
Déserts médicaux : l’accès aux spécialistes est de plus en plus difficile
Pédiatres, gynécologues, gastro-entérologues… une quarantaine de départements sont sous le seuil critique de 40 spécialistes pour 100 000 abitants, selon un indicateur révélé par « Le Monde ».
Temps de Lecture 9 min. https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/09/27/deserts-medicaux-l-acces-aux-specialistes-l-autre-fracture-qui-s-aggrave_6143321_3224.html

Rétablir l’accès aux soins pour l’ensemble des citoyens constitue la principale ambition affichée par le gouvernement dans le cadre de la concertation consacrée à la santé qui doit être lancée le 3 octobre. Outre l’hôpital en crise, les déserts médicaux vont, à coup sûr, se retrouver au cœur des discussions. « Trop nombreux sont aujourd’hui nos compatriotes à ne pas avoir de médecin traitant et à avoir de plus en plus de difficultés à avoir accès à des spécialistes », a reconnu Emmanuel Macron, lors de son intervention au congrès de la Mutualité, le 7 septembre. « Cette situation n’est pas acceptable », a ajouté le président de la République, sans s’avancer sur la réponse de l’exécutif. Pas question de se prononcer sur la conflictuelle question de la remise en cause de la liberté d’installation des libéraux chiffon rouge pour la profession que des élus locaux ou encore des parlementaires posent toujours plus fortement ces derniers mois.
Le manque de médecins généralistes concentre bien souvent les alertes, mais la désertification chez les spécialistes, dont témoignent de nombreux Français qui n’arrivent plus à trouver de rendez-vous et vont parfois jusqu’à renoncer à se soigner, paraît tout aussi préoccupante. Pédiatres, gynécologues, gastro-entérologues… Quelle est la situation de la médecine spécialisée ?

Selon un indicateur que Le Monde révèle en exclusivité, réalisé par le géographe de la santé Emmanuel Vigneron dans le cadre de travaux pour l’Association des maires ruraux de France, la chute s’est poursuivie ces dix dernières années. Et parfois plus fortement encore qu’en médecine générale.
Lire l’entretien : « La médecine spécialisée est encore plus touchée par le renoncement aux soins que la médecine générale »
Pour ce qui est de la densité, le nombre de professionnels de ville (libéraux ou en exercice mixte) est ainsi passé de 68,4 pour 100 000 habitants en 2012 à 65,5 en 2022 dans une dizaine de spécialités les plus « courantes » (pédiatrie, gynécologie médicale, gynécologie-obstétrique, psychiatrie, ophtalmologie, dermatologie, rhumatologie, cardiologie, oto-rhino-laryngologie, gastro-entérologie, radiologie, anesthésie-réanimation). « En sélectionnant douze spécialités auxquelles la population a le plus fréquemment recours, on constate que la situation n’a fait qu’empirer ces dix dernières années, mais aussi que les fractures se creusent entre les territoires », observe M. Vigneron. Ces spécialistes représentent 44 398 médecins, soit un chiffre en stagnation depuis 2012, contrairement à la population, qui n’a cessé de croître.

« Phénomène de métropolisation »
Les trois quarts des 101 départements se trouvent toujours à un taux inférieur à la densité moyenne. Mais si vingt-deux départements se situaient en 2012 sous le seuil critique, selon le chercheur, de 40 spécialistes pour 100 000 habitants, ils sont désormais près du double.
Quelle est la bonne couverture médicale ?
Il n’existe pas de taux idéal. Les besoins varient selon les spécialités et les populations, avec une proximité attendue forcément moindre que celle de la médecine générale, premier pilier de l’accès aux soins. « On ne prétend pas qu’il faut des spécialistes de tout partout, précise le professeur Vigneron. Mais la densité moyenne peut au moins constituer un minimum, un point de repère, un objectif. On voit bien alors, au regard du nombre de départements qui ne l’atteignent même pas, la nécessité d’un rééquilibrage. »
Les territoires ruraux, premiers touchés par la désertification, sont aussi ceux qui subissent la plus forte dégradation sur la décennie qui vient de s’écouler, de la Creuse, qui enregistre la baisse la plus extrême de 35 %, aux Vosges en passant par l’Indre, la Charente ou encore le Tarn. Apparaissent désormais aussi dans la liste des départements en grande souffrance des espaces plus mixtes, semi-urbains, comprenant parfois une grande ville ou plusieurs villes moyennes, comme le Pas-de-Calais, avec l’agglomération de Calais, ou encore la Manche avec Cherbourg. Ce sont aussi le Lot-et-Garonne – avec Agen, Villeneuve-sur-Lot, Marmande… – et les Côtes-d’Armor – avec Saint-Brieuc, Lannion, Lamballe, Dinan.
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A l’inverse, dans la vingtaine de départements qui demeurent à un niveau supérieur à la densité moyenne figurent principalement ceux des métropoles, de Paris à Lyon en passant par Bordeaux, ainsi que le sud de la France. « Les territoires qui étaient relativement les mieux lotis renforcent leur position, reprend Emmanuel Vigneron. Le phénomène de métropolisation est très net, avec des spécialistes qui continuent de s’y concentrer, de même que la forte attractivité méridionale et celle du Sud-Ouest, entre Bayonne, Biarritz, Anglet. » Certains territoires ultramarins, en situation difficile, se révèlent eux aussi attractifs ces dernières années, avec de fortes progressions aux Antilles et à La Réunion.
Les écarts vont néanmoins grandissant, avec des taux extrêmement faibles, de 20 à 30 spécialistes pour 100 000 habitants dans l’Eure ou encore en Haute-Loire, contre 100 à 120 médecins comptabilisés dans les bassins les mieux pourvus, en Gironde, dans les Bouches-du-Rhône ou encore les Alpes-Maritimes. Sans citer Paris, qui explose tous les scores avec 219 spécialistes pour 100 000 habitants.
« Rare et cher »
On trouve ainsi 1,3 gynécologue en Mayenne, et 1,4 en Aveyron pour 100 000 habitants, mais huit fois plus dans les Hauts-de-Seine ou le Bas-Rhin (pour une moyenne de 7,1 sur l’ensemble du territoire).
Les habitants du Gers ou de la Haute-Saône ont accès dans leur département à moins de trois cardiologues pour 100 000 habitants, quand ceux des Pyrénées-Orientales, de l’Hérault, du Var ou encore de la Haute-Corse et des Pyrénées-Atlantiques peuvent espérer se tourner vers neuf à douze spécialistes de la discipline pour 100 000 habitants.
En pédiatrie, une dizaine de départements se rapprochent même désormais dangereusement d’une densité proche de zéro : l’Indre s’y trouve déjà, quand Mayotte, la Haute-Marne ou encore la Manche et les Deux-Sèvres s’y dirigent.
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Outre les écarts entre territoires, certaines spécialités voient leur densité s’effondrer plus que d’autres lors de cette dernière décennie : − 17 % chez les gynécologues, − 18 % chez les rhumatologues ou encore − 19 % chez les dermatologues… la dégringolade y est ainsi plus élevée que chez les généralistes (− 9 %). Quelques spécialités connaissent tout de même une progression, comme l’anesthésie (+ 8 %), la radiologie (+ 8 %) et la cardiologie (+ 7 %).
Mais à l’accessibilité géographique s’ajoute la question de l’accessibilité financière, en particulier chez les spécialistes. Avec une barrière invisible : l’importance du « secteur 2 », soit des spécialistes effectuant des dépassements d’honoraires. « Il faut reprendre la question de l’organisation de l’offre de spécialistes, inadaptée aux besoins, mais aussi limiter le secteur 2, dit Gérard Raymond, à la tête de France Assos Santé, qui réunit plusieurs associations de patients. Le médecin spécialiste se fait bien souvent rare et cher, ce qui engendre de vraies ruptures dans le parcours de soins. »
Selon l’Assurance-maladie, si 95 % des médecins généralistes sont en secteur 1 en 2021, plus de 50 % des spécialistes sont en secteur 2. Un chiffre qui n’a cessé de progresser depuis vingt ans (ils étaient 37 % en 2000). « Le sujet va faire partie des discussions de la nouvelle convention médicale avec les médecins cet automne », assure le directeur général de l’Assurance-Maladie, Thomas Fatôme, tout en rappelant que, si cette proportion a crû, le niveau des dépassements d’honoraires, régulé par différents dispositifs, a, lui, diminué.
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Chez les spécialistes comme chez les généralistes, le premier facteur d’aggravation des déserts médicaux est la démographie médicale. « Il y a une conjonction entre une démographie très atone et des besoins de santé qui ont augmenté, rappelle Emmanuel Touzé, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé. Nous allons encore en souffrir durant au moins une dizaine d’années. » La très forte restriction décidée par les pouvoirs publics à la fin des années 1990 sur le numerus clausus – soit le nombre de jeunes autorisés à suivre des études de médecine – pèse toujours, malgré le desserrement, continu depuis, de cet étau – et encore plus lors du dernier quinquennat avec sa suppression et son remplacement par un numerus apertus (un seuil minimum d’étudiants acceptés, fixé notamment par les universités). Outre les dix à douze années d’études nécessaires pour former un médecin, les départs en retraite en masse, qui interviennent dans le même temps, d’une génération nombreuse de libéraux viennent enfoncer le clou.
Consultations « avancées »
« Il est indiscutable qu’on manque de professionnels, mais le nombre ne fait pas tout, estime néanmoins le professeur Touzé. On peut former toujours plus, mais si, à la fin, les médecins rejoignent un autre exercice ou un autre lieu que celui attendu, les inégalités ne se corrigeront pas. » Le neurologue ne va pas pour autant jusqu’à prôner un dispositif contraignant sur le lieu d’installation, soutenant plutôt une « responsabilité territoriale » assurée « collectivement » par les médecins.
« Contre-productive », « inefficace », « inutile » en temps de pénurie… l’idée d’une contrainte reste refusée de toutes parts chez les spécialistes, qui ne manquent pas de mettre en avant leurs particularités. « La culture de l’exercice en groupe est particulièrement forte, décrit Franck Devulder, de la Confédération des syndicats médicaux français. En particulier dans les spécialités médico-techniques ou chirurgicales, pour lesquelles il y a besoin d’investir dans un plateau technique. » De même, la proximité des équipements et des blocs opératoires des grands hôpitaux et des cliniques participe au phénomène de concentration dans les grandes villes.
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C’est une tout autre gamme de mesures que l’on défend chez les professionnels de santé pour répondre à la détérioration de la situation. Il s’agit avant tout de dégager du « temps médical » grâce à l’appui d’autres professionnels, comme les infirmiers en pratique avancée ou les assistants médicaux. Ce sont aussi les consultations « avancées », durant lesquelles le spécialiste quitte son cabinet pour exercer sur un site distinct à 50, 60, 70 kilomètres… qui doivent permettre de résoudre les problèmes d’accès sur des zones désertifiées. « Mieux vaut qu’un médecin se déplace pour voir quinze patients que l’inverse, reprend le gastro-entérologue rémois Franck Devulder, qui effectue ainsi une ou deux demi-journées par mois de consultations dans une petite ville de Champagne-Ardenne. Il faut que l’Etat soutienne mieux ces dispositifs, pour que cette coordination puisse s’organiser sur tous les territoires. »
Si contrainte il doit y avoir, elle doit être « collective », abonde Patrick Gasser, du syndicat Avenir Spé-Le Bloc, qui met en avant les « équipes de soins spécialisées », c’est-à-dire des médecins d’une même spécialité qui se structurent, comme cette équipe parisienne de dermatologues sur le mélanome. « C’est le groupe qui doit rayonner sur un territoire et organiser le parcours des patients », dit-il.
L’Assurance-maladie envisage d’ores et déjà, dans ses propositions pour 2023, « en complément des mesures incitatives à l’installation des médecins dans les zones en faible densité », le soutien à ces équipes de soins spécialisés ou encore le développement des consultations avancées. « Il faut rendre ces dispositifs plus systématiques », relève son directeur.
« On est au bout du bout »
Dans certaines spécialités en grande souffrance, on peine néanmoins à voir comment s’en sortir. En premier lieu celles aux densités les plus faibles, qui correspondent bien souvent aux « moins rémunérées », observe-t-on dans les rangs syndicaux. Et de citer la psychiatrie ou la gynécologie. « Nous faisons partie des spécialités qui gagnent le moins car ce qui est valorisé en France, ce sont les actes techniques [dans la cotation des actes par l’Assurance-maladie] et non pas “intellectuels”, comme la consultation… c’est désolant », décrit Isabelle Héron, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale.
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Sa spécialité a aussi la particularité d’avoir disparu des cursus de médecine pendant quinze ans – seule demeurait la gynécologie-obstétrique, davantage tournée vers la chirurgie – pour être rétablie en 2003 seulement, avec un nombre de postes progressivement augmenté mais toujours jugé insuffisant. « Il y a des départements qui n’ont plus de gynécologue, c’est dramatique, surtout en zone rurale, reprend la médecin, qui exerce à Rouen. Et partout, quand un gynécologue part à la retraite, on n’arrive pas à absorber toute sa patientèle… » Le soutien des généralistes, qui peuvent effectuer le suivi gynécologique, ou encore des sages-femmes, sur le volet dit « physiologique » (prévention, dépistage, contraception) ne suffit pas à combler les besoins. « C’est bien mais c’est un cache-misère, dit Mme Héron. On est au bout du bout, c’est la santé des femmes qui va se dégrader, c’est certain. »
Dans un autre secteur sous haute tension depuis plusieurs années, l’ophtalmologie, on veut mettre l’accent sur l’amélioration de la situation, malgré la densité en berne. « Nos délais d’attente continuent de baisser », souligne Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France, dont l’enquête annuelle est parue le 12 septembre. S’il fallait 90 jours en moyenne en 2017 pour obtenir un rendez-vous « sans notion d’urgence », il en faut 49 en 2021 – pour un délai « souhaitable » évalué à 25 jours, selon le syndicat.
Le « travail aidé » – en l’occurrence l’appui des orthoptistes –, la poursuite d’activité de médecins de plus de 65 ans ou encore le renfort des médecins étrangers ont permis d’éviter ce « crash qu’on nous prédisait sur la démographie », avance le responsable. Même pour ce qui est de la répartition, la tendance est encourageante, promet-il : la nouvelle génération s’installe, certes, très largement dans les grandes aires urbaines, mais elle apparaît plus encline que ses aînés (17 %, contre 8 % de ceux qui exercent déjà) à se diriger vers des zones très peu peuplées en ophtalmologistes. Une autre manière de défendre encore, s’il le fallait, l’absence de toute mesure plus coercitive.
Camille Stromboni
« La médecine spécialisée est encore plus touchée par le renoncement aux soins que la médecine générale »
Coût, délai d’attente, pénurie de médecins, isolement social… Les motifs qui conduisent à ne pas se faire soigner sont divers, explique Héléna Revil, chercheuse en science politique, dans un entretien au « Monde ». Une personne sur quatre serait concernée.
Temps de Lecture 3 min. https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/09/27/la-medecine-specialisee-est-encore-plus-touchee-par-le-renoncement-aux-soins-que-la-medecine-generale_6143334_3224.html

Héléna Revil, chercheuse en science politique à l’université Grenoble-Alpes, responsable scientifique de l’Observatoire des non-recours aux droits et services du laboratoire de sciences sociales Pacte, explique les différents facteurs du renoncement aux soins.
Alors que la densité de médecins se détériore ces dernières années dans de nombreuses spécialités, qu’en est-il du renoncement aux soins chez les patients ?
Nous avons mené entre 2014 et 2020, avant la crise sanitaire, une enquête de grande envergure avec l’Assurance-maladie portant sur 160 000 personnes, le « baromètre du renoncement aux soins ». Il a abouti au résultat suivant : une personne sur quatre déclare avoir renoncé à au moins un soin durant la dernière année.
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Lorsqu’on interroge les causes, on voit bien qu’il s’agit d’un entremêlement d’explications. Une grande part revient aux raisons financières. Cela recouvre le fait de ne pas pouvoir financer le reste à charge d’une consultation, d’un traitement, ou d’avancer les frais, mais aussi l’incertitude et le flou autour du coût final des soins qui dominent bien souvent dans la tête des personnes, conduisant certaines à y renoncer par anticipation.
Vient ensuite la question du délai d’attente pour obtenir un rendez-vous. Tout cela peut se cumuler : devoir attendre huit mois, quand on dispose de ressources limitées et instables, peut faire hésiter à prendre un rendez-vous.
D’autres explications cohabitent aussi : les difficultés à s’orienter dans le système de santé, à trouver des professionnels qui acceptent de nouveaux patients, les craintes du diagnostic…
Les départements ruraux, plus fortement touchés par la désertification chez les spécialistes, sont-ils les plus concernés ?
Le renoncement apparaît plus fortement dans certains territoires que dans d’autres. A côté de cette moyenne de 25 % de personnes qui disent avoir renoncé à un soin, les taux s’étalent ainsi de 12 % jusqu’à 35 %. On trouve les départements avec les niveaux de renoncement les plus faibles en Corse ou dans le Nord-Est (Meuse, Moselle, Haut-Rhin) et, à l’autre extrémité, les plus élevés dans plusieurs départements d’Ile-de-France, mais aussi plus au centre, avec la Lozère ou l’Allier, ou encore au Sud, dans la Drôme, les Bouches-du-Rhône, l’Aude, l’Hérault, le Tarn…Lire aussi : « Déserts médicaux » : la piste d’une quatrième année d’internat pour les médecins généralistes fait débat
Il est très présent dans le monde rural, mais aussi en ville, car l’offre de soins est souvent mal répartie. Derrière la question des délais d’accès se pose celle du manque de professionnels et de leur répartition. En parallèle, la problématique des dépassements d’honoraires est aussi plus ou moins marquée.
Le renoncement concerne en particulier les soins dentaires et les soins visuels, mais également les consultations spécialisées chez le gynécologue, le cardiologue, le dermatologue… La médecine spécialisée est ainsi très touchée, plus encore que la médecine générale. Avec des difficultés de mobilité qui s’amplifient et sont d’autant plus fortes que certaines spécialités se trouvent quasiment absentes de départements entiers.
Quelles sont les conséquences pour les patients ?
Quand on observe les trajectoires de santé, on voit que, pour certains patients atteints de cancer, la question du délai pour accéder à un rendez-vous a eu un impact sur le moment du diagnostic, et engendré des retards. Ce sont des femmes qui n’ont pu trouver de gynécologue ou ont eu du mal à voir leur médecin traitant rapidement après avoir découvert une grosseur au niveau d’un sein ; des patients qui, malgré la consultation prescrite par le médecin généraliste après des analyses de sang et de selles inquiétantes, n’ont pu trouver de rendez-vous chez un gastro-entérologue avant deux, trois mois…
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Plus largement, on constate aussi des conséquences symboliques, avec des citoyens qui se sentent abandonnés à cause de besoins qui ne sont pas pris en charge. Ils développent un fort ressentiment face au système de santé et de protection sociale, une perte de confiance.
Le renoncement se concentre-t-il dans les populations les plus défavorisées ?
Il est certain que la population la plus précaire financièrement, sur le fil, est la première concernée, mais cela va au-delà. C’est aussi la « précarité des liens » qui joue un rôle : on voit renoncer à des soins des personnes en situation d’isolement géographique, social, qui ont peu d’interactions avec des personnes pouvant les conseiller. Le renoncement touche également davantage des personnes sans activité ou encore avec une activité peu rémunératrice, à temps partiel.
Lire notre reportage : Aux Tarterêts, une maison de santé pour faciliter l’accès aux soins
La question de ressources se pose ainsi dans toutes ses dimensions : que l’on habite sur un territoire « désertifié » ou à l’inverse mieux doté en médecins, quand on a ou non du réseau, des connaissances, selon sa littératie en santé, c’est-à-dire la capacité à aller chercher l’information et à se l’approprier, on va plus ou moins bien se dépêtrer d’un système de soins compliqué, dans lequel il faut bien souvent frapper à différentes portes, être aiguillé.
Le niveau de diplôme joue donc aussi. Sans oublier le rapport au numérique, avec des difficultés d’équipement qui perdurent dans certaines catégories de la population, de connexion dans certains territoires, mais aussi les inégalités d’usage, alors qu’on dématérialise de plus en plus de procédures, dont la prise de rendez-vous. Forcément, cela creuse les écarts.
Camille Stromboni
Commentaire Dr Jean Scheffer:
Un des principaux apports du « Clinicat Assistanat pour Tous », en fin d’internat, d’une durée de 3 ans , obligatoire tant pour les futurs généralistes que pour les futurs spécialistes, c’est justement en peu d’années de solutionner le manque de spécialistes dans l’ensemble des territoires. A travers une activité partagée, comme celle qui existe actuellement entre CHU et CHG (assistants partagés), on peut établir des consultations avancées dans tous les territoires en manque de spécialistes (en centres de santé public ou en maison de santé libérale) ou venir renforcer des équipes dans des cliniques lucratives qui passeraient contrat avec les ARS ( comprenant entre autre des engagements d’accueil de toutes les urgences).
Pour mémoire, ce « Clinicat Assistanat pour tous » aurait en plus l’avantage de solutionner tous les manques actuels de praticiens dans tous les établissements et dans toutes les spécialités médicales: Hôpitaux généraux de proximité, centres de santé public, maisons de santé libérales, les EHPAD, les hôpitaux psychiatriques, les CMP et hôpitaux psychiatriques, les PMI et les crèches, a médecine scolaire et universitaire, la médecine du travail, la santé publique, la médecine pénitentiaire…
L’exposé des motifs de cette formule tient dans le slogan: « Vision Globale -Solution globale » https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sAoKetf_T8OKk2Io?e=GfjeRj?e=4YzGt2
Voir aussi:
Les inégalités d’espérance de vie : le fossé se creuse entre campagnes et villes: https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiG3vzQjLX6AhWIg84BHUKlB-QQFnoECAwQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.amrf.fr%2Fwp-content%2Fuploads%2Fsites%2F46%2F2020%2F12%2FDossier-de-presse-espe%25CC%2581rance-de-vie.pdf&usg=AOvVaw0EpG8yfwdpFj21pme0cWxM
Les liens entre la santé publique et l’aménagement du territoire: https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=ad291970.pdf