IEP de Grenoble : le professeur Klaus Kinzler suspendu, la Région coupe les subventions
« Islamophobie »
Par Jean-Loup Adenor
Publié le 20/12/2021 à 18:19
Klaus Kinzler, professeur à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, accusé d’être « islamophobe » par un groupe d’étudiants, a été suspendu de ses fonctions au sein de l’établissement. La direction de l’IEP lui reproche de s’être exprimé dans la presse, notamment auprès de « Marianne ». Une procédure disciplinaire a été déclenchée. De son côté, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a annoncé qu’il suspendait l’« ensemble de ses financements » à l’IEP.
La situation continue de s’aggraver. Dans un courrier daté du 14 décembre, l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble a suspendu le professeur Klaus Kinzler, lui reprochant d’avoir manqué à ses obligations professionnelles. Selon les documents consultés par Marianne, la direction de l’IEP sanctionne Klaus Kinzler pour avoir tenu, « depuis le 7 décembre 2021 des propos diffamatoires dans plusieurs médias contre l’établissement d’enseignement supérieur dans lequel il est en poste ainsi que contre la personne de sa directrice, notamment au cours d’un entretien sur le site Marianne.net et sur le quotidien L’Opinion ».
La direction lui reproche également d’avoir « gravement porté atteinte à l’intégrité professionnelle de ses collègues de travail, enseignants-chercheurs de l’établissement, en particulier dans une interview accordée à « CNews », diffusée le 9 décembre 2021 ». En résulterait, selon elle, une violation de l’obligation de discrétion professionnelle et de l’obligation de réserve auxquelles sont soumis les fonctionnaires. Pour ces faits, la direction suspend Klaus Kinzler et considère qu’il y a lieu de saisir le conseil de discipline « dans les meilleurs délais »
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À l’origine de cette controverse, une querelle tenue par mail entre professeurs au sujet de la scientificité du terme « islamophobie ». Deux des enseignants de l’IEP, dont Klaus Kinzler aujourd’hui suspendu, ont été accusés d’être « d’extrême droite » et eux-mêmes « islamophobes ». Cette accusation a été relayée sur les réseaux sociaux par une organisation étudiante, l’Union syndicale (US), qui a exigé de l’établissement et de sa directrice qu’ils réaffirment la validité de ce concept et qu’ils « statuent sur le cas » des professeurs en question. Ces étudiants ont été relaxés par une commission disciplinaire. Un « blanc-seing » aux campagnes d’intimidation avait estimé, auprès de Marianne Klaus Kinzler, le 7 décembre.
UNE VÉRITABLE « CHASSE AUX SORCIÈRES »
Contacté par Marianne, Klaus Kinzler assure qu’il ne « s’attendait pas » à une telle décision. Et pour cause : la directrice de l’IEP, Sabine Saurugger s’était exprimée dans un long entretien à Marianne. Elle y expliquait que les professeurs pris à partie dans la querelle qui a suivi leur contestation du terme « islamophobie » avaient son soutien, qu’ils pouvaient revenir enseigner à l’IEP. Mais elle y déclarait aussi que ce soutien ne signifiait pas « que lorsque des événements surviennent, que des propos virulents sont tenus, je ne rappelle pas ces enseignants aux responsabilités qui incombent aux fonctionnaires. » Klaus Kinzler assure, pour sa part, avoir « toujours consulté [s]es avocats » avant de prendre la parole dans les médias. Il s’appuie également sur le rapport d’inspection diligenté par le ministère de l’Enseignement supérieur : « Jamais on ne m’y reproche mes prises de parole médiatiques », assène-t-il.
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Les avocats du professeur ont publié un communiqué de presse dans lequel ils ont indiqué que leur client « a été contraint de prendre la parole afin de se défendre contre les accusations dont il a été l’objet en sa qualité de Professeur à Sciences-Po Grenoble. De ce seul fait, la direction de Sciences-Po a cru utile de le menacer à plusieurs reprises de sanctions, tentant ainsi de le réduire au silence dans le seul but de couvrir d’un voile épais les dysfonctionnements graves constatés au sein de cet établissement à l’occasion des attaques ayant visé Klaus Kinzler au début de l’année 2021. » Ils évoquent une « sanction déguisée en mesure conservatoire » qui témoigne « d’une véritable « chasse aux sorcières » ».
FIN DES SUBVENTIONS RÉGIONALES
Peu après l’annonce de la suspension de Klaus Kinzler, le président de la région Auvergne Rhône-Alpes a annoncé sur Twitter que la région ne subventionnerait plus l’Institut d’études politiques. « Sciences Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une dérive idéologique et communautariste inacceptable. Ce n’est pas ma conception de la République : la région @auvergnerhalpes suspend donc tout financement et toute coopération avec l’établissement. »
Le président de région a par ailleurs indiqué que « depuis maintenant de nombreux mois, une minorité a confisqué le débat au sein de l’université grenobloise imposant, parfois par la terreur, des points de vue radicaux et contraires aux valeurs de notre République. » En cause, selon Laurent Wauquiez, « les militants de théories “woke”, de l’écriture inclusive, ou de pratiques communautaristes ». Ces subventions s’élèvent à 100 000 euros par an (sur un budget annuel de 15 millions d’euros), auxquels s’ajoutent des investissements ponctuels sur des projets spécifiques, a confirmé la région Auvergne Rhône-Alpes à Marianne.
Sciences Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une dérive idéologique et communautariste inacceptable. Ce n’est pas ma conception de la République : la Région @auvergnerhalpes suspend donc tout financement et toute coopération avec l’établissement.https://t.co/WCvlE9zzSi— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) December 20, 2021
Le député LREM de l’Indre, François Jolivet, a plaidé pour sa part pour une mise sous tutelle de l’établissement ainsi qu’une « commission d’enquête parlementaire sur la situation des universités françaises ».
*Contacté, l’IEP de Grenoble n’a pas souhaité réagir.
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Islamophobie » à l’IEP de Grenoble : « la chasse idéologique aux enseignants est ouverte »
Entretien
Par Jean-Loup Adenor
Publié le 07/12/2021 à 17:55
Au cœur d’une polémique pour s’être opposé au concept « d’islamophobie », un professeur de l’Institut d’études politiques de Grenoble, Klaus Kinzler, a vu son nom placardé sur les murs de l’établissement pendant qu’une association étudiante exigeait que la direction « statue sur son cas ». Ces mêmes étudiants ont récemment été relaxés par une commission disciplinaire. Un « blanc-seing » aux campagnes d’intimidation, estime, auprès de « Marianne », le professeur en question.
Si Klaus Kinzler enseigne à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, il n’y a pas donné cours depuis mars, après que son année universitaire a été perturbée par une vive polémique. Sur les murs de l’IEP, des affiches mentionnant son nom et le qualifiant d’« islamophobe » ont fleuri en début d’année. En cause : une querelle entre professeurs lors d’un échange de mails qui a fait grand bruit dans la communauté enseignante et étudiante de l’établissement. Klaus Kinzler s’y opposait à l’utilisation du terme « islamophobie » dans l’organisation d’une semaine de lutte contre les discriminations.
Dans cette même correspondance, Klauz Kinzler critiquait aussi l’islam, une religion qu’il admet « ne pas beaucoup aimer », notamment, explique-t-il, à cause de ses dérives fondamentalistes et de la place qu’elle laisse aux femmes. Une organisation étudiante, l’Union syndicale (US), a réagi. Dans un texte publié en janvier sur les réseaux sociaux et envoyé à la direction de l’IEP, le professeur y était présenté comme un « islamophobe » dont les idées appartenaient à « l’extrême droite ». Les étudiants étaient appelés à boycotter la semaine de lutte contre les discriminations en question et la direction de l’IEP « à statuer » sur le « cas » de Klaus Kinzler. L’US allait plus loin, en exhortant l’établissement à réaffirmer publiquement « l’usage et la scientificité [du]terme [d’islamophobie] ». Enfin, l’organisation étudiante exigeait la suppression du cours sur l’islam tenu par un autre professeur également « mis en cause pour son islamophobie » par des étudiants.
À LIRE AUSSI : IEP de Grenoble : où sont les fascistes ? https://assets.poool.fr/advanced-paywall-frame.html
Voir aussi:
dhttps://environnementsantepolitique.fr/2021/12/13/la-directrice-de-liep-de-grenoble/
Étonnante relaxe des 17 étudiants de l’IEP de Grenoble qui avaient déclenché une chasse idéologique aux enseignants accusés d’islamophobie. https://environnementsantepolitique.fr/2021/12/07/26164/
Sciences Po Grenoble: accusée par l’inspection générale d’avoir « dramatisé la polémique » entre deux professeurs, Anne-Laure Amilhat Szary s’étonne de ne bénéficier d’aucun soutien après avoir reçu des menaces de mort https://environnementsantepolitique.fr/2021/07/04/16134/
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Un avis sur « Islamophobie: à l’IEP de Grenoble la situation devient intenable après la suspension d’un professeur »