lbi. En conflit avec la mairie, le maraîcher ne veut pas quitter sa parcelle
ABONNÉS
Depuis que le conflit s’est intensifié avec la mairie, Tamer Dinc a cessé de travailler sa parcelle. Plus rien ne pousse sur son hectare, même si le maraîcher souhaite reprendre son activité./ DDM Emilie Cayre
Publié le 12/12/2019 à 05:07 , mis à jour à 05:27
https://www.ladepeche.fr/2019/12/12/en-conflit-avec-la-mairie-le-maraicher-ne-veut-pas-quitter-sa-parcelle,8598579.php?fbclid=IwAR22ta7RptYwX9PfaclNWboyTv4CNylrZg_VjOpcAS0Y26X6MVHziwSSURY
l’essentiel
À Canavières, la mairie d’Albi a installé des maraîchers en 2015, entre autres projets, pour « assurer l’autosuffisance alimentaire de la ville » . 4 ans après, l’idée peine toujours à prendre forme et l’émergence de récents conflits ne va rien arranger.
A Canavières, la mairie d’Albi lançait il y a quatre ans un projet ambitieux, celui d’accueillir et d’installer un maximum de producteurs bios, afin de parvenir à l’autosuffisance alimentaire pour les 50000 habitants de la ville. Date annoncée pour atteindre cet objectif : 2020. Ambitieux et presque irréaliste. Et les derniers remous qui viennent secouer cette zone agricole aux portes d’Albi ne risquent pas d’accélérer le processus. C’est lors du dernier conseil municipal qui s’est tenu le 25 novembre, que la zone agricole de Canavières a refait surface, par la voix de Jean-Michel Bouat, adjoint au maire délégué à l’agriculture. Des membres de l’opposition ont interpellé l’élu sur un cas très particulier, celui de Tamer Dinc. 4 maraîchers ont été installés au début du projet. Si une première maraîchère est partie d’elle-même, l’un d’entre eux, que la municipalité ne « souhaite plus garder », ne l’entend pas de cette oreille. Lui parle « d’expulsion ». Jean-Michel Bouat, en charge du dossier, parle simplement de « non-renouvellement de bail ».
« Un conflit de personne »
Tamer Dinc, Hollandais arrivé récemment à Albi et installé depuis le début de l’aventure comme maraîcher en permaculture, a vu dernièrement ses relations avec la municipalité se tendre… Au point de voir son commodat (ou contrat de prêt à usage) ne pas être renouvelé. Pour le maraîcher, c’est la municipalité qui n’a pas respecté les règles du jeu édictées au départ du projet. « Je leur ai expliqué qu’en permaculture, les choses prennent du temps et qu’il ne fallait pas s’attendre à voir des choses pousser avant 2 à 5 ans. C’est un processus très long pour développer de la biodiversité dans les sols. Et on était d’accord pour que l’on m’aide, notamment en me fournissant de la matière organique. Je ne manque pas de compétences, d’ailleurs c’est pour cette raison que l’on m’a sélectionné au départ », estime Tamer Dinc. Seulement, après deux ans, la lune de miel est bel et bien terminée. « Ils ont changé la règle du jeu, m’ont reproché de laisser le terrain à l’abandon, de ne pas avoir assez de culture. Mais je le répète, c’est relatif. Cette année, j’ai sorti des légumes de qualité, je sais que je fais du bon travail », plaide-t-il encore. « Que l’on me dise l’inverse est dur à entendre. Il s’agit plutôt d’un conflit de personne, je pense que mon profil ne leur plaît pas après tout et qu’ils veulent me faire partir, tout simplement. »
La suite est déjà prévue
Jean-Michel Bouat, lui, l’entend différemment. Pour l’élu, c’est le maraîcher qui n’a pas respecté ses engagements. « Il y a désormais une commission technique qui se réunit tous les 6 mois pour évaluer le travail réalisé. Ce sont eux qui ont pris cette décision, pas moi » justifie-t-il. Et de poursuivre : « Nous accueillons les maraîchers gratuitement, avec un bail renouvelable. Nous ne sommes pas sur un terrain de loisirs, il faut du travail, des compétences, et visiblement nous avons fait un mauvais choix. Pourtant, j’avais confiance. Et les autres s’en sortent très bien, même s’il a fallu recadrer l’un d’entre eux. Mais depuis le début du projet, Tamer Dinc est le seul qui pose problème ».
Dans ce face-à-face, chacun campe sur ses positions. Le maraîcher souhaite pouvoir continuer son travail. « On ne m’a pas apporté l’aide que l’on m’avait promis, on m’a abandonné. Quand j’ai commencé, je travaillais comme au Moyen Âge, avec fourche et bêche. Aujourd’hui, c’est à peine le début du XXe siècle. Et même dans ces conditions, ils ne sont pas nombreux à pouvoir faire ce que je fais. À présent, tout ce que je veux, c’est qu’on me laisse travailler tranquille, j’aimerais pouvoir retravailler. ». Là aussi, fin de non-recevoir du côté de la mairie. « Nous avons déjà prévu la suite. Une jeune maraîchère est très intéressée par cette parcelle. Elle doit s’installer au mois de janvier. M. Dinc doit partir ». D’ailleurs, sur la parcelle qu’occupe le maraîcher, cadenas et serrures ont été remplacés dans l’atelier où il stocke ses outils, a remarqué Tamer Dinc. « Ce ne sont pas des façons de faire », constate, dépité, le maraîcher, qui entend bien tout faire pour continuer son travail, s’estimant toujours dans son bon droit.