DIFFUSÉ LE 19/04/2022 France Culture
Présidentielle : les programmes économiques à la loupe. Avec Patrick Artus
À cinq jours du second tour de l’élection présidentielle, nous nous intéressons ce matin aux programmes économiques de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron.

Quelles sont les principales différences et les similitudes entre les programmes des deux candidats ?
Marine Le Pen peut-elle revendiquer une fibre sociale ? Et Emmanuel Macron intégrer à un programme très libéral des idées venues de la gauche ?
Avec Patrick Artus, conseiller économique à la banque Natixis
A la différence d’il y a cinq ans, où il y avait une ligne philosophique, idéologique assez forte, là c’est quand même extrêmement dispersé. Chez Macron on a quand même un virage qui est très clair vers un Etat beaucoup plus protecteur par rapport à sa philosophie d’il y a cinq ans. Et chez Le Pen c’est fermé, c’est à dire qu’on se referme dans ses frontières : préférence nationale pour les biens, pour les prestations sociales, douaniers aux frontières, etc.
Donc c’est la fermeture chez Le Pen et le mouvement vers l’Etat protecteur chez Macron.
Tout cela dans un contexte économique international plus incertain, notamment en raison de la Pandémie de Covid. « On est revenus dans un environnement qui est redevenu celui des années 1980-1990. Et finalement la parenthèse sans inflation a été assez courte : c’est une dizaine d’années finalement où les banques centrales ont pu faire plein d’autres choses que de contrôler les prix. Et là on revient à la normale finalement. C’est à dire qu’il y a des raretés, et comme il y a les raretés les prix augmentent« , précise Patrick Artus.
Qu’y a-t-il dans le programme d’Emmanuel Macron qui ferait face aux menaces économiques ?
« Il y a la prolongation de ce qui a été fait dans la quinquennat. C’est à dire les plans industriels ciblés qui ont différents noms : plan de relance, France 2030. En gros c’est la prolongation de ce programme, avec un focus aussi sur la transition. Donc c’est relativement conventionnel, de mélanger de l’argent public et de l’argent privé pour alléger ces investissements. Il y a le nucléaire qui est dans les deux programmes.«
Est-ce qu’on peut dire que c’est un programme libéral ?
« Il reste des petits bouts libéraux. Sur la réforme de l’assurance-chômage, par exemple on continue à baisser les impôts de production. Le reste chez Macron est quand même extraordinairement protecteur : l’hôpital, la médecine de ville, les déserts médicaux, etc. »
Est-ce que le programme économique de Marine Le Pen est différent de celui que proposait le Rassemblement National aux précédentes échéances.
« Le programme est moins radicalement anti-européen. On ne parle plus de sortie de l’euro. Sur l’Europe, on est dedans mais on la réforme de l’intérieur. Ca a l’air de vouloir dire toutes sortes de choses qui sont strictement incompatibles avec les traités européens. Tout ça est saupoudré d’un certain nombre de mesures extrêmement bizarres, qu’on ne comprend pas, même dans la logique de Marine Le Pen.«
Trouvez-vous une unité dans ses différentes mesures ?
Sur la cohérence du programme de Marine Le Pen, Patrick Artus observe une unité sur le fait que « C’est des mesures qui ne sont pas défendables par une très très grande majorité des économistes. Par exemple l’exonération d’impôts sur les revenus pour les moins de trente ans n’a aucune chance de passer devant un Conseil Constitutionnel. Les gens doivent payer l’impôt de façon égale en fonction de leurs moyens.«
Sur les orientations du programme de Marine Le Pen en matière d’énergies, il considère que « Pour l’arrêt des renouvelables, il faut expliquer ce qu’on fait à la place. Le nucléaire dans une dose suffisante, à conditions de faire des efforts incroyables, on en aura dans trente ans. D’ici là, est-ce qu’on fait du charbon ?«
Sans oublier les questions du positionnement français dans le marché mondiale : « Evidemment après, il y a la question du libre-échange. C’est un peu alambiqué dans le programme. On voit bien qu’il y a une reconstitution de quelque chose qui ressemble à des douanes. Il y a des frontières et peut-être des droits de douane.«