« La majorité des problèmes de santé mentale débute avant l’âge de 14 ans »
TRIBUNE
L’ensemble de la communauté pédopsychiatrique française lance, dans une tribune au « Monde », un cri d’alarme sur la situation de la pédopsychiatrie, déjà en grande difficulté avant la pandémie et qui l’est encore plus actuellement, pénalisée par la pénurie de spécialistes.
Publié le 23 avril 2021 à 05h00 Temps de Lecture 8 min.
Tribune. La pédopsychiatrie en France a besoin de l’aide du président de la République. Les besoins pour assurer la santé mentale de la jeunesse de notre pays sont criants. Ce n’est pas tant la supplique d’une profession trop longtemps oubliée des pouvoirs publics qui nous incite à interpeller Emmanuel Macron – vous avez commencé à y répondre et nous y sommes sensibles –, mais bien la perspective d’une carence massive des soins psychiques adaptés et essentiels pour notre jeunesse qui s’annonce, du fait d’un manque croissant de professionnels formés.
Un rapport sénatorial très complet en témoignait déjà en 2017.
La majorité des problèmes de santé mentale débute avant l’âge de 14 ans. Ils sont d’autant plus susceptibles d’impacter l’avenir de l’enfant qu’ils ne sont pas détectés, ni traités, ce qui est actuellement le cas d’une large proportion d’entre eux, comme le souligne un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Délais interminables
La liste du mal-être et des souffrances des jeunes est loin d’être exhaustive, sans oublier ni l’explosion actuelle des besoins des jeunes, amplifiés par le contexte épidémique, et qui augure des besoins durables de soins, ni les questions essentielles des maltraitances, qui elles aussi requièrent notre intervention du fait des répercussions psychiques.
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Pour l’heure, en France, pour environ 200 000 enfants qui auraient besoin de soins, seuls 600 pédopsychiatres (deux fois moins qu’il y a dix ans) sont disponibles. Cet état de fait entraîne des délais d’accès aux soins interminables et insupportables pour les patients et leurs familles. A cela s’ajoutent des capacités d’hospitalisation toujours insuffisantes et très inégalement réparties.
En faisant état de cette réalité quotidienne et inquiétante, nous souhaitons vous interpeller afin de mobiliser et d’engager les moyens et les réformes nécessaires. Bien sûr, et nous l’avons noté avec espoir, des signaux positifs ont été envoyés à la pédopsychiatrie par votre gouvernement. On ne peut que s’en féliciter, même si le temps nécessaire à percevoir leurs effets peut paraître encore bien long, ce d’autant que la réforme du financement de la psychiatrie, et donc de la pédopsychiatrie, envisagée n’a pas encore été mise en œuvre.
Mais que seraient des moyens financiers supplémentaires sans professionnels formés et en nombre pour les mettre à profit au bénéfice des patients et de leurs familles ?
Capacités de formation insuffisantes
Former, c’est aussi à ce défi que nous sommes confrontés, et nous ne disposons pas en l’état des moyens nécessaires pour le relever. C’est pour cela que nous sollicitons une action rapide et concrète de votre part, Monsieur le Président. Les capacités de formation de pédopsychiatres étaient déjà insuffisantes avant 2017, mais la réforme de l’internat les a très sévèrement réduites. Cela, si rien n’est mis en place, conduira à une véritable catastrophe.
Une consultation de pédopsychiatrie est longue. Elle doit être tarifée en conséquence
Passer en effet de deux stages obligatoires de pédopsychiatrie à un seul sur les huit que compte l’internat réduit la formation minimale indispensable à tout psychiatre. De plus, les internes doivent annoncer leur choix de choisir ou pas cette orientation, alors que la plupart d’entre eux n’ont pas encore effectué de stage de pédopsychiatrie. Enfin, donner à notre discipline le statut « d’option » avec des quotas très limités ne valorise pas la pédopsychiatrie alors que nous avons un rôle majeur dans la prévention du développement des troubles psychiatriques.
La pénurie de pédopsychiatres est telle que de très nombreux postes ne sont pas occupés et qu’un psychiatre n’ayant réalisé qu’un seul semestre en service de pédopsychiatrie durant sa formation d’interne peut exercer en pédopsychiatrie. Dans bien des territoires, pallier les carences les plus immédiates prévaut sur l’exigence des compétences. Malgré cela, il est fréquent que dans de nombreuses régions de notre pays, les équipes de pédopsychiatrie ne comprennent plus de pédopsychiatres
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Cela ruine les projets d’amélioration des soins : parcours de soins gradués et coordonnés, parcours de vie, projets territoriaux de santé mentale, conseils locaux de santé mentale, plans régionaux de santé mentale, équité territoriale dans l’accès aux soins, couverture des besoins… Les très nombreuses collaborations avec les partenaires de la pédopsychiatrie – psychologues, orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, diététiciens, services sociaux, services judiciaires, éducation nationale, secteur médico-social, associations – sont déjà réduites et menacées à moyen terme.
Revalorisation des actes
Pour assurer son avenir, la pédopsychiatrie française a besoin d’être une filière de formation visible et attractive disposant pour cela des moyens nécessaires, comme c’est le cas pour bon nombre d’autres disciplines médicales et chirurgicales. La pédopsychiatrie a besoin de renforcer et structurer ses capacités de formation. Une commission sous l’égide du Collège national des universitaires de psychiatrie (CNUP) est en cours pour réfléchir à une évolution indispensable de son statut pour faire face aux immenses défis qui sont les siens, et éviter une évolution catastrophique.
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La pédopsychiatrie française, pour être attractive, et ainsi développer le secteur ambulatoire de ville en complément du secteur public, a aussi besoin d’une revalorisation des actes de consultation, comme cela a pu être fait avec succès en Belgique notamment. Une consultation de pédopsychiatrie est longue. Elle doit être tarifée en conséquence. La gradation et la continuité des soins requièrent cette synergie ville-hôpital.
La pédopsychiatrie française ainsi refondée rejoindrait alors l’immense majorité des pays de l’Union européenne qui ont su depuis plusieurs années prendre le virage d’une formation approfondie. Pour s’approcher des standards européens, au moins six semestres de stage en service de pédopsychiatrie permettraient une formation complète pour augmenter l’attractivité et la performance, et développer une pédopsychiatrie structurée, en mesure de faire face aux besoins de la jeunesse.
Pour toutes ces raisons, nous demandons au président de la République de porter une politique de santé mentale ambitieuse pour les enfants et les adolescents dans notre pays.
Liste des signataires. L’ensemble des pédopsychiatres hospitalo-universitaires français : Gisèle Apter, professeure des universités-praticien hospitalier (PU-PH), hôpital du Havre, université Le Havre-Normandie ; Florence Askenazy, PU-PH, hôpitaux pédiatriques de Nice CHU-Lenval, université Côte-d’Azur ; Amaria Baghdadli, PU-PH, CHU de Montpellier, université de Montpellier ; Jean-Marc Baleyte, PU-PH, hôpital intercommunal de Créteil, université de Paris-Est-Créteil, membre du CNUP ; Thierry Baubet, PU-PH, hôpital Avicenne, université Sorbonne-Paris-Nord, membre du Collège national des universitaires de psychiatrie (CNUP) ; Xavier Benarous, maître de conférences des universités-praticien hospitalier (MCU-PH), CHU d’Amiens-Picardie, université de Picardie-Jules-Verne ; Frédérique Bonnet-Brilhault, PU-PH, CHU de Tours, université de Tours ; Olivier Bonnot, PU-PH, CHU Saint-Jacques, université de Nantes, secrétaire général du CNUP ; Manuel Bouvard, PU-PH, hôpital Charles-Perrens, université de Bordeaux ; Guillaume Bronsard, PU-PH, CHRU de Brest, université de Bretagne-Occidentale, président de l’Association nationale des maisons des adolescents (ANMDA) ; David Cohen, PU-PH, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université ; Angèle Consoli, PU-PH, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université, membre du conseil scientifique Covid-19, membre du CNUP ; Maurice Corcos, PU-PH, Institut mutualiste Montsouris, Sorbonne Université ; David Da Fonseca, PU-PH, CHU de Marseille, Aix-Marseille Université ; Jacques Dayan, professeur associé, hôpital Guillaume-Régnier, université de Rennes-I ; Richard Delorme, PU-PH, hôpital Robert-Debré, université de Paris ; Philippe Duverger, PU-PH, CHU d’Angers, université d’Angers ; Bruno Falissard, PU-PH, hôpital Robert-Debré, université Paris-Sud ; Pierre Fourneret, PU-PH, hôpital Femme Mère Enfant, Bron, université Claude-Bernard-Lyon-I ; Cédric Galéra, PU-PH, hôpital Charles-Perrens, université de Bordeaux ; Nicolas Georgieff, PU-PH, hôpital Le Vinatier, université Claude-Bernard-Lyon-I ; Priscille Gerardin, PU-PH, CHU de Rouen, hôpital du Rouvray, université de Rouen-Normandie, membre du CNUP ; Ludovic Gicquel, PU-PH, hôpital Henri-Laborit, université de Poitiers, membre du CNUP ; Nathalie Godart, PU-PH, Fondation Santé des étudiants de France, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; Antoine Guedeney, PU-PH, hôpital Bichat-Claude Bernard, université Sorbonne-Paris-Cité ; Fabian Guénolé, PU-PH, CHU de Caen, université de Caen-Normandie ; Jean-Marc Guilé, PU-PH, CHU d’Amiens-Picardie, établissement public de santé mentale (EPSM) de la Somme, Amiens, université de Picardie-Jules-Verne ; Jokthan Guivarch, MCU-PH, CHU Sainte-Marguerite, Aix-Marseille Université ; Renaud Jardri, PU-PH, CHU de Lille, université de Lille ; Catherine Jousselme, PU-PH, Fondation Vallée, université Paris-Sud ; Bernard Kabuth, PU-PH, hôpital d’enfants, université de Lorraine ; Jonathan Lachal, MCU-PH, CHU Clermont-Ferrand, université Clermont-Auvergne ; Claudine Laurent, MCU-PH, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Sorbonne Université ; Fabienne Ligier, MCU-PH, hôpital d’enfants, université de Lorraine ; François Medjkane, PU-PH, CHU de Lille, université de Lille ; Marie-Rose Moro, PU-PH, Maison de Solenn, Sorbonne Université ; Sylvie Nezelof, PU-PH, CHRU de Besançon, université de Franche-Comté, membre du CNUP ; Charles-Edouard Notredame, MCU-PH, CHU de Lille, université de Lille, membre du CNUP ; Bertrand Olliac, PU-PH, hôpital Esquirol, université de Limoges ; Lisa Ouss, professeure associée, hôpital Necker, université de Paris ; Hugo Peyre, PU-PH, hôpital Robert-Debré, université de Paris ; François Poinso, PU-PH, CHU de Marseille, Aix-Marseille Université, membre du CNUP ; Diane Purper-Ouakil, PU-PH, CHU de Montpellier, université de Montpellier, vice-présidente du CNUP ; Jean-Philippe Raynaud, PU-PH, hôpital Purpan, université de Toulouse ; Anne Révah-Lévy, PU-PH, hôpital d’Argenteuil, université de Paris ; Dalila Rezzoug, MCU-PH, hôpital Avicenne, université Sorbonne-Paris-Nord ; Anne-Catherine Rolland, PU-PH, CHU de Reims, université Reims-Champagne-Ardenne, présidente du CNUP ; Carmen Schröder, PU-PH, hôpitaux universitaires de Strasbourg, université de Strasbourg, présidente de l’Union européenne des médecins spécialistes-Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (UEMS-PEA) ; Mario Speranza, PU-PH, université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines ; Michel Spodenkiewicz, MCU-PH, CHU de La Réunion, université de La Réunion ; Susanne Thümmler, MCU-PH, hôpitaux pédiatriques de Nice CHU-Lenval, université Côte-d’Azur ; Sylvie Tordjman, PU-PH, hôpital Guillaume-Régnier, université de Rennes, présidente de l’Association des équipes mobiles en psychiatrie (AEMP) ; Lauriane Vulliez, MCU-PH, CHRU de Besançon, université de Franche-Comté ; Jean Xavier, PU-PH, hôpital Henri-Laborit, université de Poitiers.
Avec le soutien de : Patrick Belamich, Fédération des CMPP (association fédérant les centres médico-psycho-pédagogiques) ; Jean Chambry, PH, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et des disciplines associées (SFPEADA) ; Anne Dehêtre, présidente de la Fédération nationale des orthophonistes (FNO) ; Véronique Delvenne, PU-PH, hôpital Reine-Fabiola, Université libre de Bruxelles, Belgique ; Claudine Desobry, présidente du collège de pédopsychiatrie de la Fédération française de psychiatrie (FFP) ; Claude Gernez, président de la FFP ; Christophe Libert, président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (API) ; Pascal Mariotti, président de l’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm) ; Nicolas Raynal, secrétaire général de la Fédération française des psychomotriciens (FFP) ; Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam).
*« La situation des urgences pédopsychiatriques est un drame »
TRIBUNE
La capacité d’accueil et de soin d’enfants atteints de troubles mentaux ne suit pas l’augmentation et l’aggravation des cas, alerte un collectif de professionnels hospitaliers, dont le professeur Richard Delorme, dans une tribune au « Monde ».
Publié le 17 juillet 2020 à 01h43 – Mis à jour le 17 juillet 2020 à 20h44 Temps de Lecture 4 min.
Tribune. Avons-nous décidé collectivement d’être négligents avec la santé mentale de nos enfants ? Cette question surprenante est pourtant celle que nous, professionnels de santé, nous posons chaque jour – plus encore depuis la crise due au Covid-19 – lorsque nous avons à gérer la souffrance des enfants qui se présentent aux urgences pour des troubles psychiatriques. Que s’est-il passé depuis août 2018, où nous soulignions dans Le Monde les difficultés que nous rencontrions pour pallier l’augmentation de la gravité et du nombre de passages aux urgences ?
Est-il normal que, faute de places d’hospitalisation et d’une organisation cohérente des soins urgents en pédopsychiatrie, nous soyons obligés de laisser des enfants de moins de 15 ans dormir aux urgences, parfois trois ou quatre nuits, dans des lieux où ils ne devraient passer que quelques heures ? Est-ce normal de laisser des enfants angoissés, suicidaires, dans des conditions précaires, sans les soins nécessaires à la prise en charge de leur trouble ? A-t-on accepté collectivement que cette situation est tolérable pour notre société, alors même que les conséquences de la crise sanitaire actuelle se manifestent par un afflux aux urgences ? Ce qui était insupportable l’est plus encore.
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Que dire alors à Karim, 12 ans, souffrant d’une déficience intellectuelle ? Ce garçon, placé dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance, est accompagné par ses éducateurs aux urgences, paniqué à l’idée d’être contaminé par le SARS-CoV-2. Ceux-ci nous demandent de l’hospitaliser mais il n’y a aucun lit disponible en pédopsychiatrie en Ile-de-France. L’enfant passe alors quatre nuits aux urgences dans un état d’anxiété majeure, majoré par la perte de repères, sans famille et sans éducateurs.
Conditions déplorables
Que dire à Mélina, 14 ans, arrêtée par des passants alors qu’elle tentait de se jeter sur les rails du métro ? L’adolescente a une dépression sévère et souhaite mourir. Faute de place, elle reste trois jours aux urgences avec ses parents effondrés. Et que dire à Solène, 13 ans, arrivée aux urgences après une quatrième tentative de suicide ces deux dernières semaines ? Cette jeune fille est en état de stress aigu après avoir été séquestrée et violée. Faute de place d’hospitalisation, Solène reste trois jours aux urgences.
Etonnamment, ces situations requérant des soins psychiatriques urgents chez les enfants ne sont pas rares. Elles ont augmenté de manière spectaculaire au cours des vingt dernières années, en France et dans la plupart des pays occidentaux. Le suicide représente la quatrième cause de mortalité chez les 10-14 ans. Selon l’Organisation mondiale de la santé, 10 % à 20 % des enfants souffrent de troubles mentaux et la moitié des maladies mentales de l’adulte débutent avant 14 ans.
Malgré cet accroissement, les services d’urgences pédiatriques ne disposent souvent pas des ressources nécessaires pour répondre aux besoins de ces patients. Savons-nous qu’à Paris il n’existe pas de service d’accueil d’urgences pédopsychiatriques pour les enfants de moins de 15 ans ? Mais les plus grandes difficultés résident dans le faible nombre de lits disponibles pour hospitaliser ces enfants après leur passage aux urgences, et proviennent d’un déficit d’organisation raisonnée des soins urgents en pédopsychiatrie.
Un rapport sénatorial de 2017 sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France fait le constat de « l’inadéquation de l’offre par rapport aux besoins » et de « difficultés à prendre en charge l’urgence ». Dans certains départements d’Ile-de-France, il n’existe aucune place d’hospitalisation en urgence en pédopsychiatrie. C’est cette situation dramatique qui mène tant d’enfants à rester aux urgences dans des conditions déplorables d’accueil et de soin.
Désengagement institutionnel
L’accroissement des capacités d’ouverture des centres médico-psychologiques (CMP) pour recevoir en consultation d’urgence a été proposé dans ce même rapport sénatorial (proposition 23). Cela est pourtant loin d’être le cas : les délais d’attente, pour une première consultation dans un CMP pour enfants, peuvent être de plusieurs mois à Paris, voire au-delà d’un an ailleurs. L’organisation de la pédopsychiatrie a été questionnée dans ce même rapport soulignant les difficultés systémiques des dispositifs de soins, particulièrement lorsqu’il s’agit de la question des urgences. Durant la crise liée au Covid-19, plusieurs de ces centres n’assuraient qu’une permanence téléphonique.
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Nous sommes constamment surpris du désengagement institutionnel (personne ne se sent responsable de la situation), sans compter ceux qui vont jusqu’à douter de la notion d’urgence en pédopsychiatrie. La situation est très différente lorsqu’il s’agit des urgences psychiatriques adultes puisque, pour chaque patient d’une zone géographique donnée, le schéma sanitaire impose aux médecins et aux administrateurs chargés de cette zone d’identifier une place d’hospitalisation.
Pouvons-nous accepter que ce schéma ne s’applique pas en pédopsychiatrie ? Par exemple, pourrions-nous accepter que, dans certaines régions, il n’y ait pas d’organisation cohérente permettant de prendre en charge les infarctus du myocarde et qu’il faille attendre trois ou quatre jours avant d’avoir une coronarographie ? Un rapport de novembre 2017 de l’inspection générale des affaires sociales souligne que les inégalités et les difficultés de la pédopsychiatrie ne semblent malheureusement pas prises en compte dans l’élaboration des politiques publiques.
Ainsi, nous appelons à ce qu’une solution soit construite dans les mois à venir avec l’ensemble des parties prenantes, territorialement et, par extension, nationalement. Depuis 2018 et en syntonie avec la crise due au Covid-19, la situation des urgences pédopsychiatriques s’est aggravée et c’est un drame dont nous sommes tout à la fois acteurs et témoins. A l’heure où nous écrivons ces lignes, Laura, 11 ans, va passer sa troisième nuit dans un lit des urgences de notre hôpital. Elle souffre d’une anorexie mentale sévère avec un risque vital engagé. Sept hôpitaux ont été contactés. Aucun ne peut l’accueillir.
Professeur Richard Delorme chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré (Paris) ; Eric Acquaviva,Paola Atzori, Sara Bahadori, Anita Beggiato, Alexandre Hubert, Anna Maruani, Hugo Peyre, Emmanuelle Peyret, Benjamin Pitrat,Eva Stantiford, Coline Stordeur, Valérie Vantalon, pédopsychiatres à l’hôpital Robert-Debré ; Martine Renaud, Marie Louguet, cadre supérieur de santé et infirmière à l’hôpital Robert-Debré.
Le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré coordonne les activités du nouveau Centre d’excellence des troubles du spectre autistique et neurodéveloppementaux (InovAND).
Voir aussi:
https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/04/13/13175/
https://jeansantepolitiqueenvironnement.wordpress.com/2021/03/30/11881/