Tensions autour de l’eau

Sécheresse : dans toute la France, de nouvelles tensions autour de l’eau

La quasi-totalité du territoire métropolitain était, vendredi, concernée par des restrictions d’eau, avec 73 départements placés en situation de « crise ». Partout, les crispations entre secteurs d’activité se multiplient. 

Par Anne-Fleur Bost (Périgueux, correspondante)Anthony Villeneuve(Metz, correspondant)Manuel Armand(Clermont-Ferrand, correspondant)Frédéric Zabalza(La Rochelle, correspondant)Yan Gauchard(Nantes, correspondant)Stéphane Foucart et Gilles Rof(Marseille, correspondant)

Publié le 13 août 2022 à 05h59 Mis à jour le 13 août 2022 à 13h49  

Temps de Lecture 10 min. https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/08/13/secheresse-la-france-pays-sous-haute-tension-hydrique_6137919_3244.html

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Le maïs hors de portée de l'irrigation est desséché, à Hettenschlag (Haut-Rhin), le 10 août 2022.
Le maïs hors de portée de l’irrigation est desséché, à Hettenschlag (Haut-Rhin), le 10 août 2022.  HERVE KIELWASSER / PHOTOPQR/L’ALSACE/MAXPPP

De l’été 2022 en France, on retiendra peut-être que c’est celui où l’on a commencé à voler de l’eau. Quatre cents mètres cubes conservés dans une réserve destinée aux soldats du feu ont été dérobés après six heures de pompage, le 16 juillet, dans la zone industrielle de Lavilledieu (Ardèche), par les responsables d’un club de moto-cross : il fallait, ont-ils expliqué, arroser les pistes. Le 6 août, ils se sont dénoncés, ont présenté leurs excuses, et ont rendu l’eau.

Partout en France, les pénuries induisent des situations qu’on pensait réservées aux régions arides. La sécheresse historique, aggravée par une étourdissante succession d’épisodes caniculaires, ouvre une série de fractures dans la société sur les usages acceptables d’une ressource devenue rare, qui oppose certaines collectivités à l’Etat et suscite des tensions entre secteurs d’activité – tourisme, agriculture, énergie, etc.

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La quasi-totalité du territoire métropolitain était, vendredi 12 août, concernée par des restrictions, avec 73 départements placés en situation de « crise » – le plus haut niveau d’alerte où, selon la réglementation, « seuls les prélèvements permettant d’assurer l’exercice des usages prioritaires sont autorisés (santé, sécurité civile, eau potable, salubrité) ». Selon le ministère de la transition écologique, le robinet ne coule plus dans une centaine de communes, ravitaillées par des livraisons d’eau en bouteille.

« L’eau, c’est fait pour boire »

Nulle « guerre de l’eau » pourtant, mais une série d’escarmouches qui préfigurent, en plus modeste, ce que réserve le réchauffement pour les prochaines années. Dans la nuit du 28 au 29 juillet, à Gérardmer (Vosges), les jacuzzis de plusieurs habitations à vocation touristique ont été éventrés – les propriétaires y ont retrouvé une note indiquant : « L’eau, c’est fait pour boire ». Trois jours plus tard, le 1er août, le maire de la célèbre station balnéaire vosgienne annonçait que les sources d’eau potable de la ville – en particulier la nappe phréatique de Ramberchamp – étant à sec, il allait falloir pomper l’eau du lac, dont la potabilité n’était pas certaine.

A Toulouse, c’est le collectif Extinction Rebellion qui a cimenté les trous de deux parcours de golf pour protester contre les dérogations dont ces activités bénéficient afin de permettre l’entretien des greens. Le golf, socialement marqué, est l’objet de toutes les crispations. Alors que le bassin de la Brière (Loire-Atlantique) est en « alerte crise » depuis le 12 juillet, le golf international Barrière de La Baule et celui de la Bretesche, à Missillac (Loire-Atlantique), sont autorisés à irriguer leurs pelouses six nuits par semaine, avec un prélèvement d’eau ne pouvant excéder « plus de 30 % des volumes habituels ».

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« On est parmi les secteurs les plus fliqués », souffle un responsable de l’entretien d’un golf de la métropole nantaise, qui préfère décliner toute demande de reportage par peur d’une mauvaise publicité, après le tweet incendiaire d’Hendrik Davi, député « insoumis » des Bouches-du-Rhône, au sujet de l’arrosage des golfs. En réponse, la Fédération française a rappelé dans un communiqué que la filière pèse « plus de 1,5 milliard d’euros en France et assure 7 500 emplois directs ».

Le football, qui pèse bien plus lourd, n’a pas eu plus de mal à susciter la mansuétude de l’Etat. Le 21 juillet, la ville de Nantes a sollicité – et obtenu – une dérogation préfectorale « pour l’arrosage du stade de la Beaujoire en dehors des horaires de limitation établis », le jeune gazon nécessitant un soin particulier. Les joueurs du FC Nantes ont donc pu fouler, vendredi 12 août, une pelouse verte et flambant neuve – alliant gazon naturel et microfibres synthétiques – pour leur premier match à domicile de la nouvelle saison de Ligue 1.

Arroseurs en action sur le parcours du golf de Villerest (Loire), le 8 août 2022. L’eau est pompée directement dans la Loire située à trois kilomètres en contrebas.
Arroseurs en action sur le parcours du golf de Villerest (Loire), le 8 août 2022. L’eau est pompée directement dans la Loire située à trois kilomètres en contrebas.  PIERRE GLEIZES/REA

Interdiction d’arrosage des espaces verts

D’autres municipalités n’ont pas bénéficié des mêmes largesses. La ville de Metz, par exemple, redoute de voir sa politique d’adaptation au réchauffement et de végétalisation fragilisée par les restrictions. Le 29 juillet, le préfet a pris un arrêté interdisant l’arrosage des espaces verts de 8 heures à 20 heures. Or, comme l’explique l’adjointe au maire déléguée aux espaces verts, Béatrice Agamennone,« il n’existe qu’une seule dérogation, qui concerne les arbres et arbustes plantés en pleine terre depuis moins d’un an »« C’est très restrictif, ajoute l’élue. Un jeune arbre a besoin d’arrosage pendant au moins les trois premières années. » Et des arbres, Metz en plante 3 000 chaque hiver depuis 2020.

« Il y a deux ans, lors de la précédente sécheresse, nous en avions perdu un millier. Je crains que ce ne soit pire cette année, soupire Mme Agamennone. C’est paradoxal : nous plantons des arbres pour créer des îlots de fraîcheur pour affronter le réchauffement en ville. Et ces derniers sont aujourd’hui menacés par le dérèglement du climat. » Le maire de Metz a écrit au préfet pour demander l’autorisation d’arroser les arbres fragiles à titre dérogatoire – pour l’heure, il n’a pas reçu de réponse.

Un peu plus loin au sud-est, les protestations de la mairie de Colmar ont, elles, pris un tour presque cocasse : pour sauver les massifs de fleurs qui font la réputation de la ville, le maire a appelé ses administrés, jeudi 11 août, à répondre à l’« absurdité administrative » en arrosant eux-mêmes le patrimoine floral de la ville, quitte à vider leurs « fonds de carafes » dans les jardinières.

« Une histoire de survie »

Mais lorsque les récoltes dépendent de la quantité d’eau disponible, les tensions peuvent prendre un tour plus grave. Près de Mas-Saintes-Puelles (Aude), trois écluses sur le canal du Midi ont été dégradées, rendant momentanément impossible la navigation. Les inscriptions retrouvées sur les ouvrages endommagés (« eau pour tous », « irrigation pour tous ») suggèrent que certaines restrictions d’usage ne passent pas.

« La gestion de l’eau doit se faire de manière collective : il est logique qu’on édicte des interdictions s’il n’y a pas assez d’eau, dit Joël Limouzin, vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles. Nous ne cautionnons pas les agriculteurs qui enfreignent la loi. » Une déclaration qui fait écho à certaines dégradations mais aussi à la volonté affichée de certains exploitants de ne pas respecter les restrictions.

En Charente-Maritime, l’Association syndicale autorisée (ASA) des irrigants d’Aunis, qui regroupe une centaine d’agriculteurs dans le nord du département, a ainsi appelé ses adhérents à « ne pas céder à la pression » et à poursuivre l’irrigation des cultures. Une partie d’entre eux a, semble-t-il, choisi de se mettre hors-la-loi : gendarmes et policiers de l’Office français de la biodiversité ont relevé une cinquantaine d’infractions cet été en Charente-Maritime, et des scellés ont été apposés sur les matériels de trois exploitants, dont le président de l’ASA, Pascal Ribreau, qui justifie l’infraction par « une histoire de survie, pour sauver notre peau ».

L’association SOS Rivières a néanmoins dénoncé, dans un courrier adressé le 10 août au préfet et au président de la chambre d’agriculture, d’autres pratiques d’irrigation illégales sur le territoire, notamment de nuit, avec photos à l’appui. « Des infractions d’irrigants, il y en a chaque année, comme dans d’autres professions, observe un agent de l’Etat. Mais c’est la première grosse crise hydrique à laquelle ils sont confrontés depuis longtemps. Or tous ne sont pas dans la même situation financière. Certains, qui avaient prévendu une partie de leur récolte, ont la corde au cou. »

Débat sur la création de bassines

En Charente-Maritime, premier département céréalier de Nouvelle-Aquitaine, les rendements sont durement éprouvés par la sécheresse (un quart environ de la pluviométrie habituelle depuis le début de l’année) et la chaleur, après avoir souffert du gel de printemps, voire de la grêle. Avant même la fin des moissons, la situation est déjà jugée « catastrophique » par de nombreux agriculteurs, et crispe un peu plus le sempiternel débat sur la création de bassines, sujet de tensions dans le Grand Ouest.

Les exploitants assurent que ces méga-bassines controversées ne portent pas préjudice à l’environnement. « On ne prélève dans la nappe que lorsque celle-ci est au-dessus des cotes », explique M. Limouzin. Au contraire, les associations de défense de l’environnement estiment que ces réserves perturbent gravement l’ensemble de l’hydrographie locale. « Lorsqu’on prélève dans la nappe d’accompagnement d’une rivière, on fait baisser le niveau de cette dernière, explique Jean-Louis Demarcq, président de SOS Rivières. Les “réserves de substitution” destinées à l’irrigation assèchent les rivières du département. » Cette année, la sécheresse démultiplie l’effet des autres facteurs : selon la Fédération départementale de pêche, la moitié des quelque 1 500 kilomètres de cours d’eau de Charente-Maritime sont à sec.

Voir le reportage : Sécheresse sur le bassin de la Boutonne : « Ici coulait une rivière »

Sans surprise, le vieux débat sur ces réserves se tend : en Vendée, dans la nuit du 8 au 9 août, deux grandes bassines destinées à l’irrigation ont été dégradées. M. Limouzin estime les dégâts à « au moins 1 million d’euros »« Ces réserves sont largement financées avec de l’argent public et ne bénéficient réellement qu’à 7 % des agriculteurs, qui exportent la plus grande part de ce qu’ils produisent. Cela revient à exporter notre eau à l’autre bout du monde sous forme de céréales, estime M. Demarcq. Nous condamnons bien évidemment les actes de dégradation : ils sont le fait d’une petite minorité qui nous voit argumenter et parlementer avec les autorités depuis si longtemps et qui constate que cela ne sert à rien. » Le 10 août, dans un communiqué commun, les ministres de l’agriculture et de la transition écologique ont annoncé qu’ « une surveillance renforcée » était mise en place autour des réserves du secteur.

« Pour l’agriculture c’est une catastrophe »

Ailleurs, les autorisations de prélever dans les cours d’eau tombent. Mardi 5 août, la préfecture de la Dordogne a décidé d’interdire les prélèvements dans la rivière de l’Auvézère, dans le nord-est du département, faute de débit. La mesure a suscité un tollé chez les irrigants, qui ont manifesté le 10 août devant la préfecture, à Périgueux. En vain. Et dans le Lot-et-Garonne, le patron de la Coordination rurale, Pascal Béteille, s’attend à ce que les prélèvements dans la Garonne soient drastiquement restreints d’ici au 15 août. « Ces restrictions sont malvenues, dit-il. Il reste de l’eau dans la Garonne. »

Dans le Puy-de-Dôme aussi, c’est une question de jours. Les systèmes d’irrigation qui prélèvent l’eau de l’Allier, l’un des principaux affluents de la Loire, et qui aspergent encore les champs de maïs pourraient être bientôt arrêtés. Ce sera le cas dès que le débit de la Loire à Gien, dans le Loiret, tombera sous la barre fatidique des 43 mètres cubes par seconde. C’est le seuil à partir duquel l’Etat doit déclarer la Loire et l’Allier en crise, avec l’interdiction totale de l’irrigation agricole. Mercredi 10 août, le débit n’était plus que de 44 mètres cubes par seconde… « Nous estimons que ce seuil de crise devrait être atteint le week-end des 13-14 août », précise Sandrine Cadic, la directrice régionale adjointe de l’environnement, de l’aménagement, du logement de la région Centre-Val de Loire.

« Nous sommes bien conscients que l’alimentation des populations en eau potable est prioritaire mais pour l’agriculture, c’est une catastrophe, note Philippe Aymard, agriculteur et président d’une association d’irrigants. Le maïs et beaucoup de cultures maraîchères ne sont pas encore arrivés à la fin de leur cycle végétatif. Ils ont encore besoin d’eau. Nous demanderons des dérogations pour les maraîchers. » Dans la région comme ailleurs, la crise pourrait durer jusqu’aux pluies de l’automne. Décision a en effet été prise de ne soutenir le débit de la Loire à Gien par les barrages de Naussac (Lozère) et de Villerest (Loire) qu’à hauteur de 38 mètres cubes par seconde. Loin, donc, du seuil de 43 mètres cubes par seconde. « Il faut préserver l’eau des barrages et s’assurer que nous pourrons gérer l’étiage jusqu’à l’automne », explique Mme Cadic.

Crispations

Les conflits d’usage ne sont pas circonscrits à la proximité géographique. La gestion de l’eau de l’Allier a un impact sur tout l’aval. C’est ainsi que l’irrigation du maïs dans le Puy-de-Dôme peut entrer en concurrence avec le refroidissement des quatre centrales nucléaires, qui puisent de l’eau dans la Loire. En période de crise, l’Etat peut demander à EDF de réduire sa production d’électricité. « Il n’est aujourd’hui pas question de remettre en cause la production de ces centrales nucléaires », affirme Mme Cadic. Le faible débit de la Loire a tout de même déjà eu un impact : la centrale de Chinon, en Indre-et-Loire, peut toujours prélever de l’eau mais ne peut plus la rejeter parce que la dilution de ses effluents ne serait pas suffisante. « Elle a des capacités de stockage de plus de deux mois », rassure toutefois Mme Cadic.

La production énergétique est l’un des paramètres-clés des arbitrages. Dans ses barrages et lacs de retenues, EDF estime gérer « plus de 7 milliards de mètres cubes d’eaux de surface », qui, outre la production d’hydroélectricité, « facilitent l’alimentation en eau potable, la continuité des activités économiques (irrigation, industrie, tourisme, loisirs, navigation, etc.) et la préservation de la biodiversité », précise l’entreprise. Le partage de cette eau, rappelle-t-on à EDF, « fait l’objet d’une concertation permanente entre les différents acteurs (EDF, agriculteurs, collectivités…) » et s’opère « sous le contrôle de l’Etat ». En cas de restrictions fortes, l’ordre des priorités est établi par le préfet, selon les dispositions du code de l’environnement. Ce qui n’empêche pas, localement, des crispations sur ces arbitrages, au-delà desquels EDF est fondé à être indemnisé : l’eau du barrage, c’est aussi de l’électricité

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Sur la plaine de la Crau (Bouches-du-Rhône), ces tensions apparaissent crûment. Là, une bonne part des 8 500 hectares de foin, classés appellation d’origine protégée, virent déjà au jaune paille. Le 8 août, un arrêté préfectoral a fait basculer cette large étendue, qui s’étend entre Salon-de-Provence et Arles, en zone d’alerte renforcée. Trois jours plus tard, la commission exécutive de la Durance, qui gère l’alimentation en eau des zones agricoles du Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, a confirmé ce que tous les agriculteurs redoutaient : la réserve de 200 millions de mètres cubes, prévue pour être prélevée sur le débit de la Durance pour l’irrigation, sera bientôt consommée.

Tout comme les 20 millions de mètres cubes supplémentaires négociés avec EDF. Sans pluie d’ici au 24 août, les canaux seront alors limités au débit minimum pour alimenter maraîchers et fruitiers, mais plus pour irriguer les champs de foin, grands consommateurs. En plein emballage de sa récolte, Didier Tronc alterne entre abattement et colère. Le président du comité du foin de Crau, qui compte plus de 200 exploitants, prévient déjà : « En septembre, si on ne peut pas nourrir les troupeaux qui reviennent de l’estive, cela risque d’être chaud. On peut se retrouver avec 10 000 moutons dans les rues de Marseille. »

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Depuis juin, le débit des canaux est réduit de 20 %. La deuxième coupe de foin de l’année a vu son rendement chuter d’autant. Quant à la troisième coupe, bouclée d’ici septembre, elle perdra, selon M. Tronc, près de 50 %. « EDF nous a proposé de puiser l’eau supplémentaire dans les barrages, à raison de 800 000 euros les 10 millions de mètres cubes supplémentaires… Sachant qu’il en faudrait le double pour arriver au bout de la troisième coupe de foin, la facture s’élèverait à 1,6 million d’euros. Qui paiera cela ? », interroge le président de la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles, Patrick Lévêque. « L’Etat doit prendre ses responsabilités », assure Didier Tronc, qui rappelle que l’irrigation des champs de foin est aussi la clé du maintien du niveau de la nappe phréatique de la Crau. Une nappe qui alimente en eau potable près de 300 000 personnes… et une partie des industries du port de Marseille.

A la mi-août, la crise de l’eau de l’été 2022 semble tout juste commencer.

Anne-Fleur Bost (Périgueux, correspondante),  Anthony Villeneuve(Metz, correspondant), Manuel Armand(Clermont-Ferrand, correspondant),  Frédéric Zabalza(La Rochelle, correspondant),  Yan Gauchard(Nantes, correspondant),  Stéphane Foucart et  Gilles Rof(Marseille, correspondant)

Eau potable, irrigation, production électrique : tensions sur le partage de l’eau dans le Sud-Est asséché

La raréfaction inédite de la ressource remet en cause un système pensé il y a plus d’un demi-siècle autour de la Durance et du Verdon. 

Par Gilles Rof(Marseille, correspondant)

Publié le 06 août 2022 à 15h00 Mis à jour le 06 août 2022 à 16h11  

Temps de Lecture 2 min. https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/08/06/dans-le-sud-est-asseche-le-partage-de-l-eau-se-tend_6137370_3244.html

C’est un immense château d’eau que beaucoup pensaient inépuisable et dont la sécheresse exceptionnelle de cette année 2022 révèle soudain les limites. Derrière ses lacs bleus, ses gorges fraîches et ses canaux typiques, le système Durance-Verdon constitue un complexe schéma de stockage, de captation et de distribution des eaux de ces deux rivières qui barrent, d’est en ouest, la Haute-Provence.

Par étapes depuis plusieurs siècles et dans le cadre d’un plan national à partir de 1955, ce réseau contrôlé par l’homme a discipliné des cours d’eau aux crues dévastatrices, tout en répondant, efficacement jusqu’à maintenant, aux multiples besoins des zones situées en aval jusqu’aux grandes villes touristiques du littoral méditerranéen.

Les installations hydroélectriques de la Durance et du Verdon, gérées par EDF, assurent, en temps normal, 12 % de la production d’électricité nationale et représentent une puissance égale à celle de deux centrales nucléaires. Les captages réalisés sur les deux rivières permettent l’alimentation en eau potable de 3,5 millions d’habitants et l’irrigation de 80 000 hectares de terres agricoles pour un total de près de 2 milliards de mètres cubes d’eau. Enfin, la création de lacs artificiels, dont le niveau estival était jusqu’alors garanti par convention par EDF, a fait naître un tourisme essentiel pour de nombreuses communes alpestres.

« Le système a été dimensionné pendant une période où le manteau neigeux sur les Alpes était très important. Des années où il fallait gérer la surproduction d’eau plus que son manque. Les utilisateurs sont restés sur cette idée », regrette Jacques Espitalier, maire de Quinson (Alpes-de-Haute-Provence) et vice-président du Schéma d’aménagement et de gestion des eaux du Verdon. En soixante-dix ans, la population en Provence-Alpes-Côte d’Azur a quasiment doublé pour dépasser les cinq millions d’habitants. Et la consommation en aval n’a cessé d’augmenter.

L’eau est au cœur d’enjeux multiples, gérés dans un équilibre tendu par une série de syndicats mixtes et de collectivités, sous le contrôle attentif de l’Etat. Avec, aujourd’hui, une question centrale : quels usages réduire si la diminution de la ressource, liée au réchauffement climatique, se confirme dans les prochaines années ?

« Plan de résilience »

Par la voix de leurs organisations professionnelles, les agriculteurs défendent âprement leur priorité. « La première des nécessités est d’avoir à manger », résume ainsi Romain Blanchard, président de la fédération des exploitants agricoles (FDSEA) dans les Bouches-du-Rhône.
L’alimentation en eau potable est une autre urgence incontournable. En juillet, l’agglomération toulonnaise a ainsi basculé sur le réseau du canal de Provence, alimenté par le Verdon, pour pallier le niveau historiquement bas de ses ressources habituelles.

De son côté, EDF a réduit la production hydroélectrique sur le Verdon de 60 % depuis le début de l’année pour « favoriser le remplissage des retenues pour les autres usages », mais pourrait avoir à répondre, l’hiver prochain, à une potentielle crise énergétique.
Quant au secteur du tourisme, il encaisse et espère la pluie. Fin juillet, les lacs de Sainte-Croix et de Serre-Ponçon affichaient une baisse de fréquentation supérieure à 50 %, selon le syndicat d’aménagement de la vallée de la Durance.

Vendredi 29 juillet, ce syndicat mixte a réuni l’ensemble des utilisateurs de la ressource, dans ce climat tendu. « On essaye d’ouvrir des pistes de discussion mais ce n’est pas facile », glisse Jacques Espitalier, qui, comme nombre d’élus des départements alpins, dénonce des « “avaliers” peu économes avec l’eau ». L’heure est pourtant bien à la conciliation des usages et à la refonte du système. En visite à Serre-Ponçon le 25 juillet, le préfet de région Christophe Mirmand a demandé de la « solidarité » et évoqué la mise en place d’un « plan de résilience » à la rentrée de septembre. Et au niveau national, la première ministre, Elisabeth Borne, a activé, vendredi 5 août, une cellule de crise interministérielle pour répondre à cette situation de sécheresse « la plus grave jamais enregistrée dans notre pays ».

Gilles Rof(Marseille, correspondant)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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