« Le service d’accès aux soins » ne sera efficient que quand les médecins seront suffisamment nombreux, mieux répartis et dans l’obligation d’assumer les gardes (Dr Jean Scheffer). En attendant c’est un slogan politique, comme le contrat d’accès aux soins (remplacé par l’Option pratique tarifaire maîtrisée OPTAM) qui devait diminuer les dépassements .

« Mépris » pour les généralistes, rémunération trop faible : sur le terrain, le Service d’accès aux soins divise les médecins   

Par Louise Claereboudt  le 24-09-2021 

À quelques mois de sa généralisation, prévue début 2022, le Service d’accès aux soins (SAS), dont l’objectif est de proposer une réponse populationnelle aux demandes de soins non programmés et d’éviter l’engorgement des urgences, peine à décoller. Sur les 22 sites pilotes désignés par le ministère de la Santé, nombreux sont ceux à rencontrer des difficultés organisationnelles ainsi qu’un manque cruel d’effecteurs. Certains médecins engagés dans des projets ont même décidé de stopper leur participation, dénonçant les rémunérations “insuffisantes” actées dans le cadre de l’avenant 9 à la convention médicale en juillet dernier. Le dispositif sera-t-il tué dans l’œuf ?  

Trop, c’est trop. Après huit mois de travail avec l’inter-communauté professionnelle territoriale de santé et le CH de Châteauroux-Le-Blanc, le Dr Sylvaine Le Liboux, secrétaire générale des Généralistes-CSMF, a décidé de boycotter l’expérimentation, dans son département (l’Indre), du Service d’accès aux soins (SAS). Accessible à toute heure, le dispositif doit permettre à tous les Français de disposer d’une réponse à leur demande de soins non programmés – lorsque le recours au médecin traitant n’est pas possible – et ce grâce à une régulation médicale associant la ville et l’hôpital. Le Dr Le Liboux qui avait porté le projet à bout de bras refuse les “miettes” proposées par la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam) dans le cadre de l’avenant 9 à la convention médicale“C’est du mépris pour notre travail”, dénonce la praticienne de Valençay, alors que son projet est “finalisé”.  

Signé en juillet dernier par trois syndicats (Avenir Spé-Le Bloc, MG France et la CSMF), cet avenant a défini les rémunérations pour les régulateurs et effecteurs du SAS. Si les régulateurs seront rémunérés 90 euros de l’heure*, la participation des effecteurs sera intégrée dans le forfait structure. Un coup dur pour les représentants des médecins qui réclamaient un paiement à l’acte. Ainsi, la mise à disposition de la régulation d’un créneau de 2 heures de rendez-vous minimum par semaine rapportera 200 points (soit 1.400 euros). Puis il y aura 5 paliers : 10 points pour 5 à 15 actes de soins non programmés réalisés par trimestre, 30 points pour 16 à 25 actes, 50 points pour 26 à 35 actes, 70 points pour 36 à 45 actes et 90 points au-delà de 45 actes. 

Si la mise en application de cet avenant ne doit intervenir que six mois après sa signature, plusieurs agences régionales de santé ont d’ores et déjà décidé d’appliquer ces consignes budgétaires. “Dès que l’avenant 9 est passé, les ARS ont dit que c’était ça ou rien. Alors on a bloqué notre SAS”, explique le Dr Le Liboux qui réclamait avec les Généralistes-CSMF 105 euros pour la régulation libérale (le tarif appliqué dans les centres de vaccination) et une majoration de 15 euros pour chaque acte effectué, soit une consultation à 40 euros. Pourtant, avant la signature de l’avenant, l’ARS Centre Val de Loire – qui n’a pas répondu à nos sollicitations -, avait accepté les 105 euros de l’effection, assure la généraliste.    Des soins non programmés 7j/7, de 9 à 22 heures : un nouveau réseau de « maisons de santé et d’urgences »

Comme elle, nombre de médecins engagés dans des projets pilotes s’inquiètent de la signature de cet avenant qui risque d’aggraver le manque de volontaires. Cet avenant est une “marche arrière”, estime pour sa part le Dr Alain Prochasson, généraliste à Metz et président de l’Association départementale de permanence des soins de Moselle, qui a participé au groupe de travail du ministère sur le Service d’accès aux soins, instauré dans le cadre du Pacte de refondation des urgences. “D’une majoration à l’acte expérimentale, on passerait à un forfait complètement ubuesque à mettre en place. Ce n’est pas avec ce que l’on nous donne là qu’on sera incitatifs.” D’autant que certaines ARS ont déjà accordé des majorations MRT : les médecins n’accepteront pas de voir leur rémunération diminuée, préviennent les syndicats. 

Du côté de la Cnam**, le paiement à l’acte n’était “pas un point négociable”, rapporte le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. “Le pari du Gouvernement, c’est qu’une rémunération forfaitaire doit marcher, ce n’était pas le nôtre”, ajoute-t-il. “Le Gouvernement et la Caisse ont peur que les actes explosent, juge le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Ils ne veulent pas faire confiance aux libéraux. Or on ne peut pas mettre en place des dispositifs comme ceux-là sans confiance entre les partenaires.” Le représentant syndical explique que la CSMF a fait le choix de signer l’avenant pour que les médecins puissent obtenir la majoration des visites longues pour leurs patients de plus de 80 ans en ALD. Mais, prévient-il, « il faut maintenant se battre sur le terrain”. 

“Bras de fer” 

Résultat de cette impasse financière et des problèmes organisationnels qui en découlent : “On observe un désengagement sur la fin de l’expérimentation”, déplore le Dr Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins France. Même constat pour le Dr Duquesnel : “5 SAS sont considérés comme ayant démarré. Mais qu’est ce qui a démarré? On a changé la téléphonie, le système d’information… éventuellement on a les régulateurs, mais on n’a pas d’effecteurs !” Sur les 22 sites pilotes, la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS) en identifie 20 comme étant fonctionnels. “On est purement dans de l’affichage politique”, tacle le médecin généraliste de Mayenne. “On ne peut pas dire qu’il y ait vraiment quelque chose d’opérationnel, complète le Dr Battistoni. Tous les sites essaient de faire quelque chose, mais rien n’est parfait.” 

« SAS : les dispositifs pilotes par région, DGOS »

Le danger de ce “bras de fer”, explique le Dr Sylvaine Le Liboux, par ailleurs présidente de la CPTS du Boischaut-Nord, “c’est que l’on casse la dynamique. On a embauché des opératrices de soins non programmés (OSNP) pour le SAS, on les a formées, aujourd’hui, elles commencent à en avoir marre. On leur donne du boulot dans nos CPTS mais ce n’est pas ce pour quoi elles ont été embauchées”. D’autant que, constate le Dr Prochasson, qui travaille depuis 1992 en collaboration étroite avec les urgentistes, “les médecins sont débordés, travaillent de plus en plus sur rendez-vous depuis la crise Covid et ont tous leur carnet de rendez-vous bien rempli.” 

Impliqué dans 18 des 22 sites pilotes et effecteur principal du Samu, SOS Médecins déplore que l’essentiel des budgets ait été fléché sur la régulation, bien que cela ait permis aux Centres 15 de moderniser leurs outils. Mais aussi, que la visite à domicile n’ait pas été imaginée dans le dispositif. “Quand le Samu ou un régulateur libéral nous envoie une demande pour une visite à domicile en journée, pour nous, il s’agit bien du SAS, or dans le système actuel, ce n’est pas très clair”, avance le Dr Masseron qui souhaiterait bénéficier des mêmes rémunérations qu’un généraliste qui reçoit un patient dans le cadre du SAS au cabinet. Aujourd’hui, une visite SAS lui rapporte 35 euros, comme n’importe quelle autre visite. « On ne pourrait pas gagner notre vie en ne travaillant qu’en journée » : face au « mépris », SOS Médecins se révolte

Depuis longtemps engagé dans la prise en charge des soins non programmés, SOS Médecins demande à ce que ses appels soient considérés ainsi. Si c’est pour faire comme avant, sans avoir aucun coup de pouce, ça ne nous sert à rien. D’autant que ça nous demande pas mal d’énergie de coordonner ces systèmes.” Exclu de la revalorisation de la visite longue, prévue également dans l’avenant 9, la Fédération, qui a annoncé une journée nationale d’arrêt de ses activités pour protester contre cette exclusion, prévient : “Nous risquons fort de nous désengager si rien n’est fait. On ne peut pas juste bouger les trous sans arrêt et être la cinquième roue du carrosse.” 

“Marche forcée” 

Le manque d’outils rend par ailleurs l’effection compliquée pour certains. Alors que la plateforme nationale co-créée par la DGOS n’est pas encore déployée, certains SAS ont développé des plateformes numériques partagées pour échanger des informations en temps réel. “Un modèle qui fonctionne bien”, constate le Dr François Braun, président du Samu-Urgences de France. Mais ce n’est pas le cas pour tous. A la Réunion par exemple, la plateforme mise à disposition des médecins ne permet pas de prendre rendez-vous chez l’effecteur. “C’est une vraie blague. il n’y a aucune traçabilité du parcours du patient”, s’agace le Dr Christine Kowalczyk, généraliste à Saint-André et présidente de l’URML-OI. Cette dernière considère le Service d’accès aux soins comme “une grande déception”. 

“On fait un peu cette expérimentation à marche forcée”, reconnaît-elle. Plusieurs points n’ont pas été pris en compte dans les attentes des praticiens réunionnais : d’abord, “il n’y a pas eu d’évaluation des médecins”, ni de communication au grand public – qui continue donc à faire appel aux mêmes services qu’avant, et surtout une non prise en compte des particularités du territoire, déplore la généraliste. “Nous n’avons pas les mêmes demandes qu’en métropole. Nous ne sommes pas une zone sous-déficitaire et, ici, les généralistes répondent beaucoup aux demandes de soins non programmés, explique-t-elle. Je voyais davantage le SAS comme un système de réorganisation des soins avec la nouvelle génération qui veut travailler moins, un système d’entraide en somme.” 

“Boîte à outils” 

Une généralisation début 2022, comme le souhaite le Gouvernement, est-elle de fait utopique ? Pour le Dr Battistoni, “parler généralisation début 2022 n’est pas réaliste”“On va sur un échec du SAS, abonde le Dr DuquesnelC’est dramatique pour l’accès aux soins des Français.” Le président du Samu se veut quant à lui plus optimiste. “Il y a des SAS qui sont bien avancés”, nuance-t-il, citant ceux de Metz, Lille, Poitiers, Rennes, ou encore Lyon (voir encadré). “Il est vrai qu’il y a des endroits où on a beaucoup de mal à trouver des effecteurs mais il y a des réflexions”, comme la téléconsultation. Côté régulation, “cela fonctionne très bien, avec un décroché très rapide par un assistant de régulation médicale en moins de 30 secondes”. 

Si chacun des acteurs du Service d’accès aux soins défend naturellement ses intérêts, tous s’accordent pour dire qu’un tel dispositif est indispensable. “Alors qu’on pensait que la crise estivale des services d’urgences [dans de nombreux départements, des services d’urgence ont fermé la nuit faute de médecins disponibles, NDLR] était une crise conjoncturelle, on s’est rendu compte qu’elle était structurelle”, ajoute-t-il. “60 gardes sont non pourvues dans les trois services d’urgence de mon département.” Une prise en charge des soins non programmés partagée entre la Ville et l’Hôpital s’avère ainsi de plus en plus nécessaire. D’autant que, appuie le président de MG France, “on sait que deux tiers des appels qui arrivent aux Centres 15 relèvent de la médecine de ville”. 

Pour l’heure, “on n’a pas encore l’effet de diminution de la fréquentation des urgences, indique le président du Samu France. C’est normal : on n’a pas fait de publicité sur les SAS.” 

Au-delà de la possibilité d’offrir une alternative à la fréquentation des urgences, le Dr Battistoni voit dans le SAS un moyen de donner de la visibilité à la médecine de ville. Si les généralistes ont conscience de leur responsabilité professionnelle vis-à-vis de leurs patients, le SAS doit leur permettre d’assumer leur “responsabilité collective” vis-à-vis de la population du territoire sur lequel ils exercent, juge le président de MG France. Il est de fait impératif selon lui de “tirer les leçons” des expérimentations pour mettre sur pied un dispositif efficace. “L’idée, c’est qu’on valide une boîte à outils avec des grands principes, dans laquelle on pourra piocher. Il ne faut pas imposer un modèle”, avance le Dr Braun, qui a pu observer quelques points animosités entre les acteurs, chacun devant trouver sa place.  

De son côté, la Cnam se dit “très optimiste” sur une généralisation prochaine et juge les rémunérations actées dans l’avenant 9 “quand même importantes”, reconnaissant néanmoins qu’il y a “encore des choses à stabiliser”. Le Dr Le Liboux prévient toutefois : il va falloir que le Gouvernement lâche “des billes” s’il veut que les médecins s’investissent. “Sans les médecins généralistes, il n’y aura pas de SAS.” D’autres sujets épineux demeurent par ailleurs dans le brouillard, comme la mise en place d’un numéro unique de régulation médicale. “C’est un dossier qui n’avance pas, chaud, conflictuel entre les rouges et les blancs, les pompiers et le Samu, et le Gouvernement se garde bien de trancher”, regrette le Dr Battistoni, qui plaide pour un numéro spécifique aux soins ambulatoires, le 116-117. Le chemin s’annonce long et périlleux. 

*Avec prise en charge des cotisations sociales pour les médecins de secteur 1. Le SAS du Rhône : un projet à maturité
]Expérimenté depuis le 1er février 2021, date à partir de laquelle les régulateurs ont reçu les premiers appels, le Service d’accès aux soins du Rhône arrive aujourd’hui “à maturité”, assure le Dr Jean Tafazzoli, généraliste à La Tour-de-Salvagny et secrétaire général de l’URPS-ML Auvergne-Rhône-Alpes, qui a mené de front le projet avec les Hospices civils de Lyon. En moyenne, le SAS 69 a reçu “environ 45.000 appels par mois depuis février dernier”. “On a réussi à basculer 60% des appels reçus sur les différents numéros vers les effecteurs de ville (maisons médicales de garde, SOS médecins, cliniques…).” Tous les acteurs ambulatoires ont été réunis au sein d’une même association, SASLIB69, afin de faciliter l’organisation et d’absorber de nouveaux effecteurs. Quelques points restent à améliorer, notamment l’intégration des généralistes dans le dispositif“On est bridés par le manque d’outils car ceux développés pour l’expérimentation ne s’interfacent pas avec tous les éditeurs de logiciel.” Mais la plateforme nationale qui doit être déployée prochainement devrait faciliter leur participation. Le 28 septembre, l’URPS ML et les HCL signeront la convention officialisant le fonctionnement de leur SAS et la gouvernance partagée. “Un SAS qui fonctionne est un SAS où tous les acteurs s’entendent”, conclut le généraliste, enthousiaste.
Par L.C. 

Expérimentations du service d’accès aux soins : les généralistes posent des conditions   

Par S.B. le 31-08-2020 

https://www.egora.fr/actus-pro/conditions-d-exercice/60721-experimentations-du-service-d-acces-aux-soins-les-generalistes

Olivier Véran vient de demander à l’Assurance maladie d’ouvrir des négociations avec les médecins libéraux afin de mettre en place sur tout le territoire un service d’accès aux soins (SAS). Plusieurs syndicats de généralistes libéraux posent des conditions.

Le service d’accès aux soins a pour ambition d’apporter aux patient une réponse à ses demandes de soins non programmées dans la journée. Il vise notamment à désengorger les services d’urgence en faisant appel à la médecine de ville.

Dans un communiqué commun, les Généralistes CSMF, la FMF, MG France et le SML attirent l’attention des ARS sur plusieurs points qui conditionnent le succès de ces expérimentations. Si le SAS a pour but d’organiser une réponse aux demandes de soins en journée, de 8h à 20h, les généralistes estiment qu’il est « inutile de remettre en cause les organisations de PDSA en fonctionnement, sauf à vouloir retarder durablement la création du SAS ».Deux généralistes libéraux pour plancher sur le futur « service d’accès aux soins »

Le SAS s’appuiera sur une plateforme de régulation des appels, pilotée par les médecins libéraux, associant des opérateurs de soins non programmés et des médecins généralistes d’astreinte, exerçant en dehors du Centre 15. La communication sur le bon usage du système de soins sera primordiale, « l’appel au médecin traitant devant rester le premier réflexe en cas de demandes de soins », notent les syndicats de généralistes libéraux.

La gouvernance du SAS devra être paritaire pour les outils communs aux SAMU -Centres 15 et aux associations de médecins libéraux : plateforme de réception des appels (front office) et système d’information, exigent les généralistes. Toutefois selon ces dernier, la gouvernance de l’organisation dédiée aux soins non programmés (back office) relève exclusivement des professionnels de ville.

Service d’accès aux soins : cinq minutes pour tout comprendre   

Par Véronique Hunsinger le 06-10-2020

 https://www.egora.fr/actus-pro/conditions-d-exercice/61455-service-d-acces-aux-soins-cinq-minutes-pour-tout-comprendre?nopaging=1

Le service d’accès aux soins (SAS), qui devait initialement être mis sur les rails au début de l’été, a fatalement pris du retard à cause de la première vague de Covid-19. Il est maintenant annoncé pour la fin de l’année, mais de nombreuses questions sont encore à résoudre, dont une partie au niveau des négociations conventionnelles qui se déroulent actuellement.

Lors de la conclusion du Ségur de la santé le 21 juillet dernier, Olivier Véran a promis que le futur service d’accès aux soins (SAS) serait lancé à la fin de l’année, faute d’avoir pu être mis en place au début de l’été, en raison de la crise sanitaire. Un délai qui semble cependant optimiste tant il reste encore quelques questions épineuses à trancher, une négociation conventionnelle entre l’Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux à boucler, et sachant que les expérimentations n’ont pas encore vraiment commencé. Annoncé en septembre 2019, au titre de l’une des mesures du Pacte pour la refondation des urgences, le SAS a été défini comme « un service universel, accessible par téléphone et en ligne et reposant sur un partenariat entre professionnels hospitaliers et libéraux ».

Premier objectif : désengorger les urgences, où le nombre de passages a doublé en vingt ans (de 10 à 21 millions de recours par an). Or, selon les données présentées par l’Assurance maladie aux syndicats, 43 % des passages aux urgences relèveraient d’une prise en charge en ville, dont 29 % par un médecin généraliste sans nécessité d’un plateau technique. En outre, on sait maintenant que le problème de l’engorgement semble plutôt se poser durant la journée : les trois quarts des passages aux urgences ont lieu entre 8 h et 20 h en semaine, avec des pics en début de matinée et d’après-midi.

PDSA et SAS

Dans ce contexte, il ne semble pas question, pour l’instant, de remettre en cause le fonctionnement de la permanence des soins ambulatoires (PDSA). « Nous avons une PDSA qui fonctionne et dont le statut et les horaires sont fixés par la loi, rappelle le Dr François Simon, président de la section d’exercice professionnel du Conseil national de l’Ordre des médecins. Les horaires pourront éventuellement bouger. En revanche, il faut que le dispositif actuel de la PDSA et celui du futur SAS soient harmonisés mais restent distincts. » Une position partagée par les syndicats de médecins libéraux qui sont tous aujourd’hui, à peu près, sur la même ligne concernant ce dossier.

Appel à fermer les cabinets le samedi matin : « Il faut alléger la charge de travail des généralistes »

« Le SAS a pour but d’organiser une réponse aux demandes de soins durant la journée, de 8 h à 20 h, s’articulant avec la PDSA qui fonctionne en soirée  et le week-end aux heures de fermeture des cabinets, écrivaient en septembre, dans un communiqué commun, la CSMF, la FMF, le SML et MG France. Il est inutile de remettre en cause, à cette occasion, les organisations de PDSA en fonctionnement, sauf à vouloir retarder durablement la création du SAS. » En revanche, ils voudraient bien en profiter pour voir aboutir une revendication ancienne : l’intégration du…

samedi matin aux horaires de la PDSA. « Pour nous, le prérequis est d’intégrer le samedi matin dans la PDS ambulatoire et le samedi entier dans la PDS en établissement car, aujourd’hui, quand nous faisons des gardes en cliniques le samedi, nous ne sommes pas payés », insiste le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF. En outre, pour MG France, les horaires de la PDSA durant la soirée devraient se limiter à la tranche de 18 à 22 h car c’est dans ce créneau que se concentrent, de fait, les appels.

Quant à la négociation entre l’Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux, qui a débuté le 17 septembre dernier pour théoriquement s’achever fin novembre, elle a notamment pour but de trouver les moyens de valoriser l’engagement des médecins dans les soins non programmés. Celui-ci peut passer par les CTPS, même si ces structures sont encore évidemment trop peu nombreuses actuellement pour mailler l’ensemble du territoire. À l’instar de la PDSA, les médecins libéraux pourront être régulateurs des soins non programmés et/ou effecteurs. « La mesure et la valorisation du service effectivement rendu par les médecins libéraux seront nécessaires », a admis la Cnam, en entrée de négociation, faisant état de son souhait d’un « financement au résultat ». 

C’est le premier point d’achoppement avec les syndicats, qui privilégient des mécanismes classiques de majoration. MG France réclame ainsi une majoration spécifique de 15 euros pour les médecins généralistes acceptant de recevoir des patients dans le cadre du service d’accès aux soins. La CSMF pose la même revendication. « Le soin non programmé doit pouvoir bénéficier d’un supplément, qu’il s’agisse d’une consultation ou d’une visite à domicile, précise Jean-Paul Ortiz. Par ailleurs, lorsqu’une organisation implique qu’un certain nombre de médecins se mettent à disposition de la population sur des créneaux dédiés à des soins non programmés, il faut que ceux-ci puissent toucher une astreinte. » Les urgentistes prêts à se battre pour la mise en place du 113

Numéro d’appel unique ?

Comment les patients accéderont-ils à ces soins non programmés lorsque leur médecin traitant ne peut pas les recevoir ? Pour ne pas transposer à la ville les difficultés d’engorgement des urgences, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le fait que cet accès doit être régulé médicalement.
 « Il est indispensable d’offrir à chacun un service simple et lisible pour accéder, à toute heure et à distance, à un professionnel de santé qui lui fournira un conseil, une téléconsultation, du télésoin, une orientation vers une consultation sans rendez-vous ou, lorsque cela s’avère nécessaire, un service d’urgence, ou provoquera l’intervention d’un Smur, préconisaient en décembre dernier le député LREM Thomas Mesnier et le Pr Pierre Carli, président du Conseil national de l’urgence hospitalière, dans leur rapport sur le Pacte de refondation des urgences. Les centres de réception et de régulation des appels le font déjà partiellement. Il faut créer avec l’ensemble des professionnels concernés un nouveau concept d’accès aux soins. »>

Sans surprise, la vieille pomme de discorde sur la question d’un numéro d’appel unique pour les soins non programmés et les urgences a refait surface, d’autant…

qu’elle ne semble pas politiquement tranchée à ce jour. « L’organisation et la régulation des appels doivent être faites par les médecins généralistes libéraux, insiste le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. Ce n’est pas au Samu de répondre à notre place. » Le message semble avoir été entendu, en partie, du côté de l’hôpital. « Le SAS devra être une porte d’entrée unique pour tout problème de santé aigu non programmé si le patient n’arrive pas à joindre directement son médecin traitant, estime le Dr François Braun, président de Samu- Urgences de France. Le dispositif aura deux  composantes : l’une numérique, sous la forme d’un annuaire de l’offre de soins, et l’autre, un accès téléphonique. Pour nous, idéalement, il s’agirait d’un numéro de téléphone commun avec un décroché en moins de trente secondes par un assistant de régulation médical, qui est un professionnel formé pour cette mission et qui pourra orienter le patient vers la filière qui traitera sa demande de la façon la plus approprié : la médecine libérale ou le Samu. La notion de numéro unique me semble importante, mais ce n’est pas pour autant qu’on doit supprimer les numéros existants dans l’immédiat. »

À l’inverse, les médecins libéraux estiment, quant à eux, que le SAS devra s’appuyer sur une plateforme de régulation des appels, avec un numéro d’appel dédié comme le 116 117 qui a déjà été expérimenté dans quatre régions pour la PDS, « pilotée par des médecins libéraux, associant des opérateurs de soins non programmés et des médecins généralistes d’astreinte exerçant en dehors du centre 15 ». Le compromis ne semble toutefois pas complètement impossible à trouver puisqu’on peut imaginer que les patients puissent accéder directement à la plateforme libérale ou être rebasculés vers elle par l’assistant de régulation médicale s’ils appellent le numéro commun.

« Nous voulons un numéro distinct du Samu et qui soit le même pour toute la France, martèle le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF. Il faut que cette organisation ne soit pas uniforme et s’adapte à ce qui existe déjà sur le terrain. La régulation devra pouvoir être déportée au domicile ou au cabinet du médecin pour que celui-ci n’ait pas à se déplacer à un point unique dans le département et il devra être évidemment à la fois être rémunéré correctement pour cette astreinte et également assuré convenablement. Dans tous les cas, la gouvernance doit rester libérale, et nous ne voulons pas non plus que ce dispositif puisse être géré par des grosses plateformes commerciales comme ce qu’on commence à voir pour la télémédecine par exemple. »

Beaucoup de choses restent donc encore à caler. C’est pourquoi la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a lancé en août dernier un appel à candidatures en vue d’expérimentations, qui s’est clôturé au 30 septembre. Le ministre devrait choisir les candidats d’ici au 15 octobre. L’évaluation des expérimentations se déroulera en 2021 en vue, enfin, d’une généralisation du SAS au début de l’année 2022 sur tout le territoire. Le Dr Laurent Bréchat, médecin généraliste à la MSP d’Avoine en Indre-et-Loire, qui a participé au groupe de travail du ministère de la Santé, se veut aujourd’hui résolument optimiste : « Le SAS va faire partie d’une restructuration complète de la gestion des soins non programmés. Cela va nécessiter une information et une éducation de la population pour savoir comment on utilise le système de soins. Par ailleurs, alors que pendant tout le XXe siècle, la réponse était pensée comme la réponse individuelle d’un médecin à sa patientèle, aujourd’hui, on doit raisonner en termes de réponse populationnelle sur tout un territoire. On peut mettre tous les numéros qu’on veut, s’il n’y a pas, à côté de cela, des moyens pour réorganiser la demande de soins non programmés sur le territoire, on va dans le mur. »Une petite révolution, en somme, mais qui pourrait à terme faciliter l’exercice des généralistes au quotidien.Deux généralistes libéraux pour plancher sur le futur « service d’accès aux soins »Les généralistes s’organisent déjà sur le terrain
Il serait injuste de rejeter la faute de l’engorgement des urgences sur les médecins généralistes, qui prennent leur part dans les demandes de soins non programmés. Une étude de la Drees l’a prouvé en janvier dernier* : 8 généralistes sur 10 déclarent organiser leur activité afin de prendre en charge quotidiennement ces demandes, en proposant, par exemple, des plages de consultation sans rendez-vous ; plus de la moitié des cabinets offrent une prise en charge des soins non programmés en permanence ; et lorsqu’ils ne peuvent pas y répondre, la moitié orientent vers le secteur libéral, et un quart vers les services d’urgence. Il reste que, face au déclin de la démographie médicale, la nécessité de s’organiser le plus efficacement possible est aujourd’hui cruciale.
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) détiennent une partie  de la réponse. En effet, celles-ci se sont vu assigner dans leurs missions premières l’accès à des soins non programmés et à un médecin traitant si elles veulent pouvoir bénéficier de financements de l’Assurance maladie. Actuellement, sur les 31 CPTS qui ont déjà signé l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI), 19 ont commencé à mettre en place des outils pour répondre aux demandes. Ainsi, la CPTS Val de Sambre à Maubeuge, dans le Nord, a créé une ligne téléphonique dédiée et un planning de médecins volontaires les après-midis et le samedi matin à l’aide d’un agenda partagé en lien avec la maison médicale de garde. La CPTS de Metz a aussi étendu des horaires de cabinets de garde, avec des possibilités de téléconsultation entre 18 h et 20 h et le samedi matin, et mis en place un numéro unique pour orienter les patients vers les cabinets de ville pour éviter le recours aux urgences. Elle utilise aussi un outil numérique mis à disposition du centre 15 pour faire le lien avec les disponibilités des médecins de ville.
« Dans le cadre de la PDS, trouver des effecteurs, c’est facile, car il y a le tableau de garde de l’Ordre, explique le Dr Alain Prochasson, généraliste à Metz, président de l’Association départementale de permanence des soins de Moselle, qui a participé au groupe de travail du ministère sur le SAS. Mais en journée, il n’y avait, pour l’instant, rien de tel. C’est  pourquoi dans le cadre d’un contrat entre l’ARS Grand Est et l’URPS des médecins  libéraux, nous avons décidé d’expérimenter dans le Bas-Rhin et la Moselle l’outil numérique Entr’Actes créé par un médecin dans l’Essonne [Dr Philippe Paranque, NDLR].Depuis fin 2018, une centaine de médecins y participent au niveau de notre CPTS. »
En cas de besoin de soins non programmés, le centre 15 peut envoyer une notification à un ou plusieurs médecins inscrits en indiquant la demande du patient et ses coordonnées. Une notification reçue directement sur le smartphone et à laquelle ils peuvent répondre s’ils sont disponibles. « L’enjeu aujourd’hui au niveau conventionnel est de trouver des incitations pour les médecins à participer à ce dispositif pour que le panel d’effecteurs soit le plus large possible, estime Alain Prochasson, également membre du bureau de la CSMF. Mais on peut espérer que la mise en place du SAS boostera ce dispositif. »
* « Plus de 8 médecins généralistes sur 10 s’organisent au quotidien pour prendre en charge les soins non programmés »,  Drees, janvier 2020.

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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