« Ce que nous réclamions, c’est que l’on rouvre les 1 000 lits de réanimation fermés depuis 2009 pour des raisons budgétaires. » (le Pr Djillali Annane, Syndicat des réanimateurs)

Réanimation : « La feuille de route du gouvernement sur les soins critiques est irréaliste »

Date de publication : 15 mars 2022

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Libération publie un entretien avec le Pr Djillali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) et président du syndicat des médecins réanimateurs, pour qui « les annonces faites par Olivier Véran pour renforcer la filière de soins critiques pèche sur la forme et le fond. Trop tardives pour être fiables et insuffisantes pour empêcher la saturation des services de réanimation en cas de nouvelle vague ».
Le journal interroge ainsi : « La volonté du gouvernement de créer 1000 lits de soins critiques supplémentaires d’ici 2025 répond à vos attentes ? ».
Le Pr Annane répond que « c’est une belle annonce de campagne. Mais ça n’est qu’une vitrine. Quand on ouvre la porte, on se rend compte que derrière, on est assez loin de ce que les acteurs de terrain demandaient, à savoir retrouver une capacité de prise en charge en réanimation suffisante pour éviter la saturation ».
Le chef de service rappelle qu’« en avril 2020, pic de la première vague Covid, on a été contraint de transférer des patients en région et à l’étranger. Pour cause, on était tombé à 5080 lits de réanimation, contre un peu plus de 6000 dix ans plus tôt… ».
Il explique que « durant la pandémie, faute de places en réanimation, on a créé des unités éphémères de surveillance des patients Covid grave, en utilisant des lits de soins continus et de soins intensifs, techniquement moins exigeants. A partir de l’été 2020, une nouvelle terminologie apparaît dans le langage politique : le gouvernement ne parle plus de lits de réanimation mais de lits de soins critiques, ce qui permet d’englober les lits de réanimation, de soins continus et de soins intensifs. Aujourd’hui encore, Véran joue sur ce glissement sémantique puisque sur les 1000 créations de lits annoncées, seules 500 sont véritablement des lits de réanimation ».
Le Pr Annane note que « les 500 autres sont des lits de post-réanimation : il s’agit de lits créés de façon expérimentale il y a quelques années dans des structures dites de «soins de rééducation post-réanimation», à orientation neurologique pour les cérébraux lésés, les traumas crâniens, les AVC ou pour aider au sevrage de l’assistance respiratoire pour des patients sortant de réanimation ».
« L’idée, c’était de fluidifier l’aval des réanimations pour libérer les lits plus vite. Mais il n’y a pas plus d’une dizaine de structures de ce type aujourd’hui en France. Et comme ce sont des dispositifs expérimentaux, il va falloir sortir de l’expérimentation ! », 
observe le spécialiste.
Il poursuit : « Ce que nous réclamions, c’est que l’on rouvre les 1000 lits de réanimation fermés depuis 2009 pour des raisons budgétaires. C’est faisable. Les chambres existent. Il suffit de réaffecter du personnel aux réanimations pour que ces lits puissent être rouverts. C’est d’ailleurs aussi ce que préconise l’Inspection générale des affaires sociales dans un rapport : revenir à une capacité en réanimation de 6000 lits ».*
Le Pr Annane ajoute que « les soignants continuent de quitter l’hôpital public. Les résultats de l’enquête que nous avons menée dans les services de réanimation en décembre montrent que nous avons aujourd’hui moins de lits qu’en février 2020 : environ 8% des lits sont fermés parce que les personnels sont partis. […] Le Ségur de la santé, bouclé précipitamment, a permis de revaloriser un peu les salaires et de rénover quelques bâtiments mais il n’a pas traité le problème de fond. […] Tant qu’on ne redéfinira pas le rôle de l’hôpital dans la société, qu’on ne rebâtira pas une vision pour l’hôpital, on ne pourra ni retenir ni attirer les soignants ».

Interview

Réanimation: «La feuille de route du gouvernement sur les soins critiques est irréaliste»

La pandémie de Covid-19 en Francedossier

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Pour le professeur Djillali Annane, président du Syndicat des médecins réanimateurs, les annonces faites par Olivier Véran pour renforcer la filière de soins critiques pèche sur la forme et le fond. Trop tardives pour être fiables et insuffisantes pour empêcher la saturation des services de réanimation en cas de nouvelle vague.

Dans le service de réanimation de l’hôpital Avicenne à Bobigny le 25 janvier. (Chloé Sharrock/Myop pour Libération)

par Nathalie Raulin

publié le 14 mars 2022 à 15h18

Durant la pandémie, la pression sur les lits de réanimation a largement joué dans le choix du gouvernement de confiner la population. Désormais conscient des conséquences possibles d’une insuffisance de capacité d’accueil dans ces services sensibles, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a dévoilé jeudi une série de mesures destinées à «renforcer la filière» en prévision de futures crises sanitaires. Des annonces «de campagne» pour le professeur Djillali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) et président du syndicat des médecins réanimateurs.

Vous militez depuis plusieurs mois pour un renforcement des capacités d’accueil des patients en réanimation. La volonté du gouvernement de créer 1 000 lits de soins critiques supplémentaires d’ici 2025 répond à vos attentes ?

C’est une belle annonce de campagne. Mais ça n’est qu’une vitrine. Quand on ouvre la porte, on se rend compte que derrière, on est assez loin de ce que les acteurs de terrain demandaient, à savoir retrouver une capacité de prise en charge en réanimation suffisante pour éviter la saturation. Rappelez-vous qu’en avril 2020, pic de la première vague Covid, on a été contraint de transférer des patients en région et à l’étranger. Pour cause, on était tombé à 5 080 lits de réanimation, contre un peu plus de 6 000 dix ans plus tôt…

Ce ne sera pas le cas ?

Non. Durant la pandémie, faute de places en réanimation, on a créé des unités éphémères de surveillance des patients Covid grave, en utilisant des lits de soins continus et de soins intensifs, techniquement moins exigeants. A partir de l’été 2020, une nouvelle terminologie apparaît dans le langage politique : le gouvernement ne parle plus de lits de réanimation mais de lits de soins critiques, ce qui permet d’englober les lits de réanimation, de soins continus et de soins intensifs. Aujourd’hui encore, Véran joue sur ce glissement sémantique puisque sur les 1 000 créations de lits annoncées, seules 500 sont véritablement des lits de réanimation.

Et les autres 500 lits ?

Les 500 autres sont des lits de post-réanimation : il s’agit de lits créés de façon expérimentale il y a quelques années dans des structures dites de «soins de rééducation post-réanimation», à orientation neurologique pour les cérébraux lésés, les traumas crâniens, les AVC ou pour aider au sevrage de l’assistance respiratoire pour des patients sortant de réanimation. L’idée, c’était de fluidifier l’aval des réanimations pour libérer les lits plus vite. Mais il n’y a pas plus d’une dizaine de structures de ce type aujourd’hui en France. Et comme ce sont des dispositifs expérimentaux, il va falloir sortir de l’expérimentation !

Pour vous, le verre n’est donc qu’à moitié plein ?

Oui. Ce que nous réclamions, c’est que l’on rouvre les 1 000 lits de réanimation fermés depuis 2009 pour des raisons budgétaires. C’est faisable. Les chambres existent. Il suffit de réaffecter du personnel aux réanimations pour que ces lits puissent être rouverts. C’est d’ailleurs aussi ce que préconise l’Inspection générale des affaires sociales dans un rapport : revenir à une capacité en réanimation de 6 000 lits.

La hausse du ratio infirmières / patients annoncée par Olivier Véran augure-t-elle d’une amélioration des conditions de travail ?

Pas en réanimation. Véran promet de revenir à une infirmière pour quatre lits dans les unités de soins intensifs sous cinq ans. Cela ne concerne évidemment pas la réanimation, sinon ce serait une régression : depuis le décret d’avril 2002, le ratio de personnels soignants y est d’une infirmière pour 2,5 patients et une aide soignante pour 4 patients. Cela veut surtout dire qu’on ne se rapprochera pas du ratio en vigueur en réanimation chez nos amis belges, suisses, anglais ou allemands qui est d’une infirmière pour 1 ou 2 patients. On n’a pas été écouté.

Tout de même les annonces gouvernementales augurent plutôt d’un progrès…

Encore faut-il qu’elles se concrétisent. Or, le timing des annonces sème le doute. En réalité, on les attendait en juillet, elles ont été repoussées en septembre puis en décembre. On ne peut s’empêcher de se dire que si le gouvernement dévoile aujourd’hui sa feuille de route, c’est parce qu’on est en campagne et que cela n’engage pas à grand-chose. Quel que soit le résultat de la présidentielle, le futur gouvernement peut tout réinterroger. Cette feuille de route annoncée, c’est de la politique. C’est du même acabit que l’annonce de la remise à la pompe de 15 centimes par litre

*Voir aussi:

Pour la cour des comptes 1000 lits de réanimation à créer

https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjph7bi-cf2AhXI4IUKHRwZDFsQFnoECBEQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.ccomptes.fr%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F2021-03%2F20210318-04-TomeI-reanimation-et-soins-critiques-en-general.pdf&usg=AOvVaw0-y8CMJxH_ot18GDTJsPbU

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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