Pour le printemps de la Psychiatrie: une mascarade de plus !
Aux Assises de la santé mentale et de la psychiatrie les 27 et 28 septembre 2021, décidées par le Président Macron et structurées par les tenants de Fondamental*, seules des personnalités en vue de la psychiatrie avec l’Unafam et la Fnapsy – loin de représenter toutes les sensibilités – sont invitées.
C’est la « santé mentale » qui est mise au cœur de ces Assises, sans que soient prises en compte les inquiétudes majeures de la Commission Nationale de la Psychiatrie concernant l’état actuel de la psychiatrie. Pour nous, le modèle de la psychiatrie de secteur permettant l’accueil inconditionnel de tous et toutes, basé sur des principes de proximité et de continuité des soins, doit absolument être remis en perspective**.
La psychiatrie est à genou. Ses failles et ses insuffisances actuelles sont dues à trente années d’étranglement budgétaire poussant au désengagement d’une partie de la profession.
Alors que les besoins et les demandes de la population ont nettement augmenté, les effectifs soignants ont diminué. Les restrictions budgétaires aboutissent à une dégradation considérable de l’autonomie et de la spécificité des structures de soin. Cette triste évolution a été facilitée par la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé, Territoire) instaurant une gouvernance d’entreprise, un despotisme économique et comptable à l’ère des COPIL (comités de pilotage) et des « groupes de travail » au contenu formaté et dont les participants ne sont pas mandatés.
La réforme du financement pour la psychiatrie introduit, dès janvier prochain, un financement à l’activité, qui valorise les prises en charge courtes, tant en ambulatoire qu’en hospitalisation, et les projets dits innovants au détriment du modèle de la psychiatrie de secteur. Cette réforme parachève la destruction de l’hôpital public, aujourd’hui menacé d’écroulement par la pandémie.
L e Printemps de la psychiatrie en prend acte et appelle à un rassemblement-tintamarre, devant le Ministère de la Santé, le 28 septembre à 14 heures. Il appellera à une conférence de presse le 27 septembre à 8h30, au 43, rue Richer (Le Beaucé), Paris 9e.
Alors que les soignants ont besoin de quiétude pour inventer du lien thérapeutique, ils sont étranglés par leur charge de travail. Le technico-administratif a envahi leurs pratiques au détriment de la clinique et de la réflexion institutionnelle. Les usagers sont trop souvent délaissés et maltraités par des conditions d’accueil indignes. L’isolement, voire la contention, sont les seules options, sécuritaires, pour des soignants usés, dans des services manquant de moyens humains, de formation, quand elles ne deviennent pas les réponses au moindre écart comportemental, ou pire, quand la contention se voit rationalisée comme un soin.
Les soins sans consentement, dans cette psychiatrie sinistrée, sont devenus la règle, faute de trouver le temps nécessaire à l’accueil et à la prévention. A cela s’ajoute une répression accrue des équipes et des professionnels qui dénoncent cette réalité et sont engagés pour le respect des Droits des patients. L’ambiance au quotidien est devenue irrespirable.
La néopsychiatrie mise en avant actuellement n’est qu’une régression vers une forme étriquée des neurosciences. Elle réduit la souffrance psychique à un travers du neuro-développement, une erreur des circuits du comportement, à un défaut génétique, ou encore à une anomalie biologique.
*Fondaton de lobbying soutenue par des mécènes et partenaires privés et/ou associatfs, et par l’argent public. cf. htps://www.fondaton-fondamental.org/nous-connaitre/nos-partenaires
** Le Collectf Inter-Hôpitaux (CIH) partage cette exigence dans son récent communiqué: https://twitter.com/CollectInterHop/status/1437170126726516741
Communiqué de presse – 17 septembre 2021
Elle ignore l’apport des sciences humaines aux savoirs sur la dynamique de la vie psychique. Elle marie le renforcement des dispositifs sécuritaires – dont la réforme de l’irresponsabilité pénale est le dernier avatar – avec les discours de façade sur l’inclusion et la déstigmatisation.
Les psychologues sont visés par une mise aux ordres, tant par l’arrêté du 10 mars 2021 que par le projet d’un Ordre des psychologues. Nous refusons que leurs pratiques soient dictées par des théories en vogue et soumises à une médecine elle-même instrumentalisée. Les psychothérapies doivent être accessibles dans leur diversité, chacun pouvant recourir aux soin qui lui conviennent.
Plutôt que de rendre les consultations psychologiques accessibles à tous, la notion de « santé mentale » sert d’alibi pour sous-traiter les difficultés psychiques les moins lourdes à des réseaux spécialisés de psychologues libéraux, sous-payés et sur prescription médicale.
L’organisation en filières de soins, ségréguant les individus selon leurs pathologies, accompagnant les restructurations des hôpitaux, ainsi que la multiplication d’équipes intersectorielles prestataires de services, morcellent les soins et nient les fondements de la psychiatrie de secteur et ses liens avec le médico-social.
En outre, la pénurie de psychiatres et de pédopsychiatres, comme la répartition des internes très défavorable aux Centres Hospitaliers Spécialisés, témoigne aussi de cette volonté de réduction par asphyxie du service public de psychiatrie.
La bascule des soins du public vers le privé doit immédiatement cesser. Les cliniques privées ont suffisamment profité de l’ouverture de marchés faramineux autorisée par les gouvernants depuis des années. Des instituts de recherche privés, diverses « Plateformes » et des Start-up viennent maintenant coloniser le cœur de l’organisation de la psychiatrie publique. C’est intolérable.
A l’heure où les changements de gouvernance sont mis en exergue, notamment après le Ségur de la santé, les usagers et les professionnels du soin doivent pouvoir s’exprimer sur les soins qu’ils souhaitent, sur les pratiques professionnelles…
Pour cette raison, le Printemps de la psychiatrie prépare les Assises citoyennes du soin psychique les 11 et 12 mars 2022, autour des pratiques de soins que veulent les usagers, les familles et les professionnels de la psychiatrie et du médico-social, et y invite toutes les parties intéressées.
La psychiatrie a besoin de travailler dans la liberté et la pluralité des approches thérapeutiques. Elle exige le respect de la dignité dans les soins et des droits des patients.
Pendant la mascarade des assises présidentielles, le Printemps de la psychiatrie appelle à un rassemblement devant le ministère de la santé, le mardi 28 septembre 2021 à 14h.

Voir aussi:
https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/08/12/17904/
https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/04/29/14212/
https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/03/30/11881/
Les propositions des professionnels de psychiatrie du @CollectInterHop pour une refonte de la psychiatrie publique 1/2
Tribune :
Le silence des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie: elle risque d’être une frustration de plus pour un secteur sinistré par des années d’appauvrissement et de pénurie.
Les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie doivent se tenir les 27 et 28 septembre 2021, sous l’égide de la Présidence.
Si cette initiative peut être saluée pour mettre au coeur des débats un des parents pauvres de la santé, elle risque d’être une frustration de plus pour un secteur sinistré par des années d’appauvrissement et de pénurie.
Alors que ces Assises ont pour ambition d’être « historiques » (1) et de réunir l’ensemble des acteurs de ce champ, il est étonnant de constater le nombre de problématiques invisibilisées alors même que des textes législatifs sont actuellement en cours d’élaboration. En tant qu’acteurs de la psychiatrie de proximité, nous attirons l’attention sur des omissions surprenantes.
Omise la réforme du financement de la psychiatrie qui impose à compter du 1er janvier 2022 la tarification à l’activité pour la totalité des établissements psychiatriques et pédopsychiatriques, alors même que la pandémie a révélé les effets délétères de ce mode de financement pour les services de médecine, chirurgie, obstétrique.
Omis le débat sur les pratiques de contention et d’isolement qui augmentent de façon exponentielle depuis les trente dernières années. Pourtant, un premier texte de loi (2) a été retoqué par le Conseil constitutionnel en juin 2021. Par ailleurs, un article a été introduit à l’intérieur de la loi de financement de la sécurité sociale, non constitutionnel et sans débat, alors que l’inflation des pratiques de contention et d’isolement témoignent de la déliquescence actuelle de la psychiatrie. Le gouvernement doit revoir sa copie avant le 1er janvier 2022 pour que la loi réponde aux attendus de la Constitution.
Omise également la réforme de l’irresponsabilité pénale alors qu’elle suscite une rupture des rapports entre justice et psychiatrie et induit un impact social majeur, qui aurait pour le moins nécessité un débat de fond.
Omises la désaffection et les fermetures toujours plus nombreuses de structures ambulatoires et hospitalières partout sur le territoire.
Omis encore la désinstitutionnalisation sauvage, le manque de lieux de soin, d’accueil et d’accompagnement, la pénurie de soignants et de professionnels prenant en soin les personnes, l’inflation des « dispositifs » spécialisés ne permettant pas une prise en charge globale.
En somme, « la bonne santé mentale », objet de ces Assises, s’acclimate très – trop – bien de la mauvaise psychiatrie.
Omis également le choc de complexification des dix dernières années et la pénétration dans le champ de la psychiatrie de diverses start up, notamment celles de la e-santé mentale, omise la bureaucratisation galopante censée répondre aux pénuries de soin par le biais de plateformes et de dispositifs « innovants » intégrés à la MDPH … Plutôt que de rééquiper en forces vives soignantes les services de soin.
Omis le travail empêché dont témoignent l’expression de la souffrance de nombreux professionnels en institutions comme en libéral ainsi que les désertions de professionnels du service public, symptomatiques d’une maltraitance institutionnelle.
Omise l’organisation instituée de la « non-rencontre », l’évitement des liens et des collectifs.
Omise la pluralité des patients et des familles.
Omis le contexte de désinvestissement par l’État du service public qui touche l’École, l’Aide Sociale à l’Enfance, la Protection Judiciaire de la Jeunesse, les services sociaux et de secteur, les lieux d’accueil, d’hospitalité et de soin.
Au vu de l’intensité de ces problématiques, nous nous étonnons du choix des intervenants qu’illustre la conclusion de ces Assises, mettant à l’honneur les start-up via France Bio Tech, aux côtés de l’Institut Montaigne et de la fondation FondaMental.
Nous appelons à ce que ces omissions fassent l’objet de réelles Assises, des Assises en chair et en os et non pas virtuelles, rassemblant une pluralité de citoyens, personnes concernées et professionnels de terrain représentant la diversité des pratiques nécessaires au soin.
Clélia Gasquet (Maitresse de conférence en Géographie de la Santé),
Dr Loriane Bellahsen (psychiatre),
Dr Benoit Blanchard (pédo-psychiatre),
André Bitton (retraité, président de l’association d(ex) usagers de la psychiatrie CRPA),
Dimitri Talbot (cadre de santé),
Adeline Antier (cheffe de service éducatif, édcucatrice spécialisée)
Justine Afonso (psychomotricienne)
Cora Benjamin (assistante sociale)
Pr Pierre Delion (professeur honoraire de psychiatrie, pédo-psychiatre),
Dr Mathieu Bellahsen (psychiatre),
Delphine Rousseau (psychologue clinicienne),
Mathilde Akian (psychomotricienne)
Mathieu Bidard (psychologue clinicien),
Dr Geneviève Hénault (psychiatre),
Dr Maud Mainfroy (psychiatre),
Dr Nawal Souissi (psychiatre),
Dimitri Nicolle (psychologue clinicien),
Dr Laurent Delhommeau (psychiatre),
Maider Leroux (psychologue clinicienne),
Benjamin Royer (psychologue clinicien),
Dr Martin Pavelka (pédo-psychiatre),
Dr Georges Yoram Federmann (psychiatre)
Dr Elisabeth Lisack-Schwindenhammer (pédo-psychiatre),
Dr Patrick Chemla (psychiatre)
Emile Rafowicz (psychiatre),
Dr Nicolas Dissez (psychiatre),
Dr Louise Sciara (psychiatre),
Pr Pierre Delion (pédo-psychiatre),
Dr Jean Paul Godet (psychiatre retraité)
Dr Christophe LIBERT, (pédopsychiatre, Président de l’API)
Dr Sandrine Deloche (Pédopsychiatre),
Dr Morgane Derijard-Kummer, Pédopsychiatre,
Dr Pedro Serra, psychiatre
Dr Anne Groussin Psychiatre
Dr Michele Zann Pédopsychiatre
Tsourith Nicolle, psychologue.
Dr Valérie Houot
(1): http://clsm-ccoms.org/wp-content/uploads/2021/09/programme_-assises_sante_mentale.pdf
(2): https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000042665379