L’Ordre des médecins institution de droit privé n’a rien fait contre les déserts médicaux, alors qu’il a pourtant une connaissance exacte de la démographie médicale.

DÉBATS

Déserts médicaux : « J’accuse l’ordre des médecins ! »

TRIBUNE

Michel Debout – professeur émérite de médecine légale et droit de la santé

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/06/09/deserts-medicaux-j-accuse-l-ordre-des-medecins_6129537_3232.html

Face à l’avancée des déserts médicaux, Michel Debout, professeur émérite de médecine légale et de droit de la santé, s’indigne dans une tribune au « Monde » du fait que l’ordre des médecins n’ait rien fait pour alerter les pouvoirs publics. Cette institution de droit privé a pourtant une connaissance exacte de la démographie médicale.

Le 09 juin 2022 à 12h00.Lecture 2 min.

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La santé des Français est la première victime de l’installation, partout sur le territoire national, zones rurales et urbaines comprises, des déserts médicaux. Alors que l’on s’interroge sur les responsabilités des ministres de la santé successifs, de droite et de gauche, depuis 1971, date de l’instauration du numerus clausus limitant drastiquement, chaque année, le nombre d’étudiants en médecine (donc celui des médecins en exercice dans le futur !), le rôle négatif de l’ordre des médecins n’est jamais évoqué : il est, pour moi, essentiel.

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Cette institution de droit privé, chargée d’une mission de service publique, devait être supprimée après l’élection de François Mitterrand, selon la 85e proposition du programme qu’il avait présenté aux Français, mais rien n’en a été. Il a été maintenu, avec quelques modifications devant rendre son organisation plus démocratique et plus proche des praticiens.

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Le premier rôle de l’ordre est d’être le gardien de la déontologie médicale qui dispose dans le 1erarticle de son code : « Le médecin exerce sa mission dans l’intérêt de ses patients et de la santé publique. » Comment ne pas admettre que le premier intérêt de la santé publique est que notre pays dispose d’un nombre suffisant de médecins, dans chaque spécialité d’exercice, et répartis équitablement sur le territoire national ?

Une absence de décision coupable

Bien plus, lorsque l’on se rend sur le site officiel de l’ordre, on peut lire, dans la rubrique démographie médicale, l’affirmation suivante : « L’ordre des médecins dispose d’une expertise unique pour analyser la démographie médicale française grâce aux données des tableaux de l’ordre. » S’il est un organisme qui avait une connaissance précise, depuis des décennies, sur ce qui allait advenir en termes de démographie médicale, département par département, avec les données expertes sur les modes et le type d’exercice (influence de la féminisation de la profession), de l’âge de départ à la retraite, des spécialités en tension, c’est bien l’ordre !

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Il avait le devoir impérieux, et depuis ces vingt dernières années au moins, d’alerter les pouvoirs publics et la population française de la situation catastrophique de la démographie médicale, et il n’a rien fait ! On n’a, en tout cas, pas entendu les présidents de l’ordre national qui se sont succédé avertir solennellement le pays sur ce qui se passait.

La dernière fois que l’on a entendu parler de cet organisme dans les médias non spécialisés, c’est en décembre 2019, à propos du rapport de la Cour des comptes qui relevait les graves anomalies de gestion, avec de possibles mises en cause de membres du conseil, et on attend toujours la décision du parquet à propos d’éventuels délits financiers.

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II y a beaucoup de raisons, la première étant sa lutte obstinée contre le droit des femmes à recourir à l’IVG, qui m’ont amené en 1974, avec le docteur Daniel Balvet, puis de très nombreux confrères, à refuser de payer notre cotisation obligatoire à cet organisme, puis à demander sa dissolution. Depuis, il y a une raison supplémentaire, mais peut-être la plus grave pour la santé de nos concitoyens : le silence assourdissant de l’ordre à propos des déserts médicaux !

Michel Debout (professeur émérite de médecine légale et droit de la santé)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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