Alors qu’il manque 100 enseignants à la faculté de médecine de Tours, l’Etat veut créer un pôle de formation à Orléans pour des futurs médecins

Déserts médicaux : l’Etat au secours du Centre-Val de Loire

Le premier ministre, Jean Castex, a annoncé, mardi, la création, à Orléans, d’un pôle de formation destiné à endiguer la pénurie de médecins qui affecte la région et qui s’aggrave chaque année. 

Par Soazig Le Nevé

Publié aujourd’hui à 03h25, mis à jour à 10h12  

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/02/23/l-etat-promet-d-apporter-une-reponse-a-la-desertification-medicale-en-centre-val-de-loire_6114860_3224.html

Temps de Lecture 6 min. 

Des étudiants en médecine lors d’un cours de chirurgie en région parisienne, en 2020.
Des étudiants en médecine lors d’un cours de chirurgie en région parisienne, en 2020.  PHILIPPE LOPEZ / AFP

Suivre des études de médecine à l’université d’Orléans sera bientôt possible : c’est ce qu’a promis Jean Castex à une délégation d’élus locaux et de parlementaires de la région Centre-Val de Loire, venus sonner l’alerte, mardi 22 février, face à la pénurie de médecins sur leur territoire, qui s’aggrave chaque année. Dans un courrier adressé au premier ministre le 14 janvier, ils avaient souligné l’urgence à agir, appelant « une réponse forte à la hauteur des enjeux humains et sanitaires ».

En Centre-Val de Loire, la densité est de 350 praticiens pour 100 000 habitants, soit la plus basse de France, et la situation est particulièrement préoccupante en médecine générale, avec 98 médecins pour 100 000 habitants – contre 124 pour 100 000 à l’échelle nationale. Conséquence : un habitant sur cinq, y compris dans les principales agglomérations comme Dreux (Eure-et-Loir), Montargis (Loiret) et Orléans, n’a pas déclaré de médecin traitant.

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« Comment expliquer que, dans des régions de taille comparable, il existe une faculté de médecine à Rouen et une autre à Caen ? Une à Besançon et une autre à Dijon ? Une à Clermont-Ferrand et d’autres à Saint-Etienne, à Lyon et à Grenoble ?, énumère Philippe Vigier, député (Union des démocrates et indépendants, UDI) d’Eure-et-Loir et ancien interne des hôpitaux de Paris. Ici, nous n’avons que la faculté de médecine de Tours, qui fait avec les moyens qu’elle a. » A la rentrée 2021, cet établissement a accueilli 340 étudiants, un plafond, d’après le doyen Patrice Diot, alors qu’il manque plus de 100 enseignants pour assurer un taux d’encadrement conforme à la moyenne nationale. On est loin donc des 500 nouveaux médecins qu’il faudrait former chaque année pour combler le « désert » régional.

A l’unisson, les membres de la délégation reçue à Matignon, de toutes sensibilités politiques, ont salué « une décision historique » de la part du premier ministre, qui s’est engagé à boucler le dossier avant la fin de la mandature. Les ministres de la santé, Olivier Véran, et de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, présents lors de l’audience, signeront dans les prochains jours une lettre de mission adressée à leurs inspections générales respectives (celle des affaires sociales et celle de l’éducation, du sport et de la recherche) « pour définir les voies de la reconnaissance d’un deuxième site de formation universitaire médicale en région Centre-Val de Loire », fait savoir un communiqué du premier ministre.

Un partenariat Orléans-Zagreb contesté

Les conclusions de cette mission, attendues pour la fin mars, viendront préciser le statut juridique de cette antenne ainsi que ses capacités d’accueil à court et à moyen terme pour mettre en place un premier cycle de formation qui s’appuiera sur le centre hospitalier régional d’Orléans, lui-même transformé pour l’occasion en centre hospitalier universitaire (CHU).

L’annonce de Jean Castex sonne comme une réplique à celle du maire de la ville d’Orléans, Serge Grouard. Fin janvier, l’élu (Les Républicains, LR) avait pris tout le monde de court en déclarant qu’il s’apprêtait à accueillir une antenne de l’université de Zagreb pour que 50 étudiants du Loiret et de la région, sélectionnés par concours, se forment à la médecine à la rentrée. A 12 000 euros l’année, le coût de la formation – essentiellement en anglais et à distance depuis Orléans – avait choqué la communauté universitaire, d’autant plus que le maire promet de financer, par un système de bourses, les déplacements des étudiants à Zagreb, à l’occasion de leurs examens.

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« J’ai l’impression désagréable qu’il a fallu cette initiative peu diplomatique du maire pour en arriver là », regrette Eric Blond, président de l’université d’Orléans, qui aurait jugé préférable que les discussions aboutissent avec les élus locaux avant l’épisode de l’université de Zagreb.

Comptant parmi les membres de la délégation reçue à Matignon, Serge Grouard qui n’a pas donné suite à la demande d’entretien du Monde, s’est simplement félicité de la transformation du centre hospitalier régional en centre hospitalier universitaire, dans un communiqué laconique, diffusé à l’issue de la rencontre. Selon plusieurs participants, l’édile a indiqué qu’il ne renoncerait pas à son propre projet avec la Croatie.

Pour Marc Fesneau, ministre des relations avec le Parlement et conseiller régional, l’annonce du premier ministre est pourtant « de nature à rendre obsolète » la démarche du maire. « Serge Grouard a fait cela face à l’immobilisme ambiant en pensant que rien n’aboutirait jamais. Depuis ce midi, il en va autrement », souligne l’ex-tête de liste de La République en marche aux élections régionales en Centre-Val de Loire.

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Le fait qu’une municipalité puisse permettre à une université étrangère de créer une antenne pose la question de la structuration de l’enseignement supérieur en France, estime Eric Blond. « L’Etat vient d’apporter une réponse à l’urgence, aussi la justification de l’opération du maire ne tient plus », explique-t-il, redoutant l’avènement d’un « Far West universitaire », à l’instar de France Universités, qui dénonce « un objet pseudo-universitaire non identifié, soutenu par une collectivité hors de son champ de compétence ».

Bataille juridique

Sur le plan juridique, deux principes se conjuguent dans le code de l’éducation : la liberté d’établissement et la liberté de l’enseignement supérieur. En vertu de la première, « une université de l’Union européenne peut installer une antenne en France qui pourra obtenir des subsides des collectivités locales, en particulier d’une commune », détaille le juriste Bernard Toulemonde. L’université, qui recourt ensuite à la liberté de l’enseignement, peut se créer par une déclaration, faite notamment par une association, qui va servir de support juridique et financier à son antenne, comme ce sera le cas à Orléans.

« Les collectivités locales peuvent financer librement un établissement d’enseignement supérieur et ceci se fait couramment », relève l’agrégé de droit public, en référence par exemple à l’Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris, ou encore au pôle universitaire Léonard-de-Vinci, créé de toutes pièces en 1995 par Charles Pasqua lorsqu’il présidait le conseil général des Hauts-de-Seine. Mais les choses ont évolué en 2013, à la suite de « l’affaire Pessoa », du nom d’une antenne de l’université Fernando-Pessoa France – rattachée à l’université privée portugaise Fernando-Pessoa de Porto, qui avait dû, sur décision de justice, fermer des formations de santé et paramédicales qu’elle proposait à des étudiants sélectionnés sur dossier, à Toulon et à Béziers (Hérault).

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Depuis lors, une loi a ajouté une condition à l’ouverture pour les formations du secteur de la santé : un agrément des ministres de l’enseignement supérieur et de la santé. « La déclaration d’agrément doit comporter une convention avec un établissement de santé approuvée par le ministère de la santé, une convention avec une université dispensant une formation médicale et enfin un dossier pédagogique », précise également l’ancien professeur de droit public Marc Debene.

Interrogé au sujet des stages hospitaliers sur France Bleu Loiret, le 21 février, Florent Montillot, adjoint au maire d’Orléans chargé de la santé, a déclaré qu’ils pourront avoir lieu aussi bien en Croatie que dans le Loiret. « Il n’y a pas besoin d’agrément ministériel avec le ministère de la santé et l’enseignement supérieur comme j’ai pu l’entendre, a assuré M. Montillot. Il s’agit de conventions entre la faculté de médecine de Zagreb et les hôpitaux d’Orléans ou de Montargis. »

Interloqué, le doyen de la faculté de médecine de Tours espère que les textes réglementaires seront rapidement rappelés par le gouvernement à l’équipe municipale. « L’université de Zagreb voudrait créer des stages sans demander d’agrément à qui que ce soit ? On a rarement vu dans une période électorale autant d’idées détonantes foisonner et être considérées. Mais il faut être sérieux !, cadre Patrice Diot. Ce dont on parle, c’est de la qualité de la médecine de demain. »

Soazig Le Nevé

Une faculté de médecine à Orléans ? Le « oui mais » de Jean Castex 

Par Marion Jort  le 23-02-2022

https://www.egora.fr/etudiants/premier-cycle/72160-une-faculte-de-medecine-a-orleans-le-oui-mais-de-jean-castex#xtor=EPR-3-1%5BNews_En_Bref%5D-20220223-%5B_1%5D

Comme le demandaient les élus depuis de nombreuses années, le Premier ministre a annoncé qu’une faculté de médecine allait ouvrir ses portes à Orléans, sans toutefois préciser s’il s’agirait d’un site indépendant ou d’une antenne de l’université de Tours.  

La décision d’ouvrir une faculté de médecine à Orléans (Loiret) sera “irrémédiable” dans un mois. Depuis des années, les élus locaux plaidaient pour l’ouverture d’un site de formation alors que le département est l’un des plus sinistrés de France en termes de démographie médicale. En décembre dernier, 200 médecins se sont à leur tour fortement mobilisés en lançant une pétition, soutenus par le maire de la ville.  

  Mardi 22 février, le Premier ministre a décidé d’accéder à leur demande. Après une réunion à Matignon, Jean Castex a confirmé l’ouverture d’un nouveau site universitaire de médecine à Orléans. “La réponse est positive, c’est effectivement la décision que j’ai prise et annoncée aux élus qui m’avaient saisi. C’est un vieux sujet et une revendication ancienne, et si on peut y répondre favorablement aujourd’hui, c’est en raison des décisions qui ont été prises sous ce quinquennat en matière de numerus clausus, que nous avons fait singulièrement évoluer”, a-t-il confié à France Bleu.  

Jean Castex est toutefois resté vague sur la question de savoir si ce site serait une faculté de médecine indépendante ou une antenne de la faculté de Tours déjà existante. Évoquant une “décision de principe”, le Premier ministre a précisé que “les modalités précises, le calendrier de déploiement, toutes les conditions que cela requiert en termes de formation et de recalibrage de notre capacité à former ces étudiants”, restaient encore à déterminer.  

7000 euros l’année, cours en visio et en anglais… L’offensive d’une fac de médecine européenne à Orléans

Il souhaite néanmoins “une montée en charge progressive” et est prêt à envisager l’ouverture d’une Pass dès septembre 2022. “Il y a des questions de locaux, de professeurs qui vont former, de lieux de stages… Mais le top départ est donné”, a-t-il ajouté au micro de France Bleu, indiquant que le nombre d’étudiants formés à Tours allait également passer de 265 l’an passé à 350 en première année et le nombre d’internes à 350 contre environ 250 en moyenne jusque-là.  

Une mission composée d’inspecteurs généraux des Affaires sociales, de la Santé et de l’Enseignement supérieur a été chargée d’évaluer toutes les modalités de cette mise en place et devra se prononcer fin mars/début avril.  

Ces annonces sous-entendent plusieurs gros chantiers, à commencer par la transformation de l’hôpital d’Orléans en CHU pour accueillir les étudiants en stage. Jean Castex s’est par ailleurs engagé à ce que l’élection présidentielle ne remette pas en cause ce projet.  

[avec France Bleu]

Voir aussi:

https://environnementsantepolitique.fr/2022/02/11/faculte-de-medecine-croate-dans-orleans-le-maire-repond-aux-polemiques-nees-de-sa-decision/

Une faculté croate à Orléans pour 50 futurs médecins a 12 000€ l’inscription ! https://environnementsantepolitique.fr/2022/01/29/27750/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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