Coca-Cola, champion du monde de la pollution plastique
Selon le classement 2021 de l’ONG Break Free From Plastic, la marque américaine reste celle qui génère le plus de déchets dans l’environnement, devant PepsiCo et Unilever.
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Chaque année, l’ONG Break Free From Plastic envoie ses volontaires aux quatre coins du monde pour ramasser les déchets plastiques qui finissent partout (plages, rivières, parcs, forêts, rues…) sauf à la poubelle, avec une mission pas toujours évidente : identifier les marques derrière ces détritus. Chaque année, l’association en tire un classement des entreprises championnes de la pollution plastique. Chaque année, Coca-Cola termine en tête de ce palmarès pas vraiment honorifique. L’édition 2021 de ce classement, publiée lundi 25 octobre, ne fait pas exception. Sur 19 826 déchets plastiques (bouteilles ou morceaux de bouteilles) récupérés et identifiés dans 39 pays différents, la marque américaine de sodas occupe la première marche du podium.
Un titre qui fait tache pour une entreprise qui tente de se construire une image plus responsable. « La protection de l’environnement est une priorité majeure, martèle la marque sur son site Internet. Nous nous engageons notamment à permettre la collecte de tous les emballages de nos produits d’ici à 2025 afin qu’ils ne finissent pas comme des déchets sauvages ou dans les océans. »
On en est encore loin. A en croire les rapports successifs de Break Free From Plastic, la situation continue même de se dégrader, année après année. Lors de la première édition de son rapport, en 2018, l’ONG avait recensé 9 216 détritus de plastique associés aux produits commercialisés par Coca-Cola, 11 732 l’année suivante et 13 834 en 2020. En 2021 encore, à elle seule, la multinationale a une empreinte supérieure à celle réunie de son rival PepsiCo et d’Unilever, respectivement deuxième (8 231 déchets plastiques) et troisième (6 079).
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99 % du plastique d’origine fossile
C’est la première fois que le géant de l’agroalimentaire et des produits d’hygiène se hisse sur le podium, d’où il a éjecté Nestlé. Unilever a intégré le cercle restreint des partenaires principaux de la COP26 sur le climat, qui s’ouvre à Glasgow le 31 octobre. Une présence que Break Free From Plastic juge « particulièrement insultante », 99 % du plastique étant d’origine fossile.
Pour la première fois aussi, un français entre dans le top 10 de ce classement des plus gros pollueurs plastiques. Il s’agit du groupe Danone. Il occupe la huitième place (avec 3 223 déchets identifiés dans 26 pays), juste derrière le leader mondial de l’industrie du tabac, Philip Morris. Procter & Gamble (5e), Mondelez (6e), Mars (9e) et Colgate-Palmolive (10e) complètent le tableau. La variété des compagnies donne à voir celle des déchets : bouteilles de soda et d’eau, pots de yaourt, compotes à boire, gels douches, tubes de dentifrices, bidons de lessive, paquets de cigarettes…
En 2021, malgré la crise sanitaire liée au Covid-19, Break Free From Plastic a tout de même pu organiser 450 collectes de déchets (mobilisant environ 11 000 bénévoles) dans 45 pays – dont la France – à travers le monde. Au total, 330 493 déchets plastiques ont été récupérés. Mais moins de 60 % ont pu être associés à une marque. « Un petit échantillon représentatif de l’immense pollution dont sont responsables des firmes comme Coca-Cola », commente la coordinatrice de Break Free From Plastic, Emma Priestland.
Rien d’étonnant à ce que la marque américaine – qui, outre sa célèbre boisson rouge, distribue aussi Fanta, Sprite ou Tropico – soit la plus souvent retrouvée. C’est l’entreprise qui génère le plus d’emballages plastiques. Selon un rapport publié en 2019 par la Fondation Ellen MacArthur en collaboration avec le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), la multinationale américaine en produirait 3 millions de tonnes par an, soit environ 108 milliards de bouteilles, une bouteille sur cinq dans le monde. Le coût de la collecte, du tri, de l’élimination ou du recyclage de ces bouteilles a été estimé à environ 32 milliards de dollars (27,5 milliards d’euros) pour la seule année 2019 selon les calculs de WWF, quasiment le chiffre d’affaires de Coca-Cola en 2020 (33 milliards de dollars).
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Des investissements dans « de fausses solutions »
Par ailleurs, la production de ces bouteilles représenterait près de 15 millions de tonnes d’émissions de CO2, soit l’équivalent des rejets de 3 millions de voitures pendant un an, selon un rapport de Greenpeace publié en septembre (« The Climate Emergency Unpacked »). Outre la pollution de l’environnement, et en particulier des océans (les rejets de plastiques en mer pourraient quadrupler d’ici à 2040 pour atteindre jusqu’à 37 millions de tonnes par an, selon les estimations de l’ONU), la production de plastique contribue aussi au réchauffement climatique.
A la veille de l’ouverture de la COP26, le PNUE a lancé un appel à une « action mondiale urgente » pour engager une « réduction drastique » de la production de plastique. Cette dernière devrait doubler d’ici à 2050 pour flirter avec les 800 millions de tonnes par an. Le PNUE a estimé l’empreinte carbone du plastique sur l’ensemble du cycle de vie : de la production jusqu’à l’incinération ou au recyclage, dans le meilleur des cas. Les chiffres sont vertigineux. En 2050, le plastique devrait générer environ 6,5 milliards de tonnes (contre 1,7 milliard de tonnes en 2015), soit 15 % du budget carbone mondial.

Contacté par Le Monde, Coca-Cola reconnaît qu’« il reste encore beaucoup à faire »mais assure « prendre des mesures globales pour lutter contre les déchets plastiques ». « Nous restons déterminés à faire en sorte que tous les matériaux que nous utilisons dans nos emballages soient collectés et circulaires, afin qu’aucun d’entre eux ne finisse en déchet. »
Coca-Cola, Pepsi et Unilever ont tous les trois signé en 2018 un accord avec la Fondation Ellen MacArthur pour s’engager à réduire l’usage du plastique. Mais les résultats se font attendre. En 2019, il avait augmenté de 0,6 % pour les entreprises signataires. Et le plastique recyclable – présenté comme la solution d’avenir – représente moins de 2 % de leurs emballages.
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« Les multinationales comme Coca-Cola, PepsiCo et Unilever prétendent s’attaquer à la crise du plastique. Mais au lieu de montrer la voie, elles continuent à investir dans de fausses solutions, tout en s’associant à des compagnies pétrolières pour produire encore plus de plastique », déplore Emma Priestland, de Break Free From Plastic. « Pour mettre fin à ce gâchis et lutter contre le changement climatique, elles doivent sortir de leur dépendance aux emballages plastiques à usage unique et rompre avec les énergies fossiles », ajoute Abigail Aguilar, de Greenpeace Asie du Sud-Est.
Stéphane Mandard