Campagne chez les LR: à droite toute, le centre en disparition

Présidentielle 2022 : chez Les Républicains, des candidats à droite toute

Le deuxième débat des prétendants LR à la présidentielle, organisé dimanche sur BFM-TV, a tourné à la surenchère de propositions-chocs pour lutter contre l’immigration et l’insécurité. 

Par Sarah Belouezzane Publié 15 Novembre 2021 à 01h00, mis à jour à 13h05  

Temps de Lecture 4 min. 

Les cinq candidats à l’investiture du parti Les Republicains (LR), lors du deuxième débat, à Paris, le 14 novembre 2021.
Les cinq candidats à l’investiture du parti Les Republicains (LR), lors du deuxième débat, à Paris, le 14 novembre 2021. THOMAS SAMSON / AFP

Fini les petits fauteuils aux airs de salon cosy. Dimanche 14 novembre, pour le deuxième débat des prétendants de la droite à la candidature pour le scrutin présidentiel de 2022, BFM-TV a opté pour un retour des bons vieux pupitres installés les uns à côté des autres, comme une ligne de départ avant une course. Une compétition où la droite a tenté d’aller le plus loin possible sur les questions régaliennes, essayant peut-être de distancer le presque candidat d’extrême droite Eric Zemmour, qui ne cesse de la moquer afin d’attirer à lui ses électeurs. A l’heure où la planète semble plus en danger que jamais, et où l’Europe est à l’aube d’une cinquième vague de la pandémie de Covid-19, la droite semblait, dimanche, n’avoir d’autre préoccupation que le régalien.

Lire notre analyse :  Chez Les Républicains, un premier débat courtois sans vainqueur en vue de la présidentielle 2022

Après une courte présentation de chacun des candidats, les journalistes sont entrés dans le vif du sujet avec le premier thème : l’immigration. Une question sur laquelle l’ancien commissaire européen Michel Barnier, la présidente de l’Ile-de-France, Valérie Pécresse, le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, et le maire de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), Philippe Juvin, ont rivalisé de propositions plus fermes les unes que les autres.

Lire aussi   Présidentielle 2022 : chez LR, la course à l’échalote souverainiste

La première question sur la crise migratoire organisée par la Biélorussie à la frontière de la Pologne a été l’occasion pour les candidats de rappeler leurs positions. Interrogés sur « la crise humanitaire », ils ont plutôt répondu sur l’entrée ou non des migrants sur le sol européen, estimant tous qu’il fallait « aider les Polonais ». Tous ou presque se sont même prononcés en faveur de la construction d’un mur à la frontière polonaise. « On ne peut pas céder au chantage migratoire d’un dictateur. Si nous plions à la frontière polonaise, alors demain nous plierons à Ceuta [ville autonome espagnole ayant une frontière terrestre avec le Maroc] ou à Lesbos [Grèce]. C’est l’existence même de l’Europe qui est en jeu », a jugé Valérie Pécresse.

« Qui nous sommes ? »

Pour les candidats, qui seront départagés par les adhérents du parti le 4 décembre, il s’agit de montrer qu’ils sont le plus à droite possible. Hors de question de passer pour laxistes, au risque de se faire disqualifier par des militants présentés par beaucoup comme plus à droite que leurs élus. Et tant pis pour l’après-4 décembre, où il faudra parler à tous les Français. A la bouche, les cinq prétendants n’avaient tous que le mot « fermeté ». Ainsi du moratoire de Michel Barnier, qu’il a expliqué après avoir cité Charles Prats, magistrat apprécié des milieux d’extrême droite. Le même Michel Barnier qui, vendredi 12 novembre, a proposé de supprimer le droit du sol à Mayotte.

Lire aussi   Michel Barnier veut supprimer le droit du sol à Mayotte pour lutter contre l’immigration clandestine

Ainsi de Valérie Pécresse, qui a tenu à rappeler sa conviction que terrorisme et immigration étaient liés. Ou encore d’Eric Ciotti, qui veut tout simplement supprimer le droit du sol et le regroupement familial. « Mais derrière, il y a un principe d’humanité… », rappelle le journaliste Maxime Switek. « C’est un choix », répond M. Ciotti. Fermez le ban.

Lire aussi   Ces adhérents LR qui soutiennent Eric Zemmour pour l’élection présidentielle de 2022

Xavier Bertrand, sur une ligne tout aussi dure, a tenté de se tenir au-dessus des débats de mesures, pour montrer que lui avait une « vision » : « Qui nous sommes ? Est-ce qu’on veut rester sur notre vie et nos valeurs ? », a-t-il interrogé. La France est « un pays qui va décider qui vient en France pour combien de temps et selon quelles conditions », a-t-il prévenu. Dans cet échange, seul Philippe Juvin a eu quelques nuances, précisant par exemple qu’il n’envisageait pas de réduire l’immigration étudiante.

Un « quoi qu’il en coûte sécuritaire »

Les candidats se sont ensuite emparés de la question de l’intégration, proposant ainsi, qui l’interdiction du voile porté sous contrainte, qui celle du voile pour les mineurs. Ou encore, demandant des tests d’assimilation à l’âge de 18 ans pour les enfants nés en France de parents étrangers, pour Valérie Pécresse. Habitué des phrases choc pour faire émerger sa candidature, Eric Ciotti a jugé que la France était aujourd’hui « dans une forme de lâcheté et de soumission », avant de proposer que le voile soit interdit dans les services publics. Philippe Juvin s’est encore démarqué : « Je suis médecin et moi je soigne tout le monde, la question de soigner les gens parce qu’ils sont habillés comme ci ou comme ça ne se pose pas. »

A l’immigration a succédé le sujet de la sécurité. Xavier Bertrand et Michel Barnier s’en sont pris au bilan en la matière d’Emmanuel Macron, qu’ils jugent insuffisant. Eric Ciotti, de son côté, a proposé un « quoi qu’il en coûte sécuritaire ». Au bout de presque deux heures de débat sécuritaire, la question de la crise sanitaire est venue sur le tapis pour… une poignée de minutes. Un moment que le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, a choisi pour tenter de faire la différence, convoquant son expérience au ministère de la santé. A la question d’un confinement des non-vaccinés, comme vient de le décider l’Autriche, il a pris, au même titre que Valérie Pécresse, le contrepied de ses concurrents : « Je ne reconfinerai pas tous les Français parce que certains ne veulent pas se faire vacciner. Et donc, s’il y a des décisions difficiles à prendre, je l’assume », a-t-il déclaré.

De pouvoir d’achat, de politique économique et industrielle, d’environnement ou de fiscalité, il a un peu été question dimanche, mais trop tard sans doute pour que les téléspectateurs aient encore de l’énergie pour écouter. Au final, chacun dans son couloir, aucun des candidats n’a vraiment su se distinguer lors de ce deuxième débat. De 2016, où les thèmes labourés étaient plus divers et les propositions plus fortes, le cru 2022 ne semble pas avoir gardé grand-chose.

Sarah Belouezzane

Contribuer

À la télévision, les candidats LR jouent à perdant-perdant

Une course désespérée à la fermeté sur l’immigration ou la sécurité

9 NOVEMBRE 2021 PAR ILYES RAMDANI

https://www.mediapart.fr/journal/france/091121/la-television-les-candidats-lr-jouent-perdant-perdant?utm_source=global&utm_medium=social&utm_campaign=SharingApp&xtor=CS3-5

Les cinq candidats à l’investiture LR ont débattu pendant trois heures sur LCI, lundi 8 novembre, sans qu’il n’en sorte aucune franche divergence. Tout juste une course désespérée à la fermeté sur l’immigration ou la sécurité, adoucie par la forme d’un échange souvent narcotique.

Ce devait être le grand retour de la droite d’opposition au premier plan de l’agenda politique. Le premier des quatre débats entre les candidats Les Républicains (LR) à l’investiture présidentielle, lundi 8 novembre sur LCI et RTL, a finalement exhibé au grand jour la faiblesse de cette famille politique. Au terme de trois heures d’échanges sans grand relief, les cinq postulants n’ont pas franchement réussi à marquer leur différence ni à convaincre de leur capacité à remporter le scrutin de 2022.

Écouter cet article

https://cdn.embedly.com/widgets/media.html?src=https%3A%2F%2Fpodcasts.audiomeans.fr%2Fplayer-v2%2Flectures-d-articles-012cabe11ee8%2Fepisodes%2F94688124-542b-413b-a777-99baca697d22%3Fdownload%3D0%26std%3D0%26vert%3D0%26playlist%3D0%26color%3Dfc392b%26theme%3Ddark&display_name=Audiomeans&url=https%3A%2F%2Fpodcasts.audiomeans.fr%2Fplayer-v2%2Flectures-d-articles-012cabe11ee8%2Fepisodes%2F94688124-542b-413b-a777-99baca697d22%3Fdownload%3D0%26std%3D0%26vert%3D0%26playlist%3D0%26color%3Dfc392b%26theme%3Ddark&image=https%3A%2F%2Fstatic.audiomeans.fr%2Fimg%2Fpodcast%2Fa76d66ba-72e1-4821-86f7-d04316487b74_400x400.jpg&key=fbab48d0309b4a55bd8c1874098bbfc1&type=text%2Fhtml&schema=audiomeans© Mediapart

La direction de LR pourra certes se réjouir d’avoir évité les passes d’armes qui avaient marqué les débats qu’elle avait organisés il y a cinq ans. Mais pour le reste… il ne s’est pas passé grand-chose sur le plateau de LCI. Au diable, par exemple, les concurrences ancestrales entre sous-familles de la droite – souverainistes contre libéraux, modérés contre conservateurs… Dans un débat accaparé par les fièvres sécuritaires et identitaires de l’époque, les candidats ont rivalisé de radicalité en la matière.

Au jeu de la surenchère, c’est Éric Ciotti qui est largement sorti vainqueur de cette joute télévisuelle. « Je veux abattre le politiquement correct », a claironné le député des Alpes-Maritimes. Suppression de 250 000 postes de fonctionnaires, « permis à points » pour les immigrés, rétablissement des peines planchers, référendum pour s’affranchir des juridictions européennes : l’élu niçois a égrené une série de propositions censées plaire à la frange la plus droitière de l’électorat LR.Le débat des Républicains, lundi 8 novembre. © Adrien Fillon / Hans Lucas via AFPLe débat des Républicains, lundi 8 novembre. © Adrien Fillon / Hans Lucas via AFP

Sur le « grand remplacement », un naufrage collectif

Il a même allègrement franchi les décombres de la digue qui séparait la droite et l’extrême droite en reprenant à son compte la théorie du « grand remplacement ». À la manière d’un Nicolas Sarkozy promettant en 2014, sous la pression de Sens commun, l’abrogation du mariage pour tous (« Si ça vous fait plaisir, ça ne coûte pas très cher »), Éric Ciotti s’est pris les pieds dans le tapis de l’électoralisme lorsqu’il a été interrogé sur cette idéologie d’extrême droite« Il est inutile de nier la réalité, a-t-il lancé. Vous appelez ce phénomène comme vous voulez mais moi, je le constate et je veux qu’il s’arrête. […] S’il faut parler de grand remplacement, je parle de remplacement. »

Voir une partie de la droite emprunter les mots et les concepts de l’extrême droite n’a toutefois rien d’inédit. En revanche, le festival de circonvolutions des autres candidats pour masquer leur embarras et leur incapacité à condamner les propos de leur concurrent avait quelque chose d’aussi pathétique sur le plan télévisuel que significatif sur le plan politique.

Michel Barnier, par exemple, a refusé de reprendre la théorie de Renaud Camus au prétexte qu’elle était « utilisée par des gens, et notamment une personne, qui n’a pas la même histoire que nous » – une allusion claire à Éric Zemmour. Valérie Pécresse a dit « déteste[r] cette expression parce qu’elle donne le sentiment que tout est foutu ». Pas parce qu’elle a inspiré un attentat qui a tué 49 personnes, en mars 2019 à Christchurch (Nouvelle-Zélande). Pas même, comme le disait Marine Le Pen, parce qu’elle est « complotiste » et suppose un « plan établi » d’invasion de la France.

Un naufrage intellectuel que les cinq candidats LR, tout à leur esprit de rassemblement, ont partagé et assumé en chœur. Même Philippe Juvin, réputé plus modéré, y est allé de son crédit à cette théorie. « Dans certains quartiers, il y a des classes où une majorité d’élèves n’ont pas le français comme langue maternelle », a assuré le maire de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine). Xavier Bertrand, lui, s’est posé en bouclier ; non pas à la diffusion des délires de l’extrême droite mais au « grand remplacement » lui-même. « Ça ne se produira pas parce qu’on va gagner l’élection présidentielle et mettre fin au laxisme migratoire », a juré l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy.

Tout s’est passé, lundi soir, comme si les cinq candidats avaient les yeux rivés pendant trois heures sur les enquêtes d’opinion et le portrait-robot supposé de l’adhérent LR. À ce corps électoral réputé séduit par Éric Zemmour et avide de solutions fermes et droitières sur les sujets régaliens, les aspirants à la présidence de la République n’ont eu de cesse de montrer patte droite.

#Immigration: quelle politique migratoire ?

🗣️@xavierbertrandest d’accord pour taxer les transferts d’argent des immigrés qui travaillent au quotidien en France et est prêt à aller vers des crises diplomatiques, par exemple avec l’Algérie, sur la question des visas » pic.twitter.com/LXD9hExHok— LCI (@LCI) November 8, 2021

Les rares nuances perceptibles l’ont été sur des questions secondaires, transformant ce débat présidentiel en réunion interne de campagne. D’accord pour lutter drastiquement contre l’immigration, la dette publique ou l’insécurité, les favoris du scrutin interne se sont échangé quelques piques polies sur les modalités de leur hypothétique action. « Je n’ai pas vraiment compris comment fonctionne le moratoire de Michel », a lancé Valérie Pécresse, appuyée par Xavier Bertrand.

« Mes amis Valérie et Xavier font semblant de ne pas comprendre », s’est agacé Michel Barnier. Quand Valérie Pécresse lui rétorquait que « les gens ont compris “immigration zéro” », le Savoyard a corrigé – « C’est toi qui as compris cela » – puis convoqué leur figure tutélaire commune. « Je te recommande de te rapprocher de Nicolas Sarkozy qui a approuvé l’idée de ce moratoire, a-t-il lancé. Il faudra que vous vous expliquiez. » Après une nouvelle contradiction de la présidente de la région Île-de-France, Michel Barnier a soufflé, exaspéré : « Très bien, tu as toujours raison… »

LIRE AUSSI

Au milieu de ces querelles byzantines, la droite LR n’a pas profité de cette vitrine médiatique pour convaincre que son projet de société était différent de celui d’Emmanuel Macron. Les choix éditoriaux des organisateurs ne l’ont pas aidé. Il était presque minuit quand Philippe Juvin a tenté, après les sus-cités palabres sur l’immigration, le voile ou la sécurité, d’évoquer la question des inégalités territoriales de santé. « La fracture principale, elle n’est pas sur le voile, elle est là ! », s’est insurgé le médecin urgentiste.

Les deux modérateurs du débat l’ont rapidement coupé. « C’est un sujet très important que nous avons choisi, hélas, de ne pas traiter ce soir parce que nous ne le pouvions pas, a exposé Ruth Elkrief. Nous avons été obligés de faire des choix. » Philippe Juvin a tenté d’insister. « La question du voile est importante, j’ai à la subir aussi en tant que maire, s’est-il senti obligé de préciser. Mais ça ne peut pas être la question qui empêche les autres débats ! » De quoi révolter David Pujadas. « Ah non mais pardon, huit minutes sur le voile… » Réponse du candidat : « Et deux pour la santé. »

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Laisser un commentaire