Étonnante relaxe des 17 étudiants de l’IEP de Grenoble qui avaient déclenché une chasse idéologique aux enseignants accusés d’islamophobie.

Islamophobie » à l’IEP de Grenoble : « La chasse idéologique aux enseignants est ouverte »

Entretien

Par Jean-Loup Adenor

Publié le 07/12/2021 à 17:55

https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/islamophobie-a-liep-de-grenoble-la-chasse-ideologique-aux-enseignants-est-ouverte?utm_source=nl_quotidienne&utm_medium=email&utm_campaign=20211207&xtor=EPR-1&_ope=eyJndWlkIjoiOGFhNDgzMzIwMWE0MDhlOGE1ZDc3NmFjMGI4NDRiYmMifQ%3D%3D

Au cœur d’une polémique pour s’être opposé au concept « d’islamophobie », un professeur de l’Institut d’études politiques de Grenoble, Klaus Kinzler, a vu son nom placardé sur les murs de l’établissement pendant qu’une association étudiante exigeait que la direction « statue sur son cas ». Ces mêmes étudiants ont récemment été relaxés par une commission disciplinaire*. Un « blanc-seing » aux campagnes d’intimidation, estime, auprès de « Marianne », le professeur en question.

Si Klaus Kinzler enseigne à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, il n’y a pas donné cours depuis mars, après que son année universitaire a été perturbée par une vive polémique. Sur les murs de l’IEP, des affiches mentionnant son nom et le qualifiant d’« islamophobe » ont fleuri en début d’année. En cause : une querelle entre professeurs lors d’un échange de mails qui a fait grand bruit dans la communauté enseignante et étudiante de l’établissement. Klaus Kinzler s’y opposait à l’utilisation du terme « islamophobie » dans l’organisation d’une semaine de lutte contre les discriminations.

Dans cette même correspondance, Klauz Kinzler critiquait aussi l’islam, une religion qu’il admet « ne pas beaucoup aimer », notamment, explique-t-il, à cause de ses dérives fondamentalistes et de la place qu’elle laisse aux femmes. Une organisation étudiante, l’Union syndicale (US), a réagi. Dans un texte publié en janvier sur les réseaux sociaux et envoyé à la direction de l’IEP, le professeur y était présenté comme un « islamophobe » dont les idées appartenaient à « l’extrême droite ». Les étudiants étaient appelés à boycotter la semaine de lutte contre les discriminations en question et la direction de l’IEP « à statuer » sur le « cas » de Klaus Kinzler. L’US allait plus loin, en exhortant l’établissement à réaffirmer publiquement « l’usage et la scientificité [du]terme [d’islamophobie] ». Enfin, l’organisation étudiante exigeait la suppression des cours sur l’islam tenus par des professeurs « mis en cause pour leur islamophobie ».… (suite abonnés)

*Sciences Po Grenoble : relaxe pour les étudiants passés en conseil de discipline

La décision va à l’encontre du souhait de la ministre de l’enseignement supérieur de voir sanctionnés les dix-sept étudiants poursuivis pour avoir participé à la diffusion des accusations d’islamophobie visant deux professeurs au début de 2021. 

Par Soazig Le NevéPublié le 26 novembre 2021 à 14h55 – Mis à jour le 26 novembre 2021 à 17h15  

Temps de Lecture 2 min. 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/26/sciences-po-grenoble-relaxe-pour-les-etudiants-passes-en-conseil-de-discipline_6103737_3224.html

Des étudiants passent devant la statue « Hypnos » de l’artiste espagnol José Seguiri, à l’entrée du campus de Sciences Po Grenoble, à Saint-Martin-d’Hères, le 8 mars 2021.
Des étudiants passent devant la statue « Hypnos » de l’artiste espagnol José Seguiri, à l’entrée du campus de Sciences Po Grenoble, à Saint-Martin-d’Hères, le 8 mars 2021. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

La décision a été prise à l’unanimité. La commission de discipline de l’université de Clermont-Auvergne a relaxé, le 19 novembre, les dix-sept étudiants de Sciences Po Grenoble poursuivis pour leur participation, entre le 8 janvier et le 22 février 2021, à la diffusion des accusations d’islamophobie visant deux professeurs de l’établissement. Les noms de ces enseignants avaient ensuite été placardés sur les murs de l’institut, le 4 mars, accolés à cette phrase : « Des fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue. » Une enquête de police est toujours en cours pour déterminer l’identité des poseurs d’affiches.

Seule une étudiante, sur les dix-sept, a fait l’objet d’une sanction d’exclusion temporaire avec sursis, dans le cadre d’une autre affaire, pour « diffamation » à l’encontre d’un membre du conseil d’administration de l’institut d’études politiques (IEP) qu’elle avait accusé de harcèlement sexuel.

Les faits : Sciences Po Grenoble : enquête ouverte après des accusations d’islamophobie envers deux professeurs

Cette relaxe, dont Le Monde a eu copie, va à l’encontre des préconisations de la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, qui avait appelé à sanctionner ces étudiants, membres de l’Union syndicale (US), au motif qu’ils s’étaient « comportés de façon inadmissible » en diffamant leurs professeurs sur les réseaux sociaux, en portant « atteinte » à l’honneur de ces derniers et, par conséquent, à la réputation de l’IEP.

Dans son rapport remis à la ministre le 7 mai, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) avait jugé sévèrement ces mêmes étudiants, accusés d’avoir créé « un climat de peur ». L’inspection appelait la directrice de l’établissement à engager sans délai une procédure disciplinaire à leur encontre, et lui intimait l’ordre de dépayser l’affaire dans un autre établissement pour éviter tout risque de trouble à l’ordre public et garantir l’impartialité des membres de la section disciplinaire.

La direction de l’IEP « prend acte »

Pour rappel, le 9 janvier, les élus étudiants de l’US avaient demandé, dans un mail à la directrice de l’IEP, de « statuer » sur le cas d’un des deux enseignants et de « prendre des mesures pour lutter contre l’islamophobie dans l’établissement ». Sur les réseaux sociaux, le syndicat était allé plus loin, réclamant « que des actes concrets soient pris », notamment la suppression du cours sur l’islam dispensé par le second professeur – qui était, par ailleurs, venu en soutien de son collègue. Enfin, le 22 février, par un « appel à témoignages » publié sur Facebook, l’US invitait les étudiants à dénoncer anonymement les propos islamophobes qui auraient pu être tenus dans ce cours.

Lire aussi   A Sciences Po Grenoble, « Mme D. » contre-attaque après le rapport de l’inspection générale

Pour leur défense, les étudiants se sont notamment appuyés sur la « charte pour l’égalité, contre les discriminations, le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles » de Sciences Po Grenoble, qui interdit toute mesure qui mettrait en cause des personnels et/ou étudiants dénonçant ce type de comportements. Ils ont fait valoir que les actions de leur syndicat s’inscrivaient dans ce seul dessein, « la pratique des appels à témoignage étant parfaitement courante en la matière ». En conséquence, estiment-ils, « aucune accusation de fascisme et d’islamophobie n’est matérialisée, le syndicat ayant simplement exercé son objet statutaire et sa liberté d’expression syndicale ».

Dans un communiqué, jeudi 25 novembre, la direction de l’IEP « prend acte de ces décisions et espère qu’elles consolideront le dialogue constructif entamé avec l’ensemble des communautés de l’établissement depuis la rentrée universitaire 2021-2022 ». Elle ajoute qu’elle « défend fermement la liberté d’expression et la liberté académique, la liberté d’association et le droit syndical » et que « ces libertés sont également accompagnées de responsabilités individuelles que l’ensemble des membres de la communauté universitaire s’engage à respecter ».

Soazig Le Nevé

À LIRE AUSSI : IEP de Grenoble : où sont les fascistes ?

IEP de Grenoble : où sont les fascistes ?

Édito

Par Natacha Polony

Publié le 11/03/2021 à 12:50

https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/iep-de-grenoble-ou-sont-les-fascistes

IEP de Grenoble : où sont les fascistes ?
La peur est la plus sûre alliée du vrai fascisme.
© Hannah Assouline.

L’une des questions que pose l’affaire de Sciences Po Grenoble est de savoir si un professeur doit accepter stoïquement d’être traité de fasciste au motif qu’il rappelle la définition d’un mot. Une autre question est de savoir si nous pouvons laisser tranquillement écrire et proclamer par des étudiants enivrés de leur courage antifasciste que « l’islamophobie tue ». Jusqu’à preuve du contraire, ce qui a beaucoup tué en France ces dernières années, ce n’est pas une supposée islamophobie.

L’homme est apparu sur les plateaux de télévision, visiblement affecté. Indigné. De son léger accent allemand, le professeur agrégé a décrit la polémique à l’Institut d’études politiques (IEP) de Grenoble, le placardage de son nom et de celui d’un de ses collègues, avec ces mots, « des fascistes dans nos amphis » les enseignants et la direction de l’IEP, bien sûr solidaires, dénonçant une « mise en danger » par ce placardage et sa diffusion sur les réseaux sociaux, mais sans jamais s’avancer sur le fond. Sans jamais affirmer clairement qu’un professeur refusant le concept d’« islamophobie d’État » et distinguant la « peur de l’islam » de la « détestation envers les musulmans », que l’on soit d’accord ou non avec cette position, n’a rien d’un fasciste.

« ISLAMO-GAUCHISME » ?

Il est assez piquant que cet épisode arrive quelques jours après le psychodrame autour de l’« islamo-gauchisme », concept, nous l’avons écrit, vidé de sa substance par une droite et une extrême droite qui l’utilisent comme slogan et comme insulte, mais dont les étudiants de l’IEP de Grenoble ont eu visiblement à cœur de raviver la pertinence. Que des étudiants pétris de certitudes, et dont la virulence est inversement proportionnelle au recul historique, s’en prennent à des professeurs et les traitent de fascistes, ce n’est que banalité depuis Mai 68. Que les actuels étudiants des IEP soient davantage biberonnés à la pop culture américaine – et au minoritarisme sectaire qui en est le corollaire – qu’à la philosophie politique européenne est également une évidence. On serait donc tenté de balayer d’un revers de main ces éruptions consternantes. De même que Mai 68, qui était un mouvement de libération nécessaire et la source de progrès appréciables, a donné lieu à une mascarade idéologique dans laquelle des enfants de bourgeois proclamaient la gloire de Mao et aspiraient à la dictature du prolétariat avant de devenir communicant, publicitaire ou patron de presse sans que la cause des classes populaires ait avancé d’un pouce, de même les grandes proclamations prétendument antiracistes de ces « gardes rouges » intersectionnels leur permettront d’atteindre des positions dominantes sans que les inégalités et les discriminations véritables aient le moins du monde régressé. Mais peut-être faut-il craindre que, en arrivant au pouvoir, ces gauchistes rangés des voitures n’imposent, comme avant eux les gagnants de Mai 68, le pire de leur idéologique. Ce furent l’individualisme consumériste et la destruction de la méritocratie. Ce seront la pudibonderie autocentrée et la détestation de l’universalisme.

En attendant ces jours heureux, l’une des questions que pose cette affaire est de savoir si un professeur doit accepter stoïquement d’être traité de fasciste au motif qu’il rappelle la définition d’un mot, et de voir ses étudiants guetter et enregistrer ses supposés « dérapages » pour constituer un dossier contre lui. En l’occurrence, le professeur visé a prié les activistes de bien vouloir aller se faire voir ailleurs, ce qui leur a permis de crier à la discrimination syndicale.Ce furent l’individualisme consumériste et la destruction de la méritocratie. Ce seront la pudibonderie autocentrée et la détestation de l’universalisme.

Une autre question est de comprendre comment une enseignante peut se plaindre officiellement de harcèlement parce qu’un de ses collègues refuse, dans des courriels longs et argumentés, de mettre sur le même plan islamophobie et antisémitisme et récuse donc une part de ses travaux. La controverse scientifique relève désormais de l’« atteinte morale violente »…

L’ISLAMOPHOBIE TUE ?

Une dernière question, plus essentielle, est de savoir si nous pouvons laisser tranquillement écrire et proclamer par des étudiants enivrés de leur courage antifasciste que « l’islamophobie tue ». Jusqu’à preuve du contraire, ce qui a beaucoup tué en France ces dernières années, c’est une idéologie se réclamant d’un islam radical que ses adeptes veulent présenter comme le plus pur, et qui considère notre modernité européenne comme décadente et perverse. Il n’est pas question d’imaginer une seconde que « les » musulmans, ou même qu’une majorité de musulmans, adhèrent à ce délire haineux (et rien ne justifie le racisme ou la haine des gens de confession musulmane – l’attentat contre la mosquée de Bayonne fut à raison unanimement condamné et reste, heureusement, une exception), mais c’est bien cette idéologie qui a massacré en masse. Pas une supposée islamophobie.

L’horreur vécue par Samuel Paty aura au moins eu la vertu de nous faire réagir assez rapidement quand certains utilisent le pilori des réseaux sociaux pour y clouer les noms des supposés islamophobes (car c’est l’accusation d’islamophobie qui tue en France et non l’islamophobie). Mais cela ne suffit pas à nous faire prendre conscience collectivement que l’activisme qui progresse à une vitesse vertigineuse dans les universités, qui impose sa loi dans les sciences sociales en réclamant la démission des récalcitrants, et qui gagne peu à peu les bastions des élites (les territoires enclavés et les classes populaires intéressent assez peu ces sympathiques missionnaires) nous prépare un avenir étouffant. Ces gens sont ultra-minoritaires ? Hélas, comme ils ne sont pas démocrates, ça ne les empêchera nullement d’imposer leurs vues, dans le silence assourdissant de tous ceux qui préfèrent se taire plutôt que d’être à leur tour accusés. La peur est la plus sûre alliée du vrai fascisme.

Voir aussi:

A Sciences Po Grenoble, « Mme D. » contre-attaque après le rapport de l’inspection généraleSciences Po Grenoble : enquête ouverte après des accusations d’islamophobie envers deux professeurs https://environnementsantepolitique.fr/2021/07/04/16134/

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/05/13/apres-le-collage-le-4-mars-daffiches-accusant-nommement-deux-enseignants-dislamophobie-et-de-fascisme-et-d/

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/05/13/apres-le-collage-le-4-mars-daffiches-accusant-nommement-deux-enseignants-dislamophobie-et-de-fascisme-et-d/

https://environnementsantepolitique.fr/2021/05/13/apres-le-collage-le-4-mars-daffiches-accusant-nommement-deux-enseignants-dislamophobie-et-de-fascisme-et-d/

https://environnementsantepolitique.fr/2021/03/18/la-presidente-de-lunef-sur-le-grill-a-europe-1-a-propos-dislamisme-et-dislamophobie-des-reunions-non-mixtes-racisees/

https://environnementsantepolitique.fr/2021/03/12/la-direction-de-sciences-po-grenoble-a-laisse-le-conflit-senvenimer-devant-les-accusations-dislamophobie-envers-deux-professeurs/

https://environnementsantepolitique.fr/2021/03/08/deux-enseignants-de-sciences-po-grenoble-accuses-puliquement-de-fascisme-et-dislamophobie-par-une-collegue-et-un-syndicat-detudiants/

https://environnementsantepolitique.fr/2021/03/08/de-nombreux-proces-dintention-piegent-les-debats-actuels-qui-deplacent-le-debat-poiltique-vers-les-marecages-identitaires-frederic-pierru/(ouvre un nouvel onglet)

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Un avis sur « Étonnante relaxe des 17 étudiants de l’IEP de Grenoble qui avaient déclenché une chasse idéologique aux enseignants accusés d’islamophobie. »

Laisser un commentaire