Les conditions sanitaires pour la rentrée des classes demandent à être éclaircies, les moyens et méthodes en France manquent comparés à d’autre pays

Publié le 23/08/2021

Jean-Michel Blanquer a-t-il déjà raté sa pré-rentrée ? 

Paris, le lundi 23 août 2021

https://www.jim.fr/e-docs/jean_michel_blanquer_a_t_il_deja_rate_sa_pre_rentree__188853/document_actu_pro.phtml

– Les grandes lignes du protocole sanitaire qui s’appliquera à la rentrée dans les écoles avaient déjà été présentées au mois de juillet. On sait qu’il s’articule autour de quatre niveaux. Le principe général est de privilégier le plus possible les cours en présentiel, même si au « niveau 3 » des « hybridations » seront possibles au lycée en fonction du contexte local et que cette hybridation s’imposera au « niveau 4 » à partir de la quatrième. Autre règle globale : les classes seront fermées dès le premier cas dépisté. Cependant, au collège et au lycée, les enfants vaccinés n’auront pas à respecter la période d’isolement de sept jours s’ils sont cas contact. Annoncée en juillet, cette disposition avait fait grincer des dents, notamment en raison de l’emploi par le ministre de l’Education nationale du terme « évincer » pour les enfants non vaccinés. Aussi, hier, dans le Journal du Dimanche, Jean-Michel Blanquer est revenu sur ce point : « Nous partons de la même règle que pour le reste de la population : une personne cas contact qui est vaccinée n’est pas soumise à une période d’isolement. Pourquoi ne pas l’appliquer également aux collégiens et lycéens? (…) [Le terme « évincé » est un terme] technique employé couramment par les autorités de santé. Mais le mot le plus adapté est « protégé » : un élève non vacciné est dans une situation plus risquée qu’un élève qui a reçu au moins une injection. Lui demander de rester chez lui en cas de contact à risque, c’est le protéger et protéger les autres. J’ajoute que, dans cette hypothèse, la continuité pédagogique s’organise ». Par ailleurs concernant le respect du secret médical, le ministre relève : « Les parents sont libres de ne pas dire si leur enfant est vacciné ou non, mais cela relève de leur responsabilité individuelle et cela déterminera la possibilité pour l’élève cas contact d’être isolé ou de continuer à fréquenter les cours. Je crois qu’il faut que tout le monde retrouve un peu de sérénité sur ces questions : autrefois, personne ne considérait la vaccination contre la rougeole comme une information sensible. Et personne ne peut présenter le vaccin comme un amoindrissement des libertés. Au contraire, il est l’ennemi du virus et nous permet donc de restaurer notre liberté ». Chez les responsables scolaires, le caractère déclaratif suscite quelques inquiétudes quant au risque de fausses affirmations, surtout si les parents redoutent de ne pouvoir garder leur enfant chez eux.

Il va y avoir du sport

Au-delà de ces règles générales, des dispositions différentes s’appliqueront en fonction des niveaux. Le port du masque, systématique en intérieur dès le niveau 1 à partir de l’école élémentaire, s’imposera ainsi également en extérieur au niveau 3, tandis que les interdictions de brassage seront de plus en plus strictes. Concernant les activités physiques et sportives, elles seront possibles en intérieur jusqu’au niveau 3, à l’exception des sports de contact dès le niveau 2, une évolution du protocole que Jean-Michel Blanquer a relevé comme une marque de son attention portée aux critiques qui lui sont faites. Dans le Monde en effet, plusieurs médecins et épidémiologistes se sont émus la semaine dernière que « le sport en intérieur, activité à haut risque de transmission, reste autorisé jusqu’au « niveau 3 » – qui correspond vraisemblablement à une circulation virale importante – et la distanciation continue d’être promue « lorsqu‘elle est matériellement possible », pendant que des pays comme l’Italie et l’Espagne réduisent les effectifs de leurs classes ».

Talon d’Achille ?

Compte tenu de ces réserves, difficile de croire que les timides avancées accordées par le ministre suffisent à rassurer. De fait, l’annonce que la rentrée se ferait au niveau 2 (sauf en Guadeloupe et en Martinique, qui pourraient connaître niveau plus élevé) a fait jaser. L’épidémiologiste Dominique Costagliola (INSERM) s’est ainsi étonné sur Twitter. « Avec ces taux d’incidence chez les 0-19 ans en PACA, la rentrée se fera au niveau 2 vraiment », présentant un tableau où l’on découvre que les taux d’incidence atteignent 312/100 000 chez les 0/9 ans et 818/100 000 entre 10 et 19 ans. De son côté, une directrice d’école en Occitanie, s’étonne dans le Parisien : « Niveau 2 pour toute la métropole alors que les taux d’incidence vont de 56 en Creuse à 680 dans les Bouches-du-Rhône ? Les quatre couleurs sont là pour faire joli, mais le ministère met en place ce qu’il a prévu ». Au-delà beaucoup déplorent qu’aucun seuil d’incidence précis ne soit donné pour conditionner le passage d’un niveau à un autre. Mais Jean-Michel Blanquer assure : « A la Réunion, nous avons pu faire la rentrée au niveau 2 et les retours sont positifs » expliquant encore : « Nous prenons en compte les indicateurs généraux de l’épidémie établis par les autorités de santé, comme le taux d’incidence ou la pression hospitalière, mais aussi des éléments propres à l’Education nationale, comme le taux de vaccination des adultes et des élèves » (même si le ministre l’a martelé le passe sanitaire ne s’imposera nullement à l’école que ce soit pour les professeurs où les enfants). Plus globalement, Jean-Michel Blanquer refuse de reconnaître la pertinence des critiques des auteurs de la tribune publiée dans le Monde, qui redoutent que l’école ne reste le « talon d’Achille » de la lutte contre l’épidémie. Face aux inquiétudes exprimées, qui se fondent notamment sur le fait qu’avec la hausse de l’incidence chez les enfants, le nombre d’hospitalisation a également augmenté chez ces derniers (« 1,2 % des 0-9 ans testés positifs ont été hospitalisés » écrivent-ils), Jean-Michel Blanquer martèle : « Tous les points de vue et toutes les contributions sont utiles et nous les prenons en compte (…). Mais nous assumons aussi de prendre nos responsabilités. Avec le même niveau d’incidence à la rentrée dernière, on déclarait l’état d’urgence sanitaire. Cette fois, nous bénéficions des effets de la vaccination. Une tribune similaire avait été publiée l’année dernière : si je l’avais écoutée, j’aurais reporté la rentrée. Et chacun peut voir aujourd’hui que ça aurait été une grave erreur. Ce texte tente de faire croire que l’école aurait été le talon d’Achille de la gestion de crise, alors qu’elle a été un point fort de la France. (…) Le virus circule dans toutes les tranches d’âge, et les enfants scolarisés n’y échappent pas. Mais il est faux de dire que le milieu scolaire serait plus propice qu’un autre à la diffusion du virus. Le bilan de l’année dernière montre que les établissements ont su faire respecter les gestes barrière et il y aura à présent des campagnes de vaccination. Les enseignants ont été une catégorie socio-professionnelle moins contaminée que les autres. Et, bien entendu, nous restons capables de faire évoluer les choses en fonction de la situation sanitaire générale ».

Le test de la réalité

Pourtant, des scientifiques et médecins demeurent inquiets. Ils déplorent ainsi un manque de volonté politique concernant le fait de doter tous les établissements de capteurs de CO2 (équipements qui relèvent encore de la responsabilité des communes). Surtout, alors même qu’il a pu exister entre les pédiatres et d’autres voix des divergences concernant par exemple la pertinence de la fermeture des écoles, tous déplorent une campagne de dépistage trop peu ambitieuse. Tout en annonçant que les conditions de la gratuité des tests pour les adolescents non vaccinés (qui en auraient besoin pour certaines sorties) feront l’objet de précisions cette semaine, Jean-Michel Blanquer signale que l’objectif de deux autotests par semaine « a été atteint pour les adultes et il a progressé chez les lycéens. Nous allons poursuivre cette politique d’autotests, mais dans une stratégie de ciblage plus que de filet, qui était pertinent pour repérer des clusters. Dans la situation actuelle, avec un grand nombre de vaccinés, il faut être capable de tester de manière rapide et ciblée. Dans le primaire, nous gardons une stratégie de dépistage massif avec un objectif de 600 000 tests salivaires hebdomadaires. Un chiffre que nous avions atteint en juin ».

La réalité serait cependant moins idyllique que celle présentée par le ministre avec 20 % d’adolescents acceptant les autotests au printemps dernier et 70 % de parents autorisant les tests salivaires en primaire. Par ailleurs, les retards de livraison de ces derniers n’ont cessé d’être regrettés. Dans le Journal du Dimanche, le professeur Robert Cohen (Robert Debré) s’interroge « Si les parents les refusent, peut-être faudra-t-il changer de paradigme et refuser l’accès de l’enfant à l’école », tandis que des modélisations de l’INSERM/Pasteur ont signalé l’efficacité des dépistages deux fois par semaine en primaire.

Le fond et la forme

Ainsi, on le mesure, sur le fond, Jean-Michel Blanquer pourrait avoir quelque peu raté sa pré-rentrée. Il n’a guère plus brillé sur la forme : beaucoup de syndicats ont été ulcérés de constater que les détails du protocole sanitaire ont été donnés au JDD avant de leur être présentés. Dans ce contexte, la publication très prochaine d’un livre par le ministre où il se félicite du maintien des écoles ouvertes pratiquement tout au long de l’année dernière fait plus que grincer des dents sur Twitter.

Aurélie Haroche

A quinze jours de la rentrée scolaire, des conditions sanitaires encore très floues

Le protocole sanitaire de l’éducation nationale demande encore à être précisé, notamment sur l’accueil des enfants non-vaccinés. Enseignants et parents s’interrogent sur les conditions globales de cette rentrée. 

Par Sylvie Lecherbonnier et Violaine Morin

Publié hier à 06h03, mis à jour hier à 09h58  

Temps de Lecture 5 min. 

https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/08/19/a-quinze-jours-de-la-rentree-scolaire-le-flou-sur-les-regles-sanitaires-a-l-ecole-cristallise-les-tensions_6091794_3224.html

Rentrée scolaire, le 1er septembre 2020, au collège Françoise-Giroud à Vincennes (Val-de-Marne).
Rentrée scolaire, le 1er septembre 2020, au collège Françoise-Giroud à Vincennes (Val-de-Marne). MARTIN BUREAU / AFP

C’est une critique d’autant plus brutale qu’elle a été prononcée en l’absence de son destinataire : le 11 août, lors d’un conseil de défense tenu en visioconférence depuis le fort de Brégançon (Var), Emmanuel Macron a souligné le flou qui entoure la rentrée scolaire, selon une information du Canard enchaîné du 18 août. Le président de la République a exigé que les conditions sanitaires du retour en classe soient réexpliquées, plus clairement, aux familles et aux enseignants. Son ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, n’était pas présent.

A quinze jours de la rentrée, prévue le 2 septembre, le protocole sanitaire de l’éducation nationale diffusé fin juillet demande encore à être précisé. De son côté, le ministère de la santé a donné, le 17 août, des éléments concernant les collèges et les lycées qui scolarisent des élèves de plus de 12 ans, encouragés à se faire vacciner depuis la mi-juin. Confirmant que des centres mobiles de vaccination seraient bien déployés dans les établissements où la couverture vaccinale est moins bonne, le ministère de la santé a précisé que les adolescents pourraient être emmenés en groupe dans des centres, dans une comparaison avec « une sortie scolaire » jugée malhabile par le cabinet de M. Blanquer.Lire la tribune : « Face à un variant Delta fortement contagieux et circulant intensément chez les enfants et les adolescents, une action ferme est attendue »

Alors que la conférence de presse de rentrée du ministre de l’éducation est prévue le 26 août, et un point avec les syndicats le 25, Jean-Michel Blanquer est contraint de bousculer son calendrier pour se positionner sur les questions sanitaires.

Un « cadrage » devrait être donné dès la fin de semaine, assure son entourage,sans doute lors du déplacement prévu, jeudi 19 août, à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), où le ministre doit visiter un dispositif « école ouverte », qui propose du soutien scolaire à des publics défavorisés. « Il s’agira de réaffirmer aux familles que l’accueil de tous les élèves se fera bien le 2 septembre, indique-t-on. Il y a des incertitudes dans certaines familles, qui pensent que les enfants non vaccinés ne pourront pas aller à l’école, ce qui est inexact. »

Quatre niveaux d’alerte

« Il faudrait au moins nous préciser à quel niveau du protocole sanitaire on se situe », réclame Guislaine David, du SNUipp-FSU. Fin juillet, l’éducation nationale a en effet mis en ligne un protocole différencié avec quatre niveaux d’alerte (vert, jaune, orange et rouge), à adapter en fonction de la circulation épidémique à la rentrée. L’île de La Réunion, où les élèves sont retournés en classe lundi 16 août, applique le niveau jaune.

« Pour nous, cela pose de grosses questions d’organisation, plaide Guislaine David. En fonction des niveaux, les règles de brassage des élèves sont différentes. Dans les niveaux élevés, on rétablit le port du masque dans la cour de récré… Tout cela demande d’être pensé en amont ! »

Au ministère de l’éducation nationale, on défend pourtant la décision d’attendre d’être « au plus près de la rentrée » pour arrêter un niveau d’alerte qui correspondra aux dernières données épidémiques et pourra varier selon les territoires. Le 26 août, jour de la conférence de rentrée de Jean-Michel Blanquer, est évoqué comme date butoir.

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En primaire et pour les moins de 12 ans au collège, la règle qui avait cours en fin d’année dernière sera toujours appliquée : un cas de Covid-19 entraîne la fermeture de la classe pour sept jours.

Les questions les plus aiguës concernent donc le statut vaccinal des adolescents. Au 17 août, 54,6 % des 12-17 ans ont reçu une première injection et 30,3 % ont un schéma vaccinal complet, d’après les données de Santé publique France. Dans le protocole mis en ligne fin juillet, l’éducation nationale précisait que les élèves non vaccinés seraient confinés dès qu’un cas de Covid-19 est répertorié dans leur classe, et ce, quel que soit le niveau d’alerte, alors que les élèves vaccinés ne sont plus considérés comme cas contact, comme dans l’ensemble de la population. Cette annonce a immédiatement fait réagir, fin juillet. D’autant que sur Franceinfo, le 28 juillet, M. Blanquer indiquait que les élèves non vaccinés seraient « évincés » des salles de classe, un terme jugé violent par certains parents et enseignants.

Incertitudes juridiques

A l’approche de la rentrée, la mise en pratique de cette mesure questionne. D’abord, sur le plan logistique : « Qui va vérifier que tel élève est vacciné et pas tel autre ? », demande Sophie Vénétitay, du SNES-FSU, qui rappelle que les informations médicales sur les élèves ne sont pas censées circuler dans les établissements scolaires. Les agences régionales de santé (ARS) fourniront-elles des listes d’enfants vaccinés ? Sur ce point, l’entourage de M. Blanquer assure que les informations confidentielles seront traitées par « ceux qui ont le droit de les connaître », c’est-à-dire les ARS, chargées du déploiement des centres mobiles de vaccination dans les établissements.

Lire la tribune : « Face à un variant Delta fortement contagieux et circulant intensément chez les enfants et les adolescents, une action ferme est attendue »

En outre, le renvoi à la maison d’un enfant non vacciné pose des questions juridiques, dans la mesure où le vaccin contre le Covid-19 n’est pas obligatoire. « Un doute existe sur la légalité d’une telle mesure, estime Valérie Piau, avocate spécialiste des questions scolaires. Elle pourrait contrevenir à la Convention internationale des droits de l’enfant, dans laquelle figure le droit d’aller à l’école. Mais aussi à l’instruction obligatoire à partir de 3 ans, puisqu’un enseignant ne pourra pas assurer à la fois les cours dans la classe et en distanciel. Il semble difficile de priver de scolarisation des adolescents sur la base des convictions des parents. »Des familles pourraient s’appuyer sur cette ambiguïté pour saisir le tribunal administratif, même si l’éducation nationale assure que la « continuité pédagogique » sera mise en place pour les élèves confinés pendant sept jours.

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La Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) a alerté, dans Le Journal du dimanche du 15 août, sur les risques d’aggravation des inégalités sociales liés à cette disposition, pointant du doigt la couverture vaccinale plus faible des catégories défavorisées. « Cette distinction entre élèves vaccinés et non vaccinés nous paraît scientifiquement inefficace et socialement discriminante », affirme le porte-parole de la FCPE, Rodrigo Arenas, dans une tribune cosignée avec la conseillère écologiste de Paris Nathalie Laville.

Autre question : quelles règles s’appliqueront pour les sorties scolaires dans les théâtres ou les musées, où le passe sanitaire sera en vigueur pour les plus de 12 ans à partir du 30 septembre ? « Nous sommes un métier de projets, avec des sorties et des classes de découverte, affirme Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-UNSA. Cela fait plus de dix-huit mois que l’on ne fait pas de projets à cause de la crise sanitaire. Il n’est pas envisageable que les élèves en profitent ou non selon leur statut vaccinal. » Dans l’entourage de Jean-Michel Blanquer, on affirme que cette question des sorties scolaires, qui implique d’autres acteurs institutionnels que l’éducation nationale elle-même, est encore en discussion.

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« Face à un variant Delta fortement contagieux et circulant intensément chez les enfants et les adolescents, une action ferme est attendue »

TRIBUNE

Collectif

A deux semaines de la rentrée, une trentaine de médecins et enseignants, dont les épidémiologistes Dominique Costagliola et William Dab, alertent sur la nécessité de protéger la santé des élèves.

Publié hier à 03h08, mis à jour hier à 11h08    Temps de Lecture 5 min. 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/08/19/apres-dix-huit-mois-de-pandemie-l-ecole-ne-doit-pas-rester-le-talon-d-achille-de-la-strategie-sanitaire_6091787_3232.html

Dans une salle de classe d’un collège de Bron, près de Lyon, le 1er septembre 2020.
Dans une salle de classe d’un collège de Bron, près de Lyon, le 1er septembre 2020. JEFF PACHOUD / AFP

Tribune. A deux semaines de la rentrée, face à un variant Delta fortement contagieux et circulant intensément chez les enfants et les adolescents, une action ferme est attendue pour protéger leur santé dans les établissements scolaires.

Le variant Delta se propage actuellement à grande vitesse chez les plus jeunes. Au Royaume-Uni, il s’est principalement diffusé à partir des enfants : plus d’un million d’élèves ont été absents au cours du dernier mois d’école. Aux Etats-Unis, 121 000 cas d’enfants et d’adolescents ont été rapportés la seule semaine dernière.

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En France, dans les Landes, à la veille des vacances, le taux d’incidence en milieu scolaire dépassait déjà, de très loin, celui des adultes, même chez les 3-5 ans. Cet été, les clusters se sont multipliés de façon alarmante dans les centres aérés et les colonies de vacances. Le 2 août, le taux d’incidence chez les 0-9 ans était déjà très élevé, dépassant le seuil de 200 pour 100 000 dans trois régions, alors que leur taux de positivité est le double de celui de la population générale.

Fermeture des classes au premier cas

Le taux d’hospitalisation des 0-19 ans augmente dans les pays où le variant Delta est majoritaire. Aux Etats-Unis, jusqu’à 1,9 % des enfants testés positifs sont hospitalisés dans certains Etats. Dans celui de Géorgie, 7 enfants sur 100 000 sont actuellement à l’hôpital pour Covid-19. En France, au cours de l’année écoulée, 1,2 % des 0-9 ans testés positifs ont été hospitalisés et le nombre d’hospitalisations est aujourd’hui le double de celui de l’année dernière à la même date, celui des 10-19 ans, le quadruple.

Le Covid-19 peut aussi entraîner des complications à moyen terme. Selon la littérature scientifique et les données gouvernementales britanniques, entre 2 % et 8 % des enfants infectés présentent des symptômes persistants. Des séquelles ou des complications à long terme de la maladie, peut-être encore inconnues, ne peuvent en outre être exclues. Enfin, si les décès demeurent très rares, ils existent et sont autant de drames dont le nombre pourrait augmenter avec une circulation virale plus importante.

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Les alertes se multiplient partout dans le monde. Aux Etats-Unis, au Canada, en Inde, au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne… les pédiatres et les sociétés savantes appellent à protéger davantage les moins de 12 ans. A notre tour, aujourd’hui, de tirer la sonnette d’alarme.

Des mesures efficaces de prévention des contaminations doivent être adoptées dès la rentrée. Le protocole publié le 28 juillet définit un cadre de fonctionnement des établissements scolaires avec quatre niveaux de mesures : il faut, sans plus tarder, définir leur niveau territorial d’application, les indicateurs épidémiologiques, ainsi que les seuils déclenchant le passage d’un niveau à l’autre.

Il nous apparaît aujourd’hui impensable, pour la majorité des départements français, d’envisager une reprise au « niveau 2 » du protocole sanitaire, alors que le taux d’incidence chez les 0-19 ans est cinq fois supérieur à celui de la rentrée 2020. Par ailleurs, à ce jour, il ne peut exister un « niveau 1 », où le masque pourrait être retiré en école élémentaire. Enfin, la fermeture des classes au premier cas identifié à l’école élémentaire reste nécessaire et devrait être étendue à tous les niveaux.

Purificateurs d’air

La prévention de la transmission par aérosols reste largement insuffisante dans ce protocole, qui n’a pas évolué en dépit d’un virus plus fortement transmissible. Les fenêtres doivent être bien plus fréquemment ouvertes et la recommandation d’équiper les établissements de détecteurs de CO2 ne peut suffire : cela doit être la règle. Aucune mesure ne vise les cantines, le recours à des purificateurs d’air n’est même pas mentionné.

Cet été, l’Irlande, le Québec ont équipé toutes les classes de détecteurs de CO2, pendant que New York, Philadelphie et Francfort installaient des purificateurs dans les leurs. La Finlande, l’Autriche, des Länders allemands et des Etats américains financent également l’installation de ces dispositifs.

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D’autres défaillances sont à pointer : le sport en intérieur, activité à haut risque de transmission, reste autorisé jusqu’au « niveau 3 » – qui correspond vraisemblablement à une circulation virale importante – et la distanciation continue d’être promue « lorsqu‘elle est matériellement possible », pendant que des pays comme l’Italie et l’Espagne réduisent les effectifs de leurs classes.

Autre point d’alarme : l’absence d’une véritable stratégie de dépistage telle que recommandée par les différentes instances sanitaires internationales. D’autres pays sont, là aussi, mieux préparés : par exemple, l’Autriche a conditionné, depuis l’année dernière, l’enseignement en présentiel à la réalisation d’autotests, deux ou trois fois par semaine, obtenant des faibles taux de contamination dans ses établissements.

A l’heure où le variant Delta éloigne la possibilité de l’immunité collective par la seule vaccination, les scientifiques de nombreux pays appellent à y associer des mesures barrières non pharmaceutiques. L’Italie et les Etats-Unis ont d’ores et déjà annoncé des plans d’urgence de respectivement 2,9 milliards d’euros et 122 milliards de dollars [104 milliards d’euros] pour prévenir la diffusion du Covid-19 dans leurs établissements scolaires.

En France, après dix-huit mois de pandémie, l’école ne doit pas rester le talon d’Achille de la stratégie sanitaire. Nos enfants ont déjà payé un lourd tribut lors de cette crise, préservons dès maintenant leur scolarité et leur santé de risques évitables.

Igor Auriant, médecin réanimateur; Thierry Baubet, psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, université Sorbonne-Paris-Nord, 93; Amina Ayouch-Boda, psychologue clinicienne, hôpital Saint-Antoine (AP-HP); Francis Berenbaum, chef du service rhumatologie, hôpital Saint-Antoine (AP-HP); Nadine Bertoni, psychiatre; Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie; Fabienne Blum, docteur en pharmacie; Matthieu Calafiore, médecin généraliste; Franck Clarot, médecin légiste, radiologue; Dominique Costagliola, directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), membre de l’Académie des sciences; William Dab, épidémiologiste, ancien directeur général de la santé (2003-2005); Guislaine David,cosecrétaire générale et porte-parole du syndicat des enseignants du premier degré français SNUipp-FSU; Corinne Depagne,pneumologue; Jonathan Favre, médecin généraliste; Germain Forestier, professeur des universités; Mélanie Heard, responsable du pôle santé du think tank Terra Nova; Irène Kahn Bensaude, pédiatre, ancienne présidente du CDOM 75 (conseil départemental de la Ville de Paris de l’ordre des médecins); Christian Lehmann, médecin généraliste, écrivain; Jérôme Marty, médecin généraliste, président de l’Union française pour une médecine libre (UFMLS); Cyril Mazubert, médecin généraliste; Andréea-Cristina Mas, Collectif de malades Covid-19 au long cours; Patrick Mercié, médecine interne et immunologie clinique, CHU de Bordeaux; François-Xavier Moronval,médecin urgentiste; Gilles Pialoux, infectiologue, hôpital Tenon (AP-HP); Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du syndicat général de l’éducation nationale SGEN-CFDT; Noémie Pérez, pédiatre; Michaël Rochoy, médecin généraliste; Hélène Rossinot, médecin spécialiste de santé publique; Barbara Serrano, consultante indépendante et maîtresse de conférences associée à l’université de Versailles-Saint-Quentin; David Simard, docteur en philosophie, chercheur associé au laboratoire LIS, faculté de santé de l’université Paris-Est-Créteil; Laurence Webanck, médecin rhumatologue; Elisa Zeno, PhD, ingénieur de recherche; Florian Zores, cardiologue; Mahmoud Zureik, épidémiologie et santé publique, université de Versailles-Saint-Quentin

Collectif

Un collectif de médecins appelle à protéger les enfants à l’approche de la rentrée scolaire    

Par L.C. le 19-08-2021 

https://www.egora.fr/actus-pro/sante-publique/67705-un-collectif-de-medecins-appelle-a-proteger-les-enfants-a-l-approche?nopaging=1

A moins de quinze jours de la rentrée scolaire, une trentaine de médecins et chercheurs signent, ce jeudi 19 août, une tribune dans Le Mondedans laquelle ils appellent à protéger la santé des enfants face à la contagiosité du variant Delta et réclament une « action ferme ». Dans la foulée, le ministre de l’Education nationale a dévoilé les contours du protocole sanitaire dans les établissements scolaires, qui sera de niveau 2.

Alors que les enfants s’apprêtent à reprendre le chemin des classes, un collectif d’une trentaine de médecins et chercheurs – dont le Dr Marty, l’épidémiologiste Dominique Costagliola ou encore l’infectiologue Gilles Pialoux – appelle à protéger la santé des élèves face à la contagiosité du variant Delta, majoritaire en France. En effet, selon les experts, ce variant du Covid se propage « à grande vitesse » dans cette population. « Au Royaume-Uni, il s’est principalement diffusé à partir des enfants : plus d’un million d’élèves ont été absents au cours du dernier mois d’école. Aux Etats-Unis, 121.000 cas d’enfants et d’adolescents ont été rapportés la seule semaine dernière », expliquent-ils dans une tribune qu’ils publient ce jeudi 19 août dans Le Monde. En France, nombre de clusters dans les centres aérés ou colonies de vacances ont également été signalés cet été.

« Le taux d’hospitalisation des 0-19 ans augmente dans les pays où le variant Delta est majoritaire […] En France, au cours de l’année écoulée, 1,2 % des 0-9 ans testés positifs ont été hospitalisés et le nombre d’hospitalisations est aujourd’hui le double de celui de l’année dernière à la même date, celui des 10-19 ans, le quadruple », s’inquiètent-ils, ajoutant que « le Covid-19 peut aussi entraîner des complications à long terme ». Alors que des pédiatres et sociétés savantes ont appelé à protéger davantage les moins de 12 ans aux Etats-Unis, au Canada, en Inde, au Royaume-Uni, en Italie, etc., médecins et scientifiquent souhaitent à leur tour, à travers cette tribune portée par le collectif Du Côté de la science, « tirer la sonnette d’alarme ».L’Académie américaine de pédiatrie recommande le masque dès 2 ans à l’école 

Campagne de vaccination dans les collèges et lycées

« Des mesures efficaces de prévention des contaminations doivent être adoptées dès la rentrée », prévue le 2 septembre, estiment les signataires. Le protocole publié le 28 juillet dernier a défini quatre niveaux de mesures sanitaires : « il faut, sans plus tarder, définir leur niveau territorial d’application, les indicateurs épidémiologiques, ainsi que les seuils déclenchant le passage d’un niveau à l’autre », recommandent premièrement ces experts. « Il nous apparaît aujourd’hui impensable d’envisager une reprise au ‘niveau 2’ du protocole sanitaire, alors que le taux d’incidence chez les 0-19 ans est cinq fois supérieur à celui de la rentrée 2020.’

Le masque ne devrait également pas être retiré en école élémentaire, ajoutent-ils. Et la fermeture des classes dès le premier cas identifié dans ces établissements « devrait être étendue à tous les niveaux ». Le protocole ne tient par ailleurs pas suffisamment compte de la prévention de la transmission par aérosols « en dépit d’un virus plus fortement transmissible ». « Les fenêtres doivent être bien plus fréquemment ouvertes et la recommandation d’équiper les établissements de détecteurs de CO2 ne peut suffire : cela doit être la règle. Aucune mesure ne vise les cantines, le recours à des purificateurs d’air n’est même pas mentionné. »

Les signataires, selon qui « l’école ne doit pas rester le talon d’Achille de la stratégie sanitaire » après un an et demi de pandémie, pointent d’autres dysfonctionnements comme le sport en intérieur autorisé jusqu’au niveau 3 (correspondant à une circulation virale importante), « l’absence d’une véritable stratégie de dépistage » ou encore le fait que « la distanciation continue d’être promue ‘lorsqu’elle est matériellement possible' », déplorent-ils.

Ce dimanche 22 août, dans le Journal du Dimanche, le ministre de l’Education nationale a dévoilé les contours du protocole sanitaire dans les écoles, qui sera de niveau 2, au grand dam des…

signataires de la tribune. Le Gouvernement prévoit de maintenir les cours en présentiel dans tous les niveaux. L’objectif : « avoir la rentrée la plus normale possible ». En primaire, les classes seront toutefois fermées dès la découverte d’un cas de Covid. Dans les collèges et lycées, les7 jours d’isolement réglementaire ne seront pas obligatoires pour les jeunes vaccinés (une attestation parentale sera requise).

Le masque sera obligatoire en classe dès l’école primaire. Le sport sera autorisé en intérieur. Néanmoins, le ministre a déclaré que les professeurs étaient invités à éviter les sports de contact. Le pass sanitaire ne sera pas nécessaire pour les sorties scolaires, sauf si les élèves sont mélangés avec d’autres publics dans des lieux où il est en vigueur. Auquel cas, les élèves non vaccinés devront présenter le résultat d’un test négatif. Des précisions seront apportées prochainement concernant les tests, qui seront bientôt payants.

Concernant les détecteurs de CO2, le ministre a indiqué vouloir les « généraliser », mais l’achat de ces détecteurs sera de la responsabilité des régions. L’Etat prévoit par ailleurs de lancer une vaste campagne de vaccination dans les collèges et lycées. Celle-ci débutera dès la rentrée à destination des plus de 12 ans et des personnels des établissements. « Selon les situations, soit des équipes mobiles viendront vacciner dans les établissements, soit nous organiserons le déplacement des élèves volontaires, en lien avec les services de santé, vers les centres de vaccination. » A ce jour, d’après le ministre Jean-Michel Blanquer, environ 55% des 12-17 ans ont reçu au moins une injection.

Interrogé sur les inquiétudes de certains enseignants et médecins, et notamment sur la tribune parue dans Le Monde, le ministre a déploré que « ce texte tente de faire croire que l’école aurait été le talon d’Achille de la gestion de crise, alors qu’elle a été un point fort de la France ».

Bon bah voilà. Pas de surprise, rentrée au niveau 2 parce que Toutépré a un cale-meuble à vendre.

Les enfants auront donc un masque en classe mais pas en sport d’intérieur ni en cantine interclasse. Donc un équivalent de pas de masque en fait.

On a échoué à faire bouger ça. https://t.co/tWCQikUFA9

— Michaël (@mimiryudo) August 21, 2021

[avec Le Monde et le Journal du Dimanche]

« Protéger les jeunes doit compter au rang des premières urgences face au variant Delta »

TRIBUNE

Mélanie Heard – Politiste

La politiste Mélanie Heard regrette qu’aucun dispositif ne cible la protection des enfants et adolescents, alors même que la contagiosité accrue du nouveau variant et la vaccination des adultes contre le Covid-19 les mettent en première ligne.

Publié le 28 juillet 2021 à 04h11 – Mis à jour le 28 juillet 2021 à 20h39   Temps deLecture 7 min.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/07/28/melanie-heard-proteger-les-jeunes-doit-compter-au-rang-des-premieres-urgences-face-au-variant-delta_6089745_3232.html

Tribune. L’exécutif et le Parlement viennent de débattre de la stratégie de lutte contre la pandémie de Covid-19. Les grands oubliés de ce débat important sont les 15 millions d’enfants et d’adolescents que la quatrième vague va pourtant frapper durement dans les semaines qui viennent. La généralisation du passe sanitaire, mesure-phare du projet de loi adopté dimanche 25 juillet, ne les concerne pas : les enfants de moins de 12 ans en étaient d’emblée dispensés, et ce sera finalement aussi le cas, jusqu’à fin septembre, des adolescents, qui accèdent à la vaccination depuis le 15 juin mais dont la couverture vaccinale ne dépasse pas, à ce jour, les 10 %. Les lieux d’enseignement étaient d’emblée exclus du périmètre d’application.

Au Parlement, les mineurs n’ont été évoqués qu’au prisme de la vaccination des 12-18 ans, au travers d’amendements de tous bords combattant, heureusement sans succès, qu’ils soient soumis au passe sanitaire pour leurs activités de loisirs : les mesures de prévention pèseraient alors sur eux d’un poids disproportionné, dit-on, par rapport à un virus assez généreux pour les épargner. C’est là raisonner dans un cadre épidémiologique que la réalité de la rentrée va rendre complètement périmé.

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Aucun dispositif, dans la stratégie de lutte contre la quatrième vague, ne cible la protection des enfants et adolescents. Ce sont eux pourtant qui seront en première ligne d’ici à la rentrée. Deux facteurs renforcent aujourd’hui leur fragilité : la contagiosité accrue du variant Delta ; et la vaccination des classes d’âge plus âgées, mieux vaccinées qu’eux, qui accroît de ce fait la pression du virus sur eux. Avant l’été, les mineurs représentaient déjà 25 % des cas détectés. Ils pourraient bientôt compter pour 50 % des contaminations, selon les dernières modélisations.

Au pic, dès septembre, dans un scénario médian où l’on compterait alors 100 000 nouveaux cas par jour, il y aurait donc 50 000 enfants et adolescents infectés chaque jour. Ces projections de l’Institut Pasteur (Hozé et al., 9 juillet 2021 ; Bosetti et al., 13 juillet 2021), accessibles à tous et mises à jour régulièrement sur son site, sont considérées comme vraisemblables même avec l’impact positif de la généralisation du passe sanitaire sur le rythme des vaccinations.

Perspectives alarmantes

En dépit de ces perspectives alarmantes, il reste très difficile dans notre pays de parler de la réalité du risque Covid chez les mineurs. Plusieurs facteurs l’expliquent. Le soulagement, d’abord, au printemps 2020, de constater que les formes graves de l’infection étaient extrêmement rares pour eux. L’incertitude, ensuite, sur leur rôle dans la circulation virale tout au long de la période de confinement. L’inquiétude, aussi, pour leur santé mentale, affectée par le confinement, les périodes de scolarité en distanciel, et la violence même de cette épidémie qui bouleverse leur quotidien et leurs familles. La sanctuarisation, enfin, de l’impératif scolaire : le président de la République, en ouverture de son allocution du 12 juillet, a convoqué les Français à la fierté d’appartenir à l’une des nations qui a le moins fermé ses écoles.

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La conscience du risque que représente le Covid-19 pour les enfants et les adolescents n’a pas progressé dans la société au même rythme que les connaissances scientifiques. Celles-ci se sont rapidement stabilisées sur le fait que les enfants et adolescents sont susceptibles de s’infecter lorsqu’ils sont exposés au virus, et qu’une fois infectés ils sont contagieux pour leurs pairs et leurs familles. Si les enfants semblent un peu moins susceptibles de s’infecter que les adultes quand ils rencontrent le virus, cela ne paraît pas être le cas pour les adolescents. Le milieu scolaire est donc un lieu de circulation virale active.

Les connaissances ont confirmé en parallèle la contribution significative des mineurs à la circulation virale en population générale : l’épidémiologie du variant Delta, du fait de la couverture vaccinale plus importante chez les adultes, l’accentue fortement. Il est établi que la vulnérabilité des jeunes, désormais disproportionnée par rapport aux autres classes d’âge, fait d’eux à la fois des cibles et des vecteurs critiques de la quatrième vague.

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Enfin, les connaissances ont aussi progressé sur l’impact du Covid-19 chez les enfants : si les syndromes inflammatoires aigus et les hospitalisations représentent de faibles proportions parmi les infectés (environ 100 fois moins que pour les adultes), leur nombre deviendra rapidement inquiétant si le dénominateur se compte en dizaine de milliers. En outre, les symptômes persistants post-infection, ou Covid long, concernent les mineurs comme les adultes : fatigue chronique, maux de tête ou difficultés à se concentrer durant plusieurs mois pourraient concerner un cas sur 20 selon les données de l’Office national de statistiques britannique – soit potentiellement 2 500 nouveaux enfants chaque jour au pic de la quatrième vague.

Sécurisation du milieu scolaire

Protéger les enfants et les adolescents devrait donc compter au rang des premières urgences de l’été face au variant Delta. La vaccination ne peut pas être la seule réponse, puisqu’elle exclut encore les moins de 12 ans. Il faut certes se féliciter des annonces qui promettent une offre vaccinale massive au sein des collèges et des lycées dès la rentrée. Mais comment protégerons-nous les enfants d’âge primaire, les collégiens de moins de 12 ans et les nombreux adolescents qui ne seront pas vaccinés en septembre ? C’est aujourd’hui que se préparent les mesures qui devront accompagner la rentrée scolaire, à commencer par la sensibilisation des familles, dès cet été, aux symptômes de l’infection pédiatrique par le variant Delta.

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Surtout, la sécurisation du milieu scolaire appelle des choix qui méritent d’être débattus et nécessitent d’être anticipés et concertés : sur le terrain, le dépistage et la quarantaine des élèves seront un défi insurmontable si plusieurs dizaines de milliers d’entre eux sont contaminés chaque jour ! L’échec patent du dépistage en milieu scolaire, qu’une récente mission sénatoriale a qualifié de « parcellaire, aléatoire, incompréhensible », a clairement entamé la crédibilité de l’institution en la matière auprès des familles et des enseignants.

On manque malheureusement de données pour savoir quel pourcentage d’élèves a participé aux campagnes organisées depuis le printemps dans les établissements scolaires ; mais les chiffres qui circulent indiquent 10 % d’adhésion dans les lycées, 40 % dans les collèges, et 70 % au primaire, soit bien trop peu pour casser les chaînes de transmission.

Des données de l’Inserm montrent qu’un dépistage généralisé et fréquent (deux fois par semaine) pourrait permettre d’éviter les milliers de fermetures de classes qui se profilent déjà pour les semaines qui suivront la rentrée.

Or, on ne repère pas d’ambition sérieuse pour organiser et concerter une telle stratégie robuste de dépistage. Ni pour préparer le soutien pédagogique et psychologique des élèves qui seront à l’isolement. Ni pour anticiper la reprise inévitable du port systématique du masque en classe, qui imposera probablement un effort renouvelé de pédagogie auprès des élèves. Ni non plus, enfin, pour favoriser l’aération des salles ou des cantines – et ce, en dépit d’études qui montrent qu’elle ne peut reposer sur la seule injonction d’ouvrir les fenêtres, et nécessite l’utilisation d’outils, comme les capteurs de CO2, dont le Haut Conseil de la santé publique a explicitement préconisé la généralisation.Lire aussi  Coronavirus : pourquoi la hausse des cas détectés chez les jeunes doit être analysée avec prudence

L’inquiétude justifiée pour la santé mentale des élèves a été mise en balance avec le poids de telles mesures de prévention sur leur quotidien. L’idée d’une hiérarchie des risques semble s’être imposée, le risque de mal-être du fait des contraintes sanitaires l’emportant en gravité, pour les jeunes, sur le risque direct d’impact du virus sur leur santé. Ce cadre de raisonnement est clairement périmé aujourd’hui du fait de la nouvelle épidémiologie du variant Delta dans une population partiellement vaccinée.

L’alternative pour les enfants n’est pas entre des mesures fortes de prévention dans les classes et une vie normale, mais entre ces mesures fortes et des dizaines de milliers de contaminations pédiatriques par jour qui désorganiseront de fait la scolarité des élèves – avec, pour des milliers d’entre eux, des conséquences sur la santé durables.

Prévenir le mal-être psychologique des élèves

L’anticipation, la mobilisation des familles et de la communauté éducative en amont de la rentrée, une information sur le risque adaptée à chaque âge, et un effort politique ambitieux pour expliquer et justifier les mesures de prévention, sont les meilleurs leviers à la fois pour contenir les contaminations et pour prévenir le mal-être psychologique des élèves.

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La réponse politique à la quatrième vague ne s’est pas saisie de ces enjeux. Le fardeau qui pèsera sur les enfants et les adolescents n’est pas nommé. On attend d’un jour à l’autre le protocole de sécurisation des établissements scolaires, annoncé début juillet. Mais il ne saurait de toute façon suffire à incarner la volonté politique dont la protection des enfants a aujourd’hui besoin.

Le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, se disait sûr, le 8 juillet, que l’année à venir sera « plus normale » que la précédente. Comme l’ont souligné plus d’une centaine de scientifiques dans un appel récent publié dans The Lancet, laisser circuler le virus parmi les enfants et les adolescents serait à la fois un tort moral et une ineptie sanitaire.

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Mélanie Heard est enseignante-chercheuse en science politique. Elle anime le pôle santé du think tank social-démocrate Terra Nova.

Mélanie Heard (Politiste)

Voir aussi:

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/08/06/pour-ou-contre-les-vaccins-des-12-17-ans-toute-une-frange-des-parents-interroges-se-dit-dans-le-flou-et-prise-de-court/

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/07/21/alerte-de-chercheurs-et-professionnels-de-sante-a-propos-de-lextension-du-passe-sanitaire-aux-enfants-le-probleme-est-quon-decrete-lechec-dune-strategie-qui-en-reali/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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