Pénurie de sages-femmes dans les maternités : «Sans sursaut, on court à la catastrophe»
Pour Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, la maternité de Nevers qui se bat pour sa survie n’est que l’arbre qui cache la forêt. Sans plan massif pour recruter, la santé des femmes et des bébés est en danger.

Par Florence Méréo
Le 1 mai 2022 à 07h07
Déjà, en juillet 2021, le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes qu’elle préside avait lancé l’alerte : trop de maternités, en France, rencontraient « d’immenses » difficultés à recruter des sages-femmes, mettant en danger la sécurité des patientes. Pour Isabelle Derrendinger, le cas emblématique de celle de Nevers, dans la Nièvre, qui a dû fermer ses portes une semaine au mois d’avril à cause d’une pénurie de personnel, doit servir d’électrochoc.
La situation qui reste tendue à la maternité de Nevers vous inquiète-t-elle ?
ISABELLE DERRENDINGER. Bien sûr, car le problème de fond — la pénurie de sages-femmes — reste entier. Le « cas » de Nevers est loin d’être unique. Il est, au contraire, le miroir d’une situation qui s’installe dans de très nombreux endroits du territoire. Cette semaine encore, un collègue d’une maternité des Côtes-d’Armor me disait que 20 % de l’effectif manquait. D’autres doivent parfois fermer vingt-quatre ou quarante-huit heures, faute de sages-femmes en nombre suffisant. Si l’on continue ainsi, on se dirige vers une situation dramatique dans beaucoup d’établissements, avec un risque réel pour la périnatalité (la grossesse et les premiers jours après la naissance) et la santé des femmes.

Quel risque ?
Une réduction drastique du temps disponible auprès des femmes et de leurs bébés, un accompagnement qui ne peut plus être optimal, des projets de naissance qui ne peuvent être établis. C’est une violence faite aux femmes et aux nouveau-nés alors même que le mouvement #MonPostPartum a montré l’importance de l’accompagnement.

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Pourquoi est-ce si compliqué de recruter des sages-femmes en maternité ?
Parce qu’elles sont invisibilisées depuis des décennies ! Parce qu’elles exercent un métier difficile, assurent des gardes de douze heures, nuits comprises, pour 1 700 euros par mois. Il faut revoir leur statut, leur salaire, leur donner la reconnaissance qu’elles méritent. Quarante pour cent des jeunes diplômées se tournent vers le libéral, contre 5 % à 10 % auparavant. Sans sursaut, on court à la catastrophe. En 40 ans, nous sommes passés de 1 400 à 460 maternités. Jusqu’où allons-nous aller ? C’est pour cela que nous appelons à des états généraux et à une mobilisation citoyenne sans précédent. Il faut aller voir les candidats aux élections législatives, leur dire : « Réveillez-vous, maintenant, avant qu’il ne soit trop tard. »
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