La pénurie de médecins « est un des problèmes les plus importants aujourd’hui de notre pays » – 62,4 % de la population francilienne en désert médical – La galère à Marseille

La pénurie de généralistes, symptôme de la progression des « déserts médicaux » en ville comme à la campagne

Face à un problème de plus en plus aigu, de nombreux candidats à la présidentielle brandissent la contrainte à l’installation pour les médecins. Une solution, écartée jusqu’ici par le gouvernement, qui provoque l’opposition dans la communauté médicale. 

Par Camille StromboniPublié hier à 03h10, mis à jour hier à 15h19  

Temps de Lecture 11 min. 

Une banderole installée le long d’une route de La Chapelle-Launay (Loire-Atlantique), en juin 2019.
Une banderole installée le long d’une route de La Chapelle-Launay (Loire-Atlantique), en juin 2019.  LOIC VENANCE / AFP

En matière de santé, il n’est pas un programme électoral dans lequel le sujet des déserts médicaux ne figure en tête. La pénurie de médecins « est un des problèmes les plus importants aujourd’hui de notre pays », reconnaissait ainsi Emmanuel Macron en décembre, assurant qu’il ne « laissera[it] pas des déserts médicaux supplémentaires se faire ». Le chef de l’Etat, dans sa lettre de candidature diffusée jeudi 3 mars, a de nouveau promis de les faire « reculer ».

Depuis 2017, les fractures n’ont pourtant cessé de se creuser. Au premier rang, pour accéder à l’un des premiers chaînons du soin : le médecin généraliste. Selon les indicateurs calculés par le géographe de la santé Emmanuel Vigneron, à partir de données publiques, l’érosion s’est accélérée entre 2017 et 2021.

La densité médicale par département, soit le nombre de médecins généralistes (libéraux exclusifs et exercice mixte) par rapport à la population, a diminué en moyenne de 1 % par an en France sur cette période. La baisse moyenne s’élevait à 0,77 % sous le quinquennat précédent. Les trois quarts des 100 départements français voient leur situation se dégrader, seuls dix-sept se trouvent en stagnation, huit en amélioration.

Densité médicale

Evolution moyenne annuelle de la densité de médecins généralistes

La séparation entre un sud mieux doté, et un nord et un centre de la France en souffrance, se confirme

Dans la vingtaine de départements où la chute a été la plus rude, la desserte est alarmante, elle atteint un médecin pour quelque 1 400 habitants en moyenne – contre un pour 1 025 à l’échelle nationale. En première ligne apparaissent les territoires ruraux et hyper-ruraux, comme l’Orne, la Charente, l’Aube, la Sarthe ou encore l’Yonne. Viennent aussi des espaces urbains défavorisés comme la Seine-Saint-Denis, où l’on descend au taux extrême d’un médecin pour 1 683 habitants. Quelques départements urbains jusque-là relativement préservés ne le sont plus, comme les Hauts-de-Seine, où les chiffres continuent de plonger (2,76 % par an, avec un médecin pour 1 312 habitants).

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« Dans les départements déjà les plus fragiles, la situation est tragique, juge le professeur Emmanuel Vigneron. C’est en effet dans ces territoires les plus mal lotis que la dégradation est la plus prononcée. » La séparation entre un sud mieux doté, et un nord et un centre de la France en souffrance, se confirme. « Mais les départements du pourtour méditerranéen, longtemps considérés comme privilégiés, connaissent pour la première fois un véritable affaiblissement », pointe le géographe.

« Taches d’huile »

Le nombre de départements en grande difficulté augmente : 57 se retrouvent désormais avec une desserte de seulement un médecin pour 1 000 à 2 000 patients environ, contre 48, cinq ans plus tôt. « Les déserts s’étendent, comme des taches d’huile, constate Emmanuel Vigneron. On voit bien que les mesures mises en place jusqu’ici, principalement des aides financières à l’installation en territoire sous-dense, sont loin de suffire. 

Desserte médicale

Nombre d’habitants pour un médecin généraliste

Les 20 départements qui ont connu la plus forte dégradation entre 2017 et 2021

Les 8 départements qui ont connu une amélioration

Le nombre de médecins généralistes retenus pour calculer les indicateurs ci-contre correspond aux libéraux exclusifs et en exercice mixte, soit les deux tiers des 100 621 praticiens en 2021. Ne sont pas comptabilisés les généralistes « salariés », qui exercent principalement à l’hôpital.

Infographie Le Monde

Sources : Hecensements de la population, Insee ; ASIP-Santé RPPS – Drees ministère de la santé. données au 1er janvier du millésime.

Calculs : Emmanuel Vigneron, professeur honoraire des universités, mars 2022 

Quels que soient les indicateurs retenus, chacun ayant ses limites, les signaux sont au rouge. En mars, ce sont 6,3 millions de patients qui se trouvent sans médecin traitant, selon les chiffres de l’Assurance-maladie, soit 11 % de la population d’assurés, contre 5,1 millions en 2017. Selon une étude de la direction statistique du ministère de la santé datant de 2018, 3,8 millions de personnes habitent un territoire sous-doté. Ils sont 7,4 millions, selon une enquête de l’Association des maires de France-Mutualité française portant sur la même année.

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L’espoir d’une amélioration s’éloigne toujours plus. « Les perspectives ne sont pas bonnes, on pensait que ça allait commencer à s’améliorer après 2025, mais cela va finalement se détériorer au moins jusqu’aux années 2030, selon les dernières prévisions », rapporte le docteur Luc Duquesnel, du syndicat Les Généralistes-Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).

Le cocktail amer est bien connu, entre une démographie médicale déclinante, avec des départs à la retraite non compensés par des arrivées suffisantes de jeunes médecins, à la suite du resserrage extrême du numerus clausus [le nombre d’étudiants autorisés à poursuivre en médecine] dans les années 1990, et une population qui augmente et vieillit, dont les pathologies chroniques, nécessitant plus de soins, sont plus nombreuses. Sans oublier une évolution sociétale : les jeunes médecins n’ont pas forcément envie de faire autant d’heures que leurs aînés.

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Contraindre les internes

« Il y a vingt ans, les déserts médicaux, c’était avant tout les zones rurales, mais aujourd’hui beaucoup de zones urbaines sont aussi touchées », pointe Luc Duquesnel. « Nous voyons désormais des cœurs de ville, à Toulouse, à Bordeaux, à Paris… avec des difficultés d’accès aux soins », abonde Patrick Bouet, à la tête de l’ordre des médecins.

Signe de la gravité de la situation, la question de la « coercition » apparaît désormais moins taboue à la lecture des programmes à l’élection présidentielle. Faut-il obliger les médecins à s’installer dans les déserts médicaux ? L’idée figure sous différentes formes chez de nombreux candidats, de gauche comme de droite. En visant souvent les jeunes médecins : la volonté de contraindre les internes (après la sixième année d’étude) à une année de stage dans les territoires sous-denses apparaît chez la candidate du parti Les Républicains (LR) Valérie Pécresse, sous le vocable des « docteurs juniors », comme chez Anne Hidalgo (Parti socialiste, PS), cette dernière préconisant dans le même temps de doubler leur rémunération avec un statut de « médecin assistant ». L’écologiste Yannick Jadot envisage même d’étendre cette contrainte aux deux premières années d’exercice.Voir le comparateur :  Comparez les programmes des principaux candidats

Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise, LFI) va dans le même sens en proposant lui que « les étudiants en médecine soient pris en charge par l’Etat avec une paye normale comme le smic, et ensuite ils doivent dix années à l’Etat, sans possibilité de les racheter ».

Au-delà des jeunes, le communiste Fabien Roussel défend un « conventionnement sélectif » des médecins, pour limiter les installations dans les zones denses, de même que Yannick Jadot ou encore Marine Le Pen (Rassemblement national, RN), qui prône un « plus haut taux de remboursement de la sécurité sociale » en désert médical qu’en territoire à forte densité.

Plusieurs candidats brandissent dans le même temps la nécessité de former plus de médecins. Valérie Pécresse fixe la barre à 20 000 par an, soit le double du niveau actuel, quand Eric Zemmour (Reconquête !) vise le « recrutement de 1 000 médecins salariés dans les centres médicaux » des territoires en difficultés.

Propositions « creuses », « vouées à l’échec »

Dans les rangs des élus locaux, le sujet de la contrainte n’est plus tabou depuis longtemps. Guillaume Garot (PS), député de Mayenne, est le dernier en date à avoir déposé une proposition de loi dite « d’urgence contre la désertification médicale », rejetée le 20 janvier à l’Assemblée nationale. Il y défendait un « conventionnement sélectif » pour limiter l’installation dans les zones les plus dotées et une obligation d’exercice durant la dernière année d’internat des jeunes médecins, ainsi que les deux suivantes, en territoire sous-dense. « Pourquoi la régulation marcherait pour d’autres professions libérales, comme les pharmaciens ou les notaires, mais pas pour les médecins ? », interroge-t-il.

Dans la communauté médicale, cependant, la coercition est vue comme un véritable repoussoir. Des propositions « creuses »« vouées à l’échec », « absolument rien de neuf », écarte-t-on dans les rangs syndicaux. « La contrainte, ça ne marche pas », défend-on chez les médecins. « Cela aurait pu être envisagé il y a quinze ou vingt ans, comme chez les pharmaciens, mais aujourd’hui, en situation de pénurie, ça n’a aucun sens, martèle Jacques Battistoni, de MG France, principal syndicat chez les médecins généralistes. Restreindre la possibilité de s’installer au seul remplacement des médecins partant à la retraite ne bénéficierait qu’aux zones les mieux pourvues»

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Chez les syndicats de même qu’à l’ordre des médecins, on se dit néanmoins plus ouvert à l’idée d’une quatrième année de stage en territoire sous-doté pour les quelque 3 500 internes de médecine générale. « Il doit s’agir d’une année de professionnalisation, avec des lieux de stage réellement attractifs », et « la possibilité de percevoir des honoraires », précise Jacques Battistoni.

L’idée est cependant impopulaire chez les principaux intéressés. « Un ministre de la santé n’a jamais envie de provoquer une guerre avec les jeunes médecins », fait remarquer un observateur du monde de la santé. « Les conditions ne sont pas réunies pour créer une vraie année de formation, pointe Marina Dusein, porte-parole de l’Isnar-IMG (intersyndicale des internes en médecine générale). Nous avons déjà à peine les terrains de stages suffisants aujourd’hui, envoyer des internes dans des territoires où il n’y a aucun médecin pour les superviser, ça n’a pas de sens.»

Assistants médicaux

Chez les jeunes comme chez les aînés, on met en avant d’autres mesures bien connues, mais moins spectaculaires, qui doivent permettre de « gagner du temps médical »« La situation s’est aggravée sous le quinquennat mais nous disposons désormais de tous les outils nécessaires », estime Jacques Battistoni. Le gouvernement, qui a exclu toute contrainte à l’installation depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, récusée comme une « fausse bonne idée » et une « mesure simpliste », s’est attaché à déployer différents dispositifs.

Figure en premier lieu les assistants médicaux : ces « aides-soignants de ville », qui permettent aux médecins de prendre souvent jusqu’à 20 % de patients en plus, grâce à un soutien notamment administratif, et sont financés en grande partie par l’Assurance-maladie. Ainsi, 2 700 contrats ont été signés depuis 2019, soit un résultat encore en deçà de l’objectif gouvernemental fixé à 4 000 en 2022.

« Cela a permis la prise en charge de 500 000 patients supplémentaires par un médecin traitant, pointe Thomas Fatôme, directeur de la Caisse nationale de l’Assurance-maladie (CNAM). La crise sanitaire a ralenti les choses, mais nous signons actuellement 50 contrats par semaine, la dynamique est là. » Selon les chiffres du gouvernement, ce sont aussi 1 881 maisons de santé pluriprofessionnelles, permettant un travail coordonné, source d’attractivité pour de jeunes médecins, qui jalonnent le territoire, contre un millier cinq ans plus tôt.

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D’autres résultats restent plus limités : une centaine de postes seulement d’infirmiers en pratique avancée (IPA), qui accompagnent sur le suivi des malades chroniques, ont été créés en médecine de ville. Ou encore 240 communautés professionnelles territoriales de santé, vouées elles aussi à favoriser un exercice coordonné. « Il faut accélérer sur toute cette gamme de mesures, reconnaît Thomas Fatôme, citant encore le développement de la télémédecine. Mais ce ne sont pas des pansements sur une jambe de bois, il s’agit de solutions structurelles. »

« Anticiper la catastrophe »

Reste la disposition phare actée sous le quinquennat qui n’aura, elle, qu’un effet à long terme, d’ici une décennie : la « suppression » du numerus clausus, remplacé par un numerus apertus fixé notamment à l’échelle des universités. Ce qui a donné lieu à une augmentation de près de 20 % du nombre d’étudiants autorisés à poursuivre en médecine – 10 500 à la rentrée 2021.

Au ministère de la santé, on persévère dans la défense de ces « solutions qui fonctionnent », en envisageant les « marges de manœuvre » des années qui viennent dans ce « gain de temps médical » avec des « délégations de tâches ». A mille lieues de toute coercition, jugée inopérante « en situation de rareté de la ressource médicale »« On continue de payer une grosse erreur sur le numerus clausus qu’il aurait fallu supprimer bien avant, défend-on avenue de Ségur. Mais il n’existe pas de solution miracle qui peut régler le problème en six mois, ce serait mentir que de le laisser penser. »

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Dans les territoires ruraux néanmoins, le sentiment se renforce que ces instruments sont loin de suffire. « J’ai la chance d’être adossée à un pôle de santé, il a recruté cette année un infirmier en pratique avancée », témoigne la docteure Françoise Lemaignen. Mais la praticienne, installée depuis trente-trois ans à Jublains (Mayenne), part à la retraite en juin, et ne trouve pas de successeur. « Le pôle devrait permettre de trouver des solutions à certains de mes patients, mais ce n’est pas extensible à l’infini », constate cette médecin de campagne qui soigne 1 300 patients. Dans son département, parmi les plus en souffrance du pays, c’est le branle-bas de combat pour essayer de trouver des généralistes. A quelques kilomètres à peine, sur le territoire d’Evron, « trois médecins sur huit s’en vont », dit-elle. Un groupe de travail a été mis en place avec les élus, les citoyens, d’autres soignants, et une campagne de communication a été lancée en mars.

Même scénario, ou presque, à 800 kilomètres au sud, dans les Cévennes, au Vigan (Gard), où cela fait trois ans qu’on cherche des remplaçants. Le territoire a beau ne pas apparaître parmi les départements les plus désertés, il s’agit « d’anticiper la catastrophe », alerte le docteur Antoine Brun d’Arre, 59 ans, qui a monté la maison de santé de ce territoire aux 12 000 âmes. « Sur six médecins, l’un a annoncé son départ à la retraite à la fin de l’année, un autre a 71 ans, un troisième a 68 ans et des problèmes de santé », résume-t-il.

Contrairement aux voix majoritaires de sa profession, le médecin ne se dit pas opposé à la mise en place d’une « contrainte » à l’installation. « A condition qu’on définisse aussi des services publics obligatoires dans ces territoires, précise-t-il. L’Etat a une responsabilité énorme, ça ne peut reposer que sur les médecins. »

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Camille Stromboni

Déserts médicaux : « Le problème majeur reste la répartition des médecins sur le territoire »

Pour le professeur Patrice Diot, doyen de la faculté de médecine de Tours, les difficultés d’accès aux soins pour de nombreux Français constituent une situation qui « n’est plus tenable ». 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/03/14/deserts-medicaux-le-probleme-majeur-reste-la-repartition-des-medecins-sur-le-territoire_6117438_3224.html

Propos recueillis par Camille Stromboni

Publié hier à 11h05  

Patrice Diot, doyen de la faculté de médecine de Tours et ancien président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, estime que l’augmentation du nombre de médecin formé ne suffira pas. Il faut désormais faire preuve de « courage politique », selon lui, et se diriger vers une « régulation » de l’installation des médecins sur les territoires, pour les jeunes médecins, mais aussi les plus vieux, en jouant sur le conventionnement.

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Les déserts médicaux s’étendent dans les territoires ruraux, et aussi en ville. Comment en est-on arrivé là ?

Nous sommes dans une situation de démographie médicale catastrophique sur de nombreux territoires, dont la région Centre-Val de Loire en tout premier lieu. La situation n’est plus tenable et je comprends le malaise de la population, la société est au bord de l’explosion, il faut des mesures d’urgence.

Cela s’explique en grande partie par le fait que depuis cinquante ans, le numerus clausus [le nombre d’étudiants autorisés à poursuivre des études de médecine] a été utilisé par les pouvoirs publics comme un outil de régulation, ce qui était absurde. Résultat : nous sommes arrivés à ce niveau extrêmement bas de 3 500 places en médecine à la fin des années 1990. On estimait alors qu’il y avait trop de médecins en France, on leur imputait les comptes déficitaires de l’Assurance-maladie.

Depuis, on desserre l’étau, on a atteint 7 000 à 8 000 jeunes formés dans les années 2010, mais le mal était fait, le déficit s’est creusé à un niveau tel qu’il explique encore nos difficultés actuelles.

Une réforme du numerus clausus, remplacé par un « numerus apertus » plus élevé fixé par les universités, a été enclenchée en 2020. Est-ce suffisant ?

L’augmentation du nombre d’étudiants a effectivement été importante, avec 10 500 étudiants entrés en deuxième année de médecine en 2021, soit 20 % de plus qu’en 2020. Plusieurs candidats à la présidentielle soutiennent qu’il faut aller plus loin, en formant par exemple « 20 000 médecins », mais nous sommes arrivés, en l’état actuel des moyens des facultés de médecine, au maximum de ce que nous pouvons faire en termes de formation sans en dégrader sa qualité.

Surtout, a-t-on besoin de former le double de médecins ? Je n’en suis pas sûr. Mécaniquement, ce problème du nombre devrait se régler dans les années qui viennent. Il y a de bonnes raisons de penser que, dans dix à quinze ans, avec le niveau actuel, ce sera bon, même si je vois bien que ce message n’est pas entendable aujourd’hui. Même en tenant compte du fait qu’un départ à la retraite d’un généraliste ne serait compensé aujourd’hui que grâce à deux ou trois médecins – les jeunes générations ayant un volume horaire moins important et souhaitant préserver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ou encore même avec le vieillissement de la population, nécessitant plus de soins, et des maladies chroniques plus nombreuses à suivre.

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Il faut rappeler que nous avons aujourd’hui une densité médicale – le nombre de médecins par rapport à la population – qui n’est que légèrement inférieure à celle de pays comparables au nôtre. Si on voit les déserts s’étendre, ce n’est pas seulement en raison du nombre insuffisant de médecins, le problème majeur reste celui de leur répartition. Des inégalités épouvantables demeurent entre territoires.

Comment surmonter ce problème de la répartition des médecins, sachant qu’ils sont nettement opposés à toute coercition à l’installation ?

Il va falloir faire preuve de courage politique. Tout d’abord, il n’y a pas aujourd’hui de zones véritablement surdotées, la solution ne peut donc être d’aller chercher les médecins d’un territoire pour les déplacer ailleurs. Il faut amener ceux qui s’installent et vont s’installer ces prochaines années à rejoindre des zones sous-denses.

Mais je suis contre la coercition brutale et aveugle. Encore plus si elle est ciblée seulement sur les jeunes médecins, qui n’ont pas à faire les frais de cinquante ans d’impérities politiques. Cela serait d’ailleurs contre-productif, car ils partiront ailleurs ou vers d’autres modes d’exercice.

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En revanche, il faut introduire une régulation à l’installation. Et ce pour tout le monde, tous les médecins doivent participer à la résolution du problème. Les propositions de certains candidats sur la mise en place d’une quatrième année de stage pour les internes de médecine générale, qui pourraient être orientés vers ces territoires, doivent être discutées avec les étudiants. C’est une idée intéressante. Il faut aussi d’autres dispositifs, comme une régulation de l’accès au conventionnement en secteur 2 [avec dépassement d’honoraire], afin d’orienter l’installation là où les besoins sont les plus forts.

Le corps médical est le seul corps professionnel totalement libre de son installation, il faut évoluer, mais dans une concertation réelle et respectueuse de toutes les parties prenantes, les jeunes notamment, qui sont l’avenir de notre système de santé.

Camille StromboniContribuer

Déserts médicaux : en Ile-de-France, 62,4 % de la population en zone « rouge »

La région parisienne connaît une détéroration sévère de l’accès aux soins. Elle a perdu près de 2 % de médecins généralistes entre 2018 et 2020, soit 150 praticiens. 

Par Camille StromboniPublié hier à 14h30  

Temps de Lecture 3 min. 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/03/14/deserts-medicaux-en-ile-de-france-62-4-de-la-population-en-zone-rouge_6117469_3224.html

Cela surprend toujours, mais l’Ile-de-France constitue le premier désert médical du pays. Soit la région dans laquelle le plus grand nombre d’habitants rencontrent des difficultés d’accès à un médecin généraliste, selon les indicateurs retenus par l’Etat pour établir la liste des territoires en souffrance à ce niveau essentiel du soin.

La situation n’est pas nouvelle, mais elle s’aggrave. C’est ce que révèle la part de zones « rouges » touchées par une « offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins ». Celles-ci concernent désormais 62,4 % de la population francilienne, selon l’arrêté ministériel du 1er octobre 2021 – soit plus de 7,6 millions de personnes, contre 37 % en 2018.

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« Les difficultés d’accès à un médecin généraliste concernent tous les départements, le phénomène s’est généralisé », pointe Pierre Ouanhnon, directeur adjoint de l’offre de soins à l’agence régionale de santé (ARS). La région a perdu près de 2 % de médecins généralistes entre 2018 et 2020, soit 150 praticiens. Le découpage précis de ces zones d’intervention prioritaire (ZIP), sigle utilisé dans le jargon administratif et qui donnent droit à des aides à l’installation pour les nouveaux médecins (50 000 euros de l’Assurance-maladie notamment, des accompagnements de l’ARS, etc.), doit être dévoilé dans les jours qui viennent par l’agence régionale de santé.

« Risque vital engagé »

Malgré l’aggravation de la situation en Ile-de-France, le directeur adjoint de l’ARS veut voir une touche positive : « Les zones qui étaient déjà classées rouge en 2018 ont perdu moins de médecins qu’ailleurs », observe-t-il. Ce qui lui laisse espérer que les aides à l’installation ont permis de « limiter la casse ». Il faut rappeler par ailleurs que l’Ile-de-France dispose d’un maillage en service hospitalier d’urgence plus riche qu’ailleurs, ce qui peut amoindrir quelque peu les conséquences du manque de généralistes.

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Avec un si grand nombre de zones « rouges », l’ARS travaille désormais à aider plus fortement celles qui souffrent d’une plus faible attractivité, avec peu – ou pas – d’installations de nouveaux médecins. En premier lieu « les territoires ruraux, les petits bourgs, et les zones très défavorisées », résume Pierre Ouanhnon. Car le système n’est pas à l’abri d’un effet pervers en temps de pénurie : que ces territoires soient encore plus délaissés à l’avenir, les médecins ayant maintenant l’embarras du choix pour s’installer dans un territoire « aidé ».

« Un médecin libéral sur deux a plus de 60 ans, un sur quatre plus de 65 ans », rappelle Valérie Briole, présidente de l’URPS-Médecins libéraux Ile-de-France

« Ces dix dernières années, nous avons perdu près de 4 800 médecins libéraux [généralistes et spécialistes], nous n’avons plus de zones surdotées », souligne Valérie Briole, présidente de l’URPS-Médecins libéraux Ile-de-France, qui a estimé, lors d’une conférence de presse le 9 mars, que le « risque vital [était] engagé » et que des populations se trouvaient mises « en danger ». Outre la médecine générale, la dermatologie, la gynécologie, l’ophtalmologie ou encore la rhumatologie souffrent fortement. La pyramide des âges ne manque pas d’inquiéter : « Un médecin libéral sur deux a plus de 60 ans, un sur quatre plus de 65 ans », rappelle la rhumatologue, qui voit apparaître dans ses radars des départements jusque-là relativement épargnés, comme les Yvelines ou les Hauts-de-Seine.

« Ne pas partir comme un voleur »

A 71 ans, Armand Semerciyan, généraliste à Clamart (Hauts-de-Seine), commence à trouver le temps long. « J’aimerais bien lever le pied », reconnaît le docteur installé depuis quarante-deux ans dans la commune cossue du sud du département. Le médecin, qui ne termine pas en temps normal « avant 22 heures », ne dirait pas non à ralentir le rythme grâce à l’arrivée de jeunes confrères. Voire à partir à la retraite. « Je ne vais peut-être pas continuer jusqu’à 80 ans non ?, dit-il. Mais je suis attaché à ma patientèle, je ne veux pas partir comme un voleur, je peux encore tenir le coup quatre ou cinq ans. »

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Mais à l’horizon, c’est le néant. Pas une installation de médecin en vue. Alors que la ville a vu sa population croître, elle a perdu huit généralistes depuis 2015. Durant cette période, trois nouveaux sont arrivés sur le territoire, mais n’ont fait qu’un court passage, avant de partir en province, selon l’URPS.

Armand Semerciyan refuse désormais cinq à six nouveaux patients par jour. « Ma patientèle a vieilli avec moi, mes patients sont âgés, ils ont souvent quatre, cinq, six pathologies à traiter, c’est déjà très chronophage », rappelle ce médecin qui compte quelque 1 300 patients. Et qui veut croire que cette montée des difficultés franciliennes s’explique en premier lieu par le coût de l’immobilier.

Camille Stromboni

A Marseille, galère générale pour trouver un médecin traitant

Dans les arrondissements aisés du centre de Marseille, pourtant pas considérés comme désert médical, les généralistes saturent et refusent de plus en plus fréquemment d’augmenter leur patientèle. 

Par Gilles Rof(Marseille, correspondant)Publié hier à 10h06, mis à jour à 12h07   https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/03/14/a-marseille-galere-generale-pour-trouver-un-medecin-traitant_6117424_3224.html

Temps de Lecture 4 min. 

Aurore Baudoin-Haloche, médecin reçoit Paulette une ancienne patiente de sa mère médecin, partie à la retraite. Elle aussi s'était installée dans le quartier. A Marseille, le 28 février 2022.
Aurore Baudoin-Haloche, médecin reçoit Paulette une ancienne patiente de sa mère médecin, partie à la retraite. Elle aussi s’était installée dans le quartier. A Marseille, le 28 février 2022.  FRANCE KEYSER/MYOP POUR «LE MONDE»

« Refuser un patient, c’est horrible… On ne fait pas tant d’années d’études pour ça. »Assise à son bureau dans son lumineux cabinet de consultation, Aurore Baudoin-Haloche tente de se convaincre qu’elle a eu raison. La généraliste de 37 ans vient de faire ce qu’elle s’était promis d’éviter. Accepter de devenir le médecin traitant d’un nouveau patient. Paulette, 75 ans, retraitée pas commode, a su trouver les arguments. « En 2013, votre mère me suivait… Depuis, je n’ai trouvé personne », a insisté la retraitée. « Je vous prends… Mais promettez-moi de ne le dire à personne ! », a fini par lâcher la praticienne.

Fille de deux médecins marseillais partis à la retraite en 1997 et 2020, dont le cabinet commun se situait à quelques pas de là, Aurore Baudoin-Haloche camoufle sa lassitude derrière un impressionnant tonus. Avec une patientèle qui affiche près de 1 500 noms, elle assure dépasser largement les quarante-cinq heures de présence hebdomadaire. « Dans ces conditions, on ne peut plus être réellement un médecin de famille, rappeler les gens, les suivre après une opération, faire des visites à domicile… », regrette-t-elle.

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Sur le mur, la jeune maman a collé des portraits de sa fille. « Elle a 2 ans et je ne la vois pas beaucoup… », laisse-t-elle filer. Sur l’écran de son ordinateur, la liste des consultations du jour s’allonge sans cesse. Le lundi, « docteure Aurore », comme l’appellent les habitués, accueille les patients sans rendez-vous. A 9 heures, quinze se sont déjà inscrits à la borne informatique installée dans la salle d’attente. Le système estime en temps réel l’heure à laquelle ils seront reçus. « Je suis partie pour sortir vers minuit », lance la médecin… Une prédiction qui se confirmera.

Dix-sept médecins à la retraite dans le quartier

Offrir une permanence sept jours sur sept, de 9 heures à 21 heures – officiellement, c’est l’un des principes de l’espace médical qu’Aurore Baudoin-Haloche et ses associés ont ouvert en août 2020 sur le boulevard de la Corderie (7e). Là, dans cet arrondissement aisé à deux pas du Vieux-Port, cinq généralistes travaillent désormais. En plus de son agenda personnel, chacun assure des jours de garde dans la semaine. Et un week-end par mois. « On offre quelque chose que les autres cabinets ne proposent pas : des rendez-vous fixes et une permanence d’accueil, note Guillaume Freyburger, 34 ans, associé du cabinet. C’est bien pour les patients, mais aussi pour nous. On sait que les gens que l’on suit seront correctement reçus même si on est absent. » 

La patientèle prend ses rendez vous par le biais de Doctolib sur Internet ou sur la borne installée à l'entrée de l'espace accueil du centre médical de la Corderie, à Marseille, le 28 février 2022.
La patientèle prend ses rendez vous par le biais de Doctolib sur Internet ou sur la borne installée à l’entrée de l’espace accueil du centre médical de la Corderie, à Marseille, le 28 février 2022.  FRANCE KEYSER/MYOP POUR «LE MONDE»

Aurore Baudoin-Haloche assure qu’elle a imaginé son espace, qui compte aussi des médecins spécialistes et des infirmières, en constatant des difficultés croissantes dans l’accès aux soins : « En cinq ans, dix-sept médecins sont partis à la retraite dans le quartierNous ne sommes pas dans un désert médical, mais attendre deux à trois mois pour trouver un rendez-vous chez son généraliste, ce n’est pas concevable », assure-t-elle.

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Les chiffres du centre-ville de Marseille sont loin d’être les pires des Bouches-du-Rhône. Dans le nouveau zonage des médecins libéraux, validé le 7 février 2022 par l’agence régionale de santé, cette partie de la ville n’est classée ni en « zone d’intervention prioritaire », ni même en « zone d’action complémentaire ». Selon l’Assurance-maladie, un praticien du 7e arrondissement gère 950 patients en « file active ». Mais, dans le 1er, arrondissement voisin et plus paupérisé, un généraliste voit 1 344 personnes. Et dans ces deux arrondissements, sur 112 médecins, 32 % avaient plus de 60 ans en 2021.

« Tout le monde cherche un médecin »

« Certains territoires vivent des situations évidemment plus graves. Mais ici, dans un quartier chic, personne ne se doute qu’il peut y avoir des difficultés », note la docteure Sarah Rampal, autre associée de l’espace. Avec une patientèle de près de 1 000 personnes, cette généraliste de 35 ans rechigne à accepter de nouveaux venus si elle perçoit « un profil compliqué »« On essaie de garder le temps de s’occuper des gens correctement et de ne pas se faire manger par l’activité », se justifie-t-elle. Dernier médecin intégré au centre, en novembre 2021, Augustin Héron partage ce regard. En quatre mois, il est déjà devenu le médecin attitré de 70 personnes. « Je n’imaginais pas que mon planning allait être rempli dès le premier jour », s’étonne-t-il.

Augustin Héron, 31 ans, est un des medecins du centre médical de la Corderie, à Marseille, le 28 février 2022.
Augustin Héron, 31 ans, est un des medecins du centre médical de la Corderie, à Marseille, le 28 février 2022.  FRANCE KEYSER/MYOP POUR «LE MONDE»

La galère pour trouver un praticien traitant, beaucoup de Marseillais la connaissent. Coralie Balle, qui vit dans le centre-ville, a passé une bonne dizaine de coups de fil pour essayer de remplacer le sien, parti dans un autre quartier. « Une secrétaire m’a même dit que son médecin risquait une amende s’il me prenait », raconte-t-elle, sidérée. Dans la salle d’attente de l’espace Corderie, Sandrine Roger attend son tour. « Mon médecin traitant proposait de me voir en juin… Mais moi, j’ai besoin d’un avis médical maintenant », explique cette documentaliste dans l’éducation nationale qui habite dans une rue voisine. Assise deux chaises plus loin, Anne-Claire Lendzwa-Abram, avocate de 39 ans, acquiesce. « Dans mon réseau d’amis, tout le monde cherche un médecin. Je crois que je les ai tous envoyés ici. »

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Dans sa patientèle, la docteure Baudoin-Haloche compte aussi des patients qui viennent de loin. Gap, Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) ou même Narbonne… « Des anciens habitants du quartier qui n’ont pas trouvé un généraliste là où ils vivent et ne veulent absolument pas lâcher leur médecin de famille… »,explique-t-elle.

Gilles Rof(Marseille, correspondant)

Commentaires Dr Jean SCHEFFER:

Les déserts médicaux ne sont pas exclusivement des les zones rurales et dans les quartiers. Il sont aussi dans les Hôpitaux avec 30 % des postes vacants (40% dans les hôpitaux généraux), dans les hôpitaux psychiatriques, les CMP, les PMI, la médecins scolaire, médecins du travail, santé publique, médecine pénitentiaire…

Le manque des médecins est partout, dans toutes les disciplines, dans toutes les formes d’activité, salariées et libérales. Il s’agit donc à mon sens de voir l’ensemble des problèmes et de les solutionner en même temps, ce qui est possible.

La solution c’est un Clinicat-Assistanat pour tous, en fin d’internat, obligatoire pour tous les futurs généralistes et les futurs spécialistes, d’une durée de 3 ans.  L’activité serait partagée entre divers établissements à l’image des assistants partagés actuels entre CHG et CHU: entre CHU et CHG pour les futurs spécialistes; entre CHG-CHU et PMI, CMP, santé publique, santé scolaire, médecine pénitentiaire, médecine du travail… ; entre CHG et centres de santé et maisons de santé… Il  s’agit donc par un seul et même dispositif de solutionner en quelques années l’ensemble des manques criants et urgents de médecins dans tous les domaines, dans toutes spécialités, sans pénaliser une catégorie, les futurs  généralistes par exemple, ou les étudiants en médecine peu fortunés, obligés de s’installer dans un désert pour se payer ses études. Il faudra définir par région, département et territoire, les manques les plus urgents en généralistes et spécialistes, et en tirer les conséquences sur la répartition par spécialité pour la première année d’internat.

La motivation de ma proposition est sur le lien:

« Vision Globale -Solution globale »: https://1drv.ms/w/s!Amn0e5Q-5Qu_sAoKetf_T8OKk2Io?e=GfjeRj

Dr Jean Scheffer

 jscheffer81@gmail.

0612242146

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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