La fermeture des voies sur berges a déplacé la pollution sans vraiment la réduire. 

A Paris, les mesures anti-voitures accusées d’être contre-productives

Alors que la mairie veut exclure les automobiles du centre de la capitale, une nouvelle étude montre que la fermeture des voies sur berges a déplacé la pollution sans vraiment la réduire. 

Par Denis CosnardPublié aujourd’hui à 10h52  https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/05/20/a-paris-les-mesures-anti-voitures-accusees-d-etre-contre-productives_6080848_823448.html

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COLCANOPA

L’étude ne pouvait pas tomber plus mal pour Anne Hidalgo et son équipe. Au moment où la maire de Paris s’apprête à interdire tout le centre de la capitale au trafic automobile de transit, une analyse de l’Institut des politiques publiques (IPP) met en lumière les limites, voire le caractère contre-productif, des mesures anti-voitures déjà prises par la coalition rose-rouge-verte qui dirige l’hôtel de ville. De quoi nourrir les doutes sur l’efficacité de cette politique, au moins pour réduire la pollution.

L’IPP, un organisme de recherche indépendant créé par l’Ecole d’économie de Paris, s’est concentré sur une des décisions les plus emblématiques d’Anne Hidalgo, la fermeture à la circulation automobile, en 2016, d’un tronçon de 3,3 kilomètres de la voie rapide Georges-Pompidou, longeant la Seine d’ouest en est, en plein cœur de la ville. Raison principale invoquée : la lutte contre la pollution atmosphérique.

Jusqu’en 2016, cette route était empruntée par environ 40 000 véhicules par jour. Pour mesurer les conséquences de sa fermeture, les trois auteurs de l’étude ont analysé les données concernant la circulation sur le boulevard périphérique, surtout sa partie sud, un axe de report évident pour les automobilistes.

« Faible adaptation des usagers »

Le résultat est net. Le trafic n’a guère varié sur les voies du périphérique allant vers l’ouest, dans la direction opposée à celle de la voie Georges-Pompidou. Sur les axes ouest-est du périphérique sud, en revanche, « la fermeture de la voie sur berge a conduit à une hausse de la congestion de 15 % », prolongeant en moyenne de deux minutes un trajet de dix kilomètres, avancent les trois chercheurs. L’impact de la mesure « semble stable dans le temps », ajoutent-ils, ce qui suggère « une faible adaptation des usagers, c’est-à-dire une faible réduction de la demande de déplacements, même après trois ans. » 

« La population résidente susceptible d’être affectée par une dégradation de l’air est environ deux fois plus importante que celle ayant bénéficié de cette fermeture », affirme l’IPP.

En résumé, selon cette étude, l’interdiction de la voie rapide Georges-Pompidou a transféré le trafic automobile du centre de Paris vers le périphérique sud, sans guère le réduire. Il en est de même pour la pollution au dioxyde d’azote engendrée par cette circulation, estiment les chercheurs, en combinant leurs travaux et des données externes. Or, souligne la note, la population est beaucoup plus dense autour du périphérique qu’au cœur de Paris. Résultat : « La population résidente susceptible d’être affectée par une dégradation de l’air est environ deux fois plus importante que celle ayant bénéficié de cette fermeture », affirme l’IPP.

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Les auteurs de l’étude sont les premiers à reconnaître les limites de leur travail, qui se focalise sur le périphérique, ne tient pas compte des autres avantages dont bénéficient les usagers de la zone piétonnisée, etc. « Il n’en demeure pas moins que nos résultats interrogent l’économie politique en toile de fond d’une telle décision, mise en œuvre par Paris mais affectant négativement les habitants des communes limitrophes », concluent-ils. En agissant pour que son centre soit « plus vert », la capitale laisserait ainsi certaines banlieues devenir « plus grises ».

L’analyse de l’IPP recoupe en partie celles effectuées peu après la décision de 2016. Une étude d’Airparif indiquait, en octobre 2017, que la fermeture de la voie Georges-Pompidou n’avait eu globalement « aucun impact significatif » sur la pollution, la faisant diminuer sur les quais bas, mais augmenter ailleurs. Le mois suivant, un rapport de la région Ile-de-France relevait également une aggravation des embouteillages dans la capitale et autour.

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« Si la fermeture de la voie Georges-Pompidou était la seule mesure prise, on pourrait effectivement tirer ce bilan, admet l’écologiste David Belliard, l’adjoint d’Anne Hidalgo chargé des transports. Mais elle s’inscrit dans une politique plus large de transformation de l’espace public et de réduction de la place de la voiture, avec l’essor des pistes cyclables, les “rues aux écoles”, etc. Et cette politique globale porte ses fruits : la circulation automobile diminue d’environ 5 % par an à Paris et la pollution baisse aussi. »

« Zone apaisée »

Pour aller plus loin, la Mairie vient justement de lancer une consultation sur la transformation du centre de Paris en « zone à trafic limité ». Objectif, créer « une zone de liberté pour les piétons et les cyclistes » et réduire une pollution devenue « insupportable », a expliqué Anne Hidalgo, mercredi 19 mai, sur Europe 1. Le projet concerne les 4 premiers arrondissements et une partie des 5e, 6e et 7e, soit 7 % du territoire parisien. Dès 2022, tout le cœur de la capitale serait ainsi interdit aux véhicules en transit. Seuls les riverains, les bus, les taxis ainsi que les artisans, les professionnels et les livreurs pourraient continuer à se déplacer dans ce périmètre.

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Bizarrement, la consultation en ligne ne demande pas aux Parisiens s’ils sont pour ou contre le projet. Les questions ne portent que sur les modalités d’application, les contours de cette « zone apaisée », etc. Mais l’opposition se montre déjà très critique, en particulier les maires d’arrondissement Les Républicains (LR) ou La République en marche (LRM) concernés. « Cette mesure dérive d’une vision idéologique, selon laquelle il est mieux pour la population parisienne de vivre à l’abri, coupée du reste du monde, commente Nelly Garnier, une élue LR proche de Rachida Dati. Or, une capitale vit de milliers de connexions, de flux qui ne peuvent pas être supprimés : 900 000 personnes viennent travailler à Paris tous les jours. » A ses yeux, le projet ne peut qu’avoir un impact doublement négatif. Pour les quartiers centraux, qui risquent de se replier sur eux-mêmes, de perdre encore des habitants et de se transformer en espace touristique. Et pour les quartiers exclus de la « zone protégée » : « Ce seront les grands sacrifiés, ils subiront fatalement une aggravation des embouteillages, donc de la pollution »,prédit la conseillère LR.

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« Ce qui s’est produit avec les voies sur berges en 2016 risque de se répéter si l’on clôt le centre de Paris, estime également Léa Bou Sleiman, une des signataires de l’étude de l’IPP. Tant qu’on ne règle pas le cas des utilisateurs captifs de la voiture, on déplace le problème, c’est tout. » 

David Belliard reconnaît la difficulté. « La pollution ne s’arrête évidemment pas au périphérique, constate l’adjoint. L’enjeu est donc bien de mener cette politique à l’échelle de la métropole, avec les autres communes. Nous le faisons déjà pour les pistes cyclables, la création d’une voie réservée sur le périphérique ou la prochaine étape de la zone à faibles émissions. »

Denis Cosnard

Publié par jscheffer81

Cardiologue ancien chef de service au CH d'Albi et ancien administrateur Ancien membre de Conseil de Faculté Toulouse-Purpan et du bureau de la fédération des internes de région sanitaire Cofondateur de syndicats de praticiens hospitaliers et d'associations sur l'hôpital public et l'accès au soins - Comité de Défense de l'Hopital et de la Santé d'Albi Auteur du pacte écologique pour l'Albigeois en 2007 Candidat aux municipales sur les listes des verts et d'EELV avant 2020 Membre du Collectif Citoyen Albi

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