Sécurité routière : quel bilan pour la limitation à 80 km/h, de plus en plus rejetée ?
Automobile
Par Pierre Lann

Mise en place en 2018, la limitation à 80 km/h sur les routes départementales était la mesure phare du premier mandat d’Emmanuel Macron pour faire baisser la mortalité routière, qui à tendance à stagner depuis 2013. Alors que ses effets ont été jugés positifs par une étude, 42 départements sur les 92 concernés ont pourtant décidé d’y déroger.
Un de plus ! Le Puy-de-Dôme est devenu le 42e département français à renouer avec les 90 km/h sur certaines de ses routes départementales, ce lundi 1er août. Après avoir mené une étude, le conseil départemental a identifié 330 sections à risques, où la vitesse maximale sera de 70 km/h. Sur les autres départementales, les automobilistes pourront à nouveau pousser jusqu’à 90 km/h, sans risquer de recevoir une amende. Depuis une loi de 2019, adoptée après le mouvement des gilets jaunes, les départements peuvent ainsi déroger à la règle, qui prévoit une limitation à 80 km/h sur les départementales sans séparateur central.
Au fil des mois, les dérogations se sont multipliées, essentiellement dans des départements du centre de la France, souvent enclavés. Le mouvement a plombé la mesure phare du premier mandat d’Emmanuel Macron pour améliorer la sécurité routière. Adoptée mi-2018, dans un contexte de forte augmentation du carburant, cette limitation à 80 km/h est devenue le symbole d’une France à deux vitesses. Elle apparaissait dans 15 % des contributions au « grand débat », organisé fin 2018 pour éteindre la colère des Gilets jaunes.
RÉDUCTION DE LA MORTALITÉ
Selon la Sécurité routière, cette limitation semble pourtant efficace pour réduire le nombre de morts sur les routes de campagne, qui concentrent plus de la moitié de la mortalité selon les chiffres de l’ONISR en 2017. Dans les 18 premiers mois de sa mise en place – soit avant le début de la crise sanitaire – la mortalité a baissé de 12 % sur les axes concernés par rapport au reste du réseau, selon une étude du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) publiée en juillet 2020 et commandée par la Direction de la sécurité routière.
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Le Cerema constatait « une baisse de 331 tués (…) par rapport à la période de référence 2013-2017 ». Au contraire, la mortalité restait stable sur le reste du réseau routier français, ce qui prouve l’efficacité de la mesure selon les auteurs de l’étude. Une analyse que réfutait la Ligue de défense des conducteurs, en considérant notamment que ces chiffres prenaient en compte l’ensemble des morts sur la route, toutes causes confondues, et non seulement ceux liés à la vitesse excessive.
Dans le détail, le Cerema relevait que la limitation avait peu d’effets sur le nombre d’accidents corporels. Leur gravité semblait toutefois diminuer, « avec une baisse de 10 % du taux de mortalité ». Parallèlement, et à l’inverse du ressenti des automobilistes, le Cerema ne mesurait qu’un allongement relatif du temps de parcours, de l’ordre « d’1 seconde par kilomètre », soit « 50 secondes sur des trajets de 50 kilomètres en semaine », alors que la vitesse moyenne était réduite de 3,3 km/h.
LE FLOU DES AMENDES
Si la mesure a été intensément rejetée, c’est qu’elle était accusée de n’être qu’une « pompe à fric », permettant de renflouer les caisses de l’État, en multipliant le nombre de verbalisation pour excès de vitesse. Un sentiment qui était confirmé dans les premiers mois de sa mise en œuvre par les annonces de certaines préfectures. Au cours du mois de juillet 2018, celle de Haute-Loire révélait ainsi que ses radars avaient flashé « trois fois plus » qu’à l’habitude.
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Mais depuis, le ministère de l’Intérieur indique à Marianne être dans l’incapacité de dire si la limitation à 80 km/h a eu un effet sur le nombre d’amendes pour excès de vitesse. Beauvau explique ne pas disposer de chiffres détaillés, en fonction du type de routes sur lesquelles sont dressées les contraventions. Les seules données publiées concernent tout le réseau et ne permettent donc pas d’étudier les fluctuations sur les seules routes concernées par la limitation à 80 km/h. Une carence pour le moins étonnante.
SÉCURITÉ ROUTIÈRE EN PANNE
Faute d’avoir suffisamment recueilli le consentement des automobilistes, l’État semble donc s’être privé d’un instrument potentiellement utile, alors que la mortalité sur les routes stagne. Les politiques de sécurité routière sont en effet dans l’impasse. Si l’on excepte les années 2020 et 2021, marquées par les restrictions sanitaires et une diminution des déplacements, la mortalité sur la route est relativement stable depuis l’année 2013. Elle a même eu tendance à augmenter.
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Une rupture après un « demi-siècle d’efficacité spectaculaire » selon un rapport de la Cour des comptes publié en 2021. Les hauts fonctionnaires relevaient le bien-fondé, pendant près de cinquante ans, des politiques centrées sur la répression du comportement de l’automobiliste. Celles-ci ont connu leur apogée avec l’introduction des radars automatiques en 2002.
D’AUTRES SOLUTIONS
Mais la Cour appelait désormais à changer de logiciel, en cessant de sanctionner à tout va. Elle rappelait qu’il y a « trois grands facteurs d’accidents de la route : le comportement inadéquat des conducteurs, les défauts des infrastructures routières et, plus généralement, de « l’environnement » du conducteur, les défaillances des véhicules et de leurs équipements ». Si l’État a beaucoup insisté sur le premier, il semble avoir oublié les deux derniers.
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La Cour des comptes recommandait en particulier « d’aménager les infrastructures de façon à minimiser les conséquences matérielles et corporelles des accidents », en agissant avec les collectivités locales, notamment pour remonter les zones particulières accidentogènes qui nécessiteraient des mesures spécifiques. Une vision à rebours d’une limitation généralisée sur l’ensemble du territoire, comme le voulait l’ancien gouvernement d’Emmanuel Macron.
- Par Pierre Lann
Sécurité routière : ces départements qui reviennent aux 90 km/h
À partir de ce lundi 1er août, la vitesse sur les routes départementales du Puy-de-Dôme repasse à 90 km/h. Un retour en arrière seulement quatre ans après la mise en place de la limitation à 80 km/h. Explications.
Article rédigé par

Radio France
Publié le 01/08/2022 06:36
Temps de lecture : 2 min.

Le département du Puy-de-Dôme fait marche arrière sur la limitation de vitesse.
Le Conseil départemental a voté début juillet, le retour des 90 km/h sur les routes du département dès lundi 1er août. En 2018 pourtant, le gouvernement avait décidé de limiter la vitesse à 80 km/h sur une partie du réseau secondaire. Mais depuis deux ans la règle est assouplie, les départements ont la possibilité de revenir aux 90 km/h.
Près de la moitié des départements français concernés
Au 1er août, ce sont 42 départements qui sont repassés aux 90 km/h, après l’abaissement de la vitesse limite à 80 km/h au niveau national. Ainsi, quasiment la moitié des départements de France ont décidé de fixer leurs propres règles par rapport à la limitation de vitesse.
Ces départements sont surtout à dominante rurale et ont une faible densité de population. Mais cela ne représente qu’un peu plus de 33 000 kilomètres de routes au total, sur les plus de 400 000 kilomètres initialement visés par la limitation à 80 km/h.
Des différences d’un département à l’autre
De grandes différences sont observables d’un département à l’autre. Dans le Haut-Rhin par exemple, la vitesse n’a été relevée que sur 22 km seulement alors que dans l’Allier, ce sont 5 284 kilomètres qui sont revenus aux 90 km/h, soit 100 % du réseau des routes départementales.
En Charente, 500 kilomètres de routes sont repassées à une limitation à 90 km/h, ne représentant que 10 % des routes départementales.
Les conditions pour revenir aux 90 km/h
La loi d’orientation des mobilités de 2019 a donc offert aux départements une possibilité de déroger aux 80 km/h. C’est au conseil départemental de prendre un « arrêté motivé ». Il doit présenter une étude d’accidentalité qui est examinée par la commission départementale de sécurité routière. Cette commission rend ensuite un avis consultatif sur chacune des sections de routes concernées. Autrement dit, le département peut suivre ou non cet avis, il n’est juridiquement pas obligé de le suivre.
Et cet avis pris par la commission départementale n’empêche pas des contentieux. Dans l’Hérault, la justice a fait annuler le retour aux 90 km/h dans la mesure où le tribunal estimait que le département ne précisait pas suffisamment les raisons de ce relèvement de vitesse.
L’impact sur la sécurité routière
Un rapport a été remis au Parlement en 2021. Les effets du retour aux 90 km/h sur la mortalité routière ne sont pas encore observables d’après ce rapport, empêchant d’en dresser le bilan, d’autant plus que l’année 2020 a connu des chiffres de circulation en baisse, du fait de la crise sanitaire.
D’après la Sécurité routière, le passage aux 80 km/h, lui, avait permis d’épargner 349 vies sur 20 mois et de faire 700 millions d’euros d’économies par an (diminution des accidents, moindre consommation de carburant). Des chiffres toutefois contestés par des associations d’automobilistes.
Se souvenir aussi en 2007:
Tous les élus avaient signé « le pacte écologique pour l’Albigeois » qui prévoyait le 70 Km/h sur la rocade et l’étude du grand contournement par le nord-est. 16 ans plus tard, à l’horizon, rien de nouveau.