Industrie pharmaceutique: pour les relocalisations il faut créer « un  établissement français du médicament »

« Il serait paradoxal de donner à l’industrie pharmaceutique la maîtrise d’œuvre de la relocalisation alors qu’elle a été responsable de délocalisations délétères »

TRIBUNE

Collectif

Face aux pénuries de médicaments essentiels, quatre professeurs de médecine préconisent, dans une tribune au « Monde », la création d’un établissement public à but non lucratif pour coordonner la relocalisation de la production dans le cadre de partenariats public-privé.

Publié le 16 avril 2022 à 01h14 – Mis à jour le 16 avril 2022 à 05h48   Temps de Lecture 3 min. 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/04/16/il-serait-paradoxal-de-donner-a-l-industrie-pharmaceutique-la-maitrise-d-uvre-de-la-relocalisation-alors-qu-elle-a-ete-responsable-de-delocalisations-deleteres_6122403_3232.html

Tribune. On observe, depuis plusieurs années, un nombre croissant de ruptures de production et de pénuries de médicaments essentiels. Ces produits pour lesquels il n’y a pas d’alternative de substitution possible sont dénommés « médicaments d’intérêt thérapeutique majeur » (MITM). Leur production avait été transférée à l’étranger, le plus souvent en Extrême-Orient, ce qui incite maintenant à une relocalisation hexagonale permettant de pallier ces problèmes. C’est dans ce cadre que le ministère de l’économie et des finances a annoncé, mi-février, le financement de seize projets présentés par des industriels nationaux

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Parmi ces projets, celui de Servier, qu’il était prévu de subventionner à hauteur de 800 000 euros, concernait la production de cinq médicaments ne répondant pourtant pas aux critères de MITM (plusieurs de ces produits étaient inefficaces, et même dangereux). La très mauvaise réputation de Servier – liée au scandale du Mediator, mais aussi à une condamnation à 228 millions d’euros d’amende par la justice européenne pour obstruction à l’arrivée sur le marché des génériques d’un de ses produits et à l’absence depuis des années de production de toute innovation thérapeutique intéressante a été responsable d’une rapide levée de boucliers.

Si, heureusement, le gouvernement a finalement décidé d’annuler cette subvention de 800 000 euros, la ministre déléguée chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, a semblé regretter la chose en précisant que le projet d’investissement présenté par Servier « répondait bien au cahier des charges de l’appel à projets “Relocalisation”. »

Il convient donc de se poser la question du bien-fondé de ce cahier des charges, et plus globalement de ce qui devrait être relocalisé et de la méthode à employer.

Désintérêt industriel

Que relocaliser ?

Lorsque le gouvernement dit qu’il convient que la France retrouve sa « souveraineté pharmaceutique », il semble envisager la production locale à la fois d’innovations thérapeutiques récentes et de médicaments anciens passés dans le domaine public. Or, les médicaments récents sont la propriété de laboratoires pharmaceutiques, le plus souvent étrangers, avec une licence toujours valide, et leur lieu de production dépend du bon vouloir de leur détenteur. Il faut en outre noter que ces innovations thérapeutiques, parce qu’en règle générale très lucratives, ne sont pas l’objet de pénuries.

Lire la tribune :  « La situation internationale nous impose de poser les bases d’une production française de médicaments »*

En revanche, les médicaments anciens, qui sont « génériquables », présentent une marge bénéficiaire moins élevée, ce qui explique que l’industrie pharmaceutique s’en désintéresse et délocalise la production des principes actifs à l’étranger et sous-traite la production du produit fini par des structures de façonnage indépendantes. Ce sont ces médicaments anciens, représentant encore l’essentiel de l’éventail thérapeutique, qui, du fait d’une production complexe et désordonnée, sont l’objet de ruptures d’approvisionnement. La production se faisant dans une économie à flux tendu, la moindre rupture d’approvisionnement a pour conséquence une pénurie dont pâtissent les malades. Au bout de mois de pénurie, ces médicaments ne réapparaissent souvent qu’après une envolée de leurs prix. Ce sont ces médicaments, anciens mais indispensables (anticancéreux, antibiotiques, corticoïdes, vaccins…), dont on peut et doit relocaliser la production.

Coordonner la production

Comment et avec qui relocaliser ?

Il est possible d’utiliser le savoir-faire déjà présent sur le territoire national. Il y a sur place des laboratoires de « chimie fine » qui ont toutes les compétences pour produire des principes actifs, ce qu’ils faisaient avant les délocalisations, il y a une quinzaine d’années. Il y a également de nombreux façonniers qui travaillent déjà comme sous-traitants des laboratoires pharmaceutiques. En revanche, il serait paradoxal de donner à l’industrie pharmaceutique la maîtrise d’œuvre de la relocalisation, alors qu’elle a été responsable de ces délocalisations délétères uniquement pour des raisons de profitabilité et qu’elle pourrait en saisir l’occasion pour de nouvelles augmentations indues des prix.

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La responsabilité pourrait en revenir à un « établissement français du médicament ». Cet établissement public utiliserait les compétences de chimie et de façonnage locales dans le cadre d’un partenariat public-privé. Aux Etats-Unis, devant la multiplication des pénuries associées à une dérive des prix, plusieurs centaines d’établissements de santé, ne faisant aucune confiance à l’industrie pharmaceutique, jugée responsables de cette situation, ont créé, en 2018, un établissement de ce type, Civica. Cette structure coordonne la production de médicaments génériques qui sont mis sur le marché à prix coûtant pour les établissements de santé qui la financent. Des établissements de ce type, à but non lucratif, devraient voir le jour dans plusieurs pays d’Europe, suivant un modèle que la France pourrait mettre en place rapidement.

Alain Astier, professeur honoraire de pharmacologie de l’hôpital Henri-Mondor (Créteil), membre de l’Académie nationale de pharmacie ; François Chast, président honoraire de l’Académie nationale de pharmacie ; André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie à la Pitié-Salpêtrière et auteur du « Manifeste pour la santé 2022 » (Odile Jacob, 2021) ; Jean-Paul Vernant, professeur émérite d’hématologie à la Pitié-Salpêtrière et vice-président de la Ligue contre le cancer

Collectif

*« La situation internationale nous impose de poser les bases d’une production française de médicaments »

TRIBUNE

Pauline Londeix – Cofondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament

Jérôme Martin – Cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament

Les incertitudes liées à la guerre en Ukraine incitent à agir en faveur d’une relocalisation de la fabrication des médicaments essentiels, plaident Pauline Londeix et Jérôme Martin, cofondateurs de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, dans une tribune au « Monde ».

Publié le 04 mars 2022 à 06h00    Temps de Lecture 3 min. https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/03/04/la-situation-internationale-nous-impose-de-poser-les-bases-d-une-production-francaise-de-medicaments_6116077_3232.html

Tribune. La France et l’ensemble de la planète dépendent, pour la production de matière première pharmaceutique, de principes actifs produits en Asie du Sud et de l’Est. Les incertitudes liées à la situation internationale nous imposent de soulever de nouveau la question vitale de la production pharmaceutique en Europe. Il est urgent et indispensable de poser enfin les bases d’une production française et européenne, au moins en partie publique, à travers un outil industriel qui permette une diversification des sources d’approvisionnement et une meilleure réactivité lors des crises mondiales.

Au printemps 2020, les hôpitaux français et européens, saturés par la première vague de l’épidémie de Covid-19, connaissaient de fortes tensions en approvisionnement de médicaments essentiels à la réanimation. Les standards de soins et de prise en charge de la fin de vie avaient alors été affectés. Cette situation dramatique a rendu visible la question centrale de la dépendance de la France.

Car si les étapes de « façonnage » et de conditionnement sont parfois menées en Europe, 80 % de la matière première pharmaceutique mondiale est produite en Chine et en Inde. Ces deux pays produisent une grande partie des principes actifs, ou API (active pharmaceutical ingredient), la première étape de fabrication capitale d’un médicament issue de la chimie de synthèse. Cette étape, très contraignante car très polluante, est menée dans des parcs de production spécifiques, dans des conditions qui soulèvent des enjeux éthiques. Exemple édifiant, le pharmacologue Andrew Hill, de l’université de Liverpool, avait indiqué fin mars 2020 que pour le midazolam, un puissant hypnotique utilisé dans les services de réanimation, il n’existait à travers le monde que huit producteurs de principes actifs, tous situés en Inde.

Pour une production en partie publique

La « relocalisation » privée ou publique d’une partie de la production pharmaceutique en Europe et notamment en France a été un temps évoquée dans les médias et par les décideurs politiques. Une production, au moins en partie publique, permettrait déjà de répondre aux pénuries structurelles toujours plus importantes. En 2016, 405 tensions ou ruptures d’approvisionnement sur des médicaments essentiels étaient signalées à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France. Ce nombre passait à 871 en 2018, 1 504 en 2019, 2 446 en 2020. Pour cette dernière année, 37 % de ces tensions ou pénuries étaient causées par un problème d’approvisionnement en principes actifs. On mesure à ces chiffres la nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement et de relancer en Europe une production locale d’API.

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Une production publique garantirait par ailleurs une meilleure continuité dans la chaîne d’approvisionnement, dans le cas où un événement imprévu la déstabiliserait. Cela peut être une impureté sur un site de fabrication, qui avait par exemple causé la longue pénurie d’un traitement contre la tuberculose en 2019 et 2020.

D’autres types de facteurs déclenchants existent, comme l’arrêt de toute activité industrielle en Chine à l’hiver 2020, ou la fermeture des frontières aux exportations en Inde au printemps 2020. Cela pourrait aussi être la participation d’un de ces pays à un conflit, des arrêts d’exportation en guise de mesures de rétorsion : autant d’événements qu’il est possible d’envisager en cas d’extension du conflit ukrainien. Que se passerait-il alors pour la disponibilité de médicaments essentiels 

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Le contexte mondial nous oblige à accélérer la réflexion et les actions concrètes sur ce sujet. Il est par ailleurs indispensable que l’exécutif ne s’appuie pas uniquement sur les recommandations des cabinets d’audit et de conseil privés, ni sur les décisions prises par les multinationales pharmaceutiques, qui s’approvisionnent dans les mêmes pays et qui n’auraient pas d’alternative en cas d’escalade des tensions géopolitiques.

Pauline Londeix et Jérôme Martin ont cofondé l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), qui a publié, en mars 2022, un rapport sur la relocalisation de la production pharmaceutique en Europe.

Pauline Londeix (Cofondatrice de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament) et  Jérôme Martin (Cofondateur de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament)

**Vaccins et médicaments : la longue marche vers des « communs de la santé »

Par Claire Legros

Publié le 29 juillet 2020 à 07h00 – Mis à jour le 30 juillet 2020 à 07h26 https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/29/vaccins-et-medicaments-la-longue-marche-vers-des-communs-de-la-sante_6047565_3451060.html

ENQUÊTE

La pandémie due au coronavirus a relancé le débat : comment assurer un accès équitable à ces « biens publics mondiaux » dans un système économique où la santé est un bien marchand comme les autres ?

« Le retour des communs » (3/6). C’est devenu la quête d’un nouveau Graal. Face à l’ampleur de la pandémie et au risque d’une deuxième vague de Covid-19, la recherche d’un vaccin contre le coronavirus s’affiche comme un objectif majeur pour les responsables politiques du monde entier. Dans cette course contre la montre, quelque 140 essais cliniques auraient été lancés. Mais qui pourra bénéficier du vaccin en cas de découverte ? Sera-t-il réservé aux seuls pays riches, capables de débloquer rapidement les investissements nécessaires pour le financer ? Ou bien pourra-t-il être diffusé largement, mais dans quelles conditions ?

Dès la fin du mois d’avril, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé ACT Accelerator (ACTA), un partenariat d’acteurs privés, publics et humanitaires destiné à accélérer le développement et « la distribution équitable » des vaccins, des tests-diagnostics et des thérapies contre le Covid-19. « Les données doivent être partagées (…) et la politique mise de côté », a insisté le secrétaire général des Nations unies, António Guterres.

Bien public mondial

De nombreuses voix réclament en effet un large accès au vaccin. Le 4 mai, Emmanuel Macron a été l’un des premiers chefs d’Etat à utiliser la formule de « bien public mondial » à son sujet : le vaccin « n’appartiendra à personne, mais il nous appartiendra à tous ». L’expression a été reprise le 18 mai, lors de l’Assemblée générale de l’OMS, par le président chinois Xi Jinping. Le 19 mai, l’Union européenne a réclamé « l’accès universel, rapide et équitable de tous les produits nécessaires à la riposte contre la pandémie » en soulignant l’utilité d’une « vaccination à grande échelle contre le Covid-19, en tant que bien public mondial ».

Les actes, cependant, peinent à se conformer aux discours, et marquent une nouvelle étape de la crise des institutions multilatérales. Depuis le mois de mars, les Etats qui le peuvent se précipitent pour garantir à leur pays, moyennant finances, une priorité d’accès au vaccin. Donald Trump a ouvert le ban en tentant de faire signer une clause d’exclusivité à un laboratoire allemand. Un mois plus tard, le patron du groupe pharmaceutique Sanofi annonce vouloir réserver les premiers bénéfices d’un vaccin aux Etats-Unis et à la Chine, qui en ont financé les recherches, avant de faire machine arrière. En juin, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie sécurisent 400 millions de doses auprès du laboratoire AstraZeneca.

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Dans une tribune publiée le 27 juin dans le Journal du Dimanche, les responsables d’organisations humanitaires dénoncent ce « nationalisme vaccinal » et jugent contre-productive la compétition qui règne aujourd’hui entre les Etats. « Dans les faits, les pays ont déconstruit la logique commune, transformant ACTA en une initiative qui va gérer plutôt les miettes, car elle sera servie après les autres », regrette Nathalie Ernoult, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et responsable de la campagne d’accès aux médicaments essentiels de Médecins sans frontières (MSF).

Déclaration de principe

D’où vient la notion de « bien public mondial » ? L’expression apparaît à partir des années 1980 et désigne des biens comme la qualité de l’environnement, la paix, l’éducation, la sécurité ou la protection contre les grandes endémies. Alors que les objectifs du millénaire pour le développement sont adoptés à New York, en 2000, par 193 Etats membres de l’ONU et de nombreuses organisations internationales, émerge la prise de conscience que « ni les marchés ni les gouvernements » ne peuvent, s’ils sont « livrés à eux-mêmes », garantir l’accès à ces biens essentiels, selon les mots du secrétaire général des Nations unies de l’époque, Kofi Annan.

« La notion de bien public mondial a laissé croire qu’il serait possible de s’orienter vers un monde plus juste garantissant l’accès aux biens essentiels pour les plus démunis, note Benjamin Coriat, professeur d’économie à l’université Paris-XIII, qui a dirigé l’ouvrage collectif Le Retour des communs, la crise de l’idéologie propriétaire (Les Liens qui Libèrent, 2015). Mais elle est restée au stade de déclaration de principe, sans qu’aucune mesure juridique garantisse un droit d’accès aux plus pauvres. On s’est bien gardé de définir précisément quels biens publics mondiaux devaient échapper aux accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et au monde des marchandises. »

Car, dans le même temps, se livre une bataille acharnée autour des médicaments et des vaccins. Pour avoir le droit d’intégrer la toute nouvelle OMC, chaque Etat doit ratifier les accords sur les droits de propriété intellectuelle, qui encadrent par des brevets la fabrication et la commercialisation des produits pharmaceutiques : ils garantissent aux laboratoires privés l’absence de concurrence de génériques pendant vingt ans. La France souscrit à ce principe du brevet sur les produits de santé dès 1960, l’Allemagne en 1968. Les pays émergents comme l’Inde et le Brésil affirment dans un premier temps que ce sont des « biens publics » librement copiables avant d’être contraints à ratifier finalement les accords sur la propriété intellectuelle – en 1996 pour l’un, en 2005 pour l’autre.

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S’engage alors une autre bataille, où ces deux Etats, associés à l’Afrique du Sud, à des organisations humanitaires et à des associations de patients, essaient de s’engouffrer dans les failles du système. Ils invoquent notamment un article des accords sur la propriété intellectuelle qui autorise les Etats à délivrer une « licence obligatoire » pour la production de médicaments génériques pour des raisons de santé publique. Cette exception permet certes une plus large diffusion des médicaments contre le sida, mais elle est longue et complexe à mettre en œuvre.

Equation impossible

Pendant les années 2000, qui voient la mondialisation redistribuer les pouvoirs entre les gouvernements et les entreprises, la société civile s’organise face à l’impuissance des instances onusiennes. Des alliances se nouent entre le public, le privé et les organisations internationales. Il s’agit d’inventer de nouveaux mécanismes pour tenter de résoudre une équation impossible : assurer un accès équitable aux vaccins et aux médicaments, considérés comme des biens publics, dans un système économique où la santé est un bien marchand comme les autres. Les industriels du médicament soulignent en effet l’importance des droits de propriété intellectuelle, puissant incitatif selon eux au progrès médical.

Médecins sans frontières, lauréat du prix Nobel de la paix en 1999, finance, grâce à cette récompense, une campagne pour l’accès aux médicaments essentiels. Créé en 2000, Gavi, un partenariat public-privé qui rassemble notamment l’Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale, des représentants de l’industrie pharmaceutique et la Fondation Bill et Melinda Gates, se donne pour objectif d’accélérer l’accès à la vaccination dans les pays en développement.

A ce jour, l’un des dispositifs les plus innovants de ce mouvement est sans doute la fondation Drugs for Neglected Diseases Initiative (Initiative médicaments pour les maladies négligées). Lancée en Europe et dans des pays du Sud, par Médecins sans frontières, l’Institut Pasteur et quatre instituts de recherche de pays en zone tropicale, la fondation propose depuis 2003 aux laboratoires pharmaceutiques des partenariats qui reposent sur un principe collaboratif et ouvert : les médicaments ne sont pas protégés par des brevets et ils sont accessibles à prix coûtant dans le cadre des programmes de santé publique. En échange, les entreprises pharmaceutiques bénéficient de la connaissance accumulée autour de la molécule pour d’autres usages, et gardent le droit de la distribuer dans les circuits privés.

Dynamique de communs

Depuis la création de la fondation, huit nouveaux médicaments ont été développés contre des maladies graves et fréquentes qui touchent principalement les pays du Sud – dont la première combinaison à dose fixe contre le paludisme, fruit d’une coopération avec l’industriel Sanofi, et un nouveau remède à la maladie du sommeil. Pour l’économiste Benjamin Coriat, « on est là dans une réelle dynamique de communs, où des entités différentes, qu’elles soient publiques ou privées, trouvent un accord pour que le produit soit partagé et qu’un droit d’accès soit garanti pour tous, notamment les plus démunis ».

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Un tel dispositif, qui offre de nouvelles formes d’incitation à la recherche en sortant d’une opposition binaire pour ou contre le brevet, pourrait-il être mis en œuvre pour le vaccin contre le Covid-19 ? En théorie, rien ne l’empêche. « Ne pas le faire relève même du gâchis, estime l’économiste Izabela Jelovac, directrice de recherche CNRS. Aujourd’hui, l’apport d’argent public garantit au pays financeur le droit d’être servi avant les autres et au laboratoire l’absence de concurrence. Mais les Etats pourraient faire pression pour négocier d’autres conditions à la subvention, notamment le fait que le produit soit accessible à tous. Un tel mécanisme pourrait concerner les futurs médicaments contre le Covid-19, dont les essais sont, eux aussi, largement financés par de l’argent public. » A condition, bien sûr, que les Etats réussissent à parler d’une seule voix et qu’ils renoncent à leur course au plus offrant

Claire Legros

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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