La pagaille dans le choix des postes dans nos hôpitaux pour les médecins étrangers

Médecins à diplôme étranger : une nouvelle procédure d’affectation qui vire au casse-tête

Les lauréats des épreuves de vérification des connaissances n’ont pas été affectés cette année à cause des dysfonctionnements du système. Des hôpitaux, où la situation est déjà tendue, craignent de perdre des praticiens. 

Par Publié hier à 11h45 

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https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/04/13/medecins-a-diplome-etranger-une-nouvelle-procedure-d-affectation-qui-vire-au-casse-tete_6121974_3224.html

Leïla Boutaghou, 39 ans, gynécologue obstétricienne algérienne et stagiaire associée au centre hospitalier de Soissons (Aisne) vérifie le matériel avant une intervention au bloc opératoire, le 5 avril 2022
Leïla Boutaghou, 39 ans, gynécologue obstétricienne algérienne et stagiaire associée au centre hospitalier de Soissons (Aisne) vérifie le matériel avant une intervention au bloc opératoire, le 5 avril 2022  DELPHINE BLAST POUR « LE MONDE »

Ils représentent un pan peu connu de l’hôpital, pourtant indispensable à son fonctionnement. Les médecins étrangers, plus précisément les titulaires d’un diplôme hors Union européenne, qui exercent dans de nombreux services sous différents statuts, se retrouvent cette année face à un bug d’ampleur, qui fait craindre une déstabilisation des établissements, déjà fragilisés par deux années de crise sanitaire. En cause, la réforme de l’une des principales procédures d’autorisation d’exercice nécessaires pour exercer en France.

Ces professionnels, souvent diplômés au Maghreb et en Afrique, ont été près de 2 000 (1 716 en liste principale, 261 en liste complémentaire), sur les 4 800 candidats, à réussir les épreuves de vérification des connaissances (EVC). Mais ces lauréats ont vu leur situation « gelée ». Leur affectation dans les hôpitaux, qui devait avoir lieu à partir de février dans la foulée de la publication des résultats, a été stoppée net.

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Pour la première fois, les lauréats étaient appelés à choisir dans une liste de postes, dans l’ordre de leur rang de classement. Celle-ci avait été établie par le ministère de la santé, en fonction des remontées des agences régionales de santé (ARS), après recueil des besoins des établissements – auparavant, le recrutement se faisait de « gré à gré » entre lauréats et hôpitaux. Mais la machine s’est grippée. Des postes de la liste n’existaient plus, ont découvert des lauréats après avoir contacté l’hôpital ; des services qui n’ont pas obtenu les postes souhaités ont compris qu’ils allaient perdre les lauréats exerçant déjà chez eux…

« Mépris pour ces professionnels »

Des premiers intéressés jusqu’aux chefs des services voulant recruter, la bronca a été générale face au « gros cafouillage ». Cette réforme, introduite par la loi du 24 juillet 2019, visait pourtant à sécuriser le statut des médecins étrangers et à leur apporter des garanties de trouver un service pour leurs deux années obligatoires de « parcours de consolidation des compétences », avec l’assurance d’un accompagnement par un médecin « senior ».

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Dans l’urgence, le calendrier a été revu par le ministère. La procédure d’affectation aura finalement lieu entre le 23 mai et le 8 juillet. Il a surtout été demandé aux établissements de faire, à nouveau, remonter leurs besoins d’ici à la fin avril, afin de publier une liste réactualisée avec des postes supplémentaires. Dernier aménagement : priorité sera donnée, avant ceux ayant obtenu un bon classement, aux professionnels déjà en poste dans un hôpital et qui souhaiteraient y rester.

Au ministère de la santé, on assure que, désormais, les risques de déstabilisation des hôpitaux en raison de départs de médecins étrangers ont été, et seront, évités

La tension n’est pas totalement retombée pour autant. « Personne n’y comprend plus rien », déplore Mathias Wargon, chef du service des urgences de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), qui espère obtenir, en plus des postes d’urgentistes demandés, trois postes de généralistes pour ses médecins qui pourraient sinon devoir quitter son service. Il ne décolère pas contre les difficultés prévisibles d’un nouveau fonctionnement qui ne lui convient pas, et sur lequel il a alerté. « Cela montre le mépris pour ces professionnels qui sont là pour boucher les trous d’une liste, et qu’on ne traite pas comme des médecins à part entière, mais comme des internes, juge-t-il. Nous non plus, on ne nous considère pas capables de recruter nos médecins. »

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Au ministère de la santé, on assure que, désormais, les risques de déstabilisation des hôpitaux en raison de départs de médecins étrangers ont été, et seront, évités. Pour la suite, « nous tirerons un bilan d’étape, collectif », dit-on Avenue de Ségur, tout en défendant l’intérêt de ce nouveau fonctionnement, grâce auquel les lauréats n’ont pas à faire la tournée des établissements pour trouver un poste.

« C’est le chaos »

« On redevient optimiste, mais on espère que nos demandes seront bien suivies d’une ouverture de poste », explique David Piney, vice-président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement des centres hospitaliers. Car la liste initiale interroge toujours : « Dans le Grand-Est, l’ARS a fait remonter 500 postes, pour que 190 seulement soient finalement publiésLa répartition et les priorités restent opaques. »

« Le problème, c’est aussi que le recensement des postes a eu lieu en mai, entre-temps, nos besoins ont évolué », pointe le directeur de l’hôpital de Beauvais, Eric Guyader, qui avait demandé 19 postes (pour 13 publiés). Dans le service de pneumologie, qui souffrait du manque de médecins, et devait recourir à l’intérim, le poste publié n’était plus suffisant. L’hôpital avait en effet réussi entre-temps à recruter, outre le médecin à diplôme étranger déjà présent auquel le poste était destiné, un second médecin qui a décroché le concours des EVC. Pas question de le perdre.

Les principaux intéressés restent insatisfaits. « Il n’y a pas de solution pour contenter tout le monde, c’est le chaos et la liste va encore changer, s’inquiète Nefissa Lakhdara, secrétaire générale du Syndicat national des praticiens à diplôme hors UE. Maintenant, ce sont les mieux classés qui peuvent se retrouver pénalisés. » Le syndicat défend, pour cette année, le retour à une procédure de recrutement de « gré à gré », la seule à même d’être encore « équitable ».

Les lauréats sur liste complémentaire restent aussi dans un « désarroi total », selon les mots du pédiatre Mehdi Bouabid, qui en fait partie. « Avec la crise sanitaire, les déserts médicaux, comment se permet-on de snober 261 spécialistes à qui l’on a pourtant dit qu’ils avaient le niveau ?, interroge cet homme originaire d’Algérie exerçant à l’hôpital de Creil (Oise) sous le statut de « faisant fonction d’interne ». Je cravache depuis un an, entre mes gardes, mes enfants, la préparation du concours, pour me retrouver dans cette totale incertitude… »

7% des médecins inscrits à l’Ordre ont un diplôme extra-européen

Ces cinq dernières années, le nombre de postes ouverts aux praticiens à diplômes extra-européen autorisés à exercer via la procédure des Epreuves de vérification des connaissances (EVC) a fortement augmenté. Selon le Conseil national de l’ordre des médecins : de 446 postes en 2016, on est passé à 866 en 2019, avant d’atteindre 1 981 en 2021.

En 2022, les médecins titulaires d’un diplôme d’une faculté extra-européenne qui ont obtenu la « plénitude » de l’exercice de la médecine représentent 7 % des médecins nouvellement inscrits à l’Ordre (contre 6 % de titulaires d’un diplôme de l’Union européenne et 87 % ayant un diplôme français). Ils sont 13 987 professionnels, exerçant en majorité à l’hôpital. Leur proportion a triplé sur les quinze dernières années.

Camille Stromboni

Praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) : le gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux ! (Communiqué)

14/04/2022

Émis par : Jeunes médecins

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https://toute-la.veille-acteurs-sante.fr/191820/praticiens-a-diplome-hors-union-europeenne-padhue-le-gouvernement-nest-pas-a-la-hauteur-des-enjeux-communique/

Les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) subissent depuis plusieurs mois l’inertie de l’administration qui ne vient pas à bout du marasme de la nouvelle procédure d’affectation.

Explication : dans le cadre du nouveau dispositif de choix des postes et d’affectation mis en place par la loi Organisation et transformation du système de santé (OTSS) et le
décret 2020-672 du 3 juin 2020, la 1ère session du concours des Epreuves de vérification des connaissances 2021 (EVC) a été rénovée. Après être lauréats du concours des EVC, ces derniers doivent choisir leur lieu de stage d’une durée de 2 ans (au lieu de 3) et à l’issue pouvoir exercer de plein droit. Les contrats de gré à gré sont désormais proscrits.

Oui mais voilà : alors que les ARS devaient faire remonter les besoins pour une répartition équitable dans les établissements, la liste des postes ouverts est nettement insuffisante face aux demandes et ne correspond pas à la réalité des besoins. Leur rang de classement leur permet le choix d’affectation mais a pour conséquence qu’ils ne pourront peut-être pas rester dans l’établissement où ils ont été formés. Bilan catastrophique, des lauréats sont sur le point de quitter leur établissement sans être remplacés.

Main d’œuvre peu chère, ils ont enchainé les heures de garde pendant la crise sanitaire, si bien qu’on les remercie en les laissant dans une situation précaire, sans visibilité sur leur avenir.

Un arrêté du 26 février1 est paru en catastrophe pour essayer d’éteindre le feu. Toutefois il impose un délai de six mois entre l’affectation et la prise de poste effective pour les lauréats PADHUE sans postes.

De plus, 4000 praticiens sont concernés par la procédure dérogatoire d’autorisation d’exercice dite « procédure stock » qui doit se terminer le 31 décembre 2022. DGOS et CNG savent pertinemment que tous les dossiers ne seront pas traités d’ici la fin d’année faute de commission pour examiner les dossiers en nombre suffisant !

Compte tenu de cette situation déplorable, Jeunes Médecins demande à ce que le gouvernement cesse de traiter les PADHUE comme des « sous-médecins » et que tous ceux qui sont lauréats des EVC soient positionnés sur la liste d’aptitude des praticiens hospitaliers, obtenant ainsi un statut équivalent avec année probatoire.

Contact :

president@jeunesmedecins.fr

Voir aussi:

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/04/13/medecins-a-diplome-etranger-une-nouvelle-procedure-d-affectation-qui-vire-au-casse-tete_6121974_3224.html

https://environnementsantepolitique.fr/2022/04/13/avec-40-de-postes-vacants-dans-nos-hopitaux-generaux-les-medecins-etrangers-sauvent-la-mise/

https://environnementsantepolitique.fr/2022/03/02/medecins-etrangers-theses-hors-ue-importants-dysfonctionnements-dans-la-mise-en-place-de-la-nouvelle-procedure/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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