisions et des actions concrètes. » A fond.Lire aussi :  Article réservé à nos abonnés  Les TER, trains fantômes des Hauts-de-France

Ivanne Trippenbach et  Sophie Fay

Réchauffement climatique : l’aide « gros rouleurs », symbole de la ligne de crête du gouvernement

Entre soutien au pouvoir d’achat et impératifs financiers et écologiques, la mesure prévue pour janvier illustre les préoccupations de l’exécutif. 

Par Audrey TonnelierPublié hier à 11h00, mis à jour hier à 15h29 https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/11/29/l-aide-gros-rouleurs-symbole-de-la-ligne-de-crete-du-gouvernement_6152134_823448.html

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Circulation sur le périphérique de Paris, le 21 septembre 2022.
Circulation sur le périphérique de Paris, le 21 septembre 2022.  AFP

C’est la dernière mesure de l’arsenal gouvernemental pour lutter contre la flambée des prix de l’énergie et protéger le pouvoir d’achat des Français. La mesure « gros rouleurs », destinée à ceux qui utilisent régulièrement leur véhicule pour aller travailler, entrera en vigueur début 2023. « Nous annoncerons début décembre ce dispositif, afin qu’il soit opérationnel au 1er janvier, pour prendre la suite de la ristourne à la pompe. Il sera beaucoup plus ciblé et concernera les personnes qui travaillent au sein des cinq premiers déciles de revenus [les 50 % de la population les plus modestes], soit 7 millions de ménages, afin de réconcilier les préoccupations de pouvoir d’achat et d’environnement », précise Matignon au Monde.

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Cette « indemnité carburant travailleurs » doit permettre « d’aider significativement ceux qui effectuent un trajet long pour aller au travail », avait indiqué la première ministre, Elisabeth Borne, aux Echos le 18 novembre« Nous travaillons encore sur le barème prévu », avait-elle précisé.

Pour l’exécutif, l’enjeu est multiple. Il s’agit d’abord de prévenir une nouvelle colère des automobilistes, après les grèves de l’automne dans les stations-service et le traumatisme des « gilets jaunes », et alors que la remise à la pompe en vigueur depuis plusieurs mois – abaissée à 10 centimes par litre depuis mi-novembre –, doit disparaître à la fin de l’année. C’est aussi une manière de rester dans la ligne gouvernementale du soutien à ceux qui travaillent. « Les Français qui bossent, ou qui veulent bosser, doivent être notre priorité », a répété le ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal, dans une interview au Parisien, dimanche. Il avait lui-même indiqué, fin octobre, que le dispositif s’adresserait aux « gros bosseurs ».

Subvention aux énergies fossiles

Le nouveau dispositif présente, en outre, l’avantage d’être nettement moins coûteux pour les finances publiques. La ristourne à la pompe aura, au total, coûté 7,6 milliards d’euros cette année. Pour 2023, Bercy puisera dans une enveloppe de 1,8 milliard d’euros votée dans le cadre du budget 2023 et destinée aux « dépenses exceptionnelles ». Enfin, il permet d’afficher un objectif environnemental, en écartant les Français plus aisés, susceptibles de disposer de véhicules consommant davantage. Il n’en constitue pas moins, comme la remise à la pompe, une subvention aux énergies fossiles. « On voit bien les arguments redistributifs [de pouvoir d’achat], même si ça n’est pas idéal du point de vue de la transition écologique, concède Camille Landais, le nouveau patron du Conseil d’analyse économique, un think tank rattaché à Matignon. On ne peut pas être des économistes naïfs et tout gérer par le signal-prix [une hausse des prix visant à faire changer les comportements], même si c’est important. »

Conscients de ces écueils, les services de la première ministre insistent sur le fait que le changement de parc automobile – du thermique à l’électrique – prendra du temps. « Dans un souci de justice sociale, nous devons protéger les plus exposés », plaide-t-on, tout en assurant qu’il ne s’agit pas d’encourager des pratiques polluantes. « A partir de 1,60-1,70 euro le litre de carburant, il y a un avantage financier à passer à l’électrique », explique-t-on.

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Les contours de l’aide étaient en discussion de longue date à Bercy. En mars, le gouvernement Castex avait opté pour le principe, plus simple, d’une remise carburant, complétée par un geste du pétrolier TotalEnergies dans ses stations-service. En juillet, lors du vote du « paquet pouvoir d’achat », l’opposition de droite avait mis son veto à la mesure, qui aurait notamment exclu les retraités. A rebours des « aides ciblées » défendues par Bruno Le Maire pour acter la fin du « quoi qu’il en coûte », la ristourne à la pompe avait été prolongée à la rentrée.

Concrètement, l’indemnité devrait être accordée sous sept jours, sur une base déclarative, en entrant sur un site Internet son numéro fiscal, sa plaque d’immatriculation et son numéro de carte grise, et en cochant une case pour indiquer que le véhicule est utilisé pour se rendre à son travail. Reste à caler précisément les bénéficiaires, le montant et la durée du dispositif.

Cela suffira-t-il ? Le début d’année 2023 sera aussi marqué par un resserrement du bouclier tarifaire, qui ne couvrira plus que les hausses au-delà de 15 % sur les factures gaz et électricité des Français. S’y ajoute l’inconnue de l’inflation. « On fera comme durant la crise Covid, on continuera d’adapter et de compléter les dispositifs si nécessaire », répond le rapporteur (Renaissance) du budget à l’Assemblée, Jean-René Cazeneuve.

Audrey Tonnelier

Tchou-tchou

Par Louis Nadau

Publié le 28/11/2022 https://www.marianne.net/societe/des-rer-dans-10-metropoles-macron-a-un-train-de-retard

Des RER dans 10 métropoles ? Macron a un train de retard

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A-t-il vraiment fallu attendre le flash visionnaire du président de la République pour penser à imiter « en province » le fonctionnement du réseau francilien, ou s’agit-il d’un énième coup de com’, lancé alors même que l’état du réseau ferré français se dégrade faute d’investissements suffisant ?

Un train peut en cacher un autre. Ce dimanche 27 novembre, Emmanuel Macron a pris de vitesse ministres, présidents de régions et cadres de la SNCF avec une annonce fracassante : le lancement de lignes de RER, pour Réseau express régional, dans dix métropoles françaises. « C’est un super objectif, pour l’écologie, pour l’économie et la qualité de vie », s’est félicité le chef de l’État dans une vidéo Youtube de questions-réponses avec les internautes consacrée à l’écologie. « Pour tenir notre ambition écologique, je veux qu’on se dote d’une grande ambition nationale, qui est, pour dix grandes agglomérations, dix métropoles françaises, de développer un réseau de RER, de train urbain. C’est se dire : au fond, le RER, ce n’est pas que sur Paris. Dans les dix principales villes françaises où il y a thromboses, où il y a trop de circulation, où les déplacements sont compliqués, on doit se doter d’une vraie stratégie de transports urbains », a-t-il expliqué. Mais a-t-il vraiment fallu attendre le flash visionnaire du président de la République pour penser à imiter « en province » le fonctionnement du réseau francilien, ou s’agit-il d’un énième coup de com’, lancé alors même que l’état du réseau ferré français se dégrade faute d’investissements suffisant ?

Pour commencer, de quoi parle-t-on exactement ? Emmanuel Macron n’a précisé ni calendrier, ni financement, ni même la liste des métropoles concernées par son grand projet. Une chose est sûre cependant, comme nous l’explique un expert du réseau ferré à titre officieux : « Il ne s’agit pas de faire de nouvelles lignes de train, en milieu urbain c’est absolument impossible compte tenu de la densité. » Aucun rail ne sera donc posé sur un nouveau tracé, le maillage du territoire étant déjà très dense. En fait, il s’agit surtout de réformer le fonctionnement actuel des trains, sur des voies déjà très fréquentées. « Un TER comme celui qui relie Lyon et Grenoble joue déjà sensiblement le même rôle qu’un RER. Ce sont des trains ‘de travail’. La seule différence, c’est que le RER est un système traversant, c’est-à-dire qu’un seul train relie la banlieue à la banlieue. On évite donc la perte de temps d’une rupture de charge– une correspondance, dans le jargon des cheminots, ndlr. »null

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Pour reprendre le cas de la métropole lyonnaise, cela donnerait par exemple un RER allant de Bourgoin-Jallieu à Roanne avec des terminus à chaque extrémité de cette ligne, au lieu d’un terminus en gare de Lyon Part-Dieu. Autre nuance : le cadencement, garantissant une régularité à une fréquence donnée (un train toutes les 20 minutes, par exemple). « Sur le papier, il n’y a pas besoin d’infrastructures en plus, à part les garages en bout de ligne. Il faut ‘seulement’ faire en sorte que les rames qui dorment là-bas reçoivent l’entretien nécessaire », continue notre spécialiste. La difficulté de la mise en place d’un tel système réside davantage, selon lui, « sur ce qui roule que sur les voies ». Autrement dit, sur l’augmentation du nombre de trains et sur les agents requis pour les faire fonctionner compte tenu de la hausse de la demande qu’entraîne un fonctionnement type RER. Cette réforme, de nombreuses métropoles françaises l’ont déjà entreprise. C’est notamment le cas de Bordeaux, parmi les villes les plus avancées sur la question avec la ligne Libourne-Arcachon, mais également de Strasbourg, de Toulouse, de Lyon ou de Lille.

En avril dernier, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, promettait ainsi la création d’un réseau RER d’ici 2035, avec un budget maximum de 7 milliards d’euros. De même, le Réseau express Hauts-de-France, censé renforcer le réseau de transport entre Lille et les villes voisines du bassin minier (Douai, Lens, Arras, Tourcoing, Hénin-Beaumont, Béthune ou encore Seclin), fait office de serpent de mer depuis plus de dix ans : en 2010, déjà, la Région Nord-Pas-de-Calais projetait de lancer un RER de 10 à 13 rames avec un train toutes les 17 minutes. Le projet, relancé en 2020, aura été ralenti en 2015 par l’opposition des Verts, emmenés par une certaine Sandrine Rousseau, laquelle le juge trop coûteux et inutile. On repassera pour la disruption. Toutes ces métropoles se heurtent à la même difficulté : le manque de matériel et d’agents. « Strasbourg va lancer son REME – Réseau express métropolitain européen, dont le lancement est prévu ce 11 décembre, ndlr. –, mais il manque des conducteurs dans les trains, des aiguilleurs, du  personnel dans les ateliers et des rames, souligne en off un agent de la SNCF. Contrairement au gouvernement, ces régions ont compris ces problèmes, mais elles font avec leurs moyens pour le parc de trains. Quant au recrutement, on est à la ramasse, faute d’attractivité d’un métier mal payé dont le statut est de moins en moins protecteur. »

CONTRASTE

L’annonce clinquante d’Emmanuel Macron se heurte à une autre réalité : la dégradation progressive de l’état général du réseau français, dont l’âge moyen est de 29 ans en général et de 37 ans pour le réseau local. La Cour des comptes s’en alarmait encore dans un rapport de novembre 2021. Les experts de la rue Cambon pointaient un sous-investissement chronique dans la rénovation des lignes. « Le réseau ferré national, encore insuffisamment entretenu et modernisé, peine à sortir de son état de dégradation ; cette faiblesse fragilise la qualité de service du transport ferroviaire français, voire l’expose au risque d’accidents graves, pointaient-ils. On observe certes une relative stabilisation de l’usure du réseau, mais dans des proportions ne permettant pas jusqu’à présent de combler le retard accumulé depuis des décennies. » La Cour relevait en outre ce chiffre percutant de plein fouet l’idée d’un réseau métropolitain « express » : sur 49 500 km de voies, 4 500 sont dans un état tel que les trains sont obligés de ralentir. Soit un peu moins de 10 % du réseau.

En février dernier, l’audition, par la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, de Bernard Roman, président de l’Autorité de régulation des transports, n’a rien fait pour arranger le contraste entre la réalité décrite par les différentes expertises et « l’ambition nationale » du grand projet présidentiel. Interrogé sur le dernier « contrat de performance » (l’équivalent d’une loi de programmation) liant l’Etat et la SNCF, il répondait : « Devant le constat d’une détérioration rapide de l’ensemble du réseau, le précédent contrat de performance a porté cet effort à 3 milliards d’euros par an. (…) Six ans plus tard, un audit public a conclu qu’il faudrait mobiliser 3,4 milliards d’euros par an pendant dix ans pour simplement améliorer le réseau là où il doit l’être. Aujourd’hui, le projet de contrat de performance prévoit d’affecter les 2,8 milliards d’euros d’investissement consacrés annuellement à la régénération au seul réseau structurant. »

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Ces grandes artères sont classées sur un indice (l’échelle UIC) de 1 à 10 allant des lignes les plus fréquentées aux lignes les moins fréquentées. Devant les sénateurs, Bernard Roman expliquait ainsi : « La fiabilité du rail se mesure grâce à un indice de consistance du réseau. Cet indice est de 100 lorsque la ligne est neuve, 10 étant le seuil d’alerte absolu. Dès le niveau 40 ou 45, on ralentit. Or le contrat de performance prévoit que l’indice de consistance des lignes 5 à 6, qui se situe aujourd’hui à 55, devrait être de 45 à l’issue de la période. En d’autres termes, on acte le vieillissement et la dégradation des lignes 5 à 6 (…). » Mais tant que les métropoles vont bien…

Mobilité à faible émission : des aides insuffisantes, disparates et inaccessibles, alertent les associations

Trois associations, dont le Secours catholique, réagissent à une étude de territoire qui fait ressortir la disparité et la complexité d’accès aux aides pour acquérir des véhicules électriques. 

Par Camille BordenetPublié hier à 09h38, mis à jour hier à 09h38 https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/11/29/mobilite-a-faible-emission-des-aides-insuffisantes-disparates-et-inaccessibles-alertent-les-associations_6152108_3224.html

Temps de Lecture 2 min. 

La station-service TotalEnergies de Montchanin (Saône-et-Loire), ici le 27 octobre 2022, propose des bornes de recharge pour véhicules électriques.
La station-service TotalEnergies de Montchanin (Saône-et-Loire), ici le 27 octobre 2022, propose des bornes de recharge pour véhicules électriques.  CLAIRE JACHYMIAK/HANS LUCAS POUR « LE MONDE »

Des dispositifs insuffisants, disparates et complexes… C’est ce qu’il ressort d’un état des lieux complet des aides à la mobilité à faible émission pour les particuliers en France publié fin octobre par l’Institut du développement durable et des relations internationales. Ceci alors que les zones à faibles émissions (ZFE), déjà en vigueur dans certaines métropoles, vont progressivement se généraliser, à l’horizon 2025, à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants.

L’étude passe au crible les aides à l’achat de neuf, d’occasion et de rétrofit (véhicule thermique adapté en électrique) pour six types de véhicules électriques (voitures, vélos à assistance électrique, vélos-cargos, scooters, quadricycles, véhicules utilitaires légers). Et ce dans 125 entités géographiques (13 régions, 96 départements, 11 métropoles soumises à une obligation de ZFE ou l’ayant déjà mise en place, 5 départements et régions d’outre-mer).

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Le Secours catholique, le Réseau action climat et Transport & Environment – trois associations engagées pour une mobilité plus propre – réagissent à ce constat, alertant quant à « l’urgence d’une politique d’accompagnement plus ambitieuse et cohérente à l’échelle nationale ». Au risque, craignent-elles, que « de nombreux citoyens basculent dans la précarité mobilité ».

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Premier constat : l’imbroglio géographique des aides (103 identifiées du national au local), « source d’inefficacité et d’injustice sociale », estiment les associations. « Au-delà du fait qu’aucune région, aucun département ni aucune métropole ne proposent la même chose, cette étude met au jour l’existence de nombreuses zones blanches où aucun accompagnement en faveur d’une mobilité moins polluante n’est proposé », souligne Valentin Desfontaines du Réseau action climat.

Parmi ces zones blanches, on trouve les régions Bretagne, Centre-Val de Loire, Nouvelle-Aquitaine et les cinq DROM (Mayotte, La Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane). Ou encore la métropole de Marseille, récente ZFE « qui n’offre aucune aide à ses habitants pour encourager une mobilité moins polluante ». Soit plus de 13 millions de Français concernés, selon l’estimation des associations.

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« Simplifier » et « informer »

A l’inverse, des collectivités font des gestes, mais difficile de s’y retrouver dans l’enchevêtrement de conditions, variables, liées au niveau de revenu, au périmètre géographique, au coût d’achat ou au mode d’acquisition. Par exemple, les aides de la région Grand-Est pour une voiture électrique neuve : pour bénéficier d’une aide régionale de 2 000 à 4 000 euros (cumulative avec les aides nationales : prime à la conversion et bonus écologique) selon le revenu fiscal de référence, il faut résider dans une commune rurale (mais toutes ne sont pas éligibles) et acheter auprès d’un concessionnaire de la région un véhicule d’une valeur inférieure à 40 000 euros TTC.

« Aucune aide ne se ressemble et les démarches pour en bénéficier sont toutes cloisonnées entre le national et le local, les rendant bien souvent inaccessibles aux plus précaires, soulignent les acteurs associatifs. Il est primordial de simplifier l’accès et de mieux informer les Français sur les aides existantes, ainsi que sur les critères d’éligibilité et les montants disponibles. »

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De fait, les aides, mal calibrées, ne bénéficient pas aux ménages modestes, qui sont les plus concernés par la dépendance au véhicule thermique, et donc par la « précarité mobilité ». Exemple : pour acheter une voiture électrique, le montant maximum des aides au niveau national est de 12 000 euros (bonus écologique de 7 000 euros et prime à la conversion de 5 000 euros). « Compte tenu des premiers prix d’achat d’un véhicule électrique, autour de 20 000 euros environ, il est nécessaire de renforcer les aides nationales avec des aides locales complémentaires pour réduire au maximum le reste à charge pour les classes moyennes et modestes », estiment les associations, invitant à ce que le « leasing social » annoncé par le gouvernement – fruit d’une promesse de campagne du candidat Macron –ne se limite pas à une expérimentation, même si sa mise en œuvre répond à une équation complexe.

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Les associations regrettent aussi que l’incitation à l’achat d’occasion et de reconditionné soit si peu considérée dans les aides disponibles, alors que la grande majorité des achats de véhicules se fait en seconde main.

Lire notre reportage (février 2020) :   Les oubliés de la mobilité : « Sans voiture, je ne suis plus rien »

Entre autres propositions avancées : revoir à la hausse les montants octroyés, mieux cibler les Français les plus vulnérables, mettre en place un guichet unique permettant d’homogénéiser et de simplifier les démarches… « Il est indispensable de clarifier, de pérenniser et de donner confiance dans les dispositifs, en proposant un référentiel commun sur les conditions d’éligibilité et les montants d’aides. » 

Camille Bordenet

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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