Du passeport vaccinal au certificat vert européen, comment la France a adopté le passe sanitaire
Le ministère de la santé a participé à des échanges européens sur un passeport vaccinal dès l’automne. Mais le gouvernement a préféré attendre une plus large vaccination avant de présenter son projet.

Un passager montre son téléphone portable avec un test d’antigène et de PCR téléchargé avant d’embarquer à l’aéroport de Paris-Orly, mardi 27 avril 2021. THIBAULT CAMUS / AP
La phrase apparaît au détour du compte rendu d’une réunion du Comité européen de sécurité sanitaire, le 11 décembre 2020 : « La France n’est pas favorable à un “passeport de santé immunitaire” et (…) la liberté de circulation des personnes ne devrait pas être conditionnée à un certificat », y affirme Jérôme Salomon, directeur général de la santé, venu représenter le ministère devant ses homologues des vingt-sept pays de l’Union européenne.
Un peu plus de quatre mois plus tard, le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire devait être présenté, mercredi 28 avril, en conseil des ministres. Son article 1er prévoit que puisse être imposée par décret à toute personne entrant ou sortant du territoire national la présentation d’un test de dépistage négatif, d’une attestation de vaccination ou d’un document attestant d’un rétablissement après avoir contracté le Covid-19.
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Un passe sanitaire, en somme, annoncé pour toute l’Europe avant la fin du mois de juin. La France est le premier Etat membre à l’expérimenter, depuis le 19 avril et après plusieurs mois d’hésitations de l’exécutif sur le bon moment à choisir pour faire émerger l’idée d’un tel passe dans le débat public. « C’est un débat prématuré », écartait, à la mi-janvier, Jean Castex. « Nous sommes très réticents. (…)Aujourd’hui, c’est un débat qui n’a pas lieu d’être », abondait, au même moment, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Clément Beaune, devant la presse.
Un projet retiré fin 2020
Le gouvernement est alors échaudé par l’accueil réservé à un projet de loi sur la gestion des urgences sanitaires, déposé devant l’Assemblée nationale juste avant Noël. De nombreux sénateurs avaient critiqué, à la lecture du texte, une disposition conditionnant l’accès « aux moyens de transports ou à certains lieux »à la présentation d’un test négatif ou d’une attestation de vaccination. Une ébauche de passe, sans le nom et avant l’heure, finalement retirée dès le lendemain par l’exécutif.
A la fin du mois de janvier, à peine 2 % de la population française avait reçu au moins une dose de vaccin. « Si on avait laissé entendre qu’il y aurait un certificat pour telle activité ou tel déplacement alors qu’on était encore en train de vacciner Mauricette [première Française vaccinée contre le virus, le 27 décembre], je crois qu’on aurait mélangé les sujets et créé de la tension et de la confusion », explique aujourd’hui le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes.
« Nous avions encore très peu de retours sur l’efficacité des données vaccinales, ajoute la direction générale de la santé, interrogée sur les réticences exprimées au mois de décembre. Aujourd’hui, les études sont plutôt positives et la vaccination constitue une bonne protection sur les formes graves de la Covid-19. » D’autant que s’ « il était alors question d’un certificat vaccinal, il s’agit maintenant d’un certificat sanitaire. Et ce n’est pas jouer sur les mots », poursuit Clément Beaune.
Pour déjouer par avance les critiques d’une obligation vaccinale induite par un passeport sans alternative, l’exécutif préfère donc temporiser et attendre que le nombre d’injections augmente. Il s’agit aussi d’éviter de répéter la confusion de l’été 2020 : chaque pays avait décidé de négocier unilatéralement les règles d’accès à son territoire, en l’absence de cadre européen.
Application TousAntiCovid
Le ministère de la santé français est, au même moment, en train de se mettre d’accord avec ses homologues sur des règles techniques de certification de la vaccination. Leur travail a commencé dès la fin du mois de novembre – un tel document est alors officiellement en projet uniquement pour des déplacements entre pays pour « raisons médicales » – avec l’intervention, devant deux comités d’experts, d’Ain Aaviksoo, un des dirigeants de la société estonienne Guardtime, déjà en train de développer une solution similaire pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La Commission s’appuie aussi sur les conseils donnés par un groupe d’entreprises, dont la firme française Jouve, mandaté dès 2019 pour réfléchir à une carte de vaccination européenne. La France participe à ces réunions, au sein du Comité européen de sécurité sanitaire et du réseau Santé en ligne (eHealth), malgré les hésitations politiques exprimées à Paris. Une liste du minimum d’informations à rassembler sur chaque patient pour certifier un test ou un vaccin est constituée et recommandée à tous les Etats membres : cela correspond aujourd’hui à ce qui est affiché dans la fonction « carnet » de l’application TousAntiCovid.
Le glissement sémantique d’un passeport « vaccinal » au certificat « sanitaire » apparaît finalement à l’occasion du conseil européen du 25 février. Ursula von der Leyen se félicite du travail technique déjà réalisé – une « bonne nouvelle », estime la présidente de la Commission européenne – et de son adaptation possible aux situations nationales.
« Il est très important que ce système reste neutre par rapport aux choix politiques », poursuit alors Mme Von der Leyen avant d’étendre, pour la première fois, ce certificat vert numérique aux possibilités de vérification aux « tests PCR négatifs » ou aux « personnes qui se sont rétablies du Covid-19 ». L’opportunité de présenter le certificat sur papier est aussi avancée pour limiter, au mieux, les effets de fracture numérique.
Une expérimentation fin mai
« J’attire tout de suite l’attention sur le fait que quand je dis passe sanitaire, c’est que ça ne peut pas être soumis au vaccin », déclare devant les journalistes, le même jour, Emmanuel Macron, en évoquant, lui aussi, ces alternatives. Le président de la République pense déjà à l’application nationale du dispositif européen, anticipant un premier relâchement des restrictions sanitaires avant l’été : « Nous ne saurions conditionner l’accès à certains lieux à une vaccination, alors même que nous ne l’aurions même pas ouverte aux plus jeunes d’entre nous, ce serait invraisemblable. »
Résultat, le passe sanitaire français annoncé à la mi-avril suit exactement les lignes dessinées par le projet européen. « Je pense que le débat a mûri, estime Clément Beaune. On ne pouvait pas se permettre d’avoir une cacophonie européenne et de ne pas préparer ensemble notre été et les voyages ou le tourisme. Il y avait un vrai enjeu d’efficacité et d’image de l’Europe. »
La France doit faire partie, avant la fin du mois de mai, d’une première expérimentation du certificat européen menée avec d’autres pays – la participation de l’Allemagne et de l’Espagne est évoquée. Concrètement, le passe français pourrait alors être contrôlé tel quel par les douaniers aux frontières concernées.
Certains points doivent encore être discutés – établir officiellement qu’une « personne vaccinée » a bien reçu deux doses et pas une seule notamment – et le premier désaccord pourrait intervenir sur la liste des vaccins autorisés : cet été, par exemple, un touriste hongrois ayant reçu le vaccin de Sinopharm ne sera pas autorisé à passer la frontière avec la France. Le gouvernement confirme avoir décidé de respecter, strictement, la liste des vaccins autorisés par l’Agence européenne des médicaments.
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Covid-19 : le « passe sanitaire » s’est imposé dans l’opinion et au gouvernement, mais son usage fait encore débat
Le certificat viserait dans un premier temps les voyages au sein de l’Union européenne, mais pourrait être élargi aux concerts ou festivals. Sans aller jusqu’à la vie quotidienne, assure l’exécutif.
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Il y a quelques mois, l’idée choquait l’opinion et ulcérait à droite comme à gauche. Avoir recours à un « passeport vaccinal » pour voyager à l’étranger ou même se rendre dans un théâtre, un bar ou un restaurant était « une mesure d’essence totalitaire » aux yeux de la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen. Fabien Di Filippo, secrétaire général adjoint du parti Les Républicains, y voyait un « chantage au vaccin ». Quant à Alexis Corbière, député La France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis, il s’affolait de « restrictions des libertés publiques ». Une longue année de contraintes sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 a-t-elle vaincu les dernières réticences d’une France avide de renouer avec les « jours heureux » ?
Au fur et à mesure de la « décrispation vaccinale » des Français observée par l’institut de sondage IFOP à partir de janvier, l’idée d’un tel laissez-passer pour retrouver notre « vie d’avant » s’est peu à peu imposée. Si le terme de « passeport vaccinal » n’est plus d’usage, conditionner la liberté de voyager au sein de l’Union européenne (UE) à la présentation d’un « passe sanitaire » certifiant d’un test PCR négatif ou d’une immunité au Covid-19 par le recours au vaccin ou à une contamination récente semble même acté par le gouvernement.
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Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire qui doit être présenté en conseil des ministres mercredi 28 avril doit mettre en place un régime transitoire, du 2 juin au 31 octobre, durant lequel l’Etat se réserve la possibilité de décider de nouvelles contraintes si la situation épidémiologique l’exigeait. Mais il est aussi question d’imposer ce « passe sanitaire ». Dans un premier temps, il visera la mobilité au sein de l’Union européenne et pourra éventuellement être complété pour les déplacements avec des pays où la vaccination est bien avancée comme aux Etats-Unis, par exemple.
QR code en test en Corse
Dans le détail, le dispositif, en test depuis le 19 avril pour les voyageurs se rendant en Corse, consistera à présenter un QR code certifiant de la vaccination ou d’un test, lors du passage aux frontières. Ce code pourra être téléchargé sur l’application TousAntiCovid, forte de plus de 15 millions d’abonnés, ou être transmis aux autorités dans une version papier
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A charge ensuite pour l’Union européenne d’harmoniser les codes des différents pays membres. « Le douanier grec n’aura pas besoin de tenter de traduire votre résultat de test ou de vaccination, explique-t-on au sein du cabinet de Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique. On est sur un système infalsifiable, ceux qui voudraient frauder via Photoshop ne pourront plus. » Selon Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, ce « certificat sanitaire » pourrait être opérationnel dans la plupart des pays de l’UE dès la mi-juin.
« La question intérieure, notamment pour exiger le passe pour des événements de type concerts et festivals, reste à trancher et pourra faire l’objet d’amendements »au texte de loi présenté mercredi, estime Roland Lescure, député La République en marche (LRM) des Français de l’étranger. Mais il reste une question délicate à trancher : faudra-t-il aussi envisager ce passe pour renouer avec notre « art de vivre à la française », aller au restaurant ou se rendre de nouveau chez nos petits commerçants ?
Eviter une nouvelle polémique
Après avoir exploré le sujet, l’exécutif semble, pour l’instant, avoir renoncé à imposer l’outil pour les usages de la vie quotidienne. « Vous demander d’aller faire un test PCR pour aller prendre un café en bas de chez vous, potentiellement en terrasse, je ne sais pas si on a besoin d’aller jusque-là », prévenait le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, dimanche 25 avril sur France Inter. Maintes fois accusé d’avoir transformé le pays en « Absurdistan », l’exécutif entend s’éviter une nouvelle polémique. « Ça rendrait la vie trop compliquée », souligne un proche d’Emmanuel Macron.
Lors d’un échange en visioconférence entre le chef de l’Etat et une dizaine de maires, mardi 27 avril au soir, pour aborder notamment les étapes du déconfinement, une partie des édiles a applaudi cette décision. « La société est à bout de souffle. Il faut prendre garde à ne pas imposer de nouvelles exigences qui risqueraient de fracturer un peu plus la société », souligne Valentin Belleval, maire divers droite d’Hazebrouck (Nord). « On ne peut pas discriminer ainsi une partie de la population », abonde Jean-Paul Jeandon, maire (PS) de Cergy (Val-d’Oise).
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Les exemples israélien et allemand auront achevé de convaincre de la difficulté de mettre en place, de contrôler et de faire accepter un tel dispositif. Au sein de l’Etat hébreu, le « passeport vert », en théorie obligatoire, est, en pratique, rarement exigé par les patrons de restaurants. Outre-Rhin, les clients ont, eux, bien souvent renoncé à leur shopping pour s’épargner un test PCR ou antigénique, exigé dans certains Länder. Résultat : les commerçants, dépités, râlent.
« Et en ce qui concerne les terrasses, le risque est minime »
Le ministre de la santé, Olivier Véran, a pris acte de cette réalité. Dès le 24 mars, devant les députés de l’Assemblée nationale, il disait espérer pouvoir rouvrir les bars, restaurants et autres lieux recevant du public sans avoir recours à un « passe sanitaire », misant, entre-temps, sur une « couverture vaccinale satisfaisante ». « On voit tout de suite l’utilité d’un tel outil d’un point de vue épidémiologique, mais les questions de santé publique ne sont pas seulement d’ordre sanitaire, elles sont aussi sociétales », décrypte un proche de M. Véran. L’usage d’un QR code, scanné volontairement par les clients à l’entrée d’un bar ou d’un restaurant, pourrait, en revanche, être maintenu. Mais il ne serait qu’une alternative numérique au « cahier de rappel » permettant de tracer les clients en cas de contamination.
Pour assurer les premières étapes du déconfinement, l’absence de ce passe sanitaire ne nourrit pas l’angoisse de la communauté scientifique. Pour l’heure, le président évoque la réouverture de certains lieux de culture, certains commerces et certaines terrasses à la mi-mai. « Et en ce qui concerne les terrasses, le risque est minime : il faut sacrément bien viser pour qu’un postillon atteigne les conjonctives oculaires, les narines ou la bouche », estime l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève, ajoutant que « tout ce qui est en extérieur est à promouvoir ».
Mais les débats pourraient ressurgir lorsqu’il s’agira de rouvrir plus largement les espaces clos, musées, théâtres, cinémas… A ce stade, le gouvernement n’envisage de passe que pour permettre l’accès à des événements exceptionnels : des grands salons, des festivals, des matchs de foot… ou des meetings de campagne. Mais certains redoutent que les réouvertures ne se traduisent par une frénésie digne des Années folles, à même de faire bondir l’économie mais aussi de faire repartir l’épidémie de plus belle. « Moi, je vote pour la movida [l’explosion culturelle en Espagne dans les années 1980, après le rétablissement de la démocratie] en France. Si la condition pour ça, c’est d’avoir un passe sanitaire, il faut qu’on se pose la question », pense Roland Lescure.
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Explications
VérificationsLes derniers chiffres de la pandémie (cas, hospitalisations, morts…)Le point sur la vaccination en France et dans le monde
Passe sanitaire : un « certificat de rétablissement » obtenu quinze jours après un dépistage positif au Covid-19
Ce document, destiné aux personnes guéries, permettra notamment de voyager hors des frontières comme un test négatif ou une attestation de vaccination.
Temps de Lecture 2 min. https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/04/28/passe-sanitaire-un-certificat-de-retablissement-obtenu-quinze-jours-apres-un-depistage-positif-au-covid-19_6078378_3244.html

Après l’attestation de vaccination et les résultats de tests de dépistage, un troisième document va intégrer, dans les prochaines semaines, le passe sanitaire français : un « certificat de rétablissement » destiné aux personnes guéries d’une infection au Covid-19 mais dont le dépistage est encore positif malgré un risque de contagiosité moindre.
Préconisé au niveau européen, le certificat de rétablissement avait été annoncé lors du lancement de l’expérimentation française, le 19 avril, mais des discussions étaient encore en cours pour en connaître les modalités exactes.
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Il faudra présenter un test PCR ou antigénique positif de « plus de quinze jours et de moins de deux mois », selon la direction générale de la santé. Celui-ci aura la même valeur qu’un test négatif de moins de soixante-douze heures certifié par l’Etat, déjà disponible en version papier ou sur l’application mobile TousAntiCovid, ou qu’une attestation de vaccination, qui sera mise à disposition de toute personne vaccinée à partir du 29 avril. Un temps envisagé, la piste d’un test sérologique contrôlé aux frontières a finalement été écartée.
Les consignes européennes mentionnaient jusqu’ici le cadre minimal d’un test ancien de plus de dix jours et jusqu’à six mois, que les autorités sanitaires françaises ont préféré restreindre après un avis de Santé publique France. La date de sa mise en place et son intégration dans l’application TousAntiCovid n’ont pas encore été annoncées.
Le passe sanitaire expérimenté vers l’outre-mer
Déjà expérimenté de manière facultative sur certains vols vers et en provenance d’Ajaccio, le passe sanitaire français consiste en une certification par l’Etat des résultats des tests de dépistage déjà demandés dans les aéroports pour toute sortie du territoire hexagonale.
Un « datamatrix » – sortes de code-barres semblable au QR code – est affiché sur les résultats et permet aux policiers, douaniers et agents de compagnies aériennes de vérifier qu’il ne s’agit pas d’une contrefaçon. Les attestations de vaccinations seront authentifiées de la même manière dès jeudi et les personnes vaccinées dans les derniers mois recevront un SMS et un e-mail d’ici à la fin du mois de mai pour les consulter à leur tour.
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Le secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, a annoncé sur Franceinfo, mardi 27 avril, que l’expérimentation du passe sanitaire serait étendue à tous les vols en provenance et à destination de la Corse dès mercredi, avant les vols vers l’outre-mer dès la semaine du 3 mai. Son utilisation n’est, pour l’instant, pas obligatoire : c’est l’objet d’une partie du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire présenté, mercredi, en conseil des ministres.
Le Parlement doit en commencer l’examen à la mi-mai, pour une entrée en vigueur de l’obligation attendue au début du mois de juin à chaque passage de la frontière française. Le passe sanitaire français pourra être contrôlé par les douaniers de tous les pays européens à partir du 17 juin, date annoncée du lancement du certificat vert européen, qui fait la connexions entre les différents dispositifs nationaux.
Le certificat sanitaire, qui permettrait de se déplacer dans l’UE, provoque encore des désaccords
Bruxelles espère qu’un passe sanitaire verra le jour au plus tard en juin. Mais le prix des tests et les vaccins couverts par ce certificat demeurent en discussion.
Les négociations entre le Parlement européen, la Commission et les Etats membres sur le certificat sanitaire européen destiné à faciliter les déplacements au sein de l’Union européenne (UE) dès cet été vont pouvoir commencer. Mercredi 28 avril, les eurodéputés ont voté sur la position de l’Assemblée législative, et compte tenu du très large consensus qui existe entre les différents groupes politiques sur le sujet, l’issue du scrutin, qui sera connue jeudi, ne fait pas de doute. Avant eux, l’exécutif communautaire avait dévoilé sa proposition le 17 mars et les Vingt-Sept le 14 avril.
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Toutes les parties veulent un accord dans le mois qui vient, afin que le passe sanitaire européen – qui doit permettre à son propriétaire d’attester qu’il a été vacciné contre le Covid-19, qu’il a passé un test, ou encore qu’il est immunisé après avoir été infecté – puisse voir le jour en juin au plus tard. « Nous partageons le même objectif : faciliter la vie des citoyens et revenir à un début de normalité », a déclaré, mercredi, dans l’hémicycle, Ana Paula Zacarias, la secrétaire d’Etat aux Affaires européennes du Portugal, qui occupe, pour l’instant, la présidence tournante du Conseil de l’UE. Il y a, bien entendu, des considérations techniques complexes – pour assurer la protection des données – à prendre en compte. Mais, au-delà de ces difficultés, des désaccords substantiels subsistent entre Parlement européen et Etats membres.
Incertitudes scientifiques
Premier terrain de bataille : les eurodéputés souhaitent que le certificat sanitaire donne, à son détenteur, l’assurance qu’il peut se déplacer librement au sein de l’UE, et qu’il n’aura plus à subir le patchwork actuel de règles différentes d’un pays à l’autre. « Pour les détenteurs du certificat, il ne peut y avoir d’autres restrictions aux frontières. Sinon, il ne servirait à rien. Il faut que cela soit contraignant pour les Etats membres et qu’ils puissent être attaqués devant la Cour de justice de l’Union européenne le cas échéant », juge l’eurodéputé (S&D) Juan Fernando Lopez Aguilar. L’Espagnol rappelle aussi que le tourisme représente 10 % du produit intérieur brut (PIB) européen et que de nombreux transfrontaliers ont besoin d’un tel outil. « Pour les citoyens, il n’y a qu’une question : à quoi sert ce certificat ? Ce certificat doit être lié à la garantie de circuler librement au sein de l’espace Schengen », renchérit Manfred Weber, le président du groupe PPE au Parlement européen.
La question des frontières est une compétence purement nationale et les Européens ont montré, dans leur incapacité à se coordonner depuis le début de la pandémie due au Covid-19, qu’ils veillaient jalousement sur cette prérogative. « C’est un certificat, pas un passeport », commente un diplomate. Le projet présenté par la Commission laisse en tout cas les Etats membres, au nom de l’urgence sanitaire, maîtres de leurs frontières. Les Vingt-Sept ont néanmoins jugé utile de reformuler une disposition du texte qui prévoyait que tout Etat imposant des restrictions (quarantaine ou autre) aux détenteurs de ces certificats devrait s’en expliquer auprès de la Commission. Et ont tenu à souligner que« l’utilisation du certificat vert numérique dans le but d’une levée des restrictions doit rester de la responsabilité des Etats membres ».
Il faut dire que de nombreuses incertitudes scientifiques demeurent – la durée de l’immunité conférée par le vaccin, sa capacité à empêcher la transmission du virus, ou encore son efficacité face aux variants – et certains gouvernements redoutent qu’une ouverture prématurée des frontières n’accélère la propagation du virus. Mi-février, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne se disait pas favorable au principe de certificat vaccinal.
Une importante nuance pour la Hongrie
Deuxième sujet, sur lequel les parlementaires européens et les Etats membres devront trouver un terrain d’entente : le prix des tests, que ce soit pour vérifier que le propriétaire du certificat sanitaire n’est pas infecté ou qu’il l’a été et possède des anticorps. A partir du moment où les vaccins sont gratuits partout en Europe, il n’y a pas de raison, arguent les eurodéputés, que les tests ne le soient pas. « Il y a des pays, comme la France, où les tests sont gratuits. Et d’autres où les prix peuvent s’envoler. Par exemple, en Finlande, ça peut monter à 240 euros le test », lance l’élue (Renew) Sophie in’t Veld.
Le Parlement européen réclame donc des tests gratuits, ou dont le prix serait plafonné. « Les jeunes, par exemple, seront les derniers vaccinés. S’ils doivent payer des tests, cela revient à leur faire payer le certificat qui est gratuit pour ceux qui sont vaccinés », s’offusque l’eurodéputé (PPE) Jeroen Lenaers, qui juge indéfendable une telle discrimination. « Les tests devraient être abordables pour tous », a reconnu, mardi, Didier Reynders, le commissaire européen à la justice. Avant de rappeler que « c’est une compétence des Etats membres ». Un argument que Sophie in’t Veld balaie : « On a bien décidé, en Europe, de plafonner les prix des cartes de crédit ou du roaming », explique la Néerlandaise.
Autre front sur lequel les discussions entre Etats membres et Parlement s’annoncent difficiles : le champ des vaccins couverts par le certificat sanitaire. La Commision et les Vingt-Sept défendent le principe que tous les vaccins autorisés par l’Agence européenne des médicaments (AEM) y soient éligibles. Ceci dit, les Etats membres sont libres, s’ils le souhaitent, de reconnaître d’autres vaccins. Une nuance importante pour la Hongrie, qui a acheté des vaccins russes et chinois, et pour certains pays qui ne veulent pas se priver de touristes potentiels. La Grèce a ainsi déjà fait savoir qu’elle accepterait, dans son certificat, le vaccin russe Spoutnik V.
Le Parlement européen, pour sa part, souhaite que seuls les produits validés par l’AEM (Pfizer-BioNTech, AstraZeneca, Moderna et Jansen) puissent figurer sur le certificat sanitaire européen. « Nous voulons être sûrs que les vaccins sont efficaces, et le tampon de l’AEM en est une garantie. Rien n’empêche les Russes, les Chinois ou autre de se soumettre à l’examen de l’AEM », explique Jeroen Lenaers.
Virginie Malingre(Bruxelles, bureau européen)
Tout comprendre au passe sanitaire
PODCAST
Dans le déconfinement en quatre étapes présenté par Emmanuel Macron, le passe sanitaire occupe une place importante ; il permettra d’accéder à des événements culturels ou sportifs, par exemple. Simon Auffret, journaliste au « Monde », nous détaille son fonctionnement, dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde ».
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Un passe sanitaire pour accéder à des stades, des concerts, des foires, des Salons… Emmanuel Macron a détaillé jeudi 29 avril le calendrier de la levée des restrictions en France, dans lequel le passe sanitaire est mentionné à plusieurs reprises. Ce dispositif, qui atteste qu’une personne a été vaccinée ou testée récemment, est déjà expérimenté au départ de certains vols à destination de la Corse.
Après avoir longuement hésité, le gouvernement français a décidé de mettre en place ce système, emboîtant le pas à d’autres pays, comme le Danemark, Israël ou la Corée du Sud. L’Union européenne a elle aussi prévu de se doter de son propre passeport sanitaire, à la mi-juin, compatible avec celui développé en France.
Simon Auffret, journaliste du Monde, nous explique le fonctionnement de ce passe sanitaire dans le podcast « L’Heure du Monde ».
Un épisode produit par Jeanne Boëzec, réalisé par Amandine Robillard et présenté par Morgane Tual.