Santé, grand âge, famille… Les principales mesures du budget de la « Sécu »
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale a été présenté, lundi, en conseil des ministres. Il prévoit une « compétence de prescription vaccinale » pour les pharmaciens et les infirmiers, un contrôle renforcé des comptes des Ehpad ou encore une extension jusqu’aux 12 ans de l’enfant du « complément mode de garde » pour les familles monoparentales.
Temps de Lecture 6 min.

Priorité au « vieillir à domicile », amélioration de l’« accès aux soins » et « virage préventif » en matière de santé, action renforcée en faveur des familles monoparentales… Pour ce premier budget de la Sécurité sociale du second quinquennat Macron, présenté en conseil des ministres lundi 26 septembre, le nouveau gouvernement entend à la fois « répondre à l’urgence » dans les secteurs du grand âge, de la famille et de la santé et « investir dans des chantiers plus structurels ». Voici les principales mesures qui seront soumises au débat parlementaire cet automne lors de l’examen de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).

Santé : « prévention » et « accès aux soins », des maîtres-mots
L’objectif national de dépenses d’assurance-maladie devrait continuer de progresser en 2023 : le PLFSS établit cette hausse à 3,7 % hors dépenses liées à la crise sanitaire, ce qui fixe le montant à 243,1 milliards d’euros. Des mesures inscrites dans le projet de loi ont donc vocation à être précisées lors du Conseil national de la refondation et des négociations de la convention médicale entre l’Assurance-maladie et les médecins libéraux.
« Pas d’économies sur l’hôpital » : c’est l’engagement martelé à Bercy, ce lundi, lors de la conférence de presse de présentation du PLFSS. L’enjeu est de « laisser le temps aux établissements de santé de se reconstruire » après la crise sanitaire, défendait-on au cabinet du ministre de la santé, François Braun. Le projet de loi fixe, entre autres objectifs, celui de « renforcer la régulation de l’intérim », en rappelant son impact financier majeur dans les budgets des établissements : pour l’hôpital, son coût annuel est passé de 500 millions d’euros en 2013 à 1,4 milliard en 2018. Cette régulation doit intervenir notamment en début de parcours, après l’obtention du diplôme
.Lire aussi : Le recours aux médecins intérimaires dans les hôpitaux, une fausse solution pour tout le monde
« Virage préventif » : au chapitre de la prévention, on retrouve – sans surprise – les mesures révélées par voie de presse ces derniers jours. A commencer par l’instauration de « parcours de prévention » autour de trois rendez-vous de santé aux âges clés de la vie (20-25, 40-45 et 60-65 ans), et le dépistage sans ordonnance d’infections sexuellement transmissibles (avec une prise en charge à 100 % jusqu’à 26 ans). La gratuité de la contraception d’urgence pour les majeures est également inscrite.
Lire aussi : La prévention, cet autre chantier du ministère de la santé
Lutte contre le tabagisme : après deux ans de stabilité, le prix du paquet de cigarettes « va augmenter comme l’inflation », a annoncé, lundi, la première ministre, Elisabeth Borne. Il est prévu que le prix moyen du paquet, « aujourd’hui de 10,15 euros », augmente de « 50 centimes en 2023 et de 35 centimes en 2024 », ce qui le « fera passer à 11 euros », a précisé Bercy à l’occasion de la présentation du PLFSS. Par ailleurs, l’indexation de la fiscalité sur l’évolution des prix doit permettre d’éviter toute baisse des prix réels des produits du tabac.
Vaccination : afin d’améliorer la couverture vaccinale de la population, il est prévu d’élargir le nombre de professionnels de santé (pharmaciens, infirmiers, sages-femmes) habilités à prescrire et à administrer les vaccins. Une nouvelle « compétence de prescription vaccinale » pour les pharmaciens et infirmiers sera créée.
Accès aux soins : à l’heure où 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, et où 4 millions vivent dans un désert médical, le texte prévoit de « capitaliser » sur les mesures d’urgences prises cet été : celles facilitant le recrutement des médecins libéraux régulateurs au sein des SAMU et des Services d’accès aux soins sont pérennisées.
Lire aussi : Déserts médicaux : l’accès aux spécialistes est de plus en plus difficile
Internat des généralistes : la création d’une quatrième année de consolidation au diplôme d’études spécialisées de médecine générale est présentée comme une mesure de « reconquête du temps soignant ». Cet allongement d’un an doit se faire en « encourageant » l’installation des internes dans les territoires les « moins pourvus » en médecins, selon le communiqué commun adressé, dimanche 25 septembre, par les ministres de la santé et de l’enseignement supérieur, et qui fait grand bruit parmi les médecins.
Lire aussi : « Déserts médicaux » : la piste d’une quatrième année d’internat pour les médecins généralistes fait débat
Lutte contre la fraude : les arrêts de travail prescrits à l’occasion d’une téléconsultation par un autre médecin que le médecin traitant ou un médecin vu au cours des douze derniers mois ne seront remboursés que dans « certaines conditions limitatives », sans qu’on sache encore précisément lesquelles.

Grand âge : entre urgence et attentisme
Le volet « autonomie » consacre 1,5 milliard d’euros supplémentaires aux personnes âgées et handicapées, dont 850 millions pour le grand âge. L’enveloppe pour les personnes âgées augmente de 5,1 % contre plus de 4 % en 2021. Cette hausse résulte, en grande partie, de mesures conjoncturelles : 246 millions d’euros vont, par exemple, permettre de revaloriser les professionnels des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) financés par l’Etat pour tenir compte de la hausse du point d’indice. En revanche, le PLFSS ne fait qu’amorcer les engagements du candidat Macron à la présidentielle.
Une faible hausse des effectifs en Ehpad : 3 000 postes seront créés pour 7 500 Ehpad, soit seulement 1 000 ouvertures supplémentaires par rapport au PLFSS 2022. Emmanuel Macron avait pourtant promis, au printemps, de créer 50 000 postes de soignants sur le prochain quinquennat. « Nous avons voulu être réalistes et crédibles, explique le ministère des solidarités. Les établissements nous signalent un nombre important de postes vacants. Créer des postes est une priorité mais pour être crédible, cet engagement doit s’accompagner de mesures pour attirer et fidéliser dans les métiers du social. »
Priorité au « vieillir à domicile » : avec 120 millions d’euros, les services de soins infirmiers à domicile bénéficient, comme en 2021, d’un financement pour mieux rembourser les interventions des infirmières à domicile qui tient compte du temps nécessaire à consacrer à chaque personne aidée. Et 4 000 places supplémentaires d’accompagnement sont prévues.
Autre promesse du candidat Macron, deux heures supplémentaires de présence d’une auxiliaire de vie au domicile des personnes âgées. Le PLFSS prévoit que ces heures de « vie sociale » entreront en vigueur par étapes entre 2024 et 2028. « Le coût à terme est de l’ordre de 900 millions d’euros, mais il dépendra du taux de recours des personnes à ces heures », précise le ministère. Quelque 780 000 bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie sont potentiellement concernés.
Contrôles renforcés des comptes des Ehpad : en réaction au scandale Orpea, le PLFSS édicte de nouvelles règles de transparence financière qui complètent les décrets pris au printemps. Les agences régionales de santé et les conseils départementaux auront accès à la comptabilité des sièges des groupes privés lucratifs et non plus seulement aux comptes de chaque établissement. Cette possibilité est étendue à l’Inspection générale des affaires sociales et à celle des finances.
Lire aussi : Scandale Orpea : le Sénat veut combler les « angles morts » du contrôle des Ehpad commerciaux
Le PLFSS limite dans le temps la possibilité pour les Ehpad de conserver des subventions publiques non consommées. Il met en place des sanctions financières pour non-respect des règles budgétaires. Il renforce la capacité de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de recouvrer des sommes indûment dépensées par toute entreprise – un différend oppose la CNSA et Orpea sur les montants que le groupe serait tenu de rembourser.
Famille : priorités aux familles monoparentales
Un budget total de 1,5 milliard d’euros est consacré à la politique familiale, avec des évolutions importantes pour les familles inscrites dans ce PLFSS 2023.
La réforme du complément mode de garde : c’est un chantier d’ampleur auquel s’attaque le gouvernement en réformant le complément de libre choix du mode de garde, une aide dont bénéficient sous conditions de ressources 761 000 familles avec des enfants de moins de 6 ans. L’objectif : introduire davantage d’équité en agissant pour qu’elles aient un reste à charge identique quel que soit le mode de garde (collectif ou individuel). A l’heure actuelle, les parents employant une assistante maternelle se retrouvent défavorisés, avec un reste à charge supérieur.
Cette mesure de simplification est réclamée de longue date par les organisations professionnelles d’assistantes maternelles et de particuliers employeurs. Inscrite dans le PLFSS, elle n’entrera pas en vigueur immédiatement en raison d’un travail préalable considérable sur les systèmes d’information de la Caisse nationale des allocations familiales, qui s’occupe des versements. Elle sera effective en 2025, avec, à partir de cette date, un coût annuel de 300 millions d’euros.
L’extension du « complément mode de garde » pour les familles monoparentales : un nouvel effort est fait en direction des familles monoparentales. Le complément de libre choix du mode de garde, versé jusqu’aux 6 ans de l’enfant, est étendu pour ces dernières jusqu’à 12 ans, afin de permettre une meilleure conciliation entre vies professionnelle et privée. En cas de résidence alternée, l’aide pourra désormais être partagée. La mesure, de 400 millions d’euros par an, entrera en vigueur en 2025 et concernera 910 000 familles.
La revalorisation de 50 % de l’allocation de soutien familial : une autre disposition est, celle-ci, non seulement inscrite au PLFSS mais effective dès novembre, pour un coût de 850 millions d’euros annuels. Il s’agit de la hausse de 50 % de l’allocation de soutien familial, versée au parent qui élève seul un ou plusieurs enfants – une femme dans 85 % des cas. Cette aide, perçue par 810 000 familles, de 123 euros actuellement par mois et par enfant, passe à 184 euros. Alors que 30 % des familles monoparentales sont en situation de pauvreté, « on estime que cette mesure permettra de réduire de deux points le taux de pauvreté des familles monoparentales », a déclaré le cabinet du ministère des solidarités.
Lire aussi (2021) : Les familles monoparentales, en première ligne de la crise sociale et sanitaire
Béatrice Jérôme, Solène Cordier et Mattea Battaglia
*Ehpad : 3 000 postes vont être créés en 2023, sur les 50 000 promis par Emmanuel Macron pour les cinq ans à venir
La création de ces premiers postes supplémentaires d’infirmiers et d’aides-soignants, promis par le président de la République lors de la campagne présidentielle, est prévue dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2023.
Temps de Lecture 1 min.
C’est un « démarrage » pour parvenir aux 50 000 postes supplémentaires en Ehpad promis pour les cinq ans à venir par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. En 2023, les Ehpad seront en effet dotés de 3 000 infirmiers et aides-soignants supplémentaires, selon le projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) pour l’année 2023 présenté lundi 25 septembre par le gouvernement en conseil des ministres.
Cet effort, chiffré à 170 millions d’euros, se veut « pragmatique », a expliqué l’entourage du ministre des solidarités, Jean-Christophe Combe, en soulignant en substance qu’il aurait été irréaliste de prévoir davantage d’embauches pour le moment, étant donné les importantes difficultés de recrutement dans ce secteur, exacerbées par la crise sanitaire.
Lire aussi : Budget de la « Sécu » 2023 : les comptes se redressent
« La trajectoire dans les comptes publics est prévue dans les prochaines années »pour parvenir aux 50 000 postes supplémentaires promis par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle, a-t-on ajouté de même source.
4 000 postes supplémentaires pour les services d’aide à domicile
Les maisons de retraite bénéficieront par ailleurs de 440 millions d’euros de crédits supplémentaires « dans les prochaines semaines » pour compenser « l’impact de l’inflation sur les charges non salariales », et auront droit, comme les particuliers, au « bouclier tarifaire » sur le prix de l’énergie.
Dans les services d’aide à domicile, 4 000 places supplémentaires seront créées en 2023. Le PLFSS pose par ailleurs pour ce secteur les premiers jalons de deux autres mesures qui ne s’appliqueront qu’à partir de 2024.
Lire aussi : Ehpad : les autorités sanitaires incapables de mesurer les maltraitances
D’une part, les personnes âgées aidées à domicile bénéficieront de deux heures supplémentaires en vue d’un « accompagnement social », consacrées à des « stimulations de la mémoire » et à la prévention de la perte d’autonomie.
D’autre part, elles pourront plus facilement prétendre à des aides pour adapter leur logement à leur perte progressive d’autonomie, par exemple pour éviter les chutes : à partir de 2024, par exemple, sera activé un dispositif baptisé MaPrimeAdapt’, sur le modèle de la prime à la rénovation énergétique.
Le Monde avec AFP
Publié le 27/09/2022
Le PLSS veut interdire l’intérim aux soignants insuffisamment expérimentés

Paris, le mardi 27 septembre 2022
https://hubtr.newsletter.jim.fr/clic132/7717/1244477/16?k=8bab0b2f8ddfefe33f1995b118148433
– Le recours à l’intérim des professions de santé s’est continuellement accru au cours des dernières années, malgré la volonté politique d’endiguer ce phénomène.
Selon une étude de la DGFIP (Direction générale des finances publiques) datant d’octobre 2021, on observe un taux de recours* de près de 20 % au travail temporaire pour le personnel médical en agrégant l’intérim stricto sensu et les contrats de gré à gré de courte durée.
Pour l’hôpital public, on évalue le coût annuel de l’intérim à 1,4 milliards d’euros en 2018 contre 500 millions d’euros en 2013.
Outre l’aspect financier négatif, le recours à l’intérim entraîne une déstabilisation des services et des équipes, « particulièrement forte dans des territoires marqués par la fragilité de la démographie en professionnels de santé » note le gouvernement. Dans ce contexte, le PLFSS prévoit une nouvelle fois une régulation de l’intérim.
Selon l’avant-projet de loi, les entreprises de travail temporaire ne pourront plus, dès le 1er janvier, « mettre à disposition des établissements de santé des soignants débutants. Elles devront s’assurer que les professionnels de santé, aient déjà exercé leur activité dans un autre cadre (…) pendant une durée minimale ». Cette durée sera négociée, précise le ministère.
Il s’agira en effet de trouver la durée adéquate qui ne risque pas de mettre en danger une organisation hospitalière déjà fragile.
Un projet mort-né ?
Rappelons néanmoins qu’en matière de régulation de l’intérim toutes les tentatives des gouvernements successifs ont abouti à des impasses.
Le plafonnement des rémunérations de l’intérim médical est ainsi inscrit dans la loi depuis des années mais n’est toujours pas appliqué, malgré un nouveau texte voté en 2021.
Ainsi, une loi adoptée sous l’égide de Marisol Touraine en 2016 a limité à 1170,04 euros le salaire brut maximum pour une journée de vingt-quatre heures de travail effectif. Dans les faits, cette disposition a été diversement appliquée…et c’est un euphémisme !
Dans ce contexte, les autorités avaient donc décidé de redoubler d’efforts et un nouveau système d’encadrement plus strict a été créé par la loi RIST du 26 avril 2021 : en principe, toute rémunération dépassant le plafond doit être rejetée par le comptable public et conduire à une saisine du tribunal administratif. Ce mécanisme devait entrer en vigueur le 27 octobre dernier…et a été repoussé sine die.
Reste à savoir si la disposition portée par le PLFSS connaîtra le même destin.
*le taux de recours à l’intérim est défini par pôle emploi comme le rapport entre les effectifs intérimaires du secteur et les effectifs salariés globaux de ce secteur (y compris intérim).
Xavier Bataille
Voir aussi: