Serge Grouard : « Face aux déserts médicaux, il faut oser bousculer les corporatismes »
TRIBUNE
Serge Grouard – Maire LR d’Orléans
Le maire (LR) d’Orléans a passé un accord avec la faculté de médecine croate de Zagreb : elle formera 50 étudiants français par an, lesquels travailleront ensuite au moins cinq ans dans sa ville où les médecins manquent. Dans une tribune au « Monde », il répond aux polémiques nées de sa décision.
Publié hier à 06h45, mis à jour hier à 08h17 Temps de Lecture 2 min.
Tribune. La région Centre-Val de Loire a de multiples atouts. Elle a néanmoins un point faible et une anomalie, les deux ayant trait au même sujet vital, celui de la santé. Le point faible : une désertification médicale qui ne cesse de s’amplifier et la classe en dernière position au niveau national, avec seulement 97,9 médecins pour 100 000 habitants, alors que la moyenne en France est de 123,8 médecins.
Pire, le Loiret, l’un des six départements de la région, compte 63,7 médecins pour 100 000 habitants. Ce qui veut dire concrètement qu’aujourd’hui 150 000 habitants du Loiret n’ont pas accès à un médecin traitant.
L’anomalie maintenant : la région n’a sur son territoire qu’une seule faculté de médecine, à Tours, alors que toutes les régions en France en comptent au moins deux. C’est le cas, par exemple, de régions comme la Normandie et la Bourgogne-Franche-Comté, comparables par leur taille à celle du Centre-Val de Loire. Ainsi, Orléans, capitale régionale, n’a pas de CHU, une hérésie contre laquelle les maires successifs de la ville se battent depuis plus de trente ans. Toujours en vain.
Conséquences : la faculté de médecine de Tours forme chaque année 300 médecins, et n’a pas les moyens humains pour en former davantage, alors que les besoins se situent à 500, au minimum, par an. Année après année, le désert médical gagne donc funestement du terrain.
Faut-il se satisfaire de cette situation infernale alors qu’il est question de vie et de mort ? La réponse est non, bien sûr. En tant que maire de la ville, j’ai donc décidé d’agir et de chercher des solutions concrètes. Le 21 janvier, nous avons ainsi signé un accord avec la faculté de médecine publique de Zagreb, la capitale croate. Il prévoit que 50 étudiants français bénéficieront, dès la rentrée de septembre, des cours dispensés par cette faculté de médecine, reconnue pour l’excellence de son cursus et labellisée « high quality ».
En contrepartie d’une bourse allouée aux étudiants en fonction de leurs ressources, ceux-ci s’engageront à travailler au moins cinq ans à Orléans à l’issue de leurs études. Tout le monde y gagne, à commencer par nos concitoyens qui sont dans une grande détresse, qui confine aujourd’hui à la précarité dès qu’il s’agit de santé.
« Nous avons pris nos responsabilités »
La levée de boucliers ne s’est pas fait attendre. Les contre-vérités et les procès d’intention ont immédiatement fleuri. Etudes au rabais, diplômes non reconnus, discipline non enseignée, sélection par l’argent, etc., tout a été écrit pour discréditer ce protocole avant même sa mise en œuvre.
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En réalité, qu’avons-nous fait de si grave ? C’est simple : nous avons bousculé les corporatismes universitaires qui, depuis des décennies, monopolisent le débat dans un entre-soi savamment protégé et qui n’apporte en définitive pas la moindre solution. Chacun déplore la situation, la regrette, s’en lamente, mais personne n’agit. Et, crime de lèse-majesté, nous n’avons pas levé le doigt pour demander à tel ou tel doyen de faculté de médecine la permission, sinon l’autorisation, de signer ce partenariat avec Zagreb.
Nous avons pris nos responsabilités, nous avons été innovants, pragmatiques et européens, puisque la situation commande de l’être. Nous n’avons pas le temps de multiplier les tours de table, aussi nombreux que stériles. Nous sommes dans l’action.
Serge Grouard(Maire LR d’Orléans)
Orléans : Le partenariat avec une université croate pour la formation des médecins fait débat
ETUDES Les étudiants vont être formés par visioconférence, les universités locales dénoncent notamment une « sélection par l’argent »
Publié le 02/02/22 à 11h49 — Mis à jour le 02/02/22 à 11h49

La ville d’Orléans a signé un accord avec la faculté de médecine de Zagreb pour former cinquante étudiants en médecine du Loiret, par visioconférences, à compter de la rentrée 2022. L’accès se fera sur concours d’entrée obligatoire à Zagreb, avec un enseignement bilingue majoritairement en anglais, indique la métropole dans un communiqué, « une première en France » selon elle.
La municipalité fait valoir que les cours seront dispensés « par des professeurs de la faculté de médecine de Zagreb ainsi que par des médecins du Centre hospitalier régional d’Orléans » ou des médecins libéraux. En contrepartie d’un soutien financier de la ville, l’étudiant s’engagera à s’implanter pendant au moins cinq ans à Orléans. Selon le maire Serge Grouard (LR), il s’agit d’une « solution concrète » à la pénurie de médecins. Le Loiret compte 63,7 médecins généralistes pour 100.000 habitants contre une moyenne nationale de 123,8.
Les universités locales inquiètes
Ce projet « s’inscrit dans un modèle économique qui va entraîner une fracture sociale », ont réagi de concert les universités de Tours et d’Orléans. « L’université de Zagreb est connue pour accueillir des étudiant.e.s étranger.e.s, pour un enseignement en anglais payant », expliquent-elles dans un communiqué, évoquant une sélection que ne se fera « non plus au mérite mais […] par l’argent ».
« Le coût sera d’environ 10.000 euros, mais nous intégrons le prix d’une prépa privée car nous voulons que tout le monde passe en deuxième année », justifie auprès de l’AFP Florent Montillot, premier adjoint, citant le magazine L’Etudiant, qui évaluait en 2021 à « 6.306 euros, prépa comprise » le coût d’une première année.
Une « formation au rabais »
Les universités de Tours et d’Orléans fustigent aussi une « formation au rabais », avec des disciplines essentielles absentes de l’enseignement obligatoire, ce que conteste la mairie, rappelant la bonne place de l’université de Zagreb dans le classement de Shanghai. « Nous souhaitons que les collectivités territoriales soutiennent le service public et puissent massivement investir dans les formations portées par les universités françaises plutôt que de financer sur des fonds publics des formations privées », ajoutent les universités, estimant que cette formation ne « réglera en rien » la question de la désertification médicale.
Voir aussi:
Une faculté croate à Orléans pour 50 futurs médecins a 12 000€ l’inscription ! https://environnementsantepolitique.fr/2022/01/29/27750/