La mission Flash de Mr Braun acte le recul de l’accès aux soins et le démantèlement de l’hôpital public (Collectif inter hôpitaux)

Communiqué de presse du Collectif Inter-Hôpitaux du 4 juillet 2022 La mission Flash de Mr Braun acte le recul de l’accès aux soins et le démantèlement de l’hôpital public

Le CIH a pris connaissance d’un énième rapport sur les urgences dont les difficultés sont connues (sous-effectifs, conditions de travail de plus en plus difficiles, manque de lits d’aval avec disparition de 17500 lits en 5 ans et ce malgré la pandémie). Ce rapport se concentre sur l’amont en proposant un Système d’Accès aux Soins (SAS) dont l’objectif principal est d’éviter que les patients s’adressent aux urgences avec un message culpabilisant et inadapté: seules les urgences « vitales » mériteraient un accès aux services des urgences. Pourtant le recours inapproprié à ces services est mesuré à moins de 10 à 15% des passages.

1- Le triage en amont est une mesure qui gère la pénurie par des pratiques dégradées. Nier l’importance de l’examen clinique traduit la méconnaissance de l’exercice difficile de la médecine d’urgence. Ce triage aboutit déjà à des pertes de chance pour les patients avec des retards diagnostiques qui ont de graves conséquences. Par ailleurs, une régulation par le SAS ne résoudra en rien le manque de lits. L’accès à un lit d’hospitalisation pour les 20% à 40% de patients des urgences qui en ont besoin ne sera pas amélioré et l’attente sur les brancards continuera. Le SAS apparaît donc comme un dispositif qui limite plus qu’il n’améliore la prise en soins des patients. Il est surtout contraire au devoir de l’hôpital public et du service public en général, de permettre un accès aux soins pour tous.

2- La démographie médicale et paramédicale ne permet plus de réorganisation ou d’aménagements même temporaires pour faire face aux crises (7ème vague, canicule) et même aux besoins de santé quotidiens des français. Les services d’urgences comme de régulation manquent déjà de médecins et ne parviennent pas à remplir leur planning. Quant au nombre de médecins généralistes, il est en baisse constante et va continuer à diminuer jusqu’en 2028. Par ailleurs, le « virage ambulatoire » contribue à augmenter le recours aux urgences faute d’accès à des soins médicaux de ville : les moyens ne sont donc adaptés ni aux besoins de l’hôpital, ni de ville. Il paraît aberrant, dans ces conditions, de faire peser la charge du tri des urgences sur la régulation et les médecins généralistes.

3- Le rapport n’émet aucune recommandation pour solliciter activement la participation du secteur privé à la permanence des soins. Pourtant les cliniques privées sont financées par la sécurité sociale et devraient participer largement à l’effort commun en particulier en situation de crise.

4- La crise des urgences ne peut être résolue qu’avec des actions fortes et immédiates. Sans un vrai choc d’attractivité, les soignants continueront à manquer à l’hôpital public, les lits resteront fermés et les patients stagneront dans les services d’urgences qui implosent les uns après les autres. Malgré la participation de Mr Braun à la création d’un référentiel, aucune mesure concernant la mise en place d’un nombre minimum de soignants par patients, que ce soit dans les services d’urgences ou d’hospitalisation ne figure dans le rapport. Sans ouvertures de lits, inutile d’ailleurs de « fluidifier » l’organisation en s’appuyant sur des gestionnaires de lits (bed managers). De plus, le CIH rappelle que l’hôpital n’est pas un hôtel et que l’objectif n’est pas de trouver un lit pour le patient mais une équipe soignante compétente pour prodiguer des soins adaptés à sa pathologie.

Les 41 mesures proposées par cette mission ne répondent pas aux besoins de santé des patients. Elles dessinent une nouvelle organisation des soins dont l’objectif n’est pas de mettre un terme à la pénurie de soignants et de moyens mais bien de gérer une pénurie délibérée, ancienne et connue comme le rappelle le rapport sénatorial « hôpital : sortir des urgences » (n° 587 2021-2022).

In fine, ces propositions complexifient et restreignent l’accès aux soins urgents au risque d’une perte de chance pour les patients et remet en cause un système de soins solidaire, égalitaire et réputé pour sa grande qualité. Nous attendons de vraies réponses de la part d’un ministre fraîchement nommé.
Le CIH, rappelle à Mr Braun que pour que l’hôpital public puisse continuer à assurer ses missions d’accueil et de soins de qualité pour tous les patients, il faut impérativement et en urgence :

  •  Recruter massivement des soignants afin d’établir des ratios soignants / patients (1/6 à 1/8)
  •  Revaloriser les salaires à la hauteur de la moyenne des salaires de l’OCDE
  •  Ré-ouvrir des lits d’hospitalisation1 Analyse du profil des patients se présentant aux urgences du CHU d’Angers pour un motif relevant de la médecine générale, Thèse de médecine, octobre 2019, Marlène Lesouef.

Voir aussi:

https://environnementsantepolitique.fr/2022/07/01/elisabeth-born-retient-les-41-mesures-de-la-mission-flash-du-docteur-francois-braun-aucune-ne-solutionne-la-faillite-de-la-garde-liberale-des-soins-de-proximite-et-le-manque-de-lits-hospitaliers/

https://environnementsantepolitique.fr/2022/06/30/la-fin-du-service-public-hospitalier-ouvert-24h-24/

https://environnementsantepolitique.fr/2022/06/29/la-possibilite-officielle-de-fermer-les-urgences-la-nuit-est-une-facon-de-mettre-sous-le-tapis-le-manque-de-lits/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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