La santé en France: un groupe d’associations et de collectifs de santé interpelle la Première ministre et menace pour la première fois de porter plainte pour carence fautive de l’Etat

TRIBUNE

Le droit fondamental à la protection de la santé n’est plus garanti en France

Un groupe d’associations et de collectifs de santé interpelle la Première ministre et menace pour la première fois de porter plainte pour carence fautive de l’Etat, tant la situation de l’hôpital public est dégradée. Les signataires appellent notamment à la fixation de ratios minimum soignants-soignés dans tous les services.

Les températures pourraient augmenter de 0,4 à 4,8°C pendant le 21e siècle.
RANA DIAS / CAIA IMAGE / SCIENCE PHO / NEW / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP

par Un ensemble de collectifs et d’associations

publié le 12 juillet 2022 à 8h00` https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat/pourquoi-il-sera-biologiquement-complique-de-s-adapter-au-changement-climatique_165028


Pourquoi il sera biologiquement compliqué de s’adapter au changement climatique

Par Camille Gaubert le 15.07.2022 à 20h00 Lecture 5 min.

Même mises dans les meilleures conditions, des bactéries à l’évolution pourtant rapide n’ont pas réussi à augmenter leur température maximale tolérable de plus de 1°C, concluent de nouveaux travaux. Une nouvelle de mauvais augure, alors que les températures menacent d’augmenter encore jusqu’à presque 5°C au 21e siècle.

Terre se réchauffe

Les températures pourraient augmenter de 0,4 à 4,8°C pendant le 21e siècle.RANA DIAS / CAIA IMAGE / SCIENCE PHO / NEW / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP

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A quel point les organismes vivants peuvent-ils s’adapter aux fortes températures ? La réponse est malheureusement « moins bien que nous l’espérions », d’après de récents travaux publiés dans Science Advances. Réalisées sur des populations bactériennes, ces expérimentations laissent présager un futur sombre alors que le changement climatique s’installe. 

Tester la tolérance thermique face aux vagues de chaleur 

J’ai été surprise, je m’attendais à pouvoir à étendre la tolérance thermique supérieure de nos bactéries de plus de 1°C”, rapporte Macarena Toll-Riera, première autrice de ces nouveaux travaux menés à l’Université de Zurich (Suisse). La tolérance thermique supérieure, c’est la température maximale à laquelle un organisme peut survivre. Sur Terre, cette limite physiologique “devrait subir une pression accrue” en raison de l’augmentation de température de 0,4° à 4,8°C prévue au cours du 21e siècle, écrivent les chercheurs. Mais le vivant a une certaine flexibilité. “Lorsqu’elles sont exposées à un stress environnemental sévère, les populations peuvent éviter l’extinction par une adaptation évolutive, un phénomène connu sous le nom de sauvetage évolutif”, écrivent les chercheurs. 

Une bactérie qui ne gagne qu’1°C de tolérance thermique 

Pour tester ce sauvetage évolutif face à la chaleur, l’équipe a testé en laboratoire la résistance d’une bactérie. Appelée Pseudoalteromonas haloplanktis, elle habite les mers côtières de l’Antarctique et supporte des températures allant de –2,5 à 29°C. Pour les chercheurs, l’objectif est d’augmenter progressivement le mercure appliqué aux colonies bactériennes de façon à augmenter cette limite physiologique au-dessus de 29°C. “Nous avons conçu nos expériences pour maximiser le succès du sauvetage évolutif : nous avons utilisé de grandes populations microbiennes exposées à une augmentation progressive de la température”, explique Macarena Toll-Riera. D’autant que les bactéries ont l’avantage de se cultiver en populations de grande taille, avec des temps de génération courts et de petits génomes. “Ce qui en fait des candidats idéaux pour étudier l’adaptation rapide à une température élevée« , expliquent les chercheurs dans la publication. 

Mais même en mettant toutes les chances de leur côté, l’adaptation progressive des souches bactériennes est laborieuse. 900 générations successives de P. haloplanktis sont cultivées à des températures croissantes à partir de 15°C, dont 300 générations à un maximum de 30°C. Au-delà, aucune colonie ne parvient plus prospérer. “Nous n’avons pu étendre la tolérance thermique supérieure que de 1°C”, suggérant que la tolérance thermique supérieure ne peut que très peu évoluer, conclut Macarena Toll-Riera.  

Trois mutations liées à la chaleur 

En observant plus avant les colonies cultivées à 30°C, les chercheurs repèrent trois mutations récurrentes. La première touche 90% de ces bactéries au comble du stress thermique et concerne une enzyme (protéine active) nommée Lon, dont le rôle est de détruire les protéines trop altérées par la chaleur pour fonctionner correctement. Car au-delà d’un seuil de température, les protéines perdent leur structure en trois dimensions nécessaires à leur fonction. Les deux autres mutations concernent 87,5 et 85% des bactéries échaudées, et touchent respectivement une baisse du nombre d’un des deux chromosomes que possède P. haloplanktis et la biosynthèse de sa paroi (qui entoure et protège la cellule bactérienne). 

Pourquoi ces mutations et en quoi aident-elles à fonctionner sous la chaleur ? “Malheureusement, nous ne le savons pas encore”, admet Macarena Toll-Riera qui, avec son équipe, réalise des expériences supplémentaires pour le découvrir. “Nous supposons que les mutations observées ont un rôle dans la destruction des protéines mal repliées et le maintien de l’intégrité des parois.” Concernant la mutation Lon, la plus fréquente, elle suppose que l’augmentation de la température entraîne la dénaturation des protéines essentielles à la survie. “Une autre possibilité est que lorsque la température augmente encore plus, le nombre de protéines mal repliées est supérieur à ce que Lon peut traiter. Il est connu que l’accumulation de protéines mal repliées est toxique pour les cellules.” 

Les organismes plus grands et vivant en populations plus petites s’adapteront encore moins bien 

https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/le-droit-fondamental-a-la-protection-de-la-sante-nest-plus-garanti-en-france-20220712_IALYQSL3EJGHNJ4V6EUSTBEVYM/

Le 22 juin, les maires de France s’alarmaient des fermetures de services hospitaliers car partout en France l’accès à l’hôpital public se réduit, alors que les conditions de travail des agents hospitaliers deviennent plus dures, accélérant leur fuite et donc augmentant les fermetures de lits par pénurie de personnel. En mars dernier, le Sénat relevait : «Vétusté des équipements, charge de travail excessive, manque de temps médical et soignant auprès des patients qui sont autant de facteurs à l’origine d’un profond sentiment de perte de sens qui provoque des départs de personnels en cours de carrière.» La situation est maintenant si dégradée que des préjudices directs sont avérés pour les patients, mais aussi pour les agents hospitaliers : perte de sens, épuisement professionnel, fuite des titulaires et perte d’attractivité pour les professionnels nouvellement diplômés. La «mission flash» du nouveau ministre n’a eu pour objet que les services d’urgence ignorant la dégradation de l’intégralité du système hospitalier.

Des droits qui ne sont plus garantis

D’après le code de la santé publique, il est de la responsabilité du gouvernement (article L 1411-1) de mener une politique de santé garantissant le droit fondamental à la protection de la santé au bénéfice de toute personne. Cette politique doit garantir le droit du patient et des soignants à la santé, le droit au respect de la dignité de la personne malade, le droit de recevoir les traitements les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques garantissant la meilleure sécurité sanitaire, le principe de continuité du service public hospitalier. Force est de constater que ces droits ne sont plus garantis.

Ainsi la littérature scientifique en matière de nombre de «patients par soignant» est unanime : plus il y a d’infirmières, moins il y a de patients par soignant, plus la chance de survie des patients est accrue. La présidente de la Haute Autorité de santé (HAS) le confirmait lors de son audition au Sénat «il existe un lien établi – par une littérature de très bon niveau – entre le niveau de personnes d’un établissement ou d’un service et la qualité des soins». En d’autres termes, l’objectif du droit à la santé et l’obligation de bénéficier des soins les plus appropriés ne sont remplis qu’à la condition que des ratios de sécurité et de qualité soient respectés.

Pourtant, en dépit de la littérature et de nombreuses alertes, l’Etat n’a jamais défini de ratios soignants-soignés hors domaines très restreints (dialyse, soins intensifs, néonatologie et réanimation). La sénatrice Catherine Deroche signalait au cours de la commission d’enquête sénatoriale, le 29 mars 2022, qu’aucun véritable suivi du ministère de la Santé n’est effectué en matière de pilotage de la politique hospitalière, sur des questions aussi importantes que les ressources humaines et les capacités d’hospitalisation.

Par ailleurs, comme le souligne le rapport du Sénat, la politique qu’a menée l’Etat en matière de financement hospitalier a «mis les établissements en difficulté». Dès lors, le principal poste de dépenses des hôpitaux, celui des dépenses de personnels, a été soumis à une gestion dégradant les conditions de travail et les investissements n’ont souvent pu être opérés que grâce à l’endettement.

Des effectifs inadéquats, la pénibilité accrue au travail, le manque de soignants, l’absence de ratios de sécurité définis, la fermeture de nombreux services d’urgence et de services d’hospitalisation, partiellement ou complètement, un financement décorrélé des besoins, une construction annuelle du budget des hôpitaux ne tenant pas compte des besoins documentés et des tendanciels avérés, des investissements hospitaliers non financés, l’absence de dialogue avec les élus territoriaux, représentants des usagers, représentants des personnels médicaux ou paramédicaux, signent les défaillances des politiques de santé dont l’Etat est responsable. Le comportement fautif de l’Etat et les préjudices causés à l’hôpital, aux patients et aux soignants sont avérés et perdurent.

C’est pourquoi les associations et collectifs que nous représentons enjoignent, par l’intermédiaire de leurs avocats maîtres Macouillard et Melin, la Première ministre à :

– Mettre sans délai un terme à l’ensemble des carences qui continuent d’engager la responsabilité de l’Etat ;

– Prendre des décisions réglementaires en urgence afin de définir des ratios d’effectif «patients par soignant» suffisants au regard des études internationales en la matière ;

– Renforcer significativement le nombre d’infirmiers et d’aides-soignants et en définissant des seuils critiques ajustés sur les activités des établissements ;

– Mettre en place un mécanisme d’alerte lorsque les seuils critiques susvisés sont atteints.

En l’absence de réponse et de réparations des préjudices causés, les associations et collectifs signataires porteront plainte pour carence fautive contre l’Etat.

Signataires : Marc De Kerdanet Pour Aide aux jeunes diabètiques (AJD), Stéphanie Fugain Pour l’Association Laurette-Fugain, Laure Dorey Pour l’Association maladies, foie, enfants (Amfe), Marie Citrini et Stéphane Dauger Pour le Collectif Inter-Hôpitaux (CIH), Pierre Schwob Pour le Collectif Inter-Urgences, Michèle Leflon Pour la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Maîtres Macouillard et Melin Du cabinet Topaloff.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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