Inégalités devant le cancer: les personnes les plus défavorisées sont particulièrement touchées

Santé : « L’inégalité devant le cancer en France est la déclinaison en cancérologie des fameux déserts médicaux »

TRIBUNE

Steven Le Gouill

président de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie

Le professeur de médecine Steven Le Gouill plaide, dans une tribune au « Monde » en faveur du développement de maisons virtuelles en cancérologie pour mieux lutter contre les inégalités de traitement de cette maladie sur l’ensemble du territoire.

Publié hier à 08h00    Temps de Lecture 2 min. https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/25/sante-l-inegalite-devant-le-cancer-en-france-est-la-declinaison-en-cancerologie-des-fameux-deserts-medicaux_6131982_3232.html

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est formelle : « La façon dont le phénomène des inégalités face au cancer évolue et se modifie au fil du temps (…)concerne tout le monde, mais les personnes les plus défavorisées sont particulièrement touchées. » Cette réalité mondiale, les Français ne l’ignorent pas, puisque « 69 % estiment qu’il existe des inégalités face au cancer et les attribuent majoritairement aux revenus et au lieu de résidence ».

L’inégalité devant le cancer en France est la déclinaison en cancérologie des fameux déserts médicaux, qui touchent 7,4 millions de personnes, soit 11,1 % de la population française. Dans ces territoires concernés, ceux de la diagonale du vide, mais aussi certaines banlieues de grandes agglomérations comme la banlieue parisienne, s’additionnent souvent désert médical, déficit de tous les services publics et retard technologique et numérique.

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La cancérologie pose un défi supplémentaire, car elle est multidisciplinaire et associe de nombreuses spécialités médicales et paramédicales. Elle est également techniquement très complexe (plateaux techniques d’anatomopathologie, de biologie médicale, de génétique ou d’imagerie). Il n’y aura donc jamais un centre d’excellence en cancérologie à quelques kilomètres de chaque Français, ni même dans chaque département.

Limiter les déplacements inutiles par le partage d’informations

Mais nous pouvons dépasser cette complexité grâce à deux leviers rapidement activables : le renforcement des collaborations entre territoires isolés et centres experts ; le déploiement d’outils numériques innovants. Si des réseaux organisationnels existent, comme les cancéropôles, il faut aller plus à proximité des patients et renforcer les collaborations directes entre les territoires et les structures publiques de soins expertes en cancérologie que sont les centres de lutte contre le cancer et les CHU, ainsi que certains centres hospitaliers ayant une expertise suffisante.

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Ensemble, ces centres maillent déjà une grande partie du territoire et ont des expertises souvent très complémentaires. Pour aider les professionnels qui font vivre ces collaborations, mais qui restent encore insuffisamment nombreux, il est indispensable de leur fournir des outils numériques adaptés à une pratique délocalisée complexe. La création de maisons virtuelles en cancérologie répondrait à cette logique. Une maison virtuelle en cancérologie serait chargée d’un territoire sous la responsabilité d’un centre expert en cancérologie, qui piloterait une équipe allouée.

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La maison virtuelle en cancérologie ouvrirait la porte d’entrée à un centre de référence aux patients résidant là où aucune structure de ce type ne verra le jour. Ce système de pilotage, associé à la télémédecine, permettrait d’améliorer la prévention, le dépistage et le suivi médical des patients, rendant d’autant plus efficace et pertinente la venue en présentiel des professionnels de santé quand cela est nécessaire.

Lutter contre l’inégalité devant le progrès

Inversement, cette coordination et le partage d’informations limiteront les déplacements inutiles des patients dans les centres de référence, pour privilégier une approche plus humaine d’hospitalisation à domicile. L’égalité dans la prise en charge de tous les cancers sur tout le territoire national et l’accès rapide à l’innovation thérapeutique sont des questions sociétales prioritaires.

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Pour répondre à ces défis, seul un déploiement massif à une échelle encore jamais vue d’une stratégie holistique et numérique de santé permettra de pallier le déficit des déserts en cancérologie.

Gardons bien en mémoire que ce qui aujourd’hui arrête les avancées médicales, ce n’est ni la limite du cerveau humain, ni la technologie ; c’est l’inégalité devant le progrès. La volonté d’y mettre fin en France est entre nos mains.

Steven Le Gouill(président de l’ensemble hospitalier de l’Institut Curie)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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