Le constat choc et les propositions floues de la Cour des comptes sur l’avenir de la Sécurité sociale
13 octobre 2021 • Sandrine GorreriRéagir

La Cour des comptes a publié début octobre son rapport sur la Sécurité sociale. La teneur de ce rapport pourrait se résumer de la façon suivante : choc sur le constat, flou sur les propositions. Alors que les finances sociales ont été fortement impactées par la crise du Covid, bien plus encore que pendant la crise de 2008-2010, avec un déficit du régime général (+FSV) de 34 Mds € en 2021 et qui devrait atteindre encore 21 Mds € en 2022, la Cour des comptes ne fait que peu de propositions. Elle renvoie à de précédents rapports pour ce qui est des dysfonctionnements constatés dans nos régimes de retraite ou de santé, et elle fait preuve d’une extrême prudence sur les réformes à mener.
Sur vingt ans, entre 2000 et 2019, l’augmentation de la part des dépenses publiques dans le PIB (+ 4,5 points) s’explique par l’évolution des dépenses sociales : + 2,8 points pour les dépenses de retraite et + 1,7 point pour les dépenses publiques de santé. Les finances sociales constituent donc la priorité du redressement des comptes publics, les dépenses sociales[1] représentent en effet plus de la moitié des dépenses publiques.
Dans le détail, les chiffres donnent le vertige pour 2020
Le régime général et le FSV ont présenté un déficit de 38,7 Mds € en 2020 (39,7 Mds pour tous les régimes obligatoires de base +FSV, en raison du déficit de la CNRACL de 1,5 Md). En 2010, au plus fort de la crise il était de 29,6 Mds € et était revenu à 1,9 Md € en 2019. Un retour à l’équilibre qui s’est donc étalé sur 9 exercices alors que le déficit était largement inférieur à celui constaté en 2020.
En cause, une chute de 11,8 Mds des recettes (prélèvements sociaux) en 2020 par rapport à 2019. A noter que cette situation aurait pu être encore plus défavorable puisque la branche vieillesse a reçu un versement complémentaire de 5 Mds € (soulte EDF).
Côté dépenses c’est une hausse de 24,9 Mds € constatée dont 22,2 Mds € de dépenses d’assurance maladie. Plus précisément dans le champ des dépenses visées par l’Ondam ce sont les dépenses des établissements de santé qui ont le plus dérapé + 7 Mds mais en proportion les autres prises en charge qui couvrent notamment les dotations à Santé Publique France ont progressé de 250% (de 2 à 7 Mds €) !
La loi d’août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a prévu l’allongement de la durée de vie de la Cades de 2024 à 2033 et l’amortissement de 136 Md€ de dettes. Cela comprend la reprise des déficits cumulés à fin 2019 des déficits cumulés des branches maladie (16,3 Md€), FSV (9,9 Md€), vieillesse pour les non-salariés agricoles (3,6 Md€), la CNRACL (1,3 Md€). Pour 92 Md€, il s’agit d’une reprise des déficits cumulés prévisionnels des exercices 2020 à 2023. Enfin pour 13 Md€, il s’agit de la couverture d’un tiers de la dette des hôpitaux à fin 2019. La Cour tire la sonnette d’alarme : il est quasiment certain que le plafond de 92 Md€ d’autorisation de reprise de déficits par la Cades au titre des exercices 2020 à 2023 sera dépassé d’ici 2023.
Pour 2021, la situation n’est guère meilleure
Le régime général et le FSV seront encore en déficit de 34,6 Mds en 2021. Les recettes seraient toutefois meilleures qu’anticipé, en hausse de +31 Mds par rapport à 2020. Côté dépenses c’est le double effet « Ségur+crise sanitaire » comme le dit la Cour qui plombe les comptes : les dépenses reculent certes de 8 Mds par rapport à 2020 mais elles s’établissent encore à +14,7 Mds par rapport à 2019. Côté crise sanitaire, la Commission des comptes de la Sécurité sociale a calculé 14,8 Mds de dépenses liées, dont 4,7 Mds de dépenses de vaccination, 6,2 milliards de dépenses de tests. Pour le Ségur de la santé, la Cour comptabilise 7,9 Mds de dépenses supplémentaires au titre de 2021[2]. Le déficit s’expliquerait donc par des dépenses d’assurance maladie supplémentaires non anticipées malgré de meilleures recettes. Entre 2019 et 2021, la dette supplémentaire portée par la Cades aura bondi de 51 Mds€.
Les perspectives pour 2022
Le déficit du régime général+FSV se réduirait à 21,6 Mds € (22,6 pour l’ensemble des régimes de base, même si en incluant la Cades, on parvient par un effet d’optique à un rééquilibrage des comptes). Ce n’est qu’à partir de 2024, que la Cour prévoit un retour de la croissance et de la masse salariale proche de l’avant-crise sanitaire. Cela se traduirait par une stabilisation autour de 13 Mds € de déficit (15 Mds tous régimes) à partir de 2024.
Pour la Cour, le redressement des comptes sociaux doit passer par une maîtrise des dépenses. Elle rappelle qu’après la crise de 2009, le redressement était passé par une augmentation des prélèvements, une voie qui n’est plus exploitable, étant donné le poids des prélèvements obligatoires en France. La Cour insiste également sur le fait que les risques sociaux n’ont pas vocation à être financés par de la dette, les prestations sociales ne constituant pas un investissement sur l’avenir.
Par ailleurs, des transferts éventuels de dettes de la sécurité sociale à l’État, ou de recettes de l’État ou de la Cades à la Sécurité sociale peuvent améliorer les résultats annuels, mais seraient sans effet sur les soldes des administrations publiques dans leur ensemble. Et ils ne peuvent se concevoir comme une dispense de la sécurité sociale à participer à l’effort global de redressement des finances publiques.
Les pouvoirs publics sont donc au pied du mur et des aménagements à la marge ne seront pas suffisants pour redresser les comptes. C’est donc à des réformes d’ampleur qu’il faut s’atteler.
Retraites, Santé : la Cour devrait faire preuve de « radicalité »
Concernant les retraites, la Cour indique qu’une fois la crise passée, de nouvelles adaptations seront indispensables pour tenir compte notamment des évolutions démographiques et de l’allongement de la durée de la vie. Des recommandations sur les retraites déjà formulées à l’occasion du rapport « une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise » remis au Premier ministre. Pourtant, à ce moment (juin 2021), la Cour s’était montrée relativement prudente :
Un relèvement de l’âge de la retraite devrait s’accompagner d’actions impliquant les partenaires sociaux et les entreprises elles-mêmes, visant à favoriser le maintien dans l’emploi de salariés qui seraient partis plus tôt en retraite à législation inchangée. En effet, en 2018, seuls 63 % des nouveaux retraités et 52% des nouvelles retraitées avaient une activité professionnelle au moment de leur départ en retraite ; les autres percevaient d’autres revenus de remplacement (allocation chômage, pension d’invalidité ou revenu de remplacement) ou étaient sans revenus connus.
Dans le précédent rapport sur la loi de financement de la Sécurité sociale 2020, la Cour émettait quelques réserves sur le bénéfice d’un report de l’âge :
Les réformes menées en France depuis 1993 dans le domaine de la retraite ont conduit à freiner la progression des dépenses à court et à long terme. Le passage à l’indexation sur les prix et non plus sur les salaires, à la fois des salaires portés aux comptes et des pensions, a conduit aux économies les plus importantes : plus de 40 % des effets des réformes en 2019. Les mesures visant à rééquilibrer les durées d’activité et de retraite en augmentant les âges de départ à la retraite et l’emploi ont eu des effets de moindre ampleur.
Quant à la convergence des retraites public-privé, dans un autre rapport, la Cour s’était montrée plutôt méfiante :
Les scénarios de réformes structurelles modifiant les règles d’affiliation des fonctionnaires sont les plus ambitieux en termes d’équité entre régimes, mais ils auraient un impact particulièrement marqué sur le niveau de pension de certaines catégories de fonctionnaires. Ils apparaissent techniquement complexes à mettre en œuvre et pourraient faire peser, durant une période de transition plus ou moins longue, des charges très lourdes sur les finances publiques.
Autant de bémols alors que le Gouvernement aurait plutôt besoin d’une feuille de route des différentes étapes d’une réforme qui n’a que trop tardée. La Cour montre bien que la France se situe en matière de retraites en dessous des curseurs observés ailleurs en Europe :
Âge d’ouverture des droits à retraite au 1er janvier 2021 et à terme

Par ailleurs, ces remarques négligent les avancées considérables qui ont été réalisées avec la mise en place du répertoire de gestion des carrières uniques qui va permettre une meilleure connaissance des trajectoires professionnelles et donc de l’impact des mesures de rapprochement public/privé.
Cependant elle en conclut qu’une « reprise de la réforme du système des retraites ou un ajustement des paramètres d’ouverture des droits ou de calcul de la pension nécessiteraient une expertise renforcée pour en faire partager les enjeux, une concertation approfondie pour en faire comprendre les objectifs et un calendrier de mise en œuvre suffisamment étalé pour en faciliter l’acceptation et permettre les adaptations nécessaires dans les entreprises ». Une précaution incompatible avec l’urgence de la situation décrite en introduction.
Santé : les solutions de la Cour des comptes marginalise le rôle des complémentaires santé au profit de la CNAM
S’agissant de la santé, la Cour renvoie fréquemment vers de précédents rapports pour rappeler l’antériorité de son diagnostic.
Elle rappelle que le retour à l’équilibre des comptes est un impératif et que cela passe d’abord par la sortie du mode gestion de crise. Deux recommandations permettraient déjà une meilleure connaissance et gouvernance de la dépense d’assurance maladie : il s’agit de la révision de la loi de financement de la Sécurité sociale dont les contours sont imprécis et une révision de l’Ondam sur une base pluri-annuelle. Dans le rapport sur l’avenir des finances publiques, la Cour allait plus loin en recommandant de fixer une norme de dépense pour une progression des dépenses maladie qui restent inférieures ou égales à la croissance du PIB. Elle appelle ensuite à mettre le holà sur différentes dépenses qui se sont emballées avec la crise sanitaire, notamment la télémédecine qui ne fait pas suffisamment l’objet de contrôle ou les dépenses de biologie médicale (tests Covid).
Elle recommande enfin de relancer les chantiers de réforme et de citer plusieurs sujets passés à l’étude dans cet opus : les soins de suite, la dématérialisation des prescriptions médicales. Des propositions qui font écho aux précédents rapports de la Cour qui depuis de nombreuses années appelaient déjà à exploiter les gisements d’économies au sein des dépenses de santé et améliorer la qualité et la pertinence des soins sur des thèmes aussi variés que le coût de distribution des médicaments, les transports programmés dans les secteurs sanitaires et médico-sociaux, la politique des greffes, le virage ambulatoire du système de santé, la lutte contre les maladies cardio-neurovasculaires, la médecine libérale de spécialité, etc. Mais cette approche thème par thème ne permet pas clairement de voir comment redresser l’ensemble du système de santé.
Il faut pour cela assurer un pilotage plus efficace : c’est la question centrale sur laquelle la Cour ne formule pas de propositions choc. Une proposition timide de déconcentration, plutôt que de décentralisation, avait bien été avancée en 2017 pour confier plus de rôles aux ARS et pour un Ondam régionalisé. Une proposition qui ne figure plus dans le rapport sur l’avenir des finances publiques. Quant au partage des rôles entre assurance maladie obligatoire et assurance complémentaire, le rapport de juin 2021 sur les complémentaires santé critique leur peu d’efficience. C’est pour cette raison qu’il envisage de cantonner les complémentaires sur certains risques (dépassement d’honoraires, dentaire, optique) tout en laissant la CNAM responsable des dépenses d’hospitalisation. Une proposition qui se traduirait par une marginalisation des complémentaires santé que l’on retrouve dans le projet de Grande Sécu. Cette évolution de notre système de santé qui mènerait vers une plus forte étatisation. Pas sûr que ce soit une attente des Français ni qu’une telle transformation permettrait une meilleure maîtrise des dépenses.
[1] Portées par les administrations de Sécurité sociale, ce qui n’inclue pas les dépenses sociales portées par les collectivités locales
Élysée 2022 LE NOUVEAU CREDO DE LA COUR DES COMPTES « GAGNER EN EFFICIENCE OU RÉDUIRE LES DROITS » BUTE SUR UN ECUEIL MAJEUR
08.10.2021 – Philippe LEDUC, Directeur, THINK TANK ECONOMIE SANTE
BrefSanté. Dans son dernier rapport sur la Sécuavant les élections présidentielles, la Cour des comptes propose de fait un vrai programme de réformes de l’organisation des soins en France. L’enjeu est simple : « gagner en efficience ou réduire les droits. »
La Cour comme à son habitude n’est pas avare en recommandations tout en déplorant qu’au cours de la précédente décennie les restructurations de fond n’aient pas suffisamment accompagné les mesures financières. L’ampleur des déficits présents et à venir impose, à ses yeux, une accélération et un renouveau des réformes devant s’inscrire dans un retour à l’équilibre.
En premier lieu est concernée la mécanique de régulation, et en particulier l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Il doit être pluriannuel et surtout plus cohérent en répondant aux orientations de la stratégie nationale de santé qui n’a toujours pas de cadrage financier : pertinence et qualité des prises en charge, soins gradués, accès pour tous à des soins de premier niveau, lien ville-hôpital, etc.
Responsabiliser les « offreurs de soins »
Ensuite la Cour propose de responsabiliser davantage les professionnels de santé. Des inadéquations persistent entre l’offre sanitaire, les besoins de nos concitoyens et la qualité des soins juge-t-elle. Des rentes de situation se maintiennent. « Dans un système de santé fortement décentralisé et déterminé par l’offre, la maitrise des dépenses implique une responsabilisation accrue des offreurs de soins en ville comme à l’hôpital. » Ainsi propose-t-elle que la rémunération forfaitaire des professionnels de santé libéraux en fonction d’objectifs de santé publique soit rénovée et renforcée. Idem pour les établissements de santé via le dispositif d’incitation financière à l’amélioration de la qualité. L’idée est de donner intérêt à agir.
L’Assurance maladie est également ciblée. Elle devrait davantage promouvoir les référentiels de bonne pratique pour les parcours de soins. De même que les ARS dont la Cour souhaite accroitre les pouvoirs pour faciliter les réallocations entre offreurs de soins en région.
D’autres mesures sont détaillées comme la télésanté qui devrait être davantage utilisée pour la coordination des soignants ; le renforcement de la régulation des dépenses de biologie médicale pour mieux maitriser les volumes ; la prescription électronique ou encore la relance et l’accélération des chantiers de réforme du financement des soins de suite et réadaptation, des soins de psychiatrie, de l’accueil des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées.
Mise à zéro des compteurs et augmentation des recettes
Mais, face à ce credo musclé de la Cour des comptes, un écueil majeur persiste sur lequel se sont déjà fracassées nombre de réformes. Ces « progrès indispensables » n’empêcheront pas des « déficits permanents » au cours de la décennie actuelle (15 Md€ par an pour l’assurance maladie) et donc la dette sociale de croitre, comme le reconnait la Cour qui se retourne vers le parlement : « une trajectoire de retour à l’équilibre devra être construite en ensuite respectée. » Facile à dire. On a vu les effets délétères à l’hôpital du plan triennal 2015-2017 associé à des baisses de tarif. C’est à la représentation nationale qu’il reviendra de débattre de la performance de notre système de sécurité sociale au regard des ressources qui lui sont affectées estime-t-elle. Or sans apurement de la dette liée au Covid par l’État et une augmentation des recettes de l’Assurance maladie par exemple via une ponction d’une partie des 17 milliards d’euros que récolte chaque année la CADES, il sera vain d’essayer de mobiliser et responsabiliser les « offreurs de soins » face à un retour à l’équilibre plus qu’hypothétique et désespérant. C’est à ce prix préalable et ce langage de vérité – mise à zéro des compteurs et augmentation des recettes – que le prochain quinquennat sera en mesure de « renforcer l’efficience et de ne pas réduire les droits. »
Elysée2022
LE PLAIDOYER DES ÉCONOMISTES DE LA SANTÉ : THÉORIQUE MAIS SALUTAIRE
BrefSanté. 1 er octobre 21. Impressionnant. Les économistes de la santé se lancent. A l’occasion des 30 ans de leur Collège, ils passent en revue « les enjeux et défis » du système de santé français. Le constat est sévère mais lucide. Les propositions sont disparates mais nourriront à coup sûr les débats de la campagne présidentielle en matière de santé.
Le constat est connu : difficulté d’accès aux soins primaires sur tout le territoire, manque de coordination ville-hôpital, déficit de prévention, invisibilité de la santé publique, inégalités sociales de santé, etc. Le patient a changé. Comment mieux tenir compte de ses aspirations ? Le professionnel aussi n’est plus le même et alors que les besoins s’accroissent, la densité va fortement baisser au cours des 10 ans à venir, accroissant la tension sur ceux-ci.
Les solutions égrenées sont diverses : repenser l’organisation du financement, réorganiser en profondeur l’offre de soins, agir sur les modes de rémunération des offreurs de soins, développer les systèmes d’information en santé et les évaluations. Sont aussi discutés : la place pour une assurance privée concurrentielle en complément de l’assurance publique ; la dépendance ; l’hétérogénéité des pratiques, leur raison d’être et leur contrôle ; santé et travail ; la qualité des soins et la coordination des acteurs ; comment financer le innovations organisationnelles, numériques, technologiques, génomiques et pharmaceutiques.
Passionnante, cette mine d’informations est bien argumentée et manie thèse et antithèse. Elle aurait certes gagné à se conclure pour chaque item par des propositions concrètes et imprégnées par leur faisabilité et par la manière de mobiliser les professionnels, les acteurs et les patients. Mais on ne boudera pas notre plaisir.
Le système de santé français aujourd’hui – Enjeux et défis. A l’occasion des 30 ans du Collège des Economistes de la santé. Sous la coordination de Thomas Barnay, Anne-Laure Samson et Bruno Ventelou. 367 pages. Editions ESKA
[2] Dont 6,3 Md€ au titre de la revalorisation et la transformation des métiers (pilier 1), en plus de 1,4 Md€ en 2020, 1,3 Md€ consacrés au financement d’investissements physiques dans les établissements de santé et du rattrapage numérique dans les domaines sanitaire et médico-social (pilier 2) et 0,3 Md€ pour la fédération des acteurs de santé dans les territoires (pilier 4). Par ailleurs, 0,5 Md€ du pilier 2 sont prévus pour le financement d’investissements dans les établissements médico-sociaux, hors périmètre de l’Ondam en 2021.
Les recos de la Cour des comptes face aux déficits record de la Sécu
Par S.B. le 07-10-2020

Alors que la crise du Covid a entraîné un creusement inédit du déficit de la sécurité sociale, un rapport de la Cour des comptes émet des recommandations pour « sauvegarder dans la durée le système de sécurité sociale et d’éviter une nouvelle aggravation de son endettement ».
Face au déficit abyssal de la Sécurité sociale, amplifié par la crise du Covid, la Cour des comptes propose dans un rapport d’agir sur les dépenses de santé. En effet, la sécurité sociale devrait enregistrer une perte historique de 44,4 milliards d’euros cette année, ramenée à 27,1 milliards en 2021, mais encore supérieure à 20 milliards par an jusqu’en 2024.
https://www.ccomptes.fr/system/files/2020-10/20201007-rapport-securite-sociale-2020.pdf
La Cour des comptes vient donc d’élaborer « une nouvelle trajectoire de retour à l’équilibre ». Elle recommande d’agir sur les ressorts structurels de la dépense d’assurance maladie sans pour autant réduire la qualité de prise en charge des patients, de mieux cibler certaines prestations de solidarité pour mieux protéger les plus défavorisés et de poursuivre les efforts d’amélioration de la gestion des organismes de sécurité sociale.
Les Sages de la rue Cambon préconisent un « effort renforcé de maîtrise des dépenses », surtout pour le système de santé qui va bénéficier de hausses de salaires et d’investissements importants, ce qui « justifierait pour contrepartie des réorganisations de l’offre de soins ». Ils conseillent donc d' »approfondir » les coopérations entre hôpitaux voisins et les « encourager, là où c’est possible, à fusionner ».
Selon la Cour, le système de financement par dotation des activités hospitalières, en plus des financements reçus sur la base de tarifs au séjour représentaient en 2019 un total de près de 11 Md€. « L’existence de chevauchements entre les différentes enveloppes financières et un empilement croissant de lignes budgétaires, difficilement compréhensibles par les établissements de santé, appellent une simplification de ces financements et une répartition plus claire des responsabilités dans leur attribution entre administration centrale et agences régionales de santé » », pointe le rapport.
Des économies sont également suggérées sur les dispositifs médicaux, notamment via « des objectifs de baisses tarifaires ». Ils représentent aujourd’hui une dépense évaluée à 15 Md€, en progression d’environ 4 % chaque année. « Il apparaît nécessaire d’agir en parallèle sur l’actualisation des listes de remboursement, la pertinence et l’observance des prescriptions, et l’optimisation des achats par les établissements de santé », estiment les Sages.
*Vaccins contre le Covid, branche autonomie, téléconsultation… Les 10 mesures phares du budget de la Sécu 2021
Par Louise Claereboudt le 29-09-2020

C’est dans un contexte tout à fait inédit qu’a eu lieu, ce mardi 29 septembre, la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Sans surprise, les comptes de la Sécu portent les stigmates de la crise Covid, avec une explosion de la dette à près de 45 milliards d’euros. Néanmoins, les dépenses foisonneront l’an prochain avec la mise en place des mesures post-Ségur, la poursuite de la lutte contre l’épidémie, mais aussi l’élargissement du champ de la Sécurité sociale. Alors à situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles sont-elles prévues ?
Aides promises au Ségur de la santé, création de la 5ème branche, hausse de l’Ondam… Les engagements sont nombreux, mais les incertitudes abondent, elles aussi. Alors que le pays connaît, depuis quelques semaines déjà, une résurgence de l’épidémie de coronavirus, le Gouvernement a toutefois assuré, lors de la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021, que le déficit pour 2020 serait finalement moins important qu’annoncé par la commission des Comptes de la Sécu en juin dernier, bien que demeurant hors norme.
Cette dernière prévoyait alors 52,2 milliards d’euros de déficit. Il sera finalement de 44,4 milliards d’euros (régime général + Fonds de solidarité vieillesse), avec 30 milliards d’euros pour la branche maladie. Un déficit en nette explosion toutefois par rapport à l’année précédente (5,4 milliards en 2019).
Pour 2021, le déficit sera soumis à l’évolution de l’épidémie et à la reprise économique, mais il devrait s’établir aux alentours de 27 milliards d’euros. Les prévisions montrent par ailleurs qu’il pourrait encore dépasser 20 milliards d’euros à horizon 2024. Le retour à l’équilibre -initialement prévu en 2023- se voit ainsi relégué à plus tard, même si, le Gouvernement tient à l’assurer, il demeure un objectif primordial.Budget de la Sécu : la médecine de ville « sacrifiée » ?
Principale particularité du PLFSS 2021 : l’ampleur de la rectification de l’Ondam 2020 liée à l’épidémie de coronavirus. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie a, en effet, été relevé à 7.6% pour l’année en cours, soit une hausse d’un peu plus de 10 milliards d’euros. Au total, l’Ondam a été porté à 215,7 milliards (contre 205,6 milliards prévus en LFSS 2020). Pour l’année prochaine, de nouveaux coûts ont aussi été anticipés pour l’achat de vaccins ou encore de tests et de masques. On estime à 224,6 milliards d’euros les dépenses de l’Assurance maladie pour 2021 (+3,5% par rapport à l’Ondam 2020 rectifié).
Outre les dépenses liées à la lutte contre le coronavirus, le Gouvernement s’est engagé sur plusieurs fronts : plan massif d’investissement prévu dans le cadre du Ségur de la santé, développement de la télémédecine, déploiement des maisons de naissance…. On fait le point en détails sur le budget 2021.

Provision pour les masques, tests, vaccins…
Comme dévoilé il y a quelques jours par Les Echos, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit bel et bien le provisionnement de 4,3 milliards d’euros pour financer masques, tests et vaccins contre le Covid-19. Ces provisions pourront être adaptées en fonction de l’évolution de la situation, assure toutefois le Gouvernement qui alerte sur de nombreuses incertitudes, notamment concernant les tests. Une provision de 2 milliards d’euros, répartie au sein de l’Ondam entre les soins de ville (85% des financements prévus) et établissements de santé (15% des financements), est consacrée aux tests. Pour les vaccins, la provision s’élève à 1,5 milliards d’euros. Elle se base sur le prix moyen estimé d’une vaccination pour chaque personne prioritaire en cible de vaccination (celles à risque d’exposition professionnelle, les personnes à risque du fait de leur âge ou de leur état de santé, les personnes de moins de 65 ans souffrant de pathologies chroniques, etc.). 700 millions d’euros sont enfin provisionnés dans les comptes sociaux pour équiper en masques les cas positifs, les cas contacts et les personnes à risque de formes graves de Covid. Et 100 millions permettront également de financer les actions de Santé publique France dans la lutte contre le virus.
975 millions d’euros d’économies sur les soins de ville
Afin de financer toutes ces dépenses, le Gouvernement compte réaliser 4 milliards d’euros d’économies…
Pas moins de 805 millions d’euros d’économies seront réalisées sur la structuration de l’offre de soins. Cela passera notamment par la restructuration et l’optimisation des achats dans les hôpitaux et Ehpad, mais aussi par le développement des alternatives à l’hospitalisation complète.
Comme en 2020 et en 2019, il y aura également l’année prochaine une maîtrise des tarifs des médicaments (640 millions d’euros en 2021). Toutefois, le rapport précise que la crise Covid a montré la nécessité de d’alléger l’effort de régulation pesant sur les produits de santé, “tant pour préserver l’approvisionnement en médicaments anciens dont l’utilité a été plus que démontrée que pour tenir compte des effets de la diminution de l’activité constatée dans les entreprises de dispositifs médicaux”. De fait, “la construction de l’Ondam tient également compte de la réduction de l’objectif de la baisse des prix tant pour les médicaments (- 300 millions d’euros) que des dispositifs médicaux (-50 millions d’euros)”.
Les soins de ville ne sont, eux non plus, pas épargnés. 975 millions d’euros d’économies seront en effet réalisés sur le volet “pertinence et la qualité des actes et des prescriptions”. Déjà à saturation, la biologie médicale devra faire un effort supplémentaire de 140 millions d’euros en 2021. La maîtrise des actes et prescriptions devrait rapporter 570 millions d’euros.Prescriptions de metformine, IJ, dosage d’hormones thyroïdiennes… Comment la Cnam veut faire des économies
125 millions d’euros d’économies seront aussi réalisées sur les transports sanitaires et 185 millions d’euros sur les arrêts de travail.

Toutefois, comme cela a été remarqué lors de la présentation du PLFSS, des rectificatifs seront très probables en cours d’années au vu de la situation exceptionnelle et en cas de dégradation.
Revalorisations salariales historiques à l’hôpital et dans les Ehpad
Chose promise, chose due. En plus de la reprise partielle de la dette hospitalière (13 milliards) et du plan d’investissement massif en faveur des établissements de santé et médico-sociaux (19 Md€), le PLFSS 2021 inscrit également les revalorisations salariales “historiques” des personnels hospitaliers et des Ehpad, prévues par les accords du Ségur de la santé, signés en juillet.
Au total, 973.000 personnes bénéficieront de ces revalorisations…
Pour les personnels paramédicaux et non-médicaux, cela se traduit concrètement par une hausse de leur salaire net par mois de 90 euros dès le 1er septembre 2020 (la hausse est de 80 euros pour les salariés du secteur privé lucratif). Une deuxième revalorisation de 93 euros net sera versée dès mars 2021. Soit hausse de salaire « socle » de 183 euros net mensuels. 8,8 milliards d’euros se sont ajoutés à la trajectoire de l’Ondam pour la période 2020-2023 afin de prendre en compte ces revalorisations, dont 1 milliard dès 2020 et 5,8 milliards dans l’Ondam 2021.
Prise en charge intégrale des téléconsultations prolongée pendant deux ans
Déjà expérimentée pendant l’épidémie pour pallier la fermeture des cabinets, la prise en charge à 100% des actes de téléconsultation pour l’ensemble des assurés va se poursuivre durant les deux prochaines années. Objectif : faciliter le recours à la télémédecine, en particulier dans les déserts médicaux.
Alors que seulement 10.000 actes étaient comptabilisés par semaine au début du mois de mars, ceux-ci ont dépassé le million au plus fort de l’épidémie, début avril. Le Gouvernement espère ainsi, avec cette prolongation, permettre aux médecins de s’équiper des outils nécessaires à la facturation et au paiement à distance des téléconsultations, pour répondre aux demandes croissantes.« Médecine de ville : pourquoi il faut pérenniser la téléconsultation »
Les maisons de naissance pérennisées
Les maisons de naissance, permettant des accouchements sans hospitalisation, vont, elles aussi, être pérennisées dans le PLFSS 2021. Ces établissements qui encadrent, sous la responsabilité d’une sage-femme, l’accouchement des femmes sans antécédents ni comorbidités particuliers ont fait l’objet d’une expérimentation qui a débuté en 2013 jusqu’à aujourd’hui. Jugeant ces structures efficaces, le Gouvernement a annoncé la création de 12 nouvelles maisons de naissance pour un montant de 2 millions d’euros.
Allongement du congé paternité
Annoncé par le président de la République mercredi dernier, l’allongement du congé paternité fait lui aussi partie intégrante du budget de la Sécu. De 14 jours, il passera à 28 jours, avec une semaine obligatoire après la naissance de l’enfant, et ce, à compter du 1er juillet 2021. Le congé indemnisé par la Sécurité sociale augmentera de 11 à 25 jours. Une semaine supplémentaire sera ajoutée en cas de naissance multiple, soit 32 jours. Une mesure dont le coût estimé par le PLFSS 2021 est de 520 millions d’euros par an,
Mise en place de la 5ème branche dédiée à l’autonomie
Alors que la population française est de plus en plus vieillissante, le Gouvernement a introduit dans ce PLFSS 2021 la nouvelle branche dédiée à soutenir l’autonomie. Elle s’ajoute aux branches maladie, retraite, famille, et accidents du travail.
Cette 5ème branche sera gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et bénéficiera d’un financement reposant sur la CSG à hauteur de 28 milliards d’euros en 2021. Elle permettra, entre autres, de renforcer la qualité de l’offre d’accompagnement et de garantir une meilleure équité territoriale dans l’accès aux droits des personnes en perte d’autonomie. Plusieurs décisions ont d’ores et déjà été prises pour un montant de 2,5 milliards d’euros, dont 1,4 concernent la revalorisation salariale des personnels en Ehpad.
Une participation forfaitaire pour les patients en cas de passage aux urgences non suivi d’hospitalisation
Ce PLFSS 2021 contient également une réforme du financement des structures des urgences…
en proie à de multiples difficultés depuis bien avant l’épidémie de coronavirus, avec la mise en place dès l’année prochaine d’une participation forfaitaire -le Forfait Patient Urgences (FPU). Cette participation concernera les patients en cas de passage aux urgences non suivi d’hospitalisation, et remplacera le ticket modérateur proportionnel actuellement exigible. Pour ceux qui bénéficient d’un régime d’exonération de ticket modérateur, le montant sera minoré.
Selon le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, cela permettra de “limiter les situations de reste à charge très élevé” pour le patient et “d’améliorer la lisibilité des coûts de prise en charge”. Pour les hôpitaux, le bénéfice résidera avant tout dans la simplification de la facturation.
Favoriser l’accès aux médicaments innovants
Alors que le débat sur les prescriptions hors AMM a été relancé avec l’épidémie de Covid, le PLFSS 2021 prévoit quant à lui une refonte du système des autorisations temporaires d’utilisation (ATU). L’objectif est de simplifier les règles d’accès et de prise en charge des médicaments innovants aux personnes.
Désormais, le système reposera sur deux piliers uniquement : le premier étant “l’accès précoce” pour les médicaments innovants en développement et destinés à être mis sur le marché, le second, “l’accès compassionnel” lorsqu’aucun développement n’est envisagé.
Surtaxe Covid pour les complémentaires santé
Au vu de l’accumulation des dépenses liées à l’épidémie de Covid-19, les organismes complémentaires vont devoir mettre la main au porte-monnaie. En effet, ces derniers ont connu des moindres dépenses au cours des derniers mois, notamment grâce à la moindre consommation de soins, mais aussi à des prises en charge à 100% décidées par le Gouvernement, comme pour la téléconsultation par exemple.
Ils devront donc s’acquitter d’une surtaxe Covid de 1,5 milliard d’euros, qui devra être payée en deux temps : 1 milliard d’euros en 2020 et 500 millions d’euros en 2021. Un montant à prendre avec des pincettes, puisque le montant des remboursements économisés -évalué à près de 2 milliards d’euros- peut encore être revu à la baisse.Pas de nouvelle convention médicale avant 2023
Les négociations de la nouvelle convention des médecins devaient théoriquement s’ouvrir en janvier prochain. Considérant que le moment est mal choisi, puis qu’elles débuteraient juste après les négociations ouvertes suite au Ségur de la santé et juste avant les élections aux URPS (avril), les pouvoirs publics ont souhaité les repousser. Le PLFSS 2021 prolonge donc d’un an et demi l’échéance de la convention médicale. Pour les représentants des médecins libéraux, les négociations de l’avenant 9 qui viennent de s’ouvrir constituent donc la dernière chance d’obtenir une revalorisation significative avant 2023.
A.M.