Pénurie de soignants à l’APHP et au CHU de Toulouse, un record d’arrêts de travail au CHU de Nantes

Admis en école d’infirmiers mais «recalés» pour le financement, le grand désarroi des agents de l’AP-HP

Employés à l’Assistance publique – hôpitaux de Paris, ils ont décroché l’entrée en école d’infirmiers. Mais sur les 350 lauréats, 120 agents n’ont pas obtenu de financement pour leurs études. Soutenus par les syndicats, ils dénoncent la situation et espèrent un changement de leur direction en cette période où le manque de personnel se fait sentir au quotidien.

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Fernando, aide-soignant à la Pitié-Salpêtrière à Paris, fait partie des 120 agents de l'AP-HP qui n'ont pas obtenu de financement pour suivre leur formation en école d'infirmiers malgré l'obtention du concours. LP/Maïram Guissé
Fernando, aide-soignant à la Pitié-Salpêtrière à Paris, fait partie des 120 agents de l’AP-HP qui n’ont pas obtenu de financement pour suivre leur formation en école d’infirmiers malgré l’obtention du concours. LP/Maïram Guissé 

Par Maïram Guissé Le 5 juin 2021 à 08h30

https://www.leparisien.fr/paris-75/admis-en-ecole-dinfirmiers-mais-recales-pour-le-financement-le-grand-desarroi-des-agents-de-lap-hp-05-06-2021-SGUPLX36OVH7LLPU26TLRNMJUM.php

Ils sont aides-soignants, puériculteurs… et travaillent depuis plusieurs années dans un des 39 hôpitaux de l’AP-HP (Assistance publique – hôpitaux de Paris), le plus important groupe hospitalier public en Ile-de-France. Cette année, 350 d’entre eux ont décroché le concours, comportant uniquement une épreuve orale, pour entrer en école d’infirmiers. Dans le jargon, ils sont appelés les « PP », comprendre « promotions professionnelles ». Pourtant, ils ne sont pas certains de pouvoir suivre la formation qui manque tant en Ile-de-France. L’AP-HP leur refuse le financement : 21000 euros sur trois ans, en contrepartie d’un engagement de cinq ans à l’AP. Ils sont 120 personnels dans cette situation. Les syndicats CGT et FO dénoncent un « scandale ».


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« On a une duplicité du gouvernement, de notre direction qui se plaint de devoir fermer des lits par manque d’employés, mais ne forme pas ceux qui souhaitent l’être », tacle Christophe Prudhomme, délégué CGT de l’AP-HP.

«On me refuse la possibilité d’évoluer alors qu’il n’y a pas assez d’infirmiers !»

Parmi les « recalés », il y a Fernando, 47 ans, aide-soignant à la Pitié-Salpêtrière (Paris, XIIIe), qui depuis un an affronte, de nuit, les vagues successives du Covid. « C’est incompréhensible », s’agace le quadragénaire qui, entre deux prises en charge de patients, révisait son examen. « J’ai eu 20/20, j’ai un très bon dossier, aucune absence, je connais l’AP pour y travailler depuis 23 ans, et on me refuse la possibilité d’évoluer alors qu’il n’y a pas assez d’infirmiers ! »

La crise du Covid a effectivement mis en lumière le manque criant de personnels : plus de 3500 postes vacants, tous profils confondus selon une enquête de l’ARS (agence régionale de santé), et ses conséquences sur les fermetures de lits : « 334 en 2019 contre 239 en 2018, par manque de personnel », d’après un document de l’AP-HP. Malgré les 62100 infirmiers salariés en poste, ce métier reste sous tension. A l’AP-HP, 440 offres d’emplois d’infirmiers en soins généraux sont d’ailleurs toujours à pourvoir.

«On se sent méprisés»

Sarah (le prénom a été modifié), habitante dans le sud de la région, en poste depuis 4 ans à Lariboisière (Paris, Xe), Pauline de l’Essonne, à Pompidou (Paris, XVe) depuis 5 ans, ou encore Abou (le prénom a été modifié), à Necker (Paris, XVe) depuis plusieurs années également, sont tout autant déroutés que Fernando. Systématiquement, ils posent cette question : « Pourquoi ? ». « On se sent méprisés », reprend Fernando. Pauline, mère de deux enfants, est « dévastée ». Elle se demande si sa situation est « liée à [ses] deux congés maternité. Devenir infirmière me tient tellement à cœur, mais comment faire pour accéder à cette formation sans financement ? », et avec un salaire mensuel net de 1580 euros.


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Renoncer ? Difficile de s’y résoudre. Fernando, avec un revenu de 1800 voire 1900 euros avec les primes, marié, père de famille, a tout envisagé. Il pense se mettre à disposition, puiser dans ses économies pour suivre les cours la journée et travailler de nuit dans la santé en missions intérimaires. « Pendant le Covid, je me suis retrouvé avec des collègues en formation qu’on a rappelés en intérim pour renforcer nos équipes… Ce n’est vraiment pas cohérent et ça coûte plus d’argent à l’AP. » Sarah, mère de deux enfants, pense « prendre un prêt pour tenir, ça va être dur sans salaire. »

« Au départ, seulement 145 lauréats devaient être financés au titre de la PP, déplore Jean-Emmanuel Cabo de FO AP-HP. La semaine dernière, nous avons obtenu 95 financements de plus. Ce n’est pas suffisant, nous militons pour que tous les lauréats soient accompagnés. » L’année dernière, en raison de la crise du Covid, « peu de gens sont partis en formation, donc l’ANFH (NDLR : organisme collecteur de fonds de formation pour la fonction publique hospitalière) a un excédent budgétaire, insiste Christophe Prudhomme. Nous avons proposé que cet excédent finance les PP mais ça n’a pas été fait. »

«30% de jeunes abandonnent le métier»

Pourtant, dans les accords du Ségur, la formation des professionnels est considérée comme un des leviers pour répondre à un « contexte de tension sur le recrutement de certains métiers soignants ». Une mission a par ailleurs été lancée en septembre dernier « pour dresser un état des lieux sur les freins à l’engagement des agents dans des actions de formation et de PP ».

Dans cette affaire, un autre enjeu sous-jacent anime les syndicats. Celui d’éviter le turn-over. Il faut dire que dans la région, la durée de carrière est estimée « entre 11,5 et 15,5 ans pour les infirmiers, [contre] 17,5 ans à 21,5 au niveau national », d’après l’enquête de Défi métiers, un groupement d’intérêt public. Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers SNPI CFE-CGC, en a bien conscience. « En Ile-de-France, on a du mal à garder les infirmiers. 30 % de jeunes abandonnent le métier après avoir été diplômés du fait du décalage entre la profession rêvée et la réalité. Ce qui n’est pas le cas des PP. Eux ont une connaissance du réel. Ces agents, nous les fidélisons, ils ont un certain âge, une famille déjà établie et restent donc dans le bassin de vie. »

Un classement en fonction des évaluations des agents

De son côté, l’AP-HP défend « un accès privilégié à la formation pour tous ». Elle insiste : « En 2020, le coût de la formation professionnelle a dépassé 77 millions d’euros (NDLR : 3,2 % de la masse salariale), alors même que la mobilisation Covid a limité le nombre de jours de formation. Plus de 40 millions d’euros est consacré à la PP, soit 1,6 % de la masse salariale, pour une obligation réglementaire de 0,6 %. De très loin, l’AP-HP est l’hôpital qui investit le plus massivement sur le développement professionnel de ses agents. »

Cette année, « plus de 550 nouveaux professionnels dont 230 aides-soignants et auxiliaires de puériculture ont été financés pour devenir infirmier diplômé d’Etat ». En 2019, ils étaient 155 sur 350 lauréats contre 280 sur 300 l’année dernière, « dont 50 au titre du don de la Fondation Hermès ». Sur quels critères sont-ils choisis ? « Les groupes hospitaliers (GH) organisent des commissions de sélection afin d’établir un classement en fonction des évaluations des agents (notation, assiduité…) et de leur projet professionnel. » Une sélection jugée « trop opaque, selon Fernando. Chaque GH fait à sa guise, sans jamais se justifier. »

A la liste des 230 financements, « pourrait s’ajouter une dizaine d’agents par la voie Parcoursup », dévoile l’AP-HP. Un petit espoir pour Fernando, toujours « investi et motivé » et les autres qui ont interpellé par courrier Emmanuel Macron et Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, comme un ultime appel à l’aide.

Toulouse : le CHU face à une pénurie inédite de personnels soignants, dont certains changent de voie

  • Ce vendredi au vaccinodrome de Toulouse sur l'île du Ramier.Ce vendredi au vaccinodrome de Toulouse sur l’île du Ramier. DDM – MICHEL VIALA

Coronavirus – Covid 19,  Vaccins contre le Covid-19,  HôpitalPublié le 12/06/2021 à 07:01 , mis à jour à 11:51

https://www.ladepeche.fr/2021/06/11/toulouse-le-chu-face-a-une-penurie-inedite-de-personnels-soignants-dont-certains-changent-de-voie-9600893.php

l’essentiel

Le CHU de Toulouse retrouve peu à peu son rythme de croisière avec 87 % de l’activité chirurgicale qui est effective aujourd’hui et un taux 100 % en ce qui concerne le domaine des consultations. Mais l’hôpital fait face à une pénurie de personnel soignant. 

Depuis le début de la pandémie de Covid, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse a parfois mis en sommeil certaines de ces opérations qui font le tout-venant d’un hôpital de cette envergure et son personnel a le blues.

« L’activité normale au sein de l’hôpital reprend progressivement, au fur et à mesure que la pandémie diminue, explique le directeur général du CHUMarc Penaud. Nous avons toujours été très attentifs, dès le départ, pour accueillir les patients qui n’étaient pas atteints par le Covid. »

20 % d’embauches de plus

Le CHU retrouve peu à peu son rythme de croisière avec 87 % de l’activité chirurgicale qui est effective aujourd’hui et un taux 100 % en ce qui concerne le domaine des consultations, a également précisé le directeur général.

En bref, les patients « déprogrammés » pour cause de Covid ont « toujours été pris en charge au regard de leur diagnostic », précise-t-il. « Au plus haut du quatrième pic de la pandémie, entre mars et avril dernier, on s’était mis en situation de déprogrammer 50 % de l’activité classique de l’hôpital ».
Pour autant, le CHU de Toulouse fait face à une situation inédite, « jamais rencontrée en 30 ans de métier », confie Marc Penaud : la pénurie de personnels soignants. Un effet Covid qui a déboussolé bon nombre de blouses blanches.

« Certains ont fait le choix de se réorienter professionnellement, ajoute le directeur. C’est une situation paradoxale qui existe à Toulouse, en France et même à l’étranger». 20 % d’embauches de soignants supplémentaires ont été faits en 2021 par rapport à 2020 dont 11% d’aides-soignantes et 24% d’infirmiers en plus. 

La « pression mentale » exercée sur les soignants depuis le début de la crise a pesé lourdement dans le choix de certains de remiser leur blouse blanche au placard. Parfois temporairement, parfois pour quitter le secteur de la santé.

« On a pris en charge des patients lourds, vu de nombreuses personnes décéder, c’était parfois violent, pour ces multiples raisons certains ont souhaité faire une pause, évoque la directrice des soins du CHU Djemila Bourouma. Les personnels peuvent aussi se réorienter au sein du CHU où l’on peut faire une carrière intéressante. On a pourtant besoin de recruter des infirmiers ».

Arrêts de travail au CHU de Nantes : un nouveau record accablant

Un nouveau CHU à Nantes ? De l’avis de l’ensemble des professionnels de santé de la Métropole, le chantier est vital. Mais personne n’ignore que de vives oppositions subsistent quant au choix du site d’implantation, sur l’île de Nantes, dont l’emprise foncière est contrainte », ​selon les contempteurs du programme, et menace de peser sur le nombre de lits et donc le nombre d’emplois​ du futur établissement.

En 2020, en pleine crise Covid, le nombre de jours d’arrêt de travail des agents a atteint un nouveau record.

Certitude : à l’heure de porter sur les fonts baptismaux ce projet – lequel doit voir le jour au printemps 2026 –, il apparaît urgent de se porter au chevet de l’hôpital public.

https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/arrets-de-travail-au-chu-de-nantes-un-nouveau-record-accablant-db4539a4-bdf6-11eb-9275-98e4438bf9bf

Le bilan 2020 fait état d’un ratio de 26,39 jours d’arrêt de travail par agent

Le dernier bilan social du CHU, dont Presse Océan a obtenu une copie, aligne les chiffres alarmants. En 2020, en pleine crise Covid, le nombre de jours d’arrêt de travail des agents a atteint un nouveau record. Cette fois, le total des arrêts sur l’exercice – hors médecins, internes et externes – se monte à 262 329 jours (contre 244 251 jours d’arrêt de travail en 2019), soit un ratio moyen de 26,39 jours d’arrêt de travail par agent. Cela représente plus d’un mois d’arrêt par personne​, se désole Olivier Terrien, élu CGT, syndicat majoritaire au CHU.

Le bilan est d’autant plus inquiétant que du fait de la crise Covid, le déclenchement du plan blanc, comme partout en France, a entraîné la déprogrammation de nombreuses opérations. En consé…. suite abonnés

Voir aussi:

https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/06/07/un-cri-dalarme-concernant-lavenir-des-centres-hospitaliers-et-universitaires/

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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