Pollution de l’air (Dossier): double peine pour les enfants pauvres, l’ozone un oublié, l’OMS durcie les normes, calcul des décès prématurés

Au rapport

Pollution de l’air : la double peine pour les enfants pauvres

https://www.liberation.fr/environnement/pollution-de-lair-la-double-peine-pour-les-enfants-pauvres-20211014_6G5XAZBJZBB5NDVV4VF7UIYW5Y/

Dans un rapport publié ce jeudi, le Réseau action climat et Unicef France dénoncent les effets de la pauvreté sur la santé des plus jeunes et appellent à des changements dans les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air.

https://reseauactionclimat.org/pollution-de-lair-et-pauvrete-des-enfants-de-linjustice-sociale-dans-lair/

(Calum Davidson /Getty Images)

par Aurore Coulaud

publié le 14 octobre 2021 à 0h00

On le sait, en France, trois enfants sur quatre respirent un air toxique, d’après des données communiquées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2018. Une pollution qui est également responsable de plus de 48 000 morts chaque année. Si l’impact sur la santé est documenté depuis longtemps, que sait-on réellement des facteurs de risques chez les plus jeunes, et plus particulièrement socio-économiques ? A l’occasion de la journée nationale de la qualité de l’air, l’ONG Réseau action climat (RAC) et le comité national français du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef France), très en pointe sur la question, publient ce jeudi un rapport qui souligne les liens entre pollution atmosphérique et statut social.

«Les enfants pauvres sont généralement plus vulnérables à la pollution de l’air parce qu’ils sont soumis au cours de leur vie à davantage d’expositions néfastes», peut-on lire dans le document. Constat qui peut toutefois varier d’une ville à l’autre. A Lille, par exemple, «les concentrations moyennes de dioxyde d’azote [un gaz toxique dû en grande majorité au trafic routier, ndlr] augmentent avec le niveau de défaveur socio-économique». L’inverse est observé dans l’agglomération de Lyon ainsi qu’à Paris. Là-bas, ce sont les zones habitées par des populations socio économiquement intermédiaires et aisées «qui présentent les concentrations moyennes en dioxyde d’azote les plus élevées». Pourtant, dans la capitale, «les habitants les plus pauvres risquent trois fois plus de mourir d’un épisode de pollution que les habitants les plus riches» La cause ? Un moins bon état de santé et un moindre accès aux soins.

Asthme, diabète, cancer…

Faute de ressources suffisantes, les populations pauvres «peuvent plus difficilement se soustraire à des conditions défavorables», détaille encore le rapport. A savoir, une qualité de l’air intérieur dégradée, une moins bonne isolation des logements, une plus forte exposition au bruit, à la chaleur… auxquelles se cumule souvent le manque d’espaces verts, parcs, aires de jeux…Environnement

En réduisant la pollution dans l’air, le confinement a sauvé des vies

Santé

14 avr. 2021

Des facteurs qui peuvent s’avérer lourds de conséquences pour la santé à court et long termes. En effet, l’exposition aux polluants d’origine naturelle ou résultant d’activités humaines (trafic routier, industrie, agriculture…) peut provoquer, même à de faibles niveaux, «des symptômes irritatifs au niveau des yeux, du nez et de la gorge» mais aussi aggraver des pathologies respiratoires chroniques (asthme, bronchite…), favoriser le développement de maladies cardiovasculaires (infarctus du myocarde, AVC…) et respiratoires (cancer du poumon…) voire provoquer la mort, explique Santé publique France. Par ailleurs, d’après l’institution, de nouvelles études montrent également un rôle de la pollution de l’air sur le diabète, les troubles de la reproduction, les affections neurologiques. Les enfants, eux, «sont particulièrement vulnérables en raison de l’immaturité de leurs organismes et de la fréquence à laquelle ils respirent», insistent le RAC et Unicef France qui dénoncent, de fait, une double peine pour les enfants pauvres.

Equité environnementale

Pour combattre ces inégalités, les deux organismes enjoignent l’Etat et les collectivités à aller plus loin qu’un objectif de diminution des concentrations de polluants atmosphériques et demandent la prise en compte du «champ économique et social» pour de meilleurs résultats sanitaires, notamment chez les plus vulnérables que sont les enfants. Cinq préconisations sont faites, notamment celle d’intégrer davantage la question des inégalités sociales dans les études d’impact, ainsi que celle de l’équité environnementale dans les politiques publiques en s’assurant, par exemple, que «les bénéfices sanitaires des zones à faibles émissions profitent à tous». Le rapport recommande d’accompagner les changements de mobilités en renforçant notamment la «prime à la conversion pour les ménages les plus modestes», ou encore d’«améliorer la prise en compte des enfants dans l’élaboration des politiques de santé environnementale»en s’appuyant sur «le concept d’exposome et des 1 000 premiers jours de vie comme fenêtre de grande vulnérabilité». «C’est l’idée de prendre en compte l’accumulation des expositions auxquelles est soumis un individu de la conception jusqu’à la mort», explique Valentin Desfontaines, responsable mobilités durables au RAC.

L’OMS rappelle qu’à l’échelle planétaire, la pollution de l’air tue chaque année environ sept millions de personnes, dont plus de quatre millions en lien avec l’air ambiant. «On le sait, les enfants subiront les impacts de la pollution de l’air au cours de leur vie d’adulte», renchérit Valentin Desfontaines. D’après Santé publique France, si «les effets sont plus importants dans les grandes agglomérations, les villes de taille petite et moyenne, ainsi que le milieu rural sont aussi concernés».

En France, les enfants pauvres « sont plus vulnérables à la pollution de l’air », alertent l’Unicef et le Réseau Action Climat

Les deux organisations formulent une série de recommandations pour lutter contre ce phénomène, dans un rapport publié jeudi.

Article rédigé par 

franceinfoFrance TélévisionsPublié le 14/10/2021 06:05Mis à jour le 14/10/2021 07:19 Temps de lecture :  2 min.

https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/en-france-les-enfants-pauvres-sont-plus-vulnerables-a-la-pollution-de-l-air-alertent-l-unicef-et-le-reseau-action-climat_4806225.html#xtor=CS2-765-%5Bautres%5D-

Un épisode de pollution de l'air à Paris, le 3 mars 2021. (JACOPO LANDI / HANS LUCAS / AFP)
Un épisode de pollution de l’air à Paris, le 3 mars 2021. (JACOPO LANDI / HANS LUCAS / AFP)

Le Réseau Action Climat et l’Unicef France alertent, dans un rapport publié jeudi 14 octobre, sur les conséquences de la pollution atmosphérique sur les enfants en situation de pauvreté. Plus de trois enfants français sur quatre respirent un air pollué, rappellent les organismes dans un communiqué. « Ce chiffre s’explique par une exposition plus importante à la pollution atmosphérique dans les villes, où vivent la plupart des enfants », soulignent-ils.

Les plus jeunes sont « particulièrement vulnérables » à ces polluants « en raison de l’immaturité de leurs organismes et de la fréquence à laquelle ils respirent, susceptibles d’entraîner de nombreuses pathologies (asthme, allergies…) ». La pauvreté est un facteur qui peut accentuer ce phénomène, notamment car « les populations pauvres habitent davantage dans les villes, où le niveau de pollution est plus élevé ». 

Les populations pauvres « davantage susceptibles de cumuler plusieurs expositions néfastes »

Le Réseau Action Climat et l’Unicef relèvent que, selon les villes, « les enfants pauvres ne sont pas systématiquement plus exposés à la pollution de l’air extérieur que les enfants de milieux plus favorisés ». Ainsi à Lille (Nord), l’exposition au dioxyde d’azote « augmente avec le niveau de défaveur socio-économique », mais « l’inverse est observé à Paris ».

Toutefois, les organisations rappellent que « les populations pauvres peuvent plus difficilement se soustraire à des conditions de vie défavorables faute de ressources suffisantes ». « Elles sont donc davantage susceptibles de cumuler plusieurs expositions néfastes », alors que des études montrent que « les zones socio-économiquement défavorisées disposent de moins d’espaces verts, de parcs (…) ou d’autres ressources susceptibles de contrebalancer des conditions de vie moins favorables », pointe le rapport.

« Les enfants pauvres sont ainsi victimes d’une double peine : ils sont plus vulnérables à la pollution de l’air en tant qu’enfants et cette vulnérabilité est exacerbée par leur statut socio-économique et celui de leurs parents. »Jodie Soret, chargée des relations avec les pouvoirs publics pour l’Unicef France 

dans le rapport rendu public le 14 octobre 2021

Face à ce phénomène, les deux organisations appellent à mieux prendre en compte « la défaveur sociale » dans les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air. Elles formulent cinq recommandations en ce sens, comme « améliorer la prise en compte des enfants dans l’élaboration des politiques de santé environnementale »« accompagner socialement les changements de mobilité » (notamment en augmentant le fonds vélo de 500 millions d’euros par an et en renforçant la prime à la conversion pour les ménages les plus modestes) ou encore une meilleure protection de la santé des plus jeunes « en renforçant les exigences applicables aux établissements recevant des enfants ».

L’ozone, angle mort des politiques antipollution

A la différence des particules ou du dioxyde d’azote, l’ozone est le seul polluant de l’air dont les concentrations ne diminuent pas. La tendance est mondiale et s’aggrave avec le réchauffement climatique. 

Par Stéphane MandardPublié aujourd’hui à 09h23, mis à jour à 09h45  

Temps de Lecture 7 min. 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/14/qualite-de-l-air-l-ozone-angle-mort-des-politiques-antipollution_6098316_3244.html

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Paris et Lyon sont les seules agglomérations concernées par des dépassements des seuils réglementaires de dioxyde d’azote.
Paris et Lyon sont les seules agglomérations concernées par des dépassements des seuils réglementaires de dioxyde d’azote. JOEL SAGET / AFP

Même avec un masque, les Français ont un peu mieux respiré en 2020. Le bilan annuel de la qualité de l’air en France, publié jeudi 14 octobre par le ministère de la transition écologique à l’occasion de la journée nationale qui lui est consacrée, confirme ce que les analyses régionales avaient déjà mis en évidence au niveau local : le confinement a au moins eu un impact positif en matière de santé publique. La mise à l’arrêt forcée du pays, et en particulier du trafic routier, a entraîné une baisse sans précédent des concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et dans une moindre mesure des particules (PM10, inférieures à 10 micromètres), dont un pic était prévu jeudi 14 octobre en Ile-de-France.

Ainsi, le nombre d’agglomérations concernées par des dépassements des seuils réglementaires pour le NO2 (seulement deux, Paris et Lyon, contre neuf en 2019) et les PM10 (aucune contre deux en 2019) est « le plus faible jamais mesuré »,relève le ministère. Une chute, historique, qui ne concerne pas un autre polluant, tout aussi nocif pour la santé : l’ozone. Cinquante-quatre agglomérations ont été touchées par un dépassement des normes pour l’ozone, soit cinq de plus que l’année précédente.

Cet ozone dit « troposphérique » ou « de basse altitude » ne doit pas être confondu avec l’ozone stratosphérique (la fameuse couche d’ozone) qui nous protège des rayons ultraviolets. Ce « mauvais » ozone, qui est aussi un gaz à effet de serre, est considéré comme « le polluant de l’été ». Il se forme lorsque le soleil brille et que le mercure grimpe. Comme en 2019 et en 2018, l’été 2020 a été marqué par plusieurs pics de pollution à l’ozone. Un épisode d’ampleur nationale s’est produit essentiellement entre le 6 et le 12 août. Il a été particulièrement virulent dans les Hauts-de-France et en Ile-de-France.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Pollution de l’air : à Paris, des écoles toujours au-dessus des normes sanitaires

L’un des effets du dérèglement climatique

C’est l’un des effets déjà perceptibles du dérèglement climatique : la pollution à l’ozone n’est plus un phénomène circonscrit aux seules villes du sud-est de la France (ni aux grandes agglomérations). Elle concerne désormais un vaste front est qui remonte jusqu’à Lille en passant par Lyon, Mulhouse, Strasbourg ou encore la région parisienne. Autre conséquence du réchauffement, les pics d’ozone sont de plus en plus précoces, dès avril ou mai. Au point de bientôt perdre son qualificatif de « polluant de l’été ».

A la différence des autres polluants (particules, NO2 mais aussi dioxyde de soufre) dont les concentrations moyennes sont en baisse régulière – et parfois de façon significative – depuis le début du siècle, celles en ozone stagnent et sont même de nouveau en hausse depuis 2016. En Ile-de-France, elles ont bondi de 25 % lors de la dernière décennie. Une tendance qui ne devrait pas s’améliorer avec la hausse globale des températures et la multiplication des épisodes de canicule.

Certes, les niveaux record enregistrés lors de la canicule de 2003 (15 000 morts dont environ 400 attribués à l’ozone selon Santé publique France) n’ont plus été atteints. « Mais le paramètre le plus préoccupant est l’absence d’évolution substantielle des niveaux de fond, alerte Laurence Rouil, directrice scientifique et de la stratégie à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris). On ne perçoit aucune amélioration. » Une stagnation observée bien au-delà du cas français. « Nos collègues chinois nous disent qu’ils n’arrivent pas à agir sur l’ozone malgré les mesures drastiques prises ces dernières années par les autorités pour réduire les émissions de polluants issus du trafic routier ou de l’industrie », témoigne Karine Léger, la directrice d’Airparif, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France. L’ozone est l’angle mort des politiques antipollution.

Un polluant dit secondaire

D’abord parce que son processus de formation est un phénomène particulièrement complexe à appréhender. A la différence des particules fines ou du dioxyde d’azote, directement émis dans l’atmosphère, l’ozone est un polluant dit secondaire. Il se forme à partir de réactions chimiques notamment entre les oxydes d’azote (NOx, émis principalement par le transport routier ou encore les incinérateurs) et les composés organiques volatils (industrie, produits ménagers) sous l’effet combiné de la chaleur et du rayonnement solaire.

Le comportement de l’ozone n’est pas linéaire. En dépit de la réduction des émissions de polluants primaires dans l’hémisphère Nord, la concentration d’ozone dans la troposphère – la partie de l’atmosphère la plus proche de la surface terrestre et dont l’épaisseur varie entre 8 et 15 kilomètres environ – continue de progresser depuis le milieu des années 1990. Première explication : les effets de cette baisse peuvent être annihilés par la hausse globale des températures.

Dans un article publié en août 2020 dans la revue Science Advances, une équipe de chercheurs franco-américains émet une autre hypothèse : l’émission accrue de polluants primaires (en particulier les oxydes d’azote liés au trafic) dans certaines régions tropicales en développement (Asie du Sud-Est, Malaisie-Indonésie ou encore Inde). L’ozone formé dans les tropiques pourrait ainsi contribuer à la pollution troposphérique des autres zones de l’hémisphère Nord.

C’est toute la difficulté de la lutte contre l’ozone. Il s’agit d’un polluant à longue durée de vie qui peut voyager sur de très longues distances. Aussi, les mesures prises à l’échelle d’un pays, et a fortiori d’une agglomération, peuvent s’avérer « insuffisantes voire inopérantes localement » si elles restent isolées géographiquement, relève Laurence Rouil, de l’Ineris.

Nécessité de coordination internationale

L’ozone est un problème global qui appelle une réponse coordonnée au niveau international. « La lutte contre la pollution de l’air, comme celle contre le réchauffement climatique, doit être portée à l’échelle de la planète », martèle Maria Neira, directrice à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Parmi les polluants primaires à cibler en priorité, les fameux NOx. Dans les agglomérations, la principale source d’émissions de NOreste le trafic routier et principalement les moteurs diesel.

A l’été 2018, le Conseil international pour un transport propre, l’organisation non gouvernementale à l’origine de la révélation du « dieselgate », a mené une campagne de mesures dans plusieurs capitales européennes dont Paris. Les résultats ont mis en évidence qu’au-delà de 30 °C de température extérieure, les diesels recrachaient 20 % à 30 % plus de NOx qu’à une température ambiante comprise entre 20 °C et 30 °C. Autrement dit, les diesels aggravent les épisodes de pollution à l’ozone.

Une autre stratégie, portée à l’échelon international, consiste à réduire les émissions de méthane, connu comme un gaz à effet de serre mais beaucoup moins pour son rôle de composé organique volatil précurseur de l’ozone. Pour mettre la pression sur les Etats, l’OMS vient de durcir significativement ses normes en matière de pollution de l’air. Elle a introduit un nouvel indicateur pour mieux appréhender la saisonnalité de l’ozone avec un « pic saisonnier » : une limite de 60 µg/m3 sur les six mois consécutifs les plus élevés.

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La pollution à l’ozone sera à l’ordre du jour de la prochaine conférence sur la qualité de l’air organisée à Madrid, en novembre, par la Commission européenne. Bruxelles a entrepris de dépoussiérer ses directives sur la qualité de l’air (2004 et 2008) en visant un alignement de ses normes sur les recommandations de l’OMS.

« Un vrai sujet de préoccupation en Europe »

« L’ozone est un vrai sujet de préoccupation en Europe », constate Alberto Gonzalez Ortiz, le « M. Pollution de l’air » de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). En matière de santé publique d’abord. Selon les dernières données de l’AEE, l’exposition à l’ozone a été responsable de près de 20 000 décès prématurés à l’échelle de l’Union européenne (UE) en 2018, contre environ 16 000 en 2009 (première année de recueil de données au niveau de l’UE), soit une augmentation de près de 25 %. En France, elle serait à l’origine de près de 2 500 décès. Une évaluation sans doute sous-estimée tant il est difficile de distinguer la mortalité associée à chaque polluant.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Un décès sur cinq dans le monde serait lié à la pollution de l’air

Vingt Etats, dont la France, ne respectent pas les limites européennes, pourtant bien moins exigeantes que les recommandations de l’OMS. Et l’ensemble des habitants des métropoles européennes sont exposés à des niveaux qui dépassent les seuils de l’OMS. Changement climatique oblige, les pics d’ozone ne concernent plus seulement les pays d’Europe du Sud mais aussi d’Europe centrale et du Nord.

Alberto Gonzalez Ortiz pointe également « les effets néfastes de l’ozone sur la végétation, qui entraînent une diminution du rendement des cultures et de la croissance des forêts, ainsi qu’une perte de biodiversité ». Comme pour la santé humaine, il existe un seuil de protection pour les végétaux. La proportion de terres arables exposées à des niveaux supérieurs à la limite européenne a bondi de 26 % en 2017 à 45 % en 2018.Article réservé à nos abonnés Lire aussi  Pollution de l’air : les Etats doivent « intensifier leurs efforts », alerte la Commission européenne

Stéphane Mandard

Pollution de l’air : l’OMS durcit drastiquement ses normes

Les seuils d’exposition aux deux plus dangereux polluants, les particules fines et le dioxyde d’azote, sont divisés par deux et quatre respectivement. 

Par Stéphane Mandard

Publié le 22 septembre 2021 à 12h00 – Mis à jour le 22 septembre 2021 à 15h53  

Temps de Lecture 5 min. 

https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/22/pollution-de-l-air-l-oms-durcit-drastiquement-ses-normes-pour-eviter-7-millions-de-morts_6095590_3244.html

Une vue aérienne montre Bangkok recouverte par la brume en mai 2020. La mauvaise qualité de l’air est redevenue un sujet de préoccupation dans la capitale après que le département de contrôle de la pollution a détecté des niveaux dangereux de fines particules de poussière dans les cinq stations de surveillance de la qualité de l’air.
Une vue aérienne montre Bangkok recouverte par la brume en mai 2020. La mauvaise qualité de l’air est redevenue un sujet de préoccupation dans la capitale après que le département de contrôle de la pollution a détecté des niveaux dangereux de fines particules de poussière dans les cinq stations de surveillance de la qualité de l’air. PORNPROM SATRABHAYA / BANGKOK POST VIA AFP

On reproche souvent à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’être timorée. Cette fois, elle n’a pas fait dans la demi-mesure. L’institution onusienne a dévoilé, mercredi 22 septembre, ses nouvelles lignes directrices en matière de qualité de l’air, avec un durcissement significatif des normes censées protéger la santé. Les seuils fixés pour les deux plus dangereux polluants de l’air, les particules fines(PM 2,5, inférieures à 2,5 micromètres), aux sources multiples (transports, industrie, chauffage, agriculture, etc.), et le dioxyde d’azote (NO2), gaz toxique émis principalement par le trafic routier, sont drastiquement abaissés.

La limite d’exposition annuelle à ne pas dépasser pour les PM 2,5 est divisée par deux : elle passe de 10 microgrammes (µg) par mètre cube à 5 µg/m3. Celle pour le NO2 est divisée par quatre : de 40 à 10 µg/m3.

L’enjeu est à la hauteur du péril : chaque année, la pollution de l’air est à l’origine d’environ sept millions de morts prématurées, rappelle l’OMS. Au point d’être devenue la « principale menace environnementale pour la santé humaine ». Cancer du poumon, accident vasculaire cérébral (AVC), infarctus, maladies pulmonaires chroniques obstructives (broncho-pneumopathies, asthme…) : la pollution de l’air est aujourd’hui considérée comme un facteur de risque aussi important que le tabagisme ou la mauvaise alimentation. Aucune région du monde n’est épargnée, mais certaines paient un tribut plus lourd. On estime à 1,6 million le nombre de décès prématurés attribués chaque année à l’exposition aux particules fines en Inde, contre 400 000 en Europe et environ 40 000 en France.

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Les lignes directrices de l’OMS en matière de qualité de l’air avaient besoin d’un sérieux lifting. Elles remontaient à 2005. L’OMS a passé en revue plus de 500 publications scientifiques pour élaborer ses nouvelles recommandations. Depuis quinze ans, les données s’accumulent sur les effets délétères et multiples (retards de croissance, maladies neurodégénératives ou encore diabète) de la pollution de l’air à des concentrations bien plus faibles qu’on ne le pensait. Ainsi des particules fines, les plus dangereuses car elles ne s’arrêtent pas aux voies respiratoires mais pénètrent profondément dans l’organisme par le système sanguin jusqu’au cœur et au cerveau.

L’Islande, seul pays sous le nouveau seuil

Le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus « exhorte tous les pays et tous ceux qui luttent pour protéger notre environnement à utiliser [les nouvelles lignes directrices] pour sauver des vies ». Une gageure. Aujourd’hui, plus de 90 % de la population mondiale vit dans des zones où les concentrations de PM 2,5 dépassent le seuil de référence de 10 µg/m³ fixé en 2005.

Un seul pays, l’Islande (4,7 µg/m³ en moyenne annuelle, selon les dernières données de l’Agence européenne de l’environnement), affiche un indice conforme au nouveau seuil de 5 µg/m³. Avec 10,6 µg/m³, la France en est loin. Mais la marche est encore plus haute pour nombre de pays. En Inde, la concentration moyenne en particules fines dépasse 70 µg/m³, soit quatorze fois la nouvellerecommandation de l’OMS.

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Aussi, pour permettre aux régions du monde les plus touchées de rattraper leur retard, l’institution propose des objectifs intermédiaires : 35, 25, 15, 10 µg/m³ . Pas de calendrier, pas de cadre juridique contraignant non plus. Les lignes directrices de l’OMS sont « un outil fondé sur des données factuelles permettant aux décideurs d’orienter leur législation et leurs politiques au niveau international, national ou local ».

La Commission européenne doit se réunir jeudi 23 septembre pour examiner les nouvelles recommandations de l’institution onusienne. En mai, le Parlement européen a demandé d’aligner les normes continentales sur celles de l’OMS et de dépoussiérer les directives sur la qualité de l’air, qui datent de 2004 et de 2008. Pour les PM 2,5, la limite européenne est ainsi aujourd’hui de 25 µg/m3, cinq fois plus que la nouvelle. Et l’Union européenne (UE) n’a toujours pas adopté de limite quotidienne, quand l’OMS abaisse la sienne de 25 µg à 15 µg/m3.

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De nombreuses morts pourraient être évitées

Picture taken 28 October 2006 on a polluted industrial landscape with railways, a telecommunication tower, cranes, a chimney, in Xi’an’s suburb. AFP PHOTO PATRICK KOVARIK (Photo by PATRICK KOVARIK / AFP)

Le processus de révision des directives sur la qualité de l’air doit déboucher au troisième trimestre de 2022 sur une proposition législative. Débuteront ensuite les négociations avec les Etats. Elles s’annoncent compliquées. Plusieurs Etats, dont la France, font déjà l’objet de condamnations devant la Cour de justice de l’UE pour non-respect des actuels standards européens. « Nous soutiendronsfermement l’alignement complet et sans délai des niveaux maximums de polluants dans l’Union européenne sur les lignes directrices de l’OMS », réagit Sophie Perroud, du réseau européen Health and Environment Alliance (HEAL), qui regroupe plus de 70 organisations spécialisées en santé et environnement.

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Pour inciter les décideurs à passer à l’action, l’OMS a estimé le nombre de vies qui pourraient être sauvées si les niveaux de pollution actuels étaient ramenés à ceux recommandés dans les nouvelles lignes directrices. Près de 80 % des décès liés aux PM 2,5 pourraient ainsi être évités. Et, selon les projections de l’OMS, l’objectif intermédiaire d’atteindre le seuil fixé en 2005 permettrait déjà de diviser de moitié le nombre de morts dues aux particules fines. Ce sont les pays les plus peuplés et à bas revenus qui en tireraient le plus de bénéfices : − 60 % en Afrique et − 57 % en Asie du Sud-Est.

La lutte contre la pollution de l’air est bénéfique en termes de santé humaine, mais aussi pour le climat, rappelle l’OMS. Car non seulement certains polluants (l’ozone ou le carbone suie, une composante des particules fines) participent au réchauffement, mais les principales sources de pollution de l’air sont aussi celles qui émettent le plus de gaz à effet de serre : la combustion d’énergie fossile ou de biomasse pour se déplacer (véhicules à moteur thermique), se chauffer (chauffage au bois ou au fioul) ou produire de l’énergie (centrale à charbon).

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De ce point de vue, pour l’OMS, deux enseignements doivent être tirés de la crise du Covid-19 pour renforcer la lutte contre la pollution de l’air. Tout d’abord, parce que celle-ci est un facteur d’aggravation de l’épidémie en termes de mortalité : selon une étude publiée fin 2020 dans la revue Cardiovascular Researchenviron 15 % des décès dans le monde dus au Covid-19 pourraient être attribués à une exposition à long terme aux particules fines. Ensuite, parce que la réduction de l’activité et en particulier du trafic routier – liée notamment au développement du télétravail –, induite par le confinement, a entraîné une chute brutale des niveaux de pollution : jusque 70 % pour le NOdans certaines métropoles européennes. Des enseignements à prendre en compte dans les plans de relance post-Covid, juge l’OMS.

Stéphane Mandard

« Comment calcule-t-on le nombre de morts liées à la pollution de l’air ? »

Date de publication : 14 octobre 2021Le Figaro note que « pour ce 14 octobre, Journée nationale de la qualité de l’air en France, Airparif a lancé un avertissement, car le seuil aux particules fines risque d’être dépassé en région parisienne. Et, malgré l’amélioration de la qualité de l’air dans notre pays depuis quelques années, ce type d’alerte risque d’être plus fréquent à l’avenir ».
Le journal note en effet que « de futurs indices devront tenir compte d’un nouvel avis de l’OMS, qui a actualisé le 22 septembre ses recommandations sur les seuils de polluants qui dataient de 2005. Deux familles sont dans le collimateur : les particules fines et les oxydes d’azote. Leurs concentrations ont été révisées à la baisse, car «de nouvelles études épidémiologiques prouvent qu’il y a un impact sur la santé à de très faibles doses», explique le Dr Pierre Souvet, cardiologue et président de l’Association santé environnement France ».
Le Figaro cite en outre Matteo Redaelli, chef de projet scientifique sur l’air à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’environnement), qui remarque que « de récents travaux de l’OMS confirment «qu’il n’y a pas de seuil minimal détectable au-dessous duquel les particules fines n’auraient pas d’effet» ».
Cécile Thibert remarque par ailleurs que « c’est devenu une triste litanie : le lourd tribut payé par les populations à la pollution s’affiche régulièrement dans les médias. Mais, outre le fait qu’ils varient sensiblement d’une étude à l’autre, ces chiffres massifs peuvent laisser dubitatif ».
La journaliste note ainsi : « Qui peut dire qu’il connaît une personne décédée de la pollution de l’air ? La létalité de la pollution est évidemment bien plus complexe et multifactorielle que celle liée aux accidents de la route, ou à un infarctus. Et pourtant, les ordres de grandeur avancés sont tout à fait comparables au nombre de décès provoqués par le tabac et l’alcool qui ne sont, eux, pas remis en question. Alors, comment les scientifiques parviennent-ils à estimer l’impact sanitaire des polluants que nous respirons ? ».
Grégoire Rey, directeur du centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc), souligne qu’« il est rare qu’un médecin mentionne la pollution comme cause de la mort sur les certificats de décès. Personne n’est capable de savoir de façon systématique si un individu est mort de la pollution ou pas, c’est généralement imperceptible à l’échelle individuelle, d’autant qu’un décès est souvent plurifactoriel. C’est pour cela que ces estimations sont faites à l’échelle des populations ».
Le chercheur explique que « le meilleur moyen de le quantifier serait de constituer deux groupes de personnes comparables en tout point, d’en exposer un à la pollution et pas l’autre pendant des années voire des décennies, puis d’observer les différences en termes de mortalité et de maladies. Non seulement cette approche est impossible à mettre en œuvre, mais elle est de surcroît interdite, heureusement. En revanche, elle peut être mise en pratique en laboratoire, sur des modèles animaux ».
Cécile Thibert retient que « le calcul repose sur une méthode dite «d’évaluation quantitative d’impact sur la santé». C’est la même méthode qui sert à évaluer le nombre de morts liés au tabagisme et à l’alcool. Concrètement, les scientifiques doivent déterminer quel est le risque de décès en fonction du niveau d’exposition aux différents polluants (particules fines, dioxyde d’azote…). Un enseignement qu’ils tirent des nombreuses études ayant suivi pendant plusieurs années l’état de santé et le niveau d’exposition à la pollution de milliers de personnes dans différents pays ».
Sylvia Medina, coordinatrice du programme de surveillance air et santé à Santé publique France, précise : « Indépendamment du statut socioprofessionnel, du sexe, du fait de fumer ou non et d’autres critères qui ont un impact sur la santé des individus, nous savons que lorsque des personnes sont exposées à tel niveau de pollution, elles ont tel risque supplémentaire d’être hospitalisées ou de décéder ».
Cécile Thibert note ainsi que « les scientifiques sont capables d’établir une formule mathématique sous la forme d’une fonction «exposition-risque». Il leur suffit ensuite de l’appliquer aux données locales de pollution et de santé ».
« C’est de cette manière qu’en avril 2020, Santé publique France a estimé que chaque année, 40.000 décès sont attribuables aux particules fines en France », relève la journaliste. Sylvia Medina indique que « ce chiffre est une estimation centrale exprimée avec une marge d’erreur, comme tout résultat d’étude épidémiologique ». Elle « précise que cette estimation varie entre… 14.000 et 61.700 », 
relève la journaliste.
Grégoire Rey ajoute qu’« il s’agit très majoritairement de personnes âgées, fragiles, dont la pollution accélère le décès de quelques mois. Ce ne sont généralement pas les personnes en bonne santé qui sont touchées à court terme ».
Sylvia Medina remarque toutefois que « tout le monde est exposé quotidiennement à la pollution, et on sait qu’elle peut avoir un impact à tous les âges de la vie. Des études ont notamment montré que ces particules peuvent atteindre le placenta des femmes enceintes et entraver le capital respiratoire des enfants en bas âge, qui seront plus à risque de développer des pathologies chroniques à l’âge adulte. La pollution a aussi des effets néfastes au niveau cardiovasculaire ».
De son côté, Libération titre : « Pollution de l’air : la double peine pour les enfants pauvres ». Le journal indique en effet que « dans un rapport publié ce jeudi, le Réseau action climat et Unicef France dénoncent les effets de la pauvreté sur la santé des plus jeunes et appellent à des changements dans les politiques publiques de lutte contre la pollution de l’air ».
Le document explique que « les enfants pauvres sont généralement plus vulnérables à la pollution de l’air parce qu’ils sont soumis au cours de leur vie à davantage d’expositions néfastes ».
Libération note que ce « constat peut toutefois varier d’une ville à l’autre. A Lille, par exemple, «les concentrations moyennes de dioxyde d’azote augmentent avec le niveau de défaveur socio-économique». L’inverse est observé dans l’agglomération de Lyon ainsi qu’à Paris. Là-bas, ce sont les zones habitées par des populations socio-économiquement intermédiaires et aisées «qui présentent les concentrations moyennes en dioxyde d’azote les plus élevées» ».
« Pourtant, dans la capitale, «les habitants les plus pauvres risquent trois fois plus de mourir d’un épisode de pollution que les habitants les plus riches» La cause ? Un moins bon état de santé et un moindre accès aux soins »,
 continue le journal.
Il retient que « pour combattre ces inégalités, les deux organismes enjoignent l’Etat et les collectivités à aller plus loin qu’un objectif de diminution des concentrations de polluants atmosphériques et demandent la prise en compte du «champ économique et social» pour de meilleurs résultats sanitaires, notamment chez les plus vulnérables que sont les enfants ».

Comment calcule-t-on le nombre de morts liés à la pollution de l’air?

Par Cécile ThibertPublié hier à 18:42, mis à jour hier à 18:42

https://www.lefigaro.fr/sciences/comment-calcule-t-on-le-nombre-de-morts-lies-a-la-pollution-de-l-air-20211013

Il ne suffit pas de faire un bête calcul comptable pour évaluer l’impact sanitaire de la pollution. 247258193/Nady – stock.adobe.com

DÉCRYPTAGE – La réalité qui se cache derrière les chiffres de mortalité est plus complexe qu’il n’y parait.

«Un décès sur cinq dans le monde serait lié à la pollution de l’air.»«La pollution de l’air provoquerait près de 100.000 morts prématurées par an en France.» «Plus de 40.000 morts imputables chaque année à la pollution de l’air en France»… C’est devenu une triste litanie: le lourd tribut payé par les populations à la pollution s’affiche régulièrement dans les médias.À découvrir

Mais, outre le fait qu’ils varient sensiblement d’une étude à l’autre, ces chiffres massifs peuvent laisser dubitatif. En effet, qui peut dire qu’il connaît une personne décédée de la pollution de l’air? La létalité de la pollution est évidemment bien plus complexe et multifactorielle que celle liée aux accidents de la route, ou à un infarctus. Et pourtant, les ordres de grandeur avancés sont tout à fait comparables au nombre de décès provoqués par le tabac et l’alcool qui ne sont, eux, pas remis en question.

Évaluer l’impact sanitaire

Alors, comment les scientifiques parviennent-ils à estimer l’impact sanitaire des polluants que nous respirons? «Bien

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Comment est calculée la mortalité liée à la pollution ?

DERRIÈRE LE CHIFFRE – Une étude de 2016 estime que 48 000 morts sont liés à l’exposition aux particules fines en France. Mais d’où vient ce chiffre ? 

Par Anne-Aël DurandPublié le 01 mars 2019 à 18h46 – Mis à jour le 08 octobre 2020 à 12h05  

Temps de Lecture 4 min. 

https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/03/01/comment-est-calculee-la-mortalite-liee-a-la-pollution_5430288_4355770.html

« Jamais entendu parler de quelqu’un mort à cause de la pollution »« C’est basé sur des autopsies ? », « La quantification me rend dubitatif »… Plusieurs lecteurs se sont interrogés après la publication d’un graphique des Décodeurs évoquant 48 000 morts par an liés à la pollution de l’air. Ce chiffre, qui provient d’une étude publiée par Santé publique France en juin 2016, suscite des incompréhensions.

Lire aussi  « Avec un masque, je suis bien protégé » : 9 idées reçues sur la pollution de l’air

1 – Des effets nombreux et divers sur la santé

Premier constat : contrairement aux accidents de la route, la pollution atmosphérique n’entraîne pas une cause de mort immédiatement identifiable dans un certificat de décès. Il n’y a pas non plus de maladies bien particulières qui seraient causées uniquement par la pollution, comme le mésothéliome pour l’exposition à l’amiante.

Pourtant, les particules fines – en particulier celles dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns (PM2,5) – pénètrent à travers les poumons jusque dans le système sanguin et ont des effets multiples sur la santé.

Une exposition prolongée, même à des niveaux peu élevés, contribue au développement de maladies cardiovasculaires, pulmonaires ou neurologiques, de cancers, de troubles de la reproduction… et donc affecte l’espérance de vie des populations.

2 – Des calculs pour estimer les morts évitables

Pour mesurer ces effets diffus, les scientifiques cherchent à évaluer l’espérance de vie gagnée ou les morts prématurées qui seraient évitées s’il n’y avait pas de pollution.

La méthode repose sur une évaluation quantitative d’impact sanitaire (EQIS) de la pollution atmosphérique, qui fait consensus parmi les spécialistes et au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Pour l’étude publiée par Santé publique France en 2016, le lien entre pollution et exposition aux particules fines a été établi à partir d’informations recueillies sur des « cohortes », et notamment sur la cohorte Gazel-air, c’est-à-dire un groupe de 20 000 personnes suivies par les épidémiologistes depuis les années 1980.

Indépendamment des autres facteurs liés à leur mode de vie (fumer, être exposé à des risques professionnels…), « le résultat montre, comme dans les études réalisées depuis vingt ans en Europe et en Amérique du Nord, que plus les gens sont exposés aux particules fines, plus ils meurent. Cette relation causale se traduit par un modèle statistique », explique Mathilde Pascal, l’une des auteures de ces études.

Les épidémiologistes de Santé publique France ont ensuite recueilli la mortalité par classe d’âge dans toutes les communes de France ainsi que les concentrations de particules fines sur le territoire, par « maillage » de 2 km de côté. En appliquant le modèle statistique établi à partir de la cohorte française Gazel-air, et de la cohorte européenne Escape – qui établissent un coefficient entre l’exposition à la pollution et la mortalité à l’ensemble des communes –, on peut calculer les effets qu’aurait une baisse de la concentration en particules fines dans chaque commune, région ou sur la France entière. Il est possible de compter des « morts évitables » ou des gains d’espérance de vie à trente ans

.Lire aussi  La pollution de l’air en Ile-de-France reste une menace constante pour la santé

3 – Plusieurs scénarios évalués

Dans l’étude, la situation actuelle, fondée sur des données de 2007-2008, a été comparée à plusieurs scénarios, en fonction de leur degré d’ambition :

  • respect de la réglementation 2020 de l’Union européenne (UE), soit 20 µg de PM2,5 par mètre cube d’air ;
  • respect de la valeur proposée lors du Grenelle de l’environnement (15 µg/m3) ;
  • respect des normes de l’OMS (10 µg/m3) ;
  • baisse de la pollution au niveau des 5 % de communes équivalentes (grandes villes, bourg, campagne…) les moins polluées ;
  • élimination de la pollution aux PM2,5 d’origine humaine (« anthropique ») : ce niveau de base (4,9 µg/m3) est celui observé sur les sommets des communes de montagne.

Selon ces différentes hypothèses, la mortalité évitée varie fortement. Le chiffre qui a été retenu par les médias et les hommes politiques est le plus impressionnant, car le plus ambitieux : il correspond à 48 300 décès évitables en éliminant la pollution anthropique, dont près de 30 000 pour les habitants des grandes villes.

L’épidémiologiste Mathilde Pascal préfère insister sur le chiffre de « 34 500 morts évitables en se mettant au niveau des 5 % des communes les plus vertueuses de leur catégorie ». Ces différents scénarios montrent aussi la faiblesse de certaines normes, qui ne sont pas très protectrices pour la santé.

Réduction des particules fines : le scénario le plus ambitieux permet d’éviter 48 300 morts par an, dont 25 900 dans les grandes villes

Gains attendus des différents scénarios de réduction des niveaux de PM2,5 en France continentale, et dans les villes de plus de 100 000 habitants.


Use regions/landmarks to skip ahead to chart and navigate between data series

Long description.

En respectant les seuils du Grenelle de l’environnement, 3 000 morts peuvent être évités chaque année. Le chiffre monte à 17 700 en suivant les recommandations de l’OMS, à 38 000 en réduisant la pollution au niveau des communes les plus saines, et jusqu’à 48 300 en supprimant toute pollution anthropique. 

Structure.

Bar chart with 2 data series.The chart has 1 X axis displaying categories.The chart has 1 Y axis displaying 0.

Chart graphic.

morts évitables en Francedont morts évitables dans les grandes villesRéglementation européenneSeuil du Grenelle de l’environnementRecommandation de l’OMSNiveau des communes équivalentes les moins polluéesSans pollution anthropique10 000 30 000 50 000 

4 – Des données cohérentes avec d’autres études

L’étude réalisée pour la France est parfois critiquée ou mal comprise car elle s’appuie sur des modélisations. Elle possède aussi des marges d’incertitude, reconnues par les experts eux-mêmes, en particulier pour ce qui concerne les effets de la pollution atmosphérique en zone rurale.

Les résultats obtenus sont plus précis géographiquement et plus adaptés à la France, mais ils restent en cohérence avec d’autres données existantes. Une étude européenne de 2005 du programme « Clean Air for Europe » aboutissait à 42 000 morts prématurées par an en France. Le dernier rapport de l’Agence européenne pour l’environnement publie un chiffre de 422 000 décès prématurés en Europe en 2015, dont 35 800 en France.Lire aussi  Les particules fines causent-elles vraiment 42 000 morts par an en France ?

5 – Des outils de sensibilisation

Le chiffre définitif peut donc varier : 35 800, 42 000, 48 000… mais l’ordre de grandeur reste assez cohérent. La question peut aussi s’appréhender au niveau individuel, par exemple en expliquant que les habitants d’une grande ville « perdent » jusqu’à quinze mois d’espérance de vie en raison de l’exposition aux particules fines. Comme l’explique Mathilde Pascal :

« Effectivement, on n’a pas de certificat de décès, comme pour un accident de la route. Lorsqu’on modélise, on est sur un ordre de grandeur et non pas un chiffre précis, et il y a toujours des fourchettes énormes. Mais on peut comparer ces ordres de grandeur entre eux, et il s’agit d’un phénomène réel, ce sont de vrais morts. »

De même que pour les chiffres de la sécurité routière, c’est moins le décompte individuel du nombre de décès qui importe dans ces études que le fait d’exposer un problème de santé publique et de réfléchir aux moyens de le résoudre. Mais aussi de faire comprendre que les particules fines ont des effets sur la mortalité même à des niveaux d’exposition faibles, et en dehors des « pics de pollution ».

La série « Derrière le chiffre » des Décodeurs dissèque les statistiques apparaissant dans l’actualité. Retrouvez tous les articles dans notre rubrique dédiée.

Anne-Aël Durand

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

Un avis sur « Pollution de l’air (Dossier): double peine pour les enfants pauvres, l’ozone un oublié, l’OMS durcie les normes, calcul des décès prématurés »

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