Conventionnement sélectif, C à 30 euros… un sénateur dépose une proposition de loi contre les déserts
Par Sandy Bonin le 19-07-2022

Le sénateur LR Bruno Rojouan a déposé fin juin une proposition de loi visant à « rétablir l’équité territoriale en matière d’accès aux soins ». Si le sénateur prône le conventionnement sélectif, il plaide également pour la hausse du C à 30 euros ou encore pour l’exonération des cotisations retraite des médecins libéraux en cumul emploi-retraite.
« Au moins 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux, dont 51 % pour des raisons liées à l’insuffisance de la démographie médicale. Pour les Français les plus éloignés des soins, les délais d’attente dépassent les 104 jours pour accéder à un cardiologue, 126 jours pour un dermatologue et 189 jours pour un ophtalmologiste. Enfin, 11 % des patients âgés de 17 ans et plus n’ont pas de médecin traitant, soit plus de 6 millions de Français », a indiqué Bruno Rojouan, sénateur de l’Allier et auteur de cette proposition de loi. Un constat directement lié à « la sévérité du numerus clausus, même s’il est désormais desserré, et la liberté d’installation des médecins », estime le sénateur LR.
« J’ai acquis la conviction qu’il n’existe pas, malheureusement, de solution miracle et qu’aucune mesure isolée ne saurait être suffisante ou efficace : seul un ensemble de mesures coordonnées permettra d’améliorer, de manière pérenne, l’accès aux soins. C’est la raison pour laquelle je propose une combinaison de mesures d’équilibrage territorial de l’offre de soins, libératrices de temps médical et de formation des professionnels de santé, en conférant des leviers d’action plus opérationnels à un niveau déconcentré plus fin et en associant les collectivités territoriales ». Bruno Rojouan propose donc un texte fort de 31 mesures parmi lesquelles la régulation à l’installation.
« Ma philosophie s’est voulue modérée, afin de limiter les effets pervers et désincitatifs des mesures contraignantes : c’est pourquoi j’ai souhaité que la liberté reste la règle et les solutions de régulation l’exception, quand aucun autre moyen ne m’a semblé opératoire pour répondre aux nécessités pressantes induites par les inégalités territoriales d’accès aux soins », tempère le sénateur. La proposition de loi introduit ainsi un conventionnement sélectif dans les « zones caractérisées par une offre de soins abondante ». « Les médecins sont quasiment les seuls professionnels de santé à disposer d’une entière liberté d’installation. Il me paraît souhaitable d’adapter cette liberté de manière temporaire, le temps que les inégalités territoriales les plus criantes soient résorbées : c’est pourquoi je propose de conditionner l’installation dans les zones sur-dotées à la cessation d’activité d’un médecin exerçant la même spécialité afin de favoriser une meilleure répartition territoriale », soumet le représentant du palais Bourbon.
Outre la régulation à l’installation, l’élu souhaite miser sur un vaste déploiement des assistants médicaux ou des infirmières en pratique avancée pour augmenter le temps médical des médecins. Il propose aussi de « rendre plus avantageuse la poursuite de l’activité médicale par les médecins retraités dans les zones sous-denses, en les exonérant du paiement des cotisations retraite, afin de lisser les baisses de temps médical occasionnées par les départs à la retraite ».
Nol Bruno Rojouan constate également que « la valeur de l’acte médical d’un médecin généraliste est l’une des plus basses d’Europe ». « Il est aujourd’hui temps de valoriser l’expertise de la consultation médicale, d’autant plus dans un contexte propice aux délégations de tâches, avec des consultations potentiellement plus longues et moins nombreuses », estime-t-il. Le sénateur propose donc d’augmenter le C à 30 euros « sans augmentation du reste à charge pour les patients », d’ici 2025.
Aides à l’installation des médecins : 94 millions d’euros en quatre ans, une efficacité remise en question
Par A.M. le 19-07-2022

La Cnam a dressé un bilan plus que mitigé des « contrats démographiques » visant l’installation et le maintien des médecins libéraux dans les zones sous-dotés, instaurés par la convention de 2016. Fin 2021, moins de 5000 contrats étaient en cours, dont 2000 portant sur une aide à l’installation proprement dite. Et les inégalités d’accès aux soins perdurent.
50 000 euros. C’est le montant de l’aide que peut toucher un médecin signataire d’un contrat CAIM (Contrat national d’aide à l’installation des médecins), s’il s’engage à s’installer 5 ans dans une zone sous-dotée et à y exercer au moins 4 jours par semaine, entre autres contreparties*. Mais depuis 2017, seuls 2085 médecins libéraux -essentiellement des généralistes- ont signé ce contrat, d’après un bilan dressé le 8 juillet par une commission interne de la Cnam, dont l’AFP a eu connaissance.
Les trois autres « contrats démographiques » instaurés par la convention médicale de 2016 n’ont guère plus de succès. Le contrat de stabilisation et de coordination (Coscom), qui vise à favoriser l’exercice coordonné et les activités de formation des médecins déjà installés, a quant à lui bénéficié à 2396 praticiens. Quelques 200 autres contrats « de transition » (Cotram), favorisant le maintien en exercice d’un médecin de plus de 60 ans et la préparation de la relève par un jeune confrère, ou contrats de « solidarité territoriale » (CSTM), incitant à une activité partielle en zone sous-dotée, ont été signés. Soit un total de 4685 contrats en cours fin 2021. La Cnam plaide pour la fusion de ces dispositifs en un contrat unique.
Le coût de ces dispositifs incitatifs n’est cependant pas négligeable : il a été chiffré par la Cnam à 94 millions d’euros sur la période 2017-2020, dont 32 millions rien que pour l’année 2020. Un investissement à mettre en regard d’une efficacité toute relative puisque « l’inégalité d’accès » aux médecins généralistes « s’est accentuée » entre fin 2016 et fin 2019, selon l’Assurance maladie, qui note à l’inverse une « réduction des disparités » pour les infirmières et les sages-femmes libérales, deux professions dont l’installation est limitée dans les zones « sur-dotées » (une arrivée pour un départ).
La poursuite d’une politique incitative pour les médecins libéraux, ou au contraire la mise en place de mécanismes de régulation à l’installation, sera débattue à la rentrée au cours de la grande conférence de santé voulue par Emmanuel Macron.
[avec AFP]
Publié le 19/07/2022
Le second quinquennat d’E. Macron sonnera-t-il la fin de la liberté d’installation ?

Paris, le mardi 19 juillet 2022
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La composition inédite de l’Assemblée nationale conduira-t-elle à l’adoption de mesures coercitives en ce qui concerne la liberté d’installation ? Très régulièrement des propositions sont déposées dans ce sens, qui ces dernières années ont à plusieurs reprises réussi à séduire les sénateurs (à majorité LR).
Cependant, la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale a toujours repoussé ces textes, tandis que les ministres de la Santé successifs ont constamment rappelé le caractère contre-productif de ce type de dispositifs. Toutefois, le nouvel équilibre de l’Assemblée nationale pourrait fragiliser ce « rempart » et ouvrir la brèche à des mesures coercitives.
Compromis intenable ?
En effet, un nombre croissant d’élus semble convaincu que de telles solutions sont aujourd’hui inévitables pour lutter contre les déserts médicaux qui s’étendent. Ainsi, le sénateur LR de l’Allier Bruno Rojouan a déposé à la fin du mois de juin un texte qui se veut un compromis entre dispositifs incitatifs innovants et méthodes plus contraignantes.
Cette proposition est largement inspirée du rapport présenté au printemps par la commission de l’aménagement du territoire.
Plus d’égalité des tarifs sur l’ensemble du territoire…
La mesure phare de la proposition voudrait conférer un avantage quasiment inédit aux praticiens installés dans les zones sous dotées. Si forfaits et primes existent déjà pour récompenser ces praticiens, l’idée d’honoraires adaptés au territoire a toujours été récusée par les syndicats. Pourtant, Bruno Rojouan préconise de fixer le C à 30 euros (sans augmentation du reste à charge pour les patients) pour les médecins généralistes de secteur 1 dans les zones sous dotées d’ici 2025.
Une telle progression pourrait cependant être jugée trop restreinte pour faire accepter la rupture du principe d’égalité des tarifs sur l’ensemble du territoire.
Conventionnement sélectif : l’ambiguïté de Renaissance
Mais le sénateur de l’Allier va plus loin en défendant à son tour le principe du conventionnement soumis à un départ à la retraite dans les zones les mieux dotées et du stage obligatoire de six mois dans un désert pour les jeunes médecins avant de pouvoir obtenir une autorisation de conventionnement.
Le fait que ces mesures puissent être considérées comme des adaptations des règles actuelles et non comme une attaque frontale contre la liberté d’installation pourrait les rendre plus acceptables aux yeux de certains élus y compris dans les rangs de la majorité.
En effet même si les deux ministres de la Santé du second quinquennat d’Emmanuel Macron ont réaffirmé leur attachement à la liberté d’installation, le programme du président n’était pas totalement sans ambiguïté en ce qui concerne le conventionnement sous conditions.
Constat consensuel
Les autres dispositions du texte de Bruno Rojouan qui en compte une trentaine se fondent sur un constat consensuel. Elles entendent lutter contre la surcharge administrative des médecins, afin de leur permettre de dégager du temps à consacrer aux patients, elles visent à favoriser les délégations de tâches qui peu à peu s’installent dans les mœurs.
Enfin, mesure originale, le sénateur propose que dans les localités les plus désertées, les médecins retraités qui continuent à exercer soient exonérés de cotisations retraite, afin que le cumul emploi – pension soit plus avantageux. Le financement de cette mesure serait assuré par une taxe sur le tabac.
Pour l’heure, la proposition n’est pas encore inscrite dans le calendrier de l’Assemblée nationale.
Léa Crébat
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