Un texte critique le rapport Sauvé et l’entrevue avec le Pape des membres de la commission est repoussée !

Pédocriminalité dans l’Eglise : des membres de l’Académie catholique de France critiquent le rapport Sauvé

Le texte, que « Le Monde » a pu consulter, a filtré alors que le Vatican a reporté l’audience du souverain pontife avec les personnalités de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise. 

Par Cécile ChambraudPublié hier à 18h02, mis à jour à 07h03  

Temps de Lecture 5 min. 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/26/des-membres-de-l-academie-catholique-de-france-critiquent-le-rapport-de-la-ciase-sur-la-pedocriminalite-dans-l-eglise_6103779_3224.html

La concomitance des faits a troublé les membres de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase) catholique, qui a rendu public le 5 octobre un rapport exigeant sur les agressions sexuelles sur mineurs et majeurs vulnérables depuis 1950. Mercredi 24 novembre, ils apprenaient par Eric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), que leur audience par le pape François, fixée au 9 décembre, était « reportée » par le Vatican. « La raison donnée est le voyage du Saint Père à Chypre et en Grèce confirmé cette semaine et après lequel le pape aura besoin de repos », expose-t-il aux membres de la Ciase, qui se dit « désolée » que cette rencontre « ne puisse avoir lieu avant Noël ».

Or la raison de cette modification d’agenda pourrait être plus complexe que celle avancée. D’abord parce que le voyage du pontife a été annoncé officiellement par le Vatican dès le 5 novembre. Ensuite, parce qu’un texte de quinze pages très critique sur le travail de la Ciase a été adressé à Rome par des membres de l’Académie catholique de France, une institution réunissant des intellectuels catholiques, fondée en 2008. Il constitue une démolition en règle du bilan et des recommandations produits par la vingtaine d’experts réunis en février 2019 par Jean-Marc Sauvé.

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L’analyse critique des huit signataires de ce texte non rendu public, révélé par La Croix et auquel Le Monde a eu accès, est uniformément négative. Les auteurs – Jean-Robert Armogathe, directeur de la revue de théologie Communio, Philippe Capelle-Dumont, professeur de philosophie à la faculté de théologie de Strasbourg, l’avocat Jean-Luc Chartier, l’historien Jean-Dominique Durand, la juriste Yvonne Flour, le philosophe Pierre Manent, Hugues Portelli, doyen de la faculté de sciences sociales et économique de l’Institut catholique de Paris, et Emmanuel Tawil, maître de conférences à Paris-II – contestent la méthodologie qui a conduit l’Inserm à évaluer, pour la Ciase, à 330 000 le nombre de personnes aujourd’hui majeures qui auraient été agressées sexuellement pendant leur minorité par un prêtre, un religieux ou un laïc en mission ecclésiale. L’évaluation est de 216 000 pour les seuls prêtres et religieux.

« Recommandations discutables »

Ils opposent à l’évaluation de l’Inserm les données obtenues par l’enquête de l’équipe de l’Ecole pratique des hautes études, qui, sur la base du dépouillement des archives, notamment ecclésiastiques, aboutit à une fourchette comprise entre 4 832 et 27 808 victimes. « On peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit la commission à retenir un chiffrage plutôt qu’un autre. (…) La rigueur scientifique n’a pas présidé à ses travaux », assènent les auteurs de la note.

Ils semblent discerner d’ailleurs dans l’ensemble du rapport une intention maligne : « L’évaluation disproportionnée de ce fléau nourrit en effet le discours sur son caractère systémique et fait le lit des propositions pour mettre à bas l’Eglise-institution. La fonction, en tout cas, d’un tel chiffre est de clore la discussion. (…)L’esprit qui préside à l’analyse des causes et à la formulation des recommandations semble a priori idéologique. »

L’évaluation du nombre des victimes et des agresseurs n’est pas leur seule cible. Ils critiquent tout aussi vertement une « ecclésiologie insuffisante », une « exégèse faible », une « théologie morale périmée ». En dénonçant l’influence, jusqu’au sein de l’Eglise, « au cours des années 1950-1970 », de courants intellectuels qui auraient défendu la légitimité de la pédophilie, ils reprennent une théorie exposée par le pape Benoît XVI mais pas reprise à son compte par son successeur, François.

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Les auteurs s’en prennent aussi en détail aux développements juridiques qui conduisent la Ciase à mettre en cause la responsabilité institutionnelle de l’Eglise. Ils font valoir que « l’Eglise n’est pas une personne juridique », que les évêques ne peuvent être tenus pour responsables des actes des prêtres de leur diocèse sans qu’il y ait faute de leur part, que l’on ne saurait parler d’indemnité ou de réparation, que la commission mise en place par les évêques doit tenir compte de la prescription et de la présomption d’innocence. « Les défauts les plus graves du rapport de la Ciase (…) concernent ses recommandations, qui sont discutables dès lors que leurs prémices le sont. »

Nécessité d’un regard extérieur

De manière générale, les auteurs semblent contester la légitimité d’un regard et d’une expertise extérieurs à l’Eglise. Ils accusent certaines recommandations de « remettre en cause la nature spirituelle et sacrée de l’Eglise, (…) de son clergé et de ses sacrements ». « C’est à l’Eglise catholique seule (…) qu’il revient d’entreprendre librement (…) les réformes nécessaires pour retrouver son honneur et sa légitimité », affirment-ils.

Globalement, leur texte se situe à l’exact opposé des décisions de la Conférence des évêques de France et de la Conférence des religieuses et religieux de France. Episcopat et religieux ont d’abord reconnu la nécessité d’un regard extérieur en créant la Ciase. Ils ont ensuite reconnu comme fondées ses recommandations de principe : la responsabilité institutionnelle de l’Eglise dans les abus sexuels et leur dimension systémique.

« En l’état, rien dans le document de l’Académie catholique n’est de nature à remettre en cause l’analyse de la Ciase et, en particulier, de ceux de ses membres qui ont été les plus troublés par les résultats de l’enquête en population générale et qui auraient rêvé de découvrir des résultats différents, a indiqué au Monde Jean-Marc SauvéLes membres de l’Académie catholique qui ont signé le texte d’Hugues Portelli croient pouvoir épargner à l’Eglise des indemnisations douloureuses et des réformes nécessaires et profondes en disqualifiant le travail de la Ciase. C’est un grand classique. Malheureusement, cette opération va se retourner contre eux et, plus encore, contre l’Eglise. Car leur initiative manifeste un grand mépris des victimes et leur argumentation est très pauvre, en dépit de quelques apparences. »

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Jeudi 25 novembre, interrogée sur le « report » de l’audience des membres de la Ciase par le pape François, une source au Vatican jugeait légitime de prendre connaissance des « lectures plus critiques » du rapport de la Commission indépendante que celle qui a prévalu depuis sa publication. Elle insistait sur le fait que l’audience n’avait pas été annoncée officiellement et ajoutait n’avoir « pas le moindre doute » qu’il ne s’agisse que d’un « report ».

Cécile Chambraud

Commentaires Dr Jean SCHEFFER:

« Les membres de l’Académie catholique qui ont signé le texte d’Hugues Portelli croient pouvoir épargner à l’Eglise des indemnisations douloureuses et des réformes nécessaires et profondes en disqualifiant le travail de la Ciase. C’est un grand classique.« 

« Leur initiative manifeste un grand mépris des victimes et leur argumentation est très pauvre, en dépit de quelques apparences.« 

« Ils accusent certaines recommandations de « remettre en cause la nature spirituelle et sacrée de l’Eglise, (…) de son clergé et de ses sacrements » 

Ces quelques phrases nous montrent bien que de 8 membres de l’Académie catholique de France, tient des propos de traditionalistes qui malheureusement ont l’oreille du Vatican. Il est à craindre que l’Eglise de France qui recrute de plus en plus de prêtres de cette tendance, perde encore plus de fidèles et soit incapable de se remettre en cause sérieusement et véritablement. Cela détonne en comparaison des buts, des actions, colloques , ouvrages présentés par l’ Académie. Ont-ils l’aval de cette académie ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/Académie_catholique_de_France

Voir aussi:

https://lanef.net/2021/11/27/rapport-sauve-une-critique-argumentee-de-membres-de-lacademie-catholique-de-france/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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