L’anesthésiste de Marseille (Louis Fouché), un franc tireur qui attire les internautes, évite les contradicteurs, à la limite de la dérive sectaire.

Les paradoxes de Louis Fouché, le docteur antivax

Révélation de la crise du Covid-19 sur les réseaux sociaux, cet anesthésiste-réanimateur érudit convainc les foules. Et inquiète les spécialistes des dérives sectaires. 

Par William AudureauPublié le 08 juin 2021 à 19h13 – Mis à jour le 09 juin 2021 à 21h02  

Temps de Lecture 13 min. https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/06/08/les-paradoxes-de-louis-fouche-le-docteur-antivax_6083371_3244.html

Louis Fouché prononce un discours lors d’un rassemblement devant l’Institut hospitalier universitaire de Marseille, le 5 décembre 2020.
Louis Fouché prononce un discours lors d’un rassemblement devant l’Institut hospitalier universitaire de Marseille, le 5 décembre 2020. DAVID ROSSI / PHOTOPQR / LA PROVENCE / MAXPPP

Raté. Ce n’est pas encore aujourd’hui que Louis Fouché nous appellera, malgré le rendez-vous qu’il a lui-même fixé. Ce n’est que la deuxième fois en une semaine. Renseignement pris, le médecin, anesthésiste-réanimateur, est coutumier du fait. Dans son service, celui des grands brûlés à l’hôpital de la Conception, à Marseille, il n’est pas rare que ses collègues se mobilisent en urgence parce que le soldat Fouché est porté disparu. « Injoignable », explique un de ses collaborateurs, une pointe de lassitude dans la voix.

Il avait pourtant pris le temps, lorsqu’on l’avait contacté une première fois pour un autre article, d’expliquer doctement sa vision du monde pendant une heure. Mais, après cette succession de rendez-vous téléphoniques manqués, il déplore un « harcèlement » lorsqu’on lui envoie des questions par courriel, questions auxquelles il a fini par répondre.

Imprévisible, Louis Fouché ? « Il a toujours fait un peu ce qu’il voulait », corrobore Julien Textoris, qui a fait son internat de médecine avec lui. Ce qu’il veut, en ce moment, c’est livrer sa vision du monde à un public conquis. Il s’y applique sur Facebook et YouTube, qu’il inonde de ses antiennes sur les vaccins – « un viol » –, l’importance du « retour au réel »ou encore sur le « déferlement totalitaire qui va s’effondrer dans un éclat de rire ».

Omniprésence médiatique

Ce grand contempteur des géants du numérique est le premier à user des réseaux sociaux pour coordonner les actions de RéinfoCovid, le collectif antirestrictions sanitaires qu’il a fondé en 2020 et qui revendique, selon lui, plus de 4 000 membres chez les soignants et les universitaires. C’est qu’à sa blouse blanche Louis Fouché a aujourd’hui ajouté une casquette de stratège.

Devenu spin doctor de la France antivaccin, il mène une guerre culturelle, dans laquelle il préconise d’« inonder YouTube, Facebook, Twitter », comme il le détaille le 23 avril lors d’une discussion sur la chaîne de RéinfoCovid, animée par le vidéaste Hayssam Hoballah, qu’il a soutenu dans la création de listes aux régionales de juin. Dans ce combat, il prône l’« aïkido », se présente comme un « diplomate » ou un « ambassadeur » et recommande de « danser avec l’adversaire ».

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« Ma petite personne, tout le monde s’en fout », s’agace en revanche par courriel le médecin, qui ne souhaite pas qu’on lui consacre un portrait. « Nous sommes plus de trente-cinq porte-parole, 1 950 médecins et universitaires, 2 000 soignants, Fouché n’est qu’un parmi d’autres », minore-t-il. Sa modestie semblait moins évidente dans un entretien accordé en décembre 2020 à Néosanté, une revue de santé alternative, quand il expliquait s’être « mis à disposition ; un peu comme dans tous les grands appels de l’histoire ».

Depuis six mois, son omniprésence numérique, les applaudissements qui l’ont accompagné à Nîmes, Marseille ou Avignon lors de manifestations antirestrictions, ou son penchant à parfois parler de lui-même à la troisième personne font planer le doute sur ses ambitions. « Je ne pense pas qu’il ait l’ego assez surdimensionné pour tomber dans le culte de la personnalité », nuance le « gilet jaune » Maxime Nicolle, tout en lui reconnaissant « une capacité de fédérer assez impressionnante ». 

Des « gilets jaunes » à La Manif pour tous

A la manière du militant de la démocratie participative Etienne Chouard, dont il est proche, Louis Fouché est en effet passé maître dans l’art de séduire au-delà des clivages. A la fois citoyenniste, localiste et farouche critique de Bruxelles, il cherche à séduire de l’extrême gauche à l’extrême droite, autour d’un slogan flou : « se mettre en lien ».

Très engagé dans les cercles restauratifs (processus communautaires de résolutions de conflit) et les expériences de gouvernance partagée, Fouché a des amis de gauche, soutient le mouvement #metoo et est invité sur le « média indépendant » Vécu et des live de « gilets jaunes ». Mais il est aussi présent sur CNews, Sud Radio et surtout Egalité et réconciliation, des médias allant de la droite ultraconservatrice à la plus franche extrême droite.

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Il tient également des propos traditionalistes proches de La Manif pour tous, par exemple sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Il dénonce de « faux débats idéologiques à base de slogans et d’idéologies binaires » qui occulteraient la subtilité de sa pensée : « défenseur du vivant », il affirme avoir, sur l’IVG, un « avis contrasté ». Il refuse en revanche de détailler ses vues sur la procréation médicalement assistée ou le mariage pour tous, à propos desquels « aucune position péremptoire ne [lui] semble de mise ». 

Louis Fouché récuse aussi le terme « antivaccin », qui lui est souvent accolé. « Etre pour ou contre les vaccins n’a aucun sens, détaille-t-il au Monde. Vous devez regarder au cas par cas, en fonction de la maladie, du produit, de la science, du recul clinique, du patient à traiter. » Il est en revanche opposé à la politique vaccinale contre le Covid-19, qu’il compare à un « glissement totalitaire » et il n’hésite pas à propager des informations contestées *sur les vaccins à ARN messager.

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Séduisant principalement dans les sphères naturopathes et complotistes, il prend soin de ne jamais se désolidariser des rumeurs les plus farfelues. « Il y a peut-être des pédocriminels dangereux qui mangent des enfants, j’en sais rien, en vrai »,esquive-t-il par exemple, le 13 mai, sur Bas les masques, une chaîne conspirationniste comptant environ 6 000 abonnés. « Je ne comprends pas de quoi vous parlez. Vous nagez dans des fantasmes », élude-t-il aujourd’hui auprès du Monde.

Défenseur des médecines alternatives

Très proche d’une forme d’écologie inspirée des Colibris (un mouvement fondé par Pierre Rabhi, chantre de la « sobriété heureuse »), dont il a été membre plusieurs années, il défend une vision ésotérique de la médecine.

Cet opposant au transhumanisme a fait une visioconférence publique avec Thierry Casasnovas, l’entrepreneur et « gourou crudivore » de YouTube, malgré le veto de ses compagnons de RéinfoCovid, et prend régulièrement la défense de médecines alternatives qualifiées de charlatanesques par un grand nombre de ses confrères.

« Il donne du crédit à des gens qui sont extrêmement dangereux », s’insurge Stéphane Gaudry, professeur de médecine intensive à l’hôpital Avicenne, à Bobigny. Ce que conseille « Casasnovas est criminel, on a des patients qui arrivent en réa parce qu’ils ont arrêté l’insuline en étant diabétique. Ces gens méritent d’être poursuivis ».

Les prises de positions de Louis Fouché sont d’autant plus étonnantes qu’il travaille comme anesthésiste-réanimateur. « C’est une des spécialités qui a émergé avec la science, d’une haute technicité, avec une importante médicamentation. S’opposer à la science est difficilement entendable quand on est réanimateur », s’étrangle son confrère de la Timone, à Marseille, Julien Carvelli.

« Brillant » et « rebelle »

Jeune interne déjà, Louis Fouché était atypique. Un de ses anciens chefs de service se souvient d’un « garçon intelligent, intéressant à écouter, non conventionnel », porté par des valeurs « très humanistes ».

Julien Textoris, qui l’a fréquenté lors de son internat, décrit un « original, dans le sens positif du terme : très intelligent, brillant, peut-être trop en avance sur son temps. Il avait un compost quand je n’en avais encore jamais entendu parler ! » Très investi dans les réflexions éthiques, il séduit dans les congrès par ses discours iconoclastes, grâce à « un côté écolo, anti-industrie, avec une certaine liberté de parole », se souvient un ancien chef de service.

« J’ai l’impression qu’on a raté quelque chose : bien encadré, il aurait pu devenir un universitaire brillant », témoigne Julien Textoris

Mais ce jeune médecin théâtral et bouillonnant a aussi du mal à accepter les contraintes hiérarchiques, et tout en cherchant la reconnaissance de ses supérieurs, passe du temps à les contredire. « Il avait un aspect très rebelle, contre le système, relève Julien Textoris. J’ai l’impression qu’on a raté quelque chose : bien encadré, il aurait pu devenir un universitaire brillant. » 

A la place, Louis Fouché se braque et s’enferme dans une vision de plus en plus personnelle et idéologique. A l’image de ses discours sur les vaccins à l’hôpital, ou ses positions sur l’IVG qui, pour lui, n’est « pas morale », et l’ont conduit à refuser des consultations, rapporte un de ses collègues. Dès lors, malgré toutes ses études – hypokhâgne, médecine, master d’éthique médicale –, ses positions lui ferment des portes, notamment à la Timone. Il a depuis atterri à l’hôpital de la Conception, où, en dépit de son prosélytisme et de ses disparitions, il est apprécié comme un collègue prévenant et qui ne compte pas ses heures.

Le tremplin du Covid-19

C’est là, de la Conception, qu’il se fait connaître du grand public à la fin du printemps 2020, commentant de son bureau la crise sanitaire sous la forme de pastilles rassurantes au ton moqueur. Les vidéos péremptoires de ce blondinet à l’éternel sourire en coin percent sur Facebook. Son leitmotiv : « Arrêtez de paniquer avec le Covid-19, ça va. »

Ses pairs hurlent. « Il n’a jamais été en position de mesurer l’ampleur de l’épidémie », grince un confrère marseillais. Tandis que la Timone, en première ligne, écluse le gros des patients en réanimation – environ 200 –, il n’en aurait vu passer qu’une poignée selon ses confrères. Lui conteste en janvier, dans un droit de réponse à Marsactu : il en aurait vu « bien plus de vingt-cinq ». Qu’importe. Après avoir réuni autour de lui quelques confrères, il fonde durant l’été RéinfoCovid et rejoint la France rassuriste.

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Parmi les médecins comme Didier Raoult, Jean-François Toussaint ou Christian Perronne, qui prônent des mesures assouplies, le docteur Fouché se démarque : quand d’autres parlent de courbes épidémiques, lui place le débat au niveau du projet de société. Son ton dédramatisant et fédérateur fait mouche.

Un vernis séducteur

Le médecin se distingue aussi par un style très érudit. Il n’est plus seulement question d’aérosols, de Pfizer ou de Big Pharma, mais de la « fabrication du consentement » de Noam Chomsky, de la prudence d’Aristote, ou encore de l’allégorie de la caverne de Platon. Et ce masque, interroge-t-il, n’est-ce pas une injure à la philosophie du visage d’Emmanuel Levinas et donc une négation d’autrui ?

Ces arguments résistent mal à l’analyse. « N’importe quel étudiant en licence qui sortirait ce qu’il dit se ferait recaler à l’oral », s’étrangle Laurent Vassel, enseignant en philosophie, qui rappelle que le concept de visage chez Levinas s’étend à tout le corps et exhorte à respecter la vie d’autrui – soit le contraire du non-respect des gestes barrières. « C’est un très mauvais lecteur, mais un lecteur malin. Il manipule le texte en permanence. » 

Est-il sincère ou cynique ? « Je pense qu’il y a une part de sincérité chez lui, mais qu’il est prêt à tout pour atteindre son but, même à mentir d’un point de vue scientifique, observe le « gilet jaune » et docteur en microbiologie Alexander Samuel, qui le combat publiquement. Par exemple, quand il affirme que les tests de stabilité sur le vaccin n’ont pas été réalisés, en tronquant une phrase. C’est difficile de ne pas faire ça volontairement. »

On m’a recommandé de regarder une nouvelle vidéo de fouché, comme si j’en avais pas subi assez… Bon du coup voilà… https://t.co/ORHSI97Fpy— AlexSamTG (@Alexander Samuel) 

Des doubles discours, il en tient. Il loue à longueur d’entretiens l’Institut hospitalier universitaire (IHU) et son médiatique chef Didier Raoult, mais, dans l’intimité d’une conversation, le qualifie d’« usine à PQ », rapporte l’un de ses interlocuteurs. Interrogé sur cette sortie, Louis Fouché refuse de répondre de propos tenus en privé.

Peur de la contradiction

De la même façon, Louis Fouché prend soin de choisir ses contradicteurs. Son unique duel public avec un pair l’a opposé à Martin Blachier, épidémiologiste et chef d’entreprise, en novembre 2020. « Sud Radio m’avait appelé en me disant qu’il refusait de discuter avec le moindre scientifique, sauf moi », témoigne ce dernier, qui constituait une cible facile : il suffisait à Louis Fouché de souligner que M. Blachier travaille avec des laboratoires pour le discréditer auprès des complotistes.

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Pour le reste, il est très rare que l’anesthésiste se retrouve en position d’être contredit. C’est arrivé une fois, sur CNews, où, mis en minorité par les intervenants, le chantre de la non-violence et de la diplomatie avait perdu ses nerfs. Encore récemment, Louis Fouché a refusé de débattre avec le réanimateur Damien Barraud, farouche opposant à Didier Raoult, comme avec Alexander SamuelSon confrère de la Timone, Julien Carvelli, l’a aussi contacté pour essayer d’échanger de manière constructive. En vain. « J’ai senti qu’il se sentait agressé. Quand il sait qu’il n’est pas suivi, il a un peu peur. » 

A l’occasion d’un Facebook Live animé par Maxime Nicolle, Alexander Samuel a tout de même réussi une fois à apporter la contradiction, sous la forme d’une correction sur le tchat : Maxime Nicolle avait lu son commentaire en plein direct, obligeant Louis Fouché à reconnaître que, contrairement à ce qu’il venait d’affirmer, le vaccin ne déclenche pas des formes graves. Du bout des lèvres, il avait alors expliqué « simplifier », puis accusé son interlocuteur de « dogmatisme péremptoire ».

Rupture avec la science

Pour le docteur Stéphane Gaudry, Louis Fouché connaît ses limites. « Il sait très bien que, face à quelqu’un qui connaît la science, il ne tient pas cinq minutes. Et comme il n’est pas bête, il évite la confrontation avec des scientifiques. »

Avec seulement huit apparitions dans la banque de données scientifiques PubMed, chaque fois en tant que contributeur mineur, le réanimateur marseillais n’a pas l’étoffe d’un chercheur. « Didier Raoult est un scientifique de haut vol, mais Louis Fouché n’est personne », balaie un éminent professeur d’université en anesthésie-réanimation. « Que Dieu me préserve des “sachants” péremptoires ! J’aime le débat et la contradiction avec tous les scientifiques », rétorque l’intéressé, pourvu qu’il y ait un « respect mutuel ». 

« Plus on va contre, plus ça alimente son délire », estime Olivier Joannes-Boyau, président du comité réanimation de la Société française d’anesthésie-réanimation

Auprès de ses confrères, ses discours antiscience agacent de plus en plus. « Les conséquences sont extrêmement néfastes, déplore Stéphane Gaudry. Avec les vaccins, des centaines de milliers de vies vont être sauvées, donc tenir des discours antivax en situation de crise du Covid, c’est criminel, il n’y a pas d’autre mot. »

Louis Fouché a reçu un rappel à l’ordre de sa hiérarchie en décembre 2020 et n’a désormais plus le droit de s’exprimer en qualité de médecin des hôpitaux de Marseille. Pour l’instant, rien de plus : les scientifiques hérissés par ses prises de position veulent éviter d’en faire un martyr.

« C’est du temps perdu, estime Olivier Joannes-Boyau, président du comité réanimation de la Société française d’anesthésie-réanimation. Quand Fouché raconte des énormités, plus on va contre, plus ça alimente son délire. » Lui-même se vante d’avoir reçu des centaines de courriels de soutien lors de sa convocation en décembre 2020 et semble impatient de monter une société alternative.

Hypnose et séduction

Louis Fouché parle depuis peu d’« avoir un projet de vivre ailleurs, dans un écolieu ». Il évoque un système inspiré des Colibris, émancipé de l’éducation nationale, avec un réseau de médecine parallèle et une réflexion sur la création de monnaies alternatives. Une tentative de « sortir de l’idéologie anxieuse néolibérale technosanitariste transhumaniste mondialisée », et de refaire « du “je” individué et du “nous” pluriel », écrit-il au Monde.

Un parcours qui inquiète. « Il a un discours assez ambigu, proche des techniques qu’on peut utiliser dans les relations d’emprise », s’inquiète Alexia Morvan, diplômée de psychothérapie et psychopathologie, qui accompagne des personnes victimes d’emprise. Lui-même recommandait en novembre 2020 à des « gilets jaunes » des « techniques d’hypnose », afin de faire du « lavage de cerveau ».

Ses démonstrations se doublent parfois d’envolées mystiques assumées, comme lorsqu’il parle d’un « combat du bien et du mal », évoque une « énergie [qui] vient d’ailleurs » ou, à d’autres occasions, se réfère à Dieu qui cherche ses « Justes »« Ce n’est pas un gros mot, de dire “spiritualité” », assure-t-il dans une vidéo sur la permacultureoù il assume l’influence du tantrisme et de différents monothéismes. Le 26 mai, sa vidéo « Et demain ? » a d’ailleurs été partagée par Raël, le fondateur de la secte des raéliens.

« Les gourous, en général, sont des gens qui n’ont pas eu assez de reconnaissance dans le cadre de leur profession », avertit Pascale Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes, qui estime que Rémy Daillet, le « gourou » impliqué dans l’enlèvement de la petite Mia, lui « fait moins peur qu’un Fouché, qui se réfugie derrière un discours humaniste. » 

L’intéressé dénonce une « tentative caricaturale », qui traduit à ses yeux « le niveau de totalitarisme et de confusion » actuel. Le 5 juin, il était présent à une table ronde avec des intervenants complotistes à l’université citoyenne d’Avignon. Encore une fois, il s’est arrangé pour figurer dans un panel sans contradicteurs.

*Les vaccins à ARN messager n’entraînent pas d’infertilité, expliquent les experts

AFP FranceAFP CanadaJulie Charpentrat Publié le vendredi 8 janvier 2021 à 17:00Copyright AFP 2017-2021. Droits de reproduction réservés.

https://factuel.afp.com/les-vaccins-arn-messager-nentrainent-pas-dinfertilite-expliquent-les-experts

Dans une vidéo partagée sur Facebook, Louis Fouché, médecin marseillais qui se veut apôtre de la « réinformation » sur le Covid-19 et est coutumier des allégations infondées sur les vaccins, affirme que les vaccins à ARN contre le Covid 19 font courir un risque d’infertilité aux vaccinés. Mais plusieurs scientifiques ont expliqué à l’AFP que cette hypothèse était à ce jour scientifiquement infondée et même quasiment impossible. 

On trouve cette vidéo d’un peu plus de deux minutes ici sur le site d’ODP news, qui se présente comme « un organe de presse citoyen indépendant situé à Bruxelles ».  Elle est accompagnée d’un article résumant les propos de Louis Fouché. Sur Facebook, la publication d’ODP news a été partagée près de 300 fois depuis le 5 janvier.

Cette vidéo est un extrait d’une longue interview de Louis Fouché au magazine Nexus diffusée le 3 janvier sur Facebook, et qui cumule depuis plus de 5.200 partages et 151.000 vues. 

Nexus est un bimestriel largement consacré aux pseudosciences et prompt à relayer des allégations infondées, notamment sur les vaccins et leur lien erroné et maintes fois démystifié avec l’autisme.Capture d’écran d’ODP news faite le 7 janvier 2021

Des experts avaient déjà démystifié dans un article de vérification de l’AFP des propos erronés sur les vaccins proférés par Louis Fouché, qui se présente comme un hérault de la « réinformation » sur le Covid. Il est très présent sur les réseaux sociaux et certains médias, comme Cnews ou ou Sud Radio, depuis plusieurs mois et il est devenu une des figures de proue des milieux complotistes et anti-vaccins.

Dans l’extrait ci-dessus, Louis Fouché évoque notamment le risque de « devenir infertile » suite à l’injection d’un vaccin à ARN messager, comme ceux de Pfizer/BioNtech et Moderna. Une théorie erronée mais répandue, qui a déjà fait l’objet d’articles de vérification de l’AFP en français et en anglais.

Cette technique vaccinale consiste à injecter de l’ARN de synthèse, qui va dire (d’où le terme d’ARN messager) à la cellule de l’organisme vacciné de fabriquer une protéine du virus, appelée « spike » (ou en français « spicule » ou protéine « de pointe »).

Reconnaissant cette protéine, l’organisme saura se défendre grâce à la production d’anticorps « anti-spike » s’il vient à être infecté par le Sars-Cov-2, virus responsable de la maladie Covid-19. 

Pour affirmer que ces vaccins présentent un « risque d’infertilité », Louis Fouché évoque ce qu’il appelle le « problème de la syncytine », une protéine nécessaire à la fabrication du placenta pendant la grossesse.

La protéine ‘ »spike’ a beaucoup d’homologies de séquences (génétiques, NDLR) avec la syncytine justement » et donc, « si jamais vous faites des anticorps contre ‘spike’ [sic] et que vous faites au passage des anticorps contre la syncytine , vous risqueriez d’être infertile », continue le médecin.

Comme il le dit lui-même, cette théorie vient d’un certain Wolfgang Wodarg, qui a co-écrit une lettre de 43 pages datée du 1er décembre 2020 et archivée ici.  Elle est adressée à l’Agence européenne du médicament, l’AEM, et entend lister les incertitudes et dangers potentiels liés, selon ses auteurs, au vaccin de Pfizer/BioNTech.

Dans le passage reproduit ci-dessous, est évoquée la question de la protéine syncytine-1.Capture d’écran de la lettre à l’AEM de Wolfgang Wodarg

On peut noter que le texte précise de lui-même qu’il « n’y a pas d’indication » allant dans le sens d’anticorps anti-protéine S « qui agirait aussi comme anticorps anti Syncytine-1 ».

Il poursuit : « cependant, si cela devait être le cas, cela empêcherait aussi la formation d’un placenta, ce qui aurait pour résultat de rendre les femmes vaccinées infertiles ».

On voit donc, d’emblée, qu’il ne s’agit que d’une simple supposition.

Une théorie que rien ne vient étayer à ce jour et qui est même plus qu’improbable tant le risque que l’organisme « se trompe » de cible est infinitésimal voire inexistant, ont expliqué plusieurs spécialistes à l’AFP dans cet article publié mi-décembre 2020.

« L’inquiétude sur la possibilité que les anticorps ciblant ces protéines [S, NDLR] puissent attaquer la protéine syncytine-1 du placenta, parce que la protéine de pointe du nouveau coronavirus partage avec elle une très courte séquence d’acides aminés, est très faible« , expliquait alors Dansantila Golemi-Kotra

L’identification de la protéine S par l’organisme « est rarement cantonnée à une seule courte séquence d’acides aminés« ,  poursuivait la scientifique.

Sanjay Mishra, chargé d’étude à l’Université Vanderbilt de Nashville, aux Etats-Unis, abondait : « un grand nombre d’études ont montré qu’une infection au Sars-Cov-2 entraîne la production d’anticorps contre la protéine de pointe virale. Ainsi, on peut légitimement s’attendre à ce qu’une vaccination induisant la production de la protéine virale va également diriger les anticorps contre cette protéine de pointe virale et rien d’autre« . 

Ce n’est pas tout, disait encore Frédéric Altare, spécialiste de l’immunité et directeur de recherche à l’Inserm, en France, dans un entretien téléphonique avec l’AFP le 14 décembre.

Même si des séquences sont communes entre les deux protéines, « ces séquences se réorganisent dans les protéines (…) pour donner une sorte de forme en trois dimensions. C’est cette forme qui est reconnue par les anticorps ».

« Dans l’état actuel des connaissances, il n’ y a pas de ressemblance suffisante -et il y a très peu de chances qu’il y en ait une- entre la protéine syncytine-1 et la ‘spike »’, estimait encore M. Altare, qui note que les auteurs de cette théorie « n’avancent aucune démonstration qui montrerait que les anticorps anti-spike ciblent aussi la syncytine-1 ».

« Quand bien même ce serait le cas, comme les anticorps ont une durée de vie limitée, toute action serait transitoire », excluant l’idée d’une infertilité durable, a fortiori de stérilité, insistait-il encore.

Enfin, soulignait Annette Beck-Sickinger, professeur à l’Université de Leipzig en Allemagne, « si l’argument concernant la syncytine était vrai, chaque femme infectée par le virus serait par conséquent devenue stérile, mais ce n’est pas le cas« .

Les personnes infectées par le Sars-Cov-2 « ont toutes produit des anticorps anti-spike et il n’y a aucune remontée indiquant que ça ait empêché les femmes de tomber enceintes », abondait Frédéric Altare, or « si ca ne se produit pas naturellement avec le virus, il n’y a pas de raison que ça le fasse avec autre chose ».Une infirmière reçoit le vaccin Pfizer/BioNtech à Vannes le 7 janvier 2021 (AFP / Loic Venance)

Louis Fouché évoque aussi un risque d’infertilité pour les hommes, sans expliquer sur quoi il se fonde: « ça agit aussi sur le sperme masculin et la rencontre entre les gamètes », avance-t-il.

Quoi qu’il en soit, comme expliqué dans cet article de vérification de l’AFP expliquant que les vaccins à ARN ne modifient pas les gènes des vaccinés,  « le vaccin à ARN reste localement, il ne va pas se promener partout dans vos testicules, qui sont un sanctuaire immunologique. Et on n’a jamais vacciné quelqu’un dans les testicules… », selon l’immunologiste Jean-Daniel Lelièvre, membre de la Commission vaccination à la Haute autorité de santé.

Quel recul sur les vaccins à ARN messager ?

Louis Fouché affirme aussi qu’il « n’y aucun recul sur ces technologies ».

Si la rapidité de mise au point des vaccins (moins d’un an) et la relative nouveauté de la technologie ont pu susciter des interrogations, il est exagéré d’affirmer qu’il n’y a « aucun recul ».

Comme expliqué dans cette dépêche de l’AFP du 9 novembre 2020, aucun vaccin à ARN n’avait été, avant la pandémie, approuvé chez l’homme.

Toutefois, les recherches scientifiques sur l’ARN messager avaient commencé il y a bien plus longtemps. 

Cette dépêche de l’AFP consacrée à la chercheuse Katalin Kariko rappelle que celle-ci avait par exemple publié des travaux scientiques sur l’ARN messager le sujet en 2005. 

La biochimiste pensait que l’ARN messager pourrait jouer un rôle clé dans le traitement de certaines maladies, par exemple en soignant les tissus du cerveau après un AVC. 

Quant à son utilisation dans des vaccins, l’Inserm explique ici que « bien que la technologie n’ait été médiatisée que récemment (…), elle ne date pas d’hier. Des chercheurs travaillent sur le sujet depuis plusieurs décennies. Ils faisaient néanmoins face à des obstacles techniques ».

« La taille des molécules d’ADN et d’ARN posait notamment problème, ce qui explique en partie pourquoi cette technologie vaccinale n’avait jusqu’à récemment atteint que les stades précliniques et cliniques précoces. Les molécules d’ARN sont par exemple dix fois plus grosses qu’un antigène sous forme de protéine directement injecté via un vaccin traditionnel », poursuit l’institut de recherche.

« Il fallait donc développer un système de transport de ces molécules au bon endroit, à l’intérieur des cellules d’intérêt. Or, c’est seulement récemment que des solutions ont pu être trouvées », écrit encore l’Inserm, notant que « Pfizer/BioNTech et Moderna utilisent par exemple des particules nanolipidiques pour transporter l’ARN vaccinal jusqu’aux cellules ».

L’Inserm souligne aussi que ces vaccins sont plus rapides et plus simples à produire que les vaccins traditionnels (contenant du virus tué ou inactivé).

Quant aux inquiétudes sur la rapidité de mise au point de ces vaccins, l’Inserm souligne aussi que« la vitesse de circulation du virus dans la population (…) a permis d’obtenir plus rapidement des résultats d’efficacité lors des essais cliniques », ce qui contribue « à expliquer ce délai de mise au point extraordinairement court ».

Enfin, « jamais les fonds attribués à ce type de recherche vaccinale n’avaient été aussi élevés, et ces financements ont donné aux chercheurs des moyens qu’ils n’avaient pas jusqu’alors pour mener des essais cliniques aussi rapidement et efficacement », relève aussi l’Inserm.

 L’immunologiste Steve Pascolo, de l’université de Zurich et spécialiste de l’ARN messager, va même plus loin. 

« En réalité, on a des millions d’années d’expérience », explique le spécialiste. « Notre corps est affecté en permanence par des virus, des bactéries, et il y a de l’ARN messager partout dans ces virus. Ils infectent votre corps et vous donnent leur ARN. Cela n’affecte pas votre ADN pour autant », disait-il le 4 janvier 2021 dans un interview à France Inter.

Enfin, les vaccins à ARN messager de Pfizer et Moderna ont subi ces derniers mois des tests cliniques sur quelque 70.000 personnes. Leur sûreté, leur efficacité et leurs possibles effets indésirables étant renseignés dans des documents rendus publics par l’agence américaine du médicament, la FDA, dans plusieurs documents.

Et depuis début décembre, plusieurs millions de personnes dans le monde ont déjà été vaccinées avec le vaccin de Pfizer, selon les calculs de l’AFP.

Vaccin H1N1 et narcolepsie

Pour appuyer son argumentation, Louis Fouché évoque l’exemple d’effets indésirables observés pour le vaccin contre la grippe A et selon lui observés tardivement.

« Pour le vaccin de la grippe H1N1, on a mis jusqu’à deux ans à voir certaines formes de narcolepsie », un trouble de sommeil qui se traduit par des accès de sommeil incontrôlables, dit-il.

Suite à la campagne de vaccination contre cette grippe pandémique en 2009-2010, une hausse de cas de narcolepsie chez des sujets jeunes vaccinés par un des vaccins anti-grippe A, le Pandemrix, avait en effet été signalée.

Comme expliqué par l’Agence européenne du médicament ici en 2011, le Pandemrix a été autorisé en septembre 2009 et sa relation possible avec la narcolepsie a fait l’objet d’un examen par l’agence le 27 août 2010 « après une hausse des signalements de cas de narcolepsie en Finlande et en Suède »

L’AEM précisait alors que le vaccin avait été administré à « au moins 30,8 millions de personnes ».

Sur la base des études épidémiologiques réalisées en Finlande et en Suède, l’AEM avait estimé que « le vaccin (avait) vraisemblablement intéragi avec des facteurs génétiques ou environnementaux, qui peuvent augmenter le risque de narcolepsie, et que d’autres facteurs avaient pu contribuer aux résultats ».

L’Agence avait alors décidé de restreindre son usage : « chez les moins de 20 ans, le Pandemrix n’est à utiliser qu’en l’absence de vaccins [similaires], suite à de très rares cas de narcolepsie chez des jeunes. Le rapport bénéfice-risque global demeure positif », écrivait-elle.

Plusieurs études (comme celle-ci par exemple 2013, portant sur 2.608 cas suspectés) ont par la suite confirmé un lien, sans pour autant que soit établi de façon certaine le mécanisme biologique qui l’expliquerait.

Cette publication de l’Inserm de 2014 expose la complexité des mécanismes à l’oeuvre dans la narcolepsie.

Les cas de narcolepsie soupçonnés d’être liés à ce vaccin restent en tout état de cause très limités par rapport au nombre de personnes vaccinées.

Dans cette interview en 2018, le Pr Yves Dauvilliers (neurologue et spécialistes des troubles du sommeil au CHU de Montpellier), expliquait par exemple que sur 4 millions de vaccinés avec le Pandemrix, « on estime qu’en France, une bonne centaine de cas de cette maladie rare sont imputables au vaccin contre H1N1 ».

« Aujourd’hui, le lien chronologique, épidémiologique est assez clair mais, être certain de l’imputabilité du vaccin pour un sujet donné est beaucoup plus compliqué », ajoutait-il.

Da façon générale et comme pour les médicaments, les vaccins sont susceptibles d’entraîner des effets indésirables.

Les professionnels de santé sont tenus de faire remonter des événements indésirables survenus chez des personnes vaccinées. Mais quelle que soit sa gravité, son lien causal avec la vaccination doit être médicalement établi et cela peut prendre du temps.

Ce n’est qu’après un processus rigoureux que les scientifiques peuvent estimer s’il existe un lien et qu’il s’agit d’un effet possible du vaccin.

Enfin, vaccins comme médicaments ou opérations chirurgicales par exemple sont tous soumis au principe de la balance bénéfice-risque, établissant clairement que les avantages du produit ou de l’intervention dépasse largement d’éventuels risques.

Pour l’heure, une personne sur environ 100.000 a manifesté une réaction allergique grave après avoir reçu une dose du vaccin de Pfizer-BioNTech contre le Sars-CoV-2, ont annoncé le 6 janvier 2021 les autorités sanitaires américaines, soulignant que les bénéfices de la vaccination étaient bien supérieurs aux risques potentiels, comme rapporté dans cette dépêche AFP

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Julie Charpentrat 

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Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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