Variant Omicron: les triples vaccinés peuvent l’attraper et le transmettre, mais sont protégés à 75% et davantage pour les formes graves

Ugur Sahin, PDG de BioNTech : « Après la troisième injection, notre vaccin semble fournir une protection de 70 % ou 75 % » contre le Covid-19

Le cofondateur du laboratoire à l’origine du vaccin à ARN messager produit avec Pfizer revient, dans un entretien au « Monde », sur les données d’efficacité des vaccins contre le Covid-19 face au nouveau variant du SARS-CoV-2. 

Propos recueillis par Nathaniel Herzberg et Cécile Boutelet(Berlin, correspondance)Publié aujourd’hui à 05h17, mis à jour à 14h45  

Temps de Lecture 4 min. https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/12/20/ugur-sahin-pdg-de-biontech-meme-les-triple-vaccines-sont-susceptibles-de-transmettre-omicron_6106748_3244.html

Ugur Sahin, PDG et cofondateur de BioNTech, à Berlin, en Allemagne, le 27 août.
Ugur Sahin, PDG et cofondateur de BioNTech, à Berlin, en Allemagne, le 27 août. MICHELE TANTUSSI / REUTERS

La progression du variant Omicron du coronavirus à travers le monde pose de nombreuses questions aux scientifiques. Sa transmission et sa virulence restent à déterminer précisément. Mais la plus épineuse interrogation porte sur sa capacité à échapper aux vaccins contre le Covid-19. A l’occasion d’une rencontre avec Le Monde, Ugur Sahin, le PDG de BioNTech, l’entreprise allemande à l’origine du vaccin à ARN messager produit avec Pfizer, reste confiant.

Selon lui, « les données en vie réelle de Grande-Bretagne et d’Afrique du Sud nous fournissent des informations rassurantes ». La semaine passée, Discovery Health, le premier organisme d’assurance médicale privé sud-africain, et Public Health England ont livré leurs analyses des premières contaminations par Omicron. « Les données préliminaires en provenance du Royaume-Uni pointaient une efficacité d’environ 70 % après la troisième dose et d’environ 20 % à 40 % après la deuxième dose », affirme-t-il. Une nouvelle étude de l’Imperial College London, publiée après l’entretien, fait même descendre ce dernier chiffre sous les 20 %. Ugur Sahin poursuit : « Les Sud-Africains font des observations similaires. Leurs données montrent aussi que la protection contre les formes sévères après deux doses serait de 70 %, ce qui, je pense, pourrait être un peu sous-estimé. Le taux de primmo-infection est élevé en Afrique du Sud, donc le groupe de contrôle, celui auquel on compare notre vaccin, est sans doute mieux protégé qu’une population classique. J’attends donc les prochaines données en vie réelle britanniques sur le sujet. »

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Perte d’efficacité

Mais combien de temps durera cette protection relative ? Une équipe allemande a fait récemment état d’une baisse très rapide de l’efficacité, même après trois doses. Après trois mois, celle-ci retombait à 25 %. « Il y aura une perte de l’efficacité contre Omicron avec le temps, c’est très probable, mais il faut encore en mesurer la rapidité. Je ne fonderai pas de prévisions sur des données préliminaires en laboratoire mais sur des données en vie réelle, qui sont bien plus appropriées, indique Ugur Sahin. Nous devons regarder la situation d’une façon différenciée. Il est évident que nous sommes loin des 95 % d’efficacité que nous avions obtenus contre le virus initial. Toutefois, après la troisième injection, notre vaccin semble fournir une protection de 70 % ou 75 % contre tout type de maladie, ce qui reste un bon résultat pour un vaccin en général et je pense que nous serons largement au-delà pour les formes sévères. » 

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Le PDG de BioNTech le dit toutefois sans détour : le vaccin n’arrêtera pas la pandémie de Covid-19 à lui seul. Le variant Delta infecte des personnes vaccinées et Omicron le fera plus encore. « Nous devons être conscients que même les triples vaccinés sont susceptibles de transmettre la maladie, et qu’il va falloir les tester, surtout dans l’entourage de personnes vulnérables. Le variant Omicron devenant dominant, les mesures de protection resteront essentielles, en particulier cet hiver. Sinon nous ne serons pas en mesure de maîtriser l’expansion rapide de ce nouveau variant. »

Omicron nécessitera-t-il un nouveau vaccin ?

Anthony Fauci, le conseiller de la Maison Blanche sur le Covid-19, a estimé mercredi 15 décembre que les anticorps produits par la dose de rappel des formules actuelles devraient suffire. Mais l’entreprise allemande s’est lancée dans la conception d’un vaccin spécialement adapté, utilisant la protéine spike d’Omicron et ses 32 mutations comme antigène. La technologie de l’ARN messager devrait permettre un développement rapide. « Nous restons en ligne avec notre objectif de cent jours, ce qui signifie que nous devrions être en mesure de livrer nos premiers vaccins adaptés à Omicron en mars, sous réserve de l’approbation des régulateurs », affirme Ugur Sahin.

La protéine spike, une « cible essentielle »

Certains chercheurs se sont inquiétés de l’effet de ces nouveaux vaccins en complément des précédentes injections. Ne risquent-ils pas de doper les anciennes défenses immunitaires, largement inadaptées, plutôt que d’en ériger de nouvelles, ce que les spécialistes de la grippe ont baptisé « l’empreinte immunitaire » ou le « péché immunitaire originel » ?

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« Ce principe est une hypothèse non prouvée, répond l’immunologue allemand.Personnellement, je ne crois pas que cela soit un problème véritable. Le système immunitaire a une capacité d’adaptation et une plasticité élevées, et devrait être capable d’activer les deux, en renforçant les réactions immunitaires existantes tout en générant de nouveaux anticorps. Mais nous devrons évidemment en faire l’évaluation. De plus, nous avons deux lignes de défense immunitaire. La seconde ligne de protection, ce sont les cellules T qui, à elles seules, peuvent fournir une très bonne protection contre les formes graves de la maladie. Et à cet égard, nous savons que plus de 80 % des régions de la protéine spike qui sont reconnues par les cellules T restent inchangées avec Omicron et sont communes aux deux variants. »

Face à la multiplication des variants, certains estiment qu’il faut changer de cible, s’éloigner de la protéine spike, qui concentre la plus grande partie des mutations. Pour Ugur Sahin, au contraire, « c’est une cible essentielle qui ne peut pas être remplacée. Ce que nous sommes en train d’évaluer, c’est l’ajout d’autres cibles, situées ailleurs sur le virus. BioNTech poursuit actuellement des travaux de recherche fondamentale sur différents types de vaccins ».

Nathaniel Herzberg et  Cécile Boutelet(Berlin, correspondance)

Voir aussi:

https://environnementsantepolitique.fr/2021/12/20/lefficacite-vis-a-vis-du-variant-omicron-grimpe-a-76-avec-trois-doses-de-pfizer-et-a-71-avec-un-schema-astrazeneca-complet-puis-une-dose-de-pfizer/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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