« Notre modèle d’aménagement de la montagne est désormais obsolète »
Tribune
Collectif
Plus de 300 acteurs économiques, habitants et pratiquants de la montagne expriment, dans une tribune au « Monde », leur « reconnaissance à ceux qui se mobilisent pour défendre ce qui peut encore être sauvé ».
Publié aujourd’hui à 09h00, mis à jour à 09h00 Temps de Lecture 2 min.
Dans les montagnes, jusqu’en ville et dans les médias, les échos de désaccords, de résistances et de conflits résonnent : les uns veulent construire, les autres veulent protéger. L’avenir de la montagne est en train de se jouer. Nous sommes des montagnards d’origine ou d’adoption, actrices et acteurs du tissu économique, pratiquants attachés à ces grands espaces sauvages ; nous sommes les habitants de cet écosystème sauvage à l’équilibre précaire mis en danger par les activités humaines.
Cette tribune est écrite depuis Annecy (Haute-Savoie) et se répand partout où résonnent en ce moment les noms de Beauregard, de Cenise, du Danay ou du Semnoz. Notre propos s’adresse à toutes les montagnes, et surtout à celles et ceux qui les façonnent, par leurs actions de tous les jours et leurs décisions engageant l’avenir. En cherchant à réfléchir ensemble et avec bon sens, voici les réflexions que nous souhaitons partager et les questions que nous souhaitons poser.
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Nous avons bien profité de tout ce que la montagne nous a donné depuis une soixantaine d’années ! Nous avons tous des souvenirs inoubliables sur un télésiège, une piste bien damée ou une terrasse d’altitude, et nous sommes nombreux à avoir bénéficié de l’essor économique phénoménal lié à l’or blanc.
Ecrire un nouveau chapitre sur les stations et le sport d’hiver
Nous sommes conscients que cette activité économique remarquable est toujours un moteur pour les départements de montagne, un employeur direct et indirect majeur et une force structurante essentielle pour nos territoires. Il est tout à fait logique que l’aménagement de la montagne soit au cœur de nos réflexions.Lire aussi Article réservé à nos abonnés En Savoie, quand les étudiants imaginent la montagne de demain
Nous sommes cependant convaincus que le modèle d’aménagement d’hier ne peut plus être la réponse aux questions d’aujourd’hui et aux enjeux de demain. Toujours plus de parkings, toujours plus de remontées mécaniques, toujours plus d’infrastructures, toujours plus de retenues collinaires pour toujours plus de neige artificielle… nous pensons que ce modèle est désormais obsolète.
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Ce mode de fonctionnement, aussi efficace fût-il ces dernières décennies, ne peut plus apporter les mêmes résultats. Nous sommes reconnaissants aux femmes et aux hommes qui se mobilisent et nous mobilisent pour défendre ce qui peut encore être sauvé. Et nous saluons les communes et collectivités pionnières qui innovent et nous guident vers un tourisme durable et résilient, porteur d’autres espoirs et conquêtes.
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C’est probablement en protégeant cette montagne et sa nature que nous trouverons les clés des modèles économiques de demain, des nouvelles voies où nous engager avec confiance vers d’autres sommets que ceux que nous avons déjà conquis… Concernés et motivés, nous répondons présents pour, collectivement, ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de la montagne et imaginer, ensemble, le futur des stations et des sports d’hiver.
Cette tribune est signée par plus de trois cents acteurs économiques, habitants et pratiquants de la montagne. Voir la liste complète des signataires.
Dont Daniel Anghelone, directeur général de Bontaz ; Pierre-Yves Antras, directeur général de Haute-Savoie Habitat ; Cédric Collao, cofondateur de Bikle Europe ; Martine Depresle, fondatrice de The Talented ; Julien Durant, cofondateur de Picture Organic Clothing ; Nicolas Geydet, directeur général de Plein Nord ; Marion Haerty,athlète professionnelle ; Kilian Jornet, athlète professionnel ; Romain Lacroix, PDG de Maped ; Ferdinand Martinet, président de Chilowé ; Mathieu Navillod, athlète professionnel ; Romain Roy, directeur général de Greenweez ; Heïdi Sevestre, glaciologue ; Ingrid Vanhée, administratrice du fonds de dotation Paul-Emile Victor ; Flore Vasseur, réalisatrice et écrivaine ; Estelle Verdier, directrice générale de Decathlon Travel ; Luc Zeltner,directeur des opérations de Fusalp.
Collectif
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La Clusaz : première victoire des opposants à une retenue d’eau destinée à produire de la neige artificielle
Le tribunal administratif de Grenoble a suspendu l’arrêté du préfet de Haute-Savoie validant la réalisation d’une cinquième retenue collinaire à La Clusaz. Le maire de la commune annonce vouloir se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat.
Temps de Lecture 2 min.

C’est une première victoire juridique pour les opposants au projet de nouvelle retenue collinaire de La Clusaz (Haute-Savoie), en attendant une décision sur le fond de ce dossier. Le tribunal administratif de Grenoble, par son juge des référés, a donné raison à cinq associations environnementales requérantes en ordonnant, mardi 25 octobre, la suspension provisoire de l’exécution de l’arrêté préfectoral du 20 septembre qui accorde une autorisation environnementale à la commune de La Clusaz pour la réalisation de cette cinquième retenue sur son territoire. D’une capacité de 148 000 mètres cubes, cette retenue située dans le bois de la Colombière doit, selon le projet de la municipalité, servir à la production de neige de culture pour ses deux-tiers, à l’alimentation en eau potable pour le reste.
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Le juge des référés retient que l’arrêté contient une autorisation de défrichement, que ces travaux ne peuvent légalement avoir lieu qu’avant le 30 novembre prochain et qu’ils seraient donc « imminents ». La préfecture avait assuré lors de l’audience du 20 octobre, via ses deux représentants de la direction départementale du territoire, que « l’occupation actuelle des lieux par des zadistes n’était pas de nature à permettre le démarrage des travaux ».
« Des conséquences qui ne seraient pas réversibles »
Le juge des référés répond dans son ordonnance que les zadistes sont « susceptibles d’être expulsés par les forces de l’ordre à brève échéance sur ordre du ministre de l’intérieur », légitimant ainsi l’action en urgence des requérants. Le tribunal ajoute que « l’intérêt public qui découle de la réalisation d’une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l’enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l’urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu’il abrite, avec des conséquences qui ne seraient pas réversibles, au moins à moyen terme. » L’ordonnance souligne également, comme l’avaient fait les requérants à l’audience, « l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur permettant de déroger à l’interdiction de destruction des espèces protégées », entraînant, « en l’état de l’instruction », « un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ».
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Dans la foulée de cette décision, les zadistes, dont l’occupation illégale du bois de la Colombière avait un peu plus tendu les relations dans le village, ont annoncé dans un communiqué qu’ils se retiraient : « Notre présence dans le bois ayant rempli sa fonction et n’étant plus nécessaire, nous plions bagage ». Pour autant, précisent-ils, « rien n’est acquis ». « Nous continuerons de défendre le bois contre ce projet d’un autre temps (…). Nous nous réinventerons sans cesse pour faire de nos montagnes des lieux vivants, qui offrent aux générations présentes et futures la possibilité de les habiter, tout simplement. »
« Plus un seul projet destructeur des montagnes au nom du ski »
Pour les militants, ce projet de retenue et les oppositions qui en découlent doivent « ouvrir la voie à l’abandon de tous les autres projets inutiles et imposés. Pas une bassine de plus pour s’accaparer l’eau, plus un seul projet destructeur des montagnes au nom du ski. » Les opposants annoncent enfin travailler à l’ouverture d’espaces de dialogue. « Ces projets sont sources de divisions, de conflits, et compte tenu de leurs coûts financiers et écologiques, ne peuvent plus faire l’économie d’une réelle concertation démocratique en amont de leur conception », ont abondé les associations requérantes de leur côté, estimant que la décision du tribunal administratif était un « signal sans appel » à l’adresse des communes et stations de montagne.
Dans un communiqué, le maire de La Clusaz, Didier Thévenet, dit avoir accueilli cette décision « avec calme et sérénité ». « Notre objectif est de trouver un juste équilibre entre le développement économique et le développement durable au bénéfice des habitants qui vivent sur ce territoire », ajoute l’élu, qui annonce au Monde se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat.
Du côté de la préfecture de la Haute-Savoie, le préfet Yves Le Breton « prend acte » de la décision du tribunal administratif et renouvelle sa promesse de rencontrer les opposants au projet, comme ceux-ci l’avaient demandé.Sollicitée, la préfecture ne s’est en revanche pas prononcée sur un éventuel recours contre cette décision devant le Conseil d’Etat.
Fanny Hardy( Lyon, correspondance)