Épidémie de bronchiolite : « Il faut faire rentrer tout de suite des personnels et de l’argent dans l’hôpital »
Agnès Firmin-Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, et le Professeur Stéphane Dauger, chef de service de réanimation pédiatrique à l’hôpital Robert Debré à Paris, membre du collectif inter-hôpitaux, étaient les invités du week-end de France Inter ce samedi.
Les services de pédiatrie sont surchargés en raison de l’épidémie de bronchiolite, particulièrement importante cette année. « En 2019, l’année où l’épidémie a été la plus sévère, en Ile-de-France, nous étions à 23 transferts à la fin de l’épidémie. Aujourd’hui, nous en sommes déjà à 35 », indique le Professeur Stéphane Dauger. La fin de l’épidémie n’est pas attendue avant le mois de mars. « Ce qu’il se passe dans les urgences de pédiatrie est le symptôme de ce qu’il se passe dans les urgences », relève la ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo. « Nous manquons de professionnels et donc nous prenons des mesures organisationnelles qui permettent à la fois de déclencher les plans blancs, d’organiser les transferts et de mobiliser et articuler le lien ville-hôpital« , indique-t-elle.
« On ne peut pas attendre »
Cette situation met en lumière le manque de personnels et de moyens aux urgences pédiatriques mais aussi à l’hôpital en général. Le ministre de la santé, François Braun, a annoncé mercredi de nouvelles mesures « de l’ordre de 400 millions d’euros ».
« Ces 400 millions d’euros seront dédiés à tous les services hospitaliers en tension et vont permettre de maintenir les outils mis en place cet été, comme la rémunération supplémentaire, mais aussi de nouvelles mesures, comme la valorisation du travail de nuit jusqu’au 31 mars 2023 et le soutien de la technicité du travail des soignants dans les services de soins critiques », indique la ministre. « Nous devons aussi prendre des mesures structurelles », souligne Agnès Firmin Le Bodo. Les discussions sur ce sujet vont se poursuivre lors du Conseil de la refondation et les Assises de la pédiatrie.
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Mais les décisions tardent trop, selon le Professeur Stéphane Dauger. « On ne peut pas attendre, des enfants actuellement risquent de mourir dans des services, donc ce n’est pas dans trois ou six mois, c’est tout de suite qu’il faut faire rentrer des personnels et de l’argent dans l’hôpital. »
Par ailleurs, la ministre tient à rappeler qu’avant de se déplacer aux urgences, « il faut faire le 15 » car la bronchiolite, en fonction de la gravité, « peut être prise en charge par le pédiatre ou le médecin traitant ».
Isabelle Desguerre : « La pédiatrie est la première victime de l’état délabré de l’hôpital public »
Lundi 24 octobre 2022ÉCOUTER (7 MIN)
Isabelle Desguerre dans le studio du 5/7 de France Inter le 24 octobre 2022 ©Radio France
Crise en pédiatrie, François Braun, ministre de la santé annonce 150 millions d’euros et un plan d’urgence pour les services en tension : Isabelle Desguerre cheffe du service neuro-pédiatrique de l’hôpital Necker est l’invitée de 6h20.
Ce plan d’urgence, ce n’est « absolument pas » ce qu’attendait Isabelle Desguerre. Comme 6.500 autres soignants en pédiatrie, elle a signé une lettre ouverte ce week-end pour alerter sur une situation catastrophique dans ce secteur. Et elle est très déçue par la réponse du gouvernement : « Ce n’est pas l’argent qui va tout changer, et les 150 millions sont pour tous les services de l’hôpital public, donc nous ne serons pas les seuls [à les utiliser]. Nous attendions une reconnaissance qu’il y avait une spécificité pédiatrique : 95 % de l’activité hospitalière se fait dans les hôpitaux publics pour la pédiatrie, ce qui fait que nous sommes totalement dépendants de l’état délabré de l’hôpital public. Nous en sommes les premières victimes. »
Ces 150 millions, « c’est une enveloppe ridicule par rapport à l’ampleur du problème », assure la cheffe du service neuro-pédiatrique de l’hôpital Necker. « L’argent qui va être débloqué par notre ministre a pour objectif de tamponner, dans les trois ou quatre semaines qui viennent, les services où il n’y a plus de médecin, plus de soignant, et les urgences qui ferment totalement faute de combattants. »
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« Les conditions qu’on offre aux gens sont inadmissibles »
Elle évoque son service, en état de « souffrance chronique » comme « bon nombre de services de spécialité pédiatrique » : « On a 15 à 20 % des lits fermés de façon permanente depuis plus d’un an, faute de soignants. On a vu partir progressivement des infirmières, des aides-soignantes, et nous sommes dans l’impossibilité d’accueillir les enfants qui ont besoin de soins. »
« La réponse de l’administration est toujours la même : il n’y a pas de candidats », critique Isabelle Desguerre. « Dans la réalité, c’est beaucoup plus complexe : s’il n’y a plus de candidats, c’est parce que les conditions qu’on offre aux gens, et la modalité de travail qu’on leur propose sont absolument inadmissibles. Ceux qui sont partis ne sont pas partis parce qu’ils étaient attirés par l’appât du gain, mais parce qu’ils étaient découragés, parce qu’ils ont l’impression de ne pas être respectés, et surtout parce que la spécificité pédiatrique n’est absolument pas reconnu sur le plan du salaire et de la fonction. »